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Date : 20210615


Dossier : IMM‑1254‑20

Référence : 2021 CF 605

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 15 juin 2021

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

ZOLTANNE BALOG

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Mme Zoltanne Balog, une citoyenne hongroise, sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 22 janvier 2020 (la décision) par laquelle un agent d’immigration supérieur a rejeté sa demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR). Mme Balog a quitté la Hongrie parce qu’elle craignait que son ethnicité rom ne l’expose à une discrimination grave dans plusieurs aspects de sa vie. L’agent d’ERAR a reconnu que les traitements discriminatoires étaient répandus en Hongrie, mais a conclu que la discrimination à laquelle fait face Mme Balog n’équivaut pas à de la persécution et qu’elle ne serait pas exposée à un risque d’être soumise à la torture ou à un préjudice grave si elle était renvoyée en Hongrie.

[2] Mme Balog se présente devant la Cour alors qu’elle a omis de se conformer à une mesure de renvoi valide, et malgré la décision de notre Cour de rejeter sa requête en sursis au renvoi. J’ai examiné les arguments des parties concernant les facteurs à considérer pour décider si la présente demande devrait être rejetée pour cause d’inconduite grave de Mme Balog.

[3] L’un des facteurs énoncés dans la jurisprudence est la solidité du dossier du demandeur. En l’espèce, ce facteur doit être soupesé avec beaucoup de prudence, car la décision faisant l’objet du contrôle est la seule qui a été rendue à l’égard du risque auquel Mme Balog prétend qu’elle sera exposée si elle devait retourner en Hongrie. J’ai examiné chacun des arguments par lesquels elle conteste la décision et conclus que l’agent d’ERAR a mené un examen détaillé des allégations de discrimination avancées par Mme Balog. La décision explique les motifs du refus de sa demande d’ERAR de manière exhaustive et intelligible. Je conclus que le refus est justifié et que le dossier de Mme Balog n’est pas solide.

[4] Cette conclusion, couplée à la nature de l’inconduite, à la nécessité de dissuader d’autres personnes d’adopter une conduite semblable et au lien direct entre l’inconduite et le processus d’ERAR m’amène à conclure que la demande de Mme Balog doit être rejetée.

I. Aperçu

[5] Mme Balog est arrivée pour la première fois au Canada en provenance de la Hongrie le 12 novembre 2011 et a présenté une demande d’asile fondée sur le traitement discriminatoire auquel elle faisait face en raison de son ethnicité rom.

[6] Mme Balog a retiré sa demande d’asile en novembre 2012 et est retournée en Hongrie en janvier 2013 pour s’occuper de sa mère. Cette dernière est décédée en janvier 2014 et Mme Balog est revenue au Canada deux ans plus tard.

[7] Au début de 2016, Mme Balog a présenté sa demande d’ERAR et complété la demande initiale par des observations supplémentaires en mars et décembre 2016. La demande d’ERAR a été rejetée en janvier 2020 dans la décision qui fait l’objet du présent contrôle.

[8] Mme Balog a reçu pour instruction de se présenter en vue de son renvoi vers la Hongrie le 12 mars 2020. Au début mars, elle a déposé devant la Cour une requête en sursis de l’ordonnance de renvoi. Le 11 mars 2020, mon collègue le juge Mosley a rejeté la requête; Mme Balog ne s’est toutefois pas présentée à la date prévue du renvoi.

II. Décision faisant l’objet du contrôle

[9] L’agent d’ERAR a examiné la preuve de Mme Balog concernant la discrimination qu’elle avait subie en Hongrie en matière de soins de santé, d’emploi, d’aide sociale, d’éducation et de logement. Durant l’examen, il a pris acte de la preuve objective sur la Hongrie qui évoque uniformément la discrimination à laquelle se heurte la population rom dans plusieurs domaines. L’agent a ensuite déclaré qu’il incombait à Mme Balog d’établir que les traitements préjudiciables qu’elle avait subis constituaient une persécution et non une discrimination.

