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Date : 20210617


Dossier : IMM-4020-20

Référence : 2021 CF 628

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 17 juin 2021

En présence de monsieur le juge Bell

ENTRE :

ARDESHIR HAMEDANI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Prononcés à l’audience à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 14 juin 2021. La syntaxe et la grammaire ont été corrigées et des renvois à la jurisprudence ont été incorporés.)

[1] Le demandeur, M. Hamedani, est un citoyen iranien âgé de 24 ans. Il habitait en Malaisie grâce à une carte d’étudiant. Le 23 janvier 2020, il a demandé un permis d’études afin d’étudier la commercialisation internationale de la mode au sein de l’établissement Blanche MacDonald à Vancouver, en Colombie‑Britannique. Le haut‑commissariat du Canada à Singapour a rejeté sa demande le 2 mars 2020.

[2] Le 6 mai 2020, M. Hamedani a présenté une seconde demande afin de répondre aux préoccupations énoncées par l’agent dans le précédent refus. Un agent des visas du haut‑commissariat a rejeté cette demande le 24 août 2020. Ce rejet fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

[3] Le demandeur a terminé ses études secondaires et possède un diplôme avancé en design de mode ainsi qu’un baccalauréat en design de mode pour femmes. Il a effectué l’ensemble de sa scolarité en Malaisie. Il a aussi fait un stage auprès de l’entreprise Biji Bjiji Ethical Fashion (Biji) en Malaisie.

[4] M. Hamedani dispose présentement d’une offre d’emploi chez Biji, laquelle est conditionnelle à l’obtention d’un certificat en commercialisation de la mode. Il soutient que le fait de suivre le programme de commercialisation internationale de la mode à l’établissement Blanche MacDonald lui permettrait de satisfaire aux conditions énoncées dans l’offre d’emploi.

[5] M. Hamedani a reçu une lettre d’admission et a payé 7400 $ CAN en frais de scolarité à l’établissement Blanche Macdonald. Ses parents, qui vivent en Iran, ainsi qu’une tante qui réside aux Pays-Bas, ont promis de soutenir financièrement les études de M. Hamedani au Canada.

[6] Au moment de rejeter la demande de M. Hamedani, l’agent a notamment conclu que celui‑ci ne quitterait pas le Canada une fois son séjour terminé et que les études proposées étaient déraisonnables compte tenu de ses compétences et de ses études antérieures. L’agent était également préoccupé quant à la capacité de M. Hamedani à réussir le programme.

[7] L’alinéa 216(1)b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 est pertinent et se lit comme suit :

216 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), l’agent délivre un permis d’études à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

216 (1) Subject to subsections (2) and (3), an officer shall issue a study permit to a foreign national if, following an examination, it is established that the foreign national

[…]

. . .

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour qui lui est applicable au titre de la section 2 de la partie 9;

(b) will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2 of Part 9;

[8] M. Hamedani soulève plusieurs questions litigieuses. Je suis convaincu que la présente demande peut être tranchée en évaluant si la décision de l’agent était raisonnable dans les circonstances et conforme à la jurisprudence énoncée dans les arrêts Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, et Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190.

[9] Dans mon appréciation du caractère raisonnable de la décision, je signalerais d’abord que l’agent des visas s’est dit préoccupé par le fait que Biji n’ait pas demandé de laissez-passer ou de permis de travail pour M. Hamedani après que celui‑ci ait obtenu son diplôme en design de mode en Malaisie. Si l’agent avait étudié les documents dans leur ensemble, il aurait trouvé réponse à sa question. La lettre d’offre de Biji énonce clairement que l’offre d’emploi adressée à M. Hamedani est conditionnelle à l’obtention d’un certificat en commercialisation de la mode.

[10] Deuxièmement, l’agent soulève des préoccupations quant à la raison pour laquelle M. Hamedani n’a pas cherché à étudier en Iran, son pays natal, aux Pays‑Bas, où sa tante réside, ou ailleurs en Colombie‑Britannique continentale, y compris à Vancouver et à New Westminster. À mon avis, bien qu’il ne soit pas déraisonnable pour un agent des visas d’examiner la disponibilité de programmes similaires offerts ailleurs et à moindres coûts, l’agent a déraisonnablement conclu que rien n’indiquait pourquoi M. Hamedani n’a pas décidé d’étudier ailleurs. Le plan d’études de M. Hamedani contient une section intitulée [traduction] « Raison pour laquelle je ne suis pas un programme similaire dans mon pays de résidence », dans laquelle il indique ce qui suit : [traduction] « Le fait d’étudier à l’établissement Blanche Macdonald me permet de terminer le cours à l’intérieur d’une année puis de retourner à Kuala Lumpur pour commencer à travailler. Cela me permettra non seulement d’économiser beaucoup de temps, mais également d’obtenir mon certificat d’un collège réputé au Canada. »

[11] Je souscris à l’opinion de M. Hamedani selon laquelle une formation terminée en une année, même si elle coûte plus cher, peut engendrer des économies considérables si cela lui permet d’entrer plus rapidement sur le marché du travail. Néanmoins, mon opinion à cet égard n’est pas pertinente. L’important dans le cadre du contrôle judiciaire est d’établir si l’analyse est justifiée, transparente et intelligible. À cet égard, l’agent a ignoré la preuve présentée par M. Hamedani dans sa demande. Là encore, l’agent des visas aurait trouvé réponse à sa préoccupation s’il avait pleinement examiné ces documents.

