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Date : 20041124

Dossier : IMM-2547-04

Référence : 2004 CF 1648

Montréal (Québec), le 24 novembre 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE JOHANNE GAUTHIER

ENTRE :

ALI REZA MONEMI

demandeur

et

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                M. Monemi sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle l'agente a rejeté sa demande de dispense visant la présentation de sa demande de résidence permanente de l'intérieur du Canada sur le fondement de circonstances d'ordre humanitaire.


[2]                Il prétend que l'agente, qui a en outre apprécié et rejeté sa demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR), a enfreint son obligation d'agir avec équité lorsqu'elle a omis de lui donner la possibilité de faire des commentaires sur sa décision rendue à l'égard de l'ERAR avant de trancher sa demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire. Les décisions rendues à l'égard des deux demandes sont datées du 11 février 2004 et elles lui ont été remises en mains propres le 4 mars 2004.

[3]                M. Monemi prétend en outre qu'il existait une crainte raisonnable de partialité parce que :

i)                     les risques allégués dans sa demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire étaient essentiellement les mêmes que ceux allégués dans sa demande d'ERAR et ces risques étaient une partie essentielle des motifs sur lesquels il appuyait sa demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire;

ii)                    l'agente, lorsqu'elle a tranché sa demande d'ERAR, a tiré des conclusions quant à la crédibilité qui avaient des conséquences directes sur l'évaluation de sa demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire.

[4]                Il n'est pas nécessaire d'examiner les détails du contexte factuel. Il est suffisant de dire que M. Monemi est un citoyen de l'Iran qui prétend qu'il sera en danger dans son pays d'origine s'il y est renvoyé parce qu'un jugement le déclarant coupable d'avoir eu avec une femme mariée des relations sexuelles moralement contestables a été rendu contre lui et l'a condamné à 84 coups de fouet, à 91 jours d'emprisonnement et à un an d'exil.

[5]                En plus de ces risques de mauvais traitements, M. Monemi a soulevé d'autres questions dans sa demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire, par exemple que sa mère, son père et son frère sont des citoyens canadiens bien établis, qu'il a travaillé sans interruption depuis son arrivée au Canada en juin 1999 et qu'il a peu d'attaches en Iran (une grand-mère et deux oncles).

[6]                Après avoir tenu « une entrevue commune » , c'est-à-dire une entrevue portant sur les questions soulevées dans la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire de même que sur celles soulevées dans la demande d'ERAR, l'agente a évalué les divers motifs d'ordre humanitaire soulevés par le demandeur et les a appréciés par rapport à des facteurs défavorables comme ce qui suit :

i)          sa demande de visa de résident permanent a été refusée par l'ambassade du Canada à Damas en février 1999 parce que ses parents n'étaient pas admissibles à le parrainer;

            ii)         sa demande d'asile a été rejetée comme l'a été sa demande d'ERAR.

L'agente a conclu que le fait pour le demandeur de devoir présenter sa demande de l'extérieur du Canada perturberait son mode de vie au Canada, mais n'équivaudrait pas à des difficultés inhabituelles, injustes ou indues.

[7]                Dans sa décision, l'agente affirme ce qui suit :


[TRADUCTION]

Les conclusions de la décision rendue à l'égard de la demande d'ERAR sont directement pertinentes et ont un rapport avec la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire présentée par le demandeur étant donné que les allégations de risques sont essentiellement les mêmes. [...] L'ERAR effectué à l'endroit du demandeur (11 février 2004) a établi, sur le fondement d'une recherche approfondie quant aux éléments de preuve objective, qu'il ne serait pas exposé à un risque de torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels ou inusités. À cet égard, je ne suis pas d'avis que le demandeur ne sera pas [sic] exposé à une menace à sa vie ou à une menace à la sécurité de sa personne à son retour en Iran.

[...]

Je remarque que le demandeur affirme qu'il sera exposé à des risques à son retour en Iran. Comme je l'ai mentionné précédemment, la décision rendue à l'égard de l'ERAR du demandeur a établi qu'il ne serait pas, à son retour en Iran, exposé à des risques suivant les alinéas 97(1)a) et b) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR). À cet égard, je suis convaincue que le demandeur ne sera pas exposé à une menace à sa vie ou à sa sécurité personnelle.