[10] En ce qui concerne les soins de santé, l’agent a déclaré que la déposition même de Mme Balog confirmait qu’elle pouvait obtenir des soins de santé, notamment psychiatriques, en Hongrie. Sa demande d’ERAR comprenait un rapport de 2015 du service de psychiatrie du centre de santé Miskolc, indiquant qu’elle avait reçu des soins psychiatriques dès 2008, s’était présentée à un rendez‑vous de suivi en 2013, avait obtenu des médicaments sous ordonnance en lien avec son rendez‑vous de 2015 et qu’elle détenait une carte d’assurance‑maladie. L’agent a également déclaré que Mme Balog n’avait fourni aucune preuve de discrimination que lui aurait fait subir des travailleurs de la santé en raison de son ethnicité rom.

[11] L’agent d’ERAR a ensuite abordé les allégations de Mme Balog concernant le domaine de l’emploi et conclu qu’elle n’avait pas établi que les problèmes qu’elle avait rencontrés en la matière étaient liés au fait qu’elle était Rom. Mme Balog avait trouvé un emploi temporaire grâce auquel elle avait pu recevoir une aide sociale et des soins de santé.

[12] Pour ce qui est du logement, l’agent a déclaré que les éléments de preuve fournis par Mme Balog étaient insuffisants pour appuyer l’allégation selon laquelle elle avait failli être expulsée de chez sa mère où elle vivait depuis son retour en Hongrie. Il en allait de même de sa crainte d’une future expulsion du domicile de sa fille à Miskolc.

[13] Enfin, l’agent a écarté les décisions de la Section d’appel des réfugiés concernant d’autres demandeurs d’asile hongrois d’ethnicité rom que Mme Balog avait invoquées dans le cadre de sa demande, au motif que chaque demande d’asile est tranchée en fonction des circonstances particulières du demandeur d’asile en cause.

[14] Compte tenu de l’ensemble de la preuve, des conclusions précédentes et de la présence d’organismes non gouvernementaux qui pouvaient l’aider à obtenir des services civils et sociaux, l’agent a conclu que Mme Balog n’avait pas établi davantage qu’une simple possibilité de persécution et qu’elle n’était pas une personne à protéger au sens de l’article 96 et du paragraphe 97(1) respectivement de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

III. Question préliminaire – Défaut de Mme Balog de se présenter en vue du renvoi

[15] Comme je l’ai déclaré précédemment, le renvoi de Mme Balog du Canada était prévu le 12 mars 2020. Le 6 mars précédent, elle a déposé une requête devant la Cour dans laquelle elle sollicitait un sursis à son renvoi en attendant que la présente demande de contrôle judiciaire soit tranchée. Sa demande a été refusée dans une ordonnance de la Cour datée du 11 mars 2020.

[16] Malgré la mesure de renvoi valide et le refus de la Cour de faire droit à sa requête en sursis, Mme Balog ne s’est pas présentée en vue du renvoi.

[17] Mme Balog admet que sa décision de ne pas se présenter atteste une inconduite grave et reconnaît qu’elle ne s’adresse pas sans reproches à la Cour. Elle a manqué de respect aux lois et aux processus canadiens de l’immigration ainsi qu’à l’ordonnance de notre Cour. Elle demande néanmoins à ce que j’examine le bien‑fondé de sa demande de contrôle judiciaire pour les raisons suivantes : elle n’est pas accusée d’avoir commis des actes criminels et n’a pas essuyé de condamnation au criminel; elle n’évite pas le renvoi depuis des années et n’a pas fait de fausses déclarations la concernant aux autorités canadiennes de l’immigration; elle est grand‑mère et vit au Canada depuis cinq ans sans problème; les arguments qu’elle fait valoir dans la présente demande sont solides.

[18] Les parties conviennent que la décision rendue par la Cour d’appel fédérale (CAF) dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Thanabalasingham, 2006 CAF 14 (arrêt Thanabalasingham), énonce les principes qui guideront mon examen de la demande de Mme Balog. Elles sont en désaccord quant à l’application des principes de cet arrêt à la conduite et à la situation de Mme Balog.

[19] La CAF a confirmé que les cours de révision peuvent rejeter une demande de contrôle judiciaire sans la juger au fond lorsque le demandeur est coupable d’inconduite. Une cour de révision peut en effet refuser d’accorder la réparation sollicitée même après avoir conclu à l’existence d’une erreur susceptible de contrôle dans la décision sous‑jacente. Notre Cour estime aussi que l’inconduite grave d’un demandeur peut en soi justifier le rejet de la demande (Wu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 779; Debnath c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 332 (Debnath)). Cependant, la CAF a souligné que l’exercice par une cour de révision de sa capacité à procéder ainsi doit mettre en balance ses fonctions concernant la sauvegarde de l’intégrité de la procédure judiciaire et administrative, la garantie de la légalité des décisions et des actions gouvernementales et la protection des droits fondamentaux du demandeur (arrêt Thanabalasingham, au para 10).

