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Date : 20040401

Dossier : IMM-5049-03

Référence : 2004 CF 492

Toronto (Ontario), le 1er avril 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGEMACTAVISH                                    

ENTRE :

                                                        EDIT FELICIA VALOCZKI

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Edit Valoczki est une citoyenne de la Hongrie, âgée de 30 ans. Huit mois après son arrivée au Canada, Mme Valoczki a demandé le statut de réfugiée. Elle dit craindre de rentrer en Hongrie parce que son ex-conjoint de fait l'a attaquée à plusieurs reprises après avoir appris qu'elle avait entamé une relation avec une autre femme. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande de Mme Valoczki, concluant que la demanderesse n'avait pas de crainte fondée de persécution pour un motif visé par la Convention, et qu'elle n'était pas une personne à protéger. Mme Valoczki demande maintenant l'annulation de cette décision et affirme que les conclusions de la Commission sur les questions de la protection de l'État et de la crédibilité sont manifestement déraisonnables.

Historique

[2]                Après avoir vécu pendant quatre ans une union de fait violente, Mme Valoczki s'est séparée de son conjoint en 1993. Elle dit que ses difficultés avec son ex-conjoint ont débuté en 1995, après qu'elle eut entamé une relation avec une personne du même sexe. Selon Mme Valoczki, son ex-conjoint les a agressées, elle et sa compagne, le 21 août 1998. Son ex-conjoint était ivre et a menacé de tuer Mme Valoczki parce qu'elle était « devenue lesbienne » . À plusieurs occasions, des amis de son ex-conjoint ont menacé de violer Mme Valoczki et sa nouvelle compagne. Ces individus ont également tué le chat de Mme Valoczki.

[3]                Mme Valoczki prétend que le 10 septembre 1999, son ex-conjoint a tenté de la violer alors qu'elle rentrait à la maison après le travail. Le même jour, sa nouvelle compagne a été battue par les amis de son ex-conjoint. La demanderesse dit que ce genre de comportement s'est poursuivi pendant toute l'année 2000.

[4]                Mme Valoczki a quitté la Hongrie et est arrivée au Canada le 14 mars 2001. Elle a fait sa demande de statut de réfugiée le 27 novembre 2001. Mme Valoczki affirme que sa crainte résulte des actes des son ex-conjoint, qui, selon elle, étaient motivés par le fait qu'elle est lesbienne.

La décision de la Commission

[5]                La Commission, notant que Mme Valoczki n'avait jamais rapporté les gestes de son ex-conjoint à la police, a conclu que Mme Valoczki aurait pu obtenir la protection de l'État en Hongrie. La Commission a conclu que le gouvernement hongrois a fait des efforts sérieux pour offrir une protection aux gais et aux lesbiennes, et qu'il continue à tenter d'améliorer le niveau de protection disponible. Des organismes non gouvernementaux fournissent également un soutien aux gais et aux lesbiennes.

[6]                La Commission renvoie à l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Villafranca (1992), 18 Imm. L.R. (2d) 130, et conclut que bien que les efforts de l'État hongrois n'aient pas toujours été couronnés de succès, ce dernier offre quand même un niveau de protection adéquat aux gais et aux lesbiennes.


[7]                La Commission a également examiné la question de la protection de l'État relativement aux femmes victimes de violence, et a encore une fois conclu qu'une protection adéquate s'offrait à Mme Valoczki dans son pays d'origine. Par conséquent, la Commission a conclu qu'il n'était pas nécessaire d'offrir une protection auxiliaire à Mme Valoczki au Canada.

[8]                La Commission a conclu que Mme Valoczki n'était pas une lesbienne. De plus, notant que Mme Valoczki ne vivait plus une relation avec une personne de même sexe, la Commission a dit qu'elle ne s'exposait plus à un risque face à son ex-conjoint si elle rentrait en Hongrie.

[9]                La Commission a tenu compte du moment du départ de Mme Valoczki de la Hongrie. La Commission a constaté que le dernier incident violent impliquant son ex-conjoint à être mentionné de façon précise dans le Formulaire de renseignements personnels de Mme Valoczki est censé s'être produit le 10 septembre 1999. Mme Valoczki n'a quitté le pays qu'en mars 2001. À l'audience, lorsqu'on lui a demandé d'expliquer pourquoi elle a attendu aussi longtemps avant de partir, Mme Valoczki a témoigné qu'elle avait été victime d'une agression extrêmement violente aux mains de son ex-conjoint seulement quatre jours avant son départ de la Hongrie, et que c'est cette agression qui a été l'élément déclencheur qui a mené à son départ. Étant donné l'importance de cet incident, et vu qu'il n'est pas mentionné dans le FRP de Mme Valoczki, la Commission a conclu que « [...] l'ajout à la dernière minute de cette agression présumée est un embellissement destiné à combler un très long vide dans l'enchaînement des incidents violents [...] » .