Analyse

[8]                Étant donné que les deux questions soulevées par le demandeur se rapportent à l'équité en matière de procédure, il n'y a pas lieu d'effectuer une évaluation de la norme de contrôle appropriée. Plutôt, je dois établir, en utilisant les facteurs de l'arrêt Baker, le contenu de l'obligation d'agir avec équité applicable dans la présente affaire et trancher la question de savoir si l'agente a enfreint cette obligation (voir l'arrêt Ha c. Canada (M.C.I.), [2004] A.C.F. no 174).

A.        La possibilité de faire des commentaires sur la décision rendue à l'égard de l'ERAR


[9]                M. Monemi s'appuie sur l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Haghighi c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 854 (C.A.) (QL), pour prétendre qu'il a été privé de la possibilité de répondre aux conclusions défavorables tirées dans la décision rendue à l'égard de l'ERAR ou de faire des commentaires à cet égard.

[10]            Il affirme que la Cour d'appel fédérale a confirmé dans l'arrêt Haghighi que l'arrêt Baker c. Canada (M.C.I.), [1999] 2 R.C.S. 817, a modifié le droit et a établi que l'obligation d'agir avec équité à laquelle sont tenus les agents qui tranchent les demandes fondées sur des circonstances d'ordre humanitaire était plus que minimale. Par conséquent, la Cour d'appel a statué au paragraphe 37 que :

[...] l'obligation d'équité exige que ceux qui présentent de l'intérieur du pays une demande de droit d'établissement fondée sur des raisons d'ordre humanitaire aux termes du paragraphe 114(2) soient informés de l'ensemble du contenu du rapport d'évaluation des risques de l'agent de révision et qu'il leur soit permis de faire des observations au sujet de ce rapport, même dans les cas où le rapport est fondé sur des renseignements qui sont fournis par le demandeur ou qui lui sont raisonnablement accessibles.

[11]            Le défendeur prétend que depuis l'arrêt Haghighi, la Cour fédérale a rendu à l'égard de cette question plusieurs décisions qui ont été résumées et suivies par M. le juge Martineau dans la décision Zolotareva c. Canada (M.C.I.), [2003] CF 1274, 2003 A.C.F. no 1596. En particulier, le juge Martineau a déclaré ce qui suit au paragraphe 24 :

Compte tenu de ce qui précède, je suis d'avis que, dans cette affaire, l'agente ERAR n'avait pas l'obligation de divulguer le contenu de l'analyse des risques de retour et de donner à la demanderesse la possibilité de faire des commentaires avant qu'une décision finale soit rendue sur sa demande. Plus particulièrement, l'agente ERAR n'avait aucune obligation de le faire puisque aucun tiers n'avait participé à la prise de décision.


[12]            Le demandeur prétend que la Cour doit suivre l'arrêt Haghighi parce que lorsqu'on applique les facteurs de l'arrêt Baker dans l'arrêt Haghighi, il n'est pas justifié de modifier le contenu de l'obligation d'agir avec équité à laquelle a droit un demandeur en se fondant sur la question de savoir si un ou deux agents examineront sa demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire et sa demande d'ERAR. Il prétend que les décisions citées par le défendeur ont interprété erronément l'arrêt Haghighi et que, par conséquent, la Cour ne devrait pas suivre la méthode adoptée dans la décision Zolotareva.

[13]            Les facteurs de l'arrêt Baker (les considérations contextuelles pertinentes) appliqués par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Haghighi afin d'établir si la divulgation était nécessaire incluent ce qui suit :

1)        la mesure dans laquelle le droit invoqué est susceptible d'éviter une erreur et la gravité d'une décision erronée;

2)         les coûts pouvant vraisemblablement résulter de la reconnaissance du droit, comme les retards dans le processus de décision;

3)         les caractéristiques du décideur, notamment son expertise;

4)         la pertinence de la décision dans l'ensemble du régime législatif;

5)         la pratique de l'organisme.