[20] Dans le même paragraphe, la CAF énonce les quatre facteurs que les cours de révision doivent prendre en compte pour parvenir à l’équilibre requis et trancher la question de savoir si une demande doit être rejetée pour cause d’inconduite :

  1. La gravité de l’inconduite et la mesure dans laquelle elle menace la procédure en cause;

  2. La nécessité d’une dissuasion à l’égard d’une conduite semblable;

  3. La nature de l’acte illégal et la solidité apparente du dossier du demandeur;

  4. L’importance des droits individuels concernés et les conséquences auxquelles se heurterait probablement le demandeur si la décision contestée était confirmée.

[21] L’un des facteurs de l’arrêt Thanabalasingham servant à déterminer si l’inconduite d’un demandeur justifie le rejet tient à la solidité apparente de son dossier. Par conséquent, je dois examiner le bien‑fondé des arguments de Mme Balog dans mon évaluation des observations du défendeur sur les « mains sales ». C’est sur cette question que je me pencherai à présent avant d’évaluer le reste des facteurs.

IV. Analyse du bien‑fondé de la demande de contrôle judiciaire de Mme Balog

[22] Mme Balog souligne l’importance de la décision qu’elle décrit comme la seule évaluation sur le fond de son allégation principale de risque en Hongrie. Je conviens qu’il s’agit d’une considération importante en l’espèce. La solidité des arguments par lesquels Mme Balog conteste la décision renvoie directement à l’obligation pour la Cour, énoncée par la CAF, d’examiner les droits fondamentaux du demandeur (voir, Surmanidze c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 1615, au para 19). Comme il s’agit d’une décision rendue à l’issue d’un ERAR, son incidence sur Mme Balog est également significative. Si la décision ne peut résister à un contrôle selon la norme du caractère raisonnable, les conséquences auxquelles l’exposerait un retour en Hongrie pourraient être graves.

[23] Mme Balog conteste un certain nombre de conclusions de l’agent d’ERAR et allègue qu’il n’a pas fait une évaluation cumulative de ses allégations de discrimination. Les parties conviennent que ces arguments mettent en doute le bien‑fondé de la décision et qu’ils doivent être soumis à la norme du caractère raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, aux para 10, 23).

[24] Mme Balog soutient également que l’agent d’ERAR a contrevenu à son droit à l’équité procédurale en tirant des conclusions voilées en matière de crédibilité sans ordonner la tenue d’une audience. Mme Balog fait valoir que la Cour doit contrôler le défaut de tenir une audience selon la norme de la décision correcte, mais je ne suis pas d’accord. La norme du caractère raisonnable s’applique à la décision de l’agent de tenir ou non une audience dans le cadre de son examen de la demande d’ERAR. L’agent prend cette décision au titre de l’alinéa 113b) de la LIPR et des facteurs énoncés à l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (Hare c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 763, aux para 11‑12, citant Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 940, au para 12).

[25] Mme Balog soutient en premier lieu que l’agent n’a pas fait d’évaluation cumulative de la discrimination à laquelle elle fait face en Hongrie. Elle ajoute qu’il a totalement omis de mentionner sa crainte de continuer à subir des violences conjugales aux mains de son ex‑époux. J’ai examiné les arguments de Mme Balog à la lumière de la décision et de ses observations relatives à l’ERAR et ne puis convenir que l’agent a commis une erreur susceptible de contrôle à l’un ou l’autre égard. L’ensemble de la décision indique que chaque discrimination alléguée a été examinée et que sa vulnérabilité à la persécution ou à de graves préjudices en Hongrie a fait l’objet d’une évaluation cumulative. L’agent a essentiellement entamé son analyse en confirmant qu’il avait examiné l’ensemble des observations de Mme Balog et que, dans l’ensemble, la preuve objective qu’elle avait fournie était insuffisante pour établir ses allégations et ses arguments. L’agent a alors passé en revue chacune des craintes qu’elle avançait et conclu l’analyse par une seconde évaluation générale, quoique succincte.