[10]            La Commission a également rejeté comme improbables les versions données par Mme Valoczki pour expliquer la période de huit mois qui a précédé le dépôt de sa demande de statut de réfugiée après son arrivée au Canada.

[11]            Par conséquent, la Commission a conclu que Mme Valoczki n'était ni une réfugiée au sens de la Convention, ni une personne à protéger, et a donc rejeté sa demande.

Question en litige

[12]            Les conclusions de la Commission sur la question de la protection de l'État et sur la crédibilité sont-elles manifestement déraisonnables?

Analyse

[13]            D'abord, en ce qui concerne la question de la protection de l'État, je suis convaincue qu'il n'y a pas lieu de modifier la conclusion de la Commission selon laquelle une protection adéquate est offerte par l'État en Hongrie aux femmes victimes de violence ainsi qu'aux gais et aux lesbiennes.


[14]            La Commission n'a aucunement l'obligation de mentionner chacun des documents déposés en preuve, et l'omission par la Commission de mentionner un document en particulier ne signifie pas qu'elle n'en a pas tenu compte : voir les arrêts Woolaston c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1973] R.C.S. 102, et Hassan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 147 N.R. 317.

[15]            Dans la présente affaire, la Commission a noté qu'on lui a présenté certains éléments de preuve qui montrent que les efforts de la Hongrie pour offrir la protection aux femmes victimes de violence, aux gais et aux lesbiennes n'ont pas toujours été couronnés de succès, mais a conclu que la plus grande partie de la preuve documentaire démontre qu'une protection adéquate de l'État est bel et bien disponible. Il n'appartient pas à la Cour de réévaluer la preuve qui a été présentée à la Commission sur la question de la disponibilité de la protection de l'État. Je ne vois aucune raison de toucher à la conclusion de la Commission selon laquelle il n'existait aucun fondement objectif à la crainte subjective de persécution que prétendait avoir Mme Valoczki.


[16]            En ce qui concerne les conclusions de la Commission sur la crédibilité, l'expertise de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié est bien établie lorsqu'il s'agit de trancher des questions de fait, y compris d'évaluer la crédibilité des demandeurs d'asile. En effet, de telles décisions sont au coeur même de la compétence de la Commission. À titre de juge des faits, la Commission a le droit de tirer des conclusions raisonnables sur la crédibilité du récit d'un demandeur, en se fondant sur des improbabilités, le bon sens et la raison. Par conséquent, avant que la Cour n'annule une conclusion de fait tirée par la Commission, il doit être démontré que cette conclusion est manifestement déraisonnable. Voir les arrêts Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, au paragraphe 40, et Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.).

[17]            Dans la présente affaire, le moins qu'on puisse dire est que le témoignage de Mme Valoczki concernant son orientation sexuelle était empreint d'incompatibilités et portait à confusion. Ayant examiné la transcription, je suis convaincue que, même si la conclusion de la Commission selon laquelle Mme Valoczki n'était pas lesbienne était probablement correcte sur le plan technique, la Commission n'a pas tenu compte de la possibilité très réelle que Mme Valoczki soit bisexuelle. Toutefois, étant donné les conclusions de la Commission sur la question de la protection de l'État, je suis convaincue que cette erreur n'a pas eu d'incidence sur le résultat final de l'affaire.

[18]            Je suis également convaincue que la conclusion de la Commission selon laquelle l'allégation de crainte de Mme Valoczki face à son ex-conjoint est minée par le fait qu'elle a mis autant de temps à quitter la Hongrie et à déposer sa demande de statut de réfugiée une fois arrivée au Canada est raisonnable et ne doit pas être modifiée. Je suis également convaincue que le rejet par la Commission du témoignage de Mme Valoczki concernant la prétendue agression du 9 mars 2001 est tout à fait raisonnable.

[19]            Pour ces motifs, je conclus que Mme Valoczki n'a pas réussi à établir que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle. Par conséquent, la présente demande est rejetée.


Certification

[20]            Ni l'une ni l'autre des parties n'a soulevé de question pour certification et, par conséquent, aucune question ne sera certifiée.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

                                                                                                                                  « A. Mactavish »          

                                                                                                                                                     Juge                    

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.

                                                                             


COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                      IMM-5049-03

INTITULÉ :                                                    EDIT FELICIA VALOCZKI

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                           

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 31 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :                                   LE 1ER AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

Peter G. Ivanyi POUR LA DEMANDERESSE

Marcel Larouche                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rochon Genova                                                 POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


                         COUR FÉDÉRALE

                                                         Date : 20040401

                                            Dossier : IMM-5049-03

ENTRE :

EDIT FELICIA VALOCZKI

                                                            demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                   défendeur

                                         

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


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