[14]            Le défendeur n'a pas allégué précisément de quelle façon l'application de chacun de ces facteurs amènerait la Cour à conclure qu'il n'existait pas une obligation de divulgation quant à la décision rendue à l'égard de l'ERAR. Cependant, il a effectivement affirmé que lorsque les risques examinés dans la décision défavorable rendue à l'égard de l'ERAR sont exactement les mêmes que ceux invoqués par le demandeur dans sa demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire, le fait de lui donner le droit de faire des commentaires ne servirait à rien d'autre que de lui permettre de présenter de nouveau ses arguments. Cette affirmation est évidemment pertinente quant au premier facteur précédemment mentionné.

[15]            Il est important d'examiner plus en détail la jurisprudence actuelle parce que l'enquête sur ce qui est requis pour respecter l'obligation d'agir avec équité doit être faite selon le contexte. La conclusion tirée dans un contexte particulier ne devrait pas automatiquement être étendue à un autre contexte.

[16]            Dans l'arrêt Haghighi, la demande de contrôle judiciaire initiale se rapportait à la décision rendue à l'égard d'une demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire qui touchait l'examen d'un avis reçu d'un agent de révision des revendications refusées (ARRR) à l'égard d'une évaluation des risques.


[17]            Dans les affaires Mia c. Canada (M.C.I.), [2001] A.C.F. no 1584, Chen c. Canada (M.C.I.), [2002] 4 C.F. 193, Chowdhury c. Canada (M.C.I.), [2002] A.C.F. no 503, et Akpataku c. Canada (M.C.I.), [2004] A.C.F. no 862, les décisions qui faisaient l'objet d'un contrôle étaient celles d'un ARRR à l'égard de la question de savoir si un demandeur était membre de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (CDNRSRC) ou des décisions rendues à l'égard d'une demande d'ERAR. Dans ces affaires, la Cour a conclu que l'obligation d'agir avec équité ne pouvait pas exiger la divulgation de l'évaluation personnelle d'un décideur parce qu'il s'agissait de la décision par opposition à un avis. Comme M. le juge McKeown a souligné dans la décision Mia, le fait d'exiger une telle divulgation équivaudrait à demander que le décideur fasse circuler un projet de sa décision avant de la rendre. En outre, comme il a été expliqué dans la décision Chen, le décideur dans l'arrêt Haghighi n'était pas un spécialiste de l'évaluation des risques et le poids accordé à l'avis de l'ARRR aurait été important. Dans un tel cas, il y avait un risque certain d'erreur qui militait pour la divulgation. Cependant, ce risque d'erreur n'est pas le même lorsque la décision est rendue par un spécialiste de l'évaluation des risques.

[18]            Dans la décision Majerbi c. Canada (M.C.I.), [2002] A.C.F. no 1145, et dans la décision Zolotareva, la Cour traitait de décisions rendues par des agents d'ERAR à l'égard de demandes fondées sur des circonstances d'ordre humanitaire. La Cour a appliqué le même raisonnement qu'elle a appliqué dans les décisions Chen et Mia pour conclure qu'il n'était pas nécessaire de faire circuler l'évaluation des risques parce que cette évaluation constituait la décision rendue par le spécialiste des risques à l'égard de la demande et non un avis.

[19]            De la même façon, dans l'arrêt Bhagwandass c. Canada (M.C.I.) (C.A.), [2001] 3 C.F. 3, la Cour d'appel fédérale a conclu que l'obligation d'agir avec équité à laquelle est tenu le ministre lorsqu'il tranche la question de savoir s'il doit émettre un avis de danger incluait une obligation de divulguer des rapports comme le rapport sur l'avis du ministre qu'il recevait parce que, une fois de plus, ces documents ne constituaient pas la décision elle-même, mais une recommandation ou un avis donné au décideur.


[20]            La question soulevée dans la présente affaire est légèrement différente et elle a été traitée expressément par M. le juge Blanchard dans la décision Selliah c. Canada (M.C.I.), 2004 CF 872, [2004] A.C.F. no 1134[1]. Dans cette décision, la Cour procédait au contrôle de deux décisions rendues par le même agent à l'égard de deux demandes séparées, l'une fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire et l'autre étant une demande d'ERAR. La Cour devait établir si l'agent, puisqu'il avait tranché la demande d'ERAR avant de trancher la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire, aurait dû donner au demandeur qui avait présenté la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire la possibilité de faire des commentaires sur la décision rendue à l'égard de la demande d'ERAR.