[26] Quant à l’observation de Mme Balog concernant les mauvais traitements qu’elle a subis aux mains de son époux, je conviens qu’elle a mentionné dans ses observations relatives à l’ERAR les voies de fait très graves qu’il lui a infligées en 2013. La difficulté que pose cette observation vient de ce qu’elle ne laissait pas entendre que son ex‑époux représentait un risque prospectif en Hongrie, et aucun élément n’atteste qu’elle a eu des contacts avec lui depuis 2013. Mme Balog n’exprime sa crainte de retourner en Hongrie qu’en termes de discrimination constante. Elle a soutenu devant moi que son identité rom signifie qu’elle est nécessairement exposée à un plus grand risque aux mains de son ex‑époux. Elle affirme que l’agent aurait dû, sans égard à ses observations relatives à l’ERAR, évaluer le risque que représentait son ex‑époux à la lumière du soutien insuffisant qu’elle recevrait en Hongrie. Cet argument, que Mme Balog n’a pas soumis à l’agent d’ERAR, ne peut pas non plus être déduit des observations qu’elle lui a soumises. Le fait que l’agent s’est concentré dans la décision sur la crainte de discrimination constante exprimée par Mme Balog ne donne lieu d’après moi à aucune erreur susceptible de contrôle.

[27] En deuxième lieu, Mme Balog soutient que l’agent a tiré des conclusions voilées en matière de crédibilité tout au long de la décision, mais j’estime que cette observation n’est tout simplement pas fondée. Mme Balog affirme que sa demande d’ERAR comporte 300 pages de preuve objective et que l’agent devait s’y attaquer. À mon avis, c’est ce qu’il a fait. Son examen de la preuve objective concernant le traitement des Roms en Hongrie est mesuré et impartial, tout comme son évaluation de la preuve propre à Mme Balog.

[28] Mme Balog conteste aussi sur la déclaration de l’agent selon laquelle sa crainte d’être expulsée de chez sa fille était conjecturale. Elle soutient que cette déclaration doit être une conclusion en matière de crédibilité. Je ne suis pas d’accord. Mme Balog n’a fourni aucune preuve d’une éviction imminente ou de menace en ce sens. Sa déclaration selon laquelle un tel événement pourrait survenir était conjecturale en l’absence d’un fondement probatoire.

[29] En troisième lieu, Mme Balog fait valoir dans ses arguments écrits que l’agent n’a pas consulté de sources d’information mises à jour, et que cette omission constituait une erreur susceptible de contrôle en raison du long délai écoulé entre sa demande et la date de la décision. Mme Balog reconnaît à présent que la décision atteste que l’agent a tenu compte des renseignements récents issus du cartable national de documentation (CND) de septembre 2019 pour la Hongrie. Cependant, elle continue de soutenir que son examen était sélectif (Magonza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 14, aux para 91‑93) et qu’il a eu tort de lui reprocher de ne pas avoir mis à jour les renseignements contenus dans sa demande d’ERAR.

[30] J’estime que l’examen par l’agent des renseignements contenus dans le CND était équilibré. Il a évoqué la discrimination importante dont sont victimes les Roms en Hongrie et a évalué de manière approfondie les expériences personnelles vécues par Mme Balog par rapport aux renseignements documentaires. Il lui était loisible de conclure que la discrimination subie par Mme Balog en Hongrie n’équivalait et n’équivaudrait pas à de la persécution. J’estime également que l’agent n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle lorsqu’il a relevé l’absence de renseignements à jour concernant la crainte qu’avait sa fille d’être expulsée de son domicile hongrois. Si Mme Balog souhaitait mettre à jour ses renseignements, y compris ceux ayant trait au départ subséquent de sa fille pour le Canada, il lui était loisible de le faire pour renforcer son argument.

[31] Enfin, et en bref, Mme Balog soutient que l’agent a mené une analyse lacunaire de la protection de l’État, argument qu’elle fonde sur la référence à de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) qui offrent à la collectivité rom des services sociaux et d’aide en matière d’accès. À mon avis, la brève mention par l’agent des ONG ne témoignait nullement d’une tentative inadéquate d’entreprendre une analyse sur la protection de l’État. Je note aussi qu’après avoir conclu que Mme Balog ne serait pas persécutée ni exposée à un risque de préjudice grave si elle retournait en Hongrie, l’agent n’était pas tenu d’évaluer l’existence ou l’efficacité de la protection de l’État.

