Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20210617


Dossier : IMM‑339‑20

Référence : 2021 CF 626

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 17 juin 2021

En présence de monsieur le juge Bell

ENTRE :

MANPREET KAUR

demanderesse

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Prononcés à l’audience à Vancouver, en Colombie‑Britannique, le 9 juin 2021. La syntaxe et la grammaire ont été corrigées, et des renvois à la jurisprudence ont été ajoutés.)

[1] Madame Manpreet Kaur, une citoyenne indienne de 27 ans, a présenté une demande de permis de travail dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Un agent des visas au Haut‑commissariat du Canada en Inde a rejeté sa demande le 7 janvier 2020. L’agent a conclu que Mme Kaur ne remplissait pas les exigences linguistiques requises pour le poste, soit celui de gardienne d’enfants dans une maison privée.

[2] Madame Kaur sollicite le contrôle judiciaire de la décision de l’agent des visas sur le fondement du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

[3] Dans ses observations écrites, Mme Kaur soulève des questions d’équité procédurale et met en doute le caractère raisonnable de la décision.

[4] En ce qui concerne l’équité procédurale, bien ce point n’ait pas été expressément adressé à l’audience, Mme Kaur soutient que l’agent des visas aurait dû communiquer directement avec elle pour discuter des préoccupations qu’il avait au sujet de la demande. Je ne suis pas convaincu que les circonstances de l’espèce imposent une telle obligation à l’agent des visas. Je rejette donc l’argument selon lequel l’agent des visas n’a pas respecté les exigences en matière d’équité procédurale.

[5] Mon examen de la décision dans son ensemble m’amène à souscrire à l’avis de Mme Kaur selon lequel la décision ne satisfait pas au test du caractère raisonnable énoncé dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65. Madame Kaur s’appuie également sur la décision Chhetri c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 872.

[6] Premièrement, je souligne que l’agent des visas, comme il est en droit de le faire, a d’abord examiné les notes d’un autre agent des visas. Or, ce premier agent des visas qui a examiné la demande de Mme Kaur l’a rejetée pour des motifs autres que les compétences linguistiques. Le deuxième agent des visas s’est appuyé, par renvoi aux notes du premier agent des visas, sur les réponses aux questions posées à Mme Kaur lors d’une entrevue antérieure pour conclure qu’elle ne maîtrisait pas suffisamment l’anglais. L’avocate du défendeur a ouvertement admis, lors de l’audience, que les notes du premier agent des visas ne sont justement rien d’autre que des notes. Il n’y a aucune transcription textuelle de la discussion qui a eu lieu entre le premier agent des visas et Mme Kaur. Le deuxième agent des visas n’était donc pas en mesure d’évaluer avec certitude la qualité des réponses fournies par Mme Kaur. Il importe de souligner que le premier agent des visas a dû juger que les réponses étaient convenables puisqu’il n’a pas rejeté la demande pour des motifs de compétences linguistiques.

[7] Deuxièmement, en ce qui concerne l’appréciation du caractère raisonnable, j’ai lu attentivement les notes et les résumés des questions. Je dois admettre qu’il y a au moins une question que je ne saisis pas. La réponse de Mme Kaur à la question que j’ai du mal à comprendre est justement celle sur laquelle l’agent des visas s’est appuyé pour rejeter la demande. Si je n’ai pas saisi la question, je me demande alors, candidement, comment Mme Kaur aurait pu la comprendre et y répondre de manière convenable. La raison pour laquelle je n’ai pas compris la question est peut‑être attribuable à la manière dont le premier agent des visas a pris ses notes. Quoi qu’il en soit, si tel est le cas, cela démontre clairement qu’il n’était pas raisonnable pour le deuxième agent des visas de s’appuyer sur ces notes pour apprécier les compétences linguistiques.

[8] Troisièmement, en ce qui concerne l’appréciation du caractère raisonnable, je tiens à faire remarquer que la note cumulative de Mme Kaur à son test d’anglais s’élève à 5,5. Le minimum requis pour le poste en l’espèce est de 5,0. J’en conviens que c’est à l’agent que revient la tâche de décider, en définitive, si la personne est suffisamment compétente en anglais. Cependant, lorsque, comme dans le cas présent, le candidat remplit ou dépasse l’exigence linguistique minimale pour le poste, les motifs doivent indiquer très clairement pourquoi l’agent des visas estime que ce candidat ne possède pas les compétences voulues dans la langue en question. En l’espèce, les motifs de l’agent sont insuffisants.

[9] Pour ces motifs, je conclus que la décision ne satisfait pas au test du caractère raisonnable. J’accueillerai la demande de contrôle judiciaire et je renverrai l’affaire à un autre agent des visas pour qu’il rende une nouvelle décision.

[10] J’ai demandé aux parties si elles souhaitaient proposer une question aux fins de certification. Aucune ne l’a fait. Dans ces circonstances, aucune question ne sera certifiée aux fins d’un examen par la Cour d’appel fédérale.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑339‑20

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvelle décision. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un examen par la Cour d’appel fédérale.

« B. Richard Bell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

IMM‑339‑20

 

INTITULÉ :

MANPREET KAUR c LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 JUIN 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BELL

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 17 JUIN 2021

COMPARUTIONS :

Malvin J. Harding

POUR LA DEMANDERESSE

Erica Louie

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Malvin J. Harding

Avocats

Surrey (Colombie‑Britannique)

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.