[21]            Au paragraphe 78, le juge Blanchard a conclu que, selon les circonstances particulières de cette affaire, il n'existait pas une telle obligation de divulguer la décision rendue à l'égard de la demande d'ERAR avant de rendre la décision à l'égard de la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire. Avant de conclure ainsi, il a examiné l'arrêt Haghighi et d'autres décisions pertinentes comme Mia, Chen et Majerbi. Dans cette décision, il est implicite que le juge Blanchard a appliqué tous les facteurs de l'arrêt Baker au contexte particulier qui lui était soumis.


[22]            Dans la décision Singh c. Canada (M.C.I.), [2004] A.C.F. no 216, le demandeur a déposé une demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire et une demande d'ERAR qui ont été examinées par deux décideurs différents. L'agent qui tranchait la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire a examiné la décision de l'agent qui traitait la demande d'ERAR avant qu'elle soit transmise au demandeur. Dans ces circonstances, la Cour a conclu que l'agent qui examinait la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire avait enfreint son obligation d'agir avec équité en omettant de divulguer au demandeur la décision rendue à l'égard de la demande d'ERAR avant de tirer sa propre conclusion quant à la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire. Il est clair que dans ce contexte l'arrêt Haghighi s'appliquait parce que la décision rendue à l'égard de la demande d'ERAR était utilisée par l'agent qui examinait la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire comme, ou en guise et lieu de, un avis à l'égard de l'évaluation des risques. De plus, le décideur n'était pas un spécialiste de l'évaluation des risques.

[23]            J'estime que la jurisprudence précédemment mentionnée est cohérente et convaincante.

[24]            J'ai pris en compte les facteurs de l'arrêt Baker[2] et je suis convaincue que le demandeur a eu une possibilité raisonnable de participer d'une manière valable au processus de décision quant à sa demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire. Il existe des différences évidentes et importantes entre la présente affaire et la situation dans l'arrêt Haghighi.


[25]            En outre, pour des raisons de courtoisie judiciaire, la Cour est tenue de suivre sa décision antérieure à moins que la décision soit manifestement erronée parce qu'elle omet de tenir compte de lois ou de précédents jurisprudentiels qui auraient entraîné un résultat différent ou parce qu'elle est distincte à l'égard de faits importants (voir la décision Ahani c. Canada (MCI), [1999] A.C.F. no 1005). De telles exceptions ne s'appliquent pas en l'espèce et j'adopterai la conclusion tirée par le juge Blanchard dans la décision Selliah.

B.        La partialité

[26]            Dans son mémoire des faits et du droit, M. Monemi prétend qu'il existait une crainte raisonnable de partialité (voir l'arrêt Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l'énergie), [1978] 1 R.C.S. 369, aux pages 394 et 395), parce que :

i)                     l'agente, en tranchant la demande d'ERAR, devenait inhabile à trancher la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire;

ii)                    l'agente, puisqu'elle avait conclu que le demandeur ne serait pas, à son retour en Iran, exposé à une situation comme celles décrites aux articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), avait jugé d'avance la question des risques invoqués au soutien de la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire du demandeur. Il ressort de façon évidente de la décision elle-même que l'agente s'est fondée entièrement sur son évaluation antérieure;


iii)                  le législateur avait manifestement l'intention, lorsqu'il a prévu des demandes distinctes suivant le paragraphe 25(1) et l'article 112 de la LIPR, que ces demandes soient traitées de façon séparée et le fait de permettre à l'agente de trancher la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire en ayant déjà pris une décision à l'égard d'un élément faisant partie intégrante de la demande contredit cette intention et démontre l'existence de partialité.

[27]            Le défendeur prétend que la Cour d'appel fédérale a déjà tranché dans l'arrêt Ahani c. Canada (M.C.I), [2000] A.C.F. no 1114,qu'une crainte raisonnable de partialité n'est pas soulevée du simple fait qu'un décideur participe à deux décisions se rapportant au même demandeur. Il prétend en outre que cette conclusion a déjà été appliquée, dans la décision Haddad c. Canada (M.C.I.), [2003] A.C.F. no 579 (QL), à l'endroit d'un agent d'ERAR qui tranchait une demande d'ERAR et une demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire comme dans le cas de M. Monemi.