[32] En résumé, je conclus que la demande de contrôle judiciaire de Mme Balog n’est pas solide et que cette dernière n’aurait pas gain de cause sur le fond.

V. Retour sur la question des « mains sales » de Mme Balog

[33] Je reviens aux observations des parties concernant les autres facteurs de l’arrêt Thanabalasingham.

[34] Dans la décision Debnath, la Cour a examiné la gravité de l’inconduite d’un demandeur (para 25) :

[25] À mon avis, il est évident que, dans ces circonstances, la conduite des demandeurs qui se présentent devant la Cour n’est pas sans reproche. Malgré une ordonnance d’expulsion valide et le rejet de leur requête en sursis, les demandeurs ont omis de se présenter pour leur renvoi et se sont cachés afin d’éviter leur renvoi. Cette inconduite était très grave et compromettait le processus de renvoi valide et montre un mépris à l’égard d’une décision de la Cour. Les demandeurs ont aussi profité de cette conduite, puisqu’ils n’étaient pas autorisés à présenter une demande d’ERAR parce qu’il s’était écoulé moins de 12 mois depuis le rejet de leur demande d’asile, […].

[35] Comme le reconnaît Mme Balog, son défaut de se présenter en vue du renvoi atteste une grave inconduite qui a non seulement ébranlé un processus de renvoi valide, mais aussi fait fi d’une décision de notre Cour. La nécessité de dissuader d’autres d’adopter une conduite semblable est claire. Par ailleurs, la conduite de Mme Balog est directement liée à l’objet de la présente instance, car la question de son renvoi et celle dont était saisi l’agent d’ERAR sont toutes deux axées sur ses allégations de persécution et de préjudice en Hongrie (Nsungani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1172, au para 13). Tous ces facteurs militent pour le rejet de la présente demande.

[36] Qu’en est‑il alors des autres facteurs de l’arrêt Thanabalasingham? Je conviens avec Mme Balog que le quatrième facteur est fortement favorable à sa position, car le refus de sa demande d’ERAR a une grave incidence sur elle. La décision de l’agent autorise son renvoi en Hongrie où elle prétend avoir été victime de discrimination et de persécution. Cependant, les conséquences potentielles d’un retour en Hongrie doivent être soupesées par rapport à ma conclusion portant que les arguments avancés par Mme Balog pour contester la décision ne sont pas solides et que la décision évalue raisonnablement le risque qu’elle soit de nouveau victime de discrimination et persécutée en Hongrie.

[37] Dans les observations qu’elle a soumises en réplique dans le cadre de la présente demande, Mme Balog affirme que la pandémie mondiale de COVID‑19 faisait rage au moment de son renvoi. Elle soutient que [traduction] « la nature extraordinaire de l’actuelle crise sanitaire internationale devrait être prise en compte au moment d’examiner la nature de l’inconduite dont elle a fait preuve lorsqu’elle a décidé de ne pas quitter le Canada ».

[38] Je n’accorde aucun poids à cette observation, attendu que Mme Balog n’a soulevé aucune question entourant la pandémie dans sa requête en sursis instruite le 11 mars 2020, et qu’aucune restriction de voyage domestique ou internationale n’avait alors été mise en place. Il s’ensuit que la décision de Mme Balog de ne pas se présenter en vue de son renvoi le lendemain, c’est‑à‑dire le 12 mars 2020, n’avait sans doute rien à voir avec la pandémie de COVID‑19.

[39] J’ai examiné chacun des facteurs énoncés par la CAF dans l’arrêt Thanabalasingham ainsi que dans les observations et la preuve de Mme Balog. Je conclus que la présente demande peut être et sera rejetée en raison de son inconduite grave. Pour parvenir à cette conclusion, j’ai attentivement examiné les observations de Mme Balog contestant le bien‑fondé de la décision afin de veiller au respect de son droit fondamental de rechercher une protection contre la persécution et les préjudices graves.

[40] Aucune question de certification n’a été proposée par les parties et aucune ne se pose en l’espèce.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM‑1254‑20

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Elizabeth Walker »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

IMM‑1254‑20

 

INTITULÉ :

ZOLTANNE BALOG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 31 MAI 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE WALKER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 15 JUIN 2021

 

COMPARUTIONS :

Cemone Morlese

 

pour la demanderesse

 

Nicole Rahaman

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Grice & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

pour le défendeur

 

 

 

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