[12] L’agent a exprimé des préoccupations quant à la volonté de M. Hamedani de quitter le Canada à la fin de ses études. Il a estimé que les études proposées constituaient simplement un prétexte pour entrer au Canada. Je suis d’avis que cet aspect de la décision manque d’intelligibilité et ce, pour les motifs suivants : 1) M. Hamedani énonce dans son plan d’études que son objectif professionnel à long terme est de retourner en Iran, son pays d’origine, après avoir terminé ses études au Canada et acquis de l’expérience de travail en Malaisie; 2) Il dispose d’une offre d’emploi en Malaisie, qui est conditionnelle à ce qu’il termine le programme de l’établissement Blanche Macdonald; 3) Il n’a pas de famille immédiate ou élargie au Canada, ce qui pourrait constituer un « facteur d’attraction » pouvant l’inciter à rester au pays, que ce soit légalement ou non; 4) L’agent des visas propose d’autres programmes au Canada à la place du programme offert à l’établissement Blanche Macdonald. Je me demande, à des fins rhétoriques, comment l’agent a‑t‑il pu proposer ces programmes en guise de solutions raisonnables s’il était sérieusement préoccupé par le risque que M. Hamedani demeure illégalement au Canada?

[13] Finalement, l’agent s’est dit préoccupé par la capacité de M. Hamedani à terminer le programme avec succès. Cette conclusion n’est pas justifiée ni intelligible. L’établissement Blanche Macdonald avait confiance que M. Hamedani serait en mesure de terminer le programme. Autrement, il ne l’aurait pas admis. Le fait qu’il a déjà obtenu un diplôme de niveau avancé ainsi qu’un baccalauréat en design de mode fait foi de sa capacité à poursuivre des études. D’un point de vue académique, rien n’indique que M. Hamedani serait incapable de réussir le programme.

[14] Bien que j’aie relevé quatre aspects de la décision qui m’apparaissent troublants, je ne considère pas que ma démarche constitue une au trésor à la recherche d’une erreur. Je conclus que les quatre éléments que j’ai identifiés, pris dans leur ensemble, et, franchement, même individuellement, établissent un manque de justification, de transparence et d’intelligibilité dans le processus décisionnel. L’agent n’a pas tenu compte de la preuve dont il disposait.

[15] Par conséquent, j’accueille la demande de contrôle judiciaire et je renvoie l’affaire à un autre agent des visas pour qu’il rende une nouvelle décision.

[16] Aucune des parties ne propose de question à certifier pour examen par la Cour d’appel fédérale. Je suis d’avis qu’il n’y en a aucune qui découle du dossier.

[17] M. Hamedani présente une requête en vue d’obtenir des dépens conjointement à la présente demande de contrôle judiciaire. L’article 22 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22, prévoit que la demande de contrôle judiciaire en matière d’immigration ne donne pas lieu à des dépens sauf en présence de raisons spéciales. Le critère permettant d’établir l’existence de raisons spéciales est rigoureux et doit être évalué dans le contexte des circonstances propres à chaque affaire. La Cour a conclu qu’il existe des raisons spéciales lorsque, par exemple, une partie a inutilement ou de façon déraisonnable prolongé l’instance ou a agi d’une manière qualifiée d’inéquitable, d’oppressive, d’inappropriée ou de mauvaise foi (Taghiyeva c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1262, aux para 16-23; et Garcia Balarezo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 841, au para 48). Je ne suis pas convaincu qu’il convient d’accorder des dépens dans les circonstances. Les erreurs signalées ne constituent pas des circonstances spéciales qui justifieraient l’adjudication de dépens.


JUGEMENT dans le dossier IMM-4020-20

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l’affaire soit renvoyée à un autre agent des visas pour qu’il rende une nouvelle décision. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« B. Richard Bell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

IMM-4020-20

 

INTITULÉ :

ARDESHIR HAMEDANI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 JUIN 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BELL

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 17 JUIN 2021

COMPARUTIONS :

Samin Mortazavi

POUR LE DEMANDEUR

Brett J. Nash

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pax Law Corporation

Avocats

Vancouver Nord (Colombie‑Britannique)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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