[28]            La même conclusion a été tirée dans la décision Bhallu c. Canada (Solliciteur général), [2004] A.C.F. no 1623. De plus, dans la décision Elkebti c. Solliciteur général, IMM-1876-04 et IMM-1877-04, Mme la juge Dawson a rejeté une requête présentée en vue d'obtenir un sursis d'une mesure de renvoi parce qu'elle n'était pas convaincue que la demande soulevait une question grave. Elle a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]

La première était que la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire et la demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR) n'auraient pas dû être examinées par le même agent. Il a déjà été statué que cette question ne soulevait pas une question grave en l'absence de preuve précise démontrant l'existence de partialité. Voir la décision Haddad c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2003 CFPI 405. Aucun élément de preuve démontrant de la partialité ou un conflit d'intérêts n'a été fourni en l'espèce.

[29]            Dans la présente affaire, M. Monemi n'a fourni aucun élément de preuve précis démontrant de la partialité ou un conflit d'intérêts.

[30]            Après avoir examiné la jurisprudence citée par le défendeur, le demandeur prétend que son cas est particulier et qu'il est visé par une exception mentionnée par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Arthur c. Canada (MCI), (1993) 1 CF 94. Il affirme que la décision rendue à l'égard de sa demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire était une décision définitive à l'égard de son droit de demeurer au Canada parce que la Cour lui a accordé un sursis quant à la mesure de renvoi prise à son endroit jusqu'à ce que les décisions à l'égard de sa demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire et de sa demande d'ERAR soient rendues. Il prétend en outre que dans l'arrêt Ahani, la Cour d'appel fédérale a reconnu qu'une conclusion quant à la crédibilité tirée dans une affaire antérieure se rapportant aux mêmes questions factuelles [TRADUCTION] « peut » créer des problèmes. En l'espèce, l'agente a rejeté sa demande d'ERAR parce qu'elle a mis en doute sa crédibilité et qu'elle a accordé peu, ou pas, d'importance au jugement rendu contre lui qu'il avait présenté. Par conséquent, elle n'aurait pas dû continuer à apprécier sa demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire.


[31]            Je comprends des observations présentées par le défendeur que la pratique de l'organisme, comme elle est décrite dans le Guide de l'immigration[3], favorise l'utilisation d'un seul décideur afin de garantir l'administration efficace des diverses demandes et de prévenir la répétition inutile. Par conséquent, un examen préliminaire des demandes fondées sur des circonstances d'ordre humanitaire et des demandes d'ERAR est effectué. Dans les cas où l'examen préliminaire montre qu'il peut ne pas y avoir suffisamment de facteurs ne comportant pas de risques pour appuyer la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire, le dossier est transféré à l'agent d'ERAR qui examinera la demande d'ERAR. Si la demande est approuvée, il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire. Autrement, s'il n'y a pas suffisamment d'éléments de risques, l'agent d'ERAR poursuivra son évaluation des éléments qui ne comportent pas de risques, puis examinera tout autre élément de preuve et rendra une décision définitive.

[32]            Dans les cas où l'examen préliminaire montre qu'il peut y avoir suffisamment de facteurs d'ordre humanitaire qui ne comportent pas de risques, le dossier est transféré à un agent chargé d'examiner les circonstances d'ordre humanitaire. Si l'examen préliminaire est exact, la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire est approuvée et il n'y a pas lieu de procéder à l'examen des risques. Autrement, lorsque l'examen préliminaire montrant qu'il peut y avoir suffisamment de facteurs d'ordre humanitaire qui ne comportent pas de risques est erroné, l'agent chargé d'examiner les circonstances d'ordre humanitaire transfère le dossier à un agent d'ERAR afin d'obtenir un avis à l'égard des risques. Si cet avis est défavorable, il est divulgué au demandeur afin qu'il fasse ses commentaires avant que le dossier soit renvoyé à l'agent chargé d'examiner les circonstances d'ordre humanitaire pour qu'il rende une décision définitive. Dans de tels cas, l'agent chargé d'examiner les circonstances d'ordre humanitaire recevrait l'avis, les commentaires du demandeur et toute autre évaluation de l'agent d'ERAR qui en résulte.


[33]            Rien n'indique que cette pratique n'ait pas été suivie dans la présente affaire. En fait, il appert que le 16 décembre 2003, on a informé par écrit M. Monemi qu'une agente d'ERAR avait été nommée pour trancher sa demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire et sa demande d'ERAR. Le 19 janvier 2004, on l'a de plus informé que cette agente tiendrait une seule audience pour discuter de questions se rapportant aux deux demandes.

[34]            À l'alinéa i) du paragraphe 7 de ses observations écrites additionnelles, M. Monemi affirme en outre qu'il s'appuyait sur des observations faites et sur des directives données par le défendeur selon lesquelles les deux décisions seraient rendues concurremment.

[35]            Il appert que M. Monemi ne s'est opposé à la réunion des demandes à aucun moment avant le dépôt de sa demande de contrôle judiciaire. Une omission de cette sorte serait normalement fatale (voir l'arrêt Suresh c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 1026, au paragraphe 8 (CAF)), mais le défendeur n'a pas fait d'observations à l'égard de ce point. Je vais par conséquent analyser les observations des parties.


[36]            Je vais d'abord traiter du troisième point soulevé par le demandeur. La Cour ne peut partager l'opinion selon laquelle le législateur avait manifestement l'intention que ces demandes soient tranchées par des décideurs différents. En fait, le paragraphe 25(1) et l'article 112 de la LIPR énoncent clairement que ces demandes seront toutes deux tranchées par le ministre. Par conséquent, à proprement parler, la LIPR prévoit qu'une décision sera rendue par le même décideur. De façon évidente, le ministre a le droit de déléguer son pouvoir de rendre de telles décisions et il n'était pas contesté que l'agente d'ERAR disposait d'un pouvoir délégué approprié pour examiner les deux demandes.

[37]            De plus, la LIPR prévoit de nombreuses sortes de demandes qui servent toutes des fins différentes et qui entraînent des résultats très différents. L'article 25 lui-même est très large et couvre beaucoup plus que les demandes de dispense visant la présentation d'une demande de visa permanent de l'intérieur du Canada.

[38]            Dans la présente affaire, une décision favorable n'aurait pas donné à M. Monemi le droit de rester au Canada en tant que résident. Après que la demande aurait été acceptée, il aurait encore dû établir qu'il satisfaisait aux autres critères prévus par la loi pour obtenir un tel statut.


[39]            La question principale dans cette demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire est en outre assez différente de celle qui doit être tranchée dans une demande d'ERAR présentée suivant l'article 112. À l'égard de la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire, le décideur devait établir si M. Monemi serait exposé à des difficultés inhabituelles, injustes ou indues s'il devait retourner en Iran pour présenter une demande de visa de résident permanent. Ce concept englobe beaucoup plus que les exigences étroites pertinentes dans une demande d'ERAR[4], à savoir celles énoncées aux articles 96 et 97 de la LIPR. Les difficultés inhabituelles, injustes ou indues incluent non seulement des éléments qui ne comportent pas de risques, mais elles incluent également des éléments de risques qui peuvent ne pas être visés par les articles 96 et 97, par exemple de la discrimination qui peut ne pas équivaloir à de la persécution.

[40]            De façon évidente, il y aura des cas dans lesquels les deux demandes se rapporteront à un fondement factuel ou probatoire similaire voire identique. Comme il a été précédemment mentionné, la réunion est effectuée afin de garantir une administration efficace des demandes et de prévenir la répétition inutile. En fait, cette pratique est similaire à la réunion d'instances prévue par l'article 105 des Règles de la Cour fédérale (1998). Suivant cet article, des actions distinctes qui demandent des redressements différents seront instruites conjointement ou successivement si elles se rapportent à des questions de fait et de preuve identiques ou similaires. Après une audience à l'égard d'actions réunies, la Cour évaluera la preuve présentée, y compris la crédibilité du témoin, et appréciera la preuve documentaire seulement une fois avant d'établir les droits distincts résultant de ses conclusions quant aux faits.

[41]            En l'absence de preuve précise de partialité ou de conflit d'intérêts, l'évaluation unique des questions se rapportant aux faits et de la preuve ne soulève pas une crainte raisonnable de partialité.

[42]            Après avoir examiné les dispositions législatives applicables et l'ensemble du régime législatif, je ne suis pas convaincue que le législateur avait l'intention d'empêcher une telle réunion.


[43]            Passons maintenant à la question de la courtoisie judiciaire. En l'espèce, une fois de plus, le demandeur ne m'a pas convaincue que les décisions Haddad, Bhallu et Elkebti sont manifestement erronées parce que la Cour aurait négligé d'examiner une disposition législative ou certains précédents jurisprudentiels pertinents (voir la décision Ahani c. Canada (MCI), [1999] A.C.F. no 1005 (QL).

[44]            Peut-il y avoir une distinction fondée sur les faits? Certainement pas sur le fondement qu'il y avait un lien particulier entre les éléments soulevés dans la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire et dans la demande d'ERAR. Même si je devais tenir pour acquis aux fins de la présente analyse que le caractère définitif de la décision rendue à l'égard de la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire fait que la présente décision est différente des décisions examinées par mes collègues dans les affaires Haddad, Bhallu et Elkebti, je ne crois pas que ce facteur à lui seul justifierait une conclusion différente. Le demandeur devait établir qu'il y avait d'autres facteurs démontrant que l'agente avait une idée préconçue à cet égard.

[45]            Dans les arrêts Ahani et Arthur, la Cour d'appel fédérale mentionne seulement qu'une conclusion antérieure à l'égard de la crédibilité peut créer un problème et non que cela entraînera toujours une conclusion qu'il existe une crainte raisonnable de partialité.


[46]            Après avoir examiné en détail la décision rendue à l'égard de la demande d'ERAR de même que la décision rendue à l'égard de la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire, je n'ai pu déceler aucune idée préconçue de la part de l'agente à l'égard de la crédibilité générale de M. Monemi qui pourrait avoir eu une influence sur son évaluation des éléments qui ne comportaient pas de risques ou de la preuve additionnelle fournie par lui au soutien de sa demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire. En fait, l'agente a évalué de façon favorable un bon nombre de ces éléments.

[47]            À l'égard des risques résultant du jugement qui a soi-disant été rendu contre lui, comme je l'ai dit, il n'existe pas de preuve ou de prétention selon laquelle l'agente a agi d'une façon autre qu'impartiale lorsqu'elle a d'abord analysé les risques et la preuve fournie par M. Monemi.

[48]            Comme cela est mentionné dans l'ordonnance par laquelle j'ai rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée par M. Monemi à l'égard de la décision de l'agente qui rejetait sa demande d'ERAR dans le dossier IMM-2548-04, cette décision n'était pas déraisonnable et l'agente a manifestement examiné toute la preuve contenue au dossier.


[49]            M. Monemi n'a pas présenté d'éléments de preuve additionnels ou d'observations qui auraient justifié qu'une analyse séparée soit effectuée à l'égard des facteurs de risques invoqués au soutien de sa demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire. En fait, dans ses propres observations présentées au soutien de cette demande, il renvoie simplement à la preuve et à ses observations présentées au soutien de sa demande d'ERAR.

[50]            Finalement, je dois dire que la méthode préconisée par le demandeur, si je l'adoptais, donnerait un avantage clair à tout demandeur dont la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire et la demande d'ERAR ont été rejetées en raison d'un manque de crédibilité du demandeur à l'égard de questions précises ou d'un manque de preuve digne de foi. Effectivement, de tels demandeurs qui ne sont pas dignes de foi auraient le droit d'obtenir une deuxième appréciation de leur preuve et une possibilité de raconter leur récit une fois de plus. Dans la présente affaire, il y aurait probablement également une nouvelle audience devant un autre agent.

[51]            Je conclus que le demandeur n'a pas établi que la présente affaire puisse faire l'objet d'une distinction fondée sur les faits.

C.       Certification

[52]            Le demandeur propose les questions suivantes aux fins de la certification :

[TRADUCTION]        


i)                     Une conclusion défavorable quant à la crédibilité tirée par un agent chargé de l'examen des risques avant renvoi dans le cours de l'examen des risques avant renvoi entraîne-t-elle une crainte raisonnable de partialité lorsque le même agent examine la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire présentée par le même demandeur?

ii)                    L'équité en matière de procédure exige-t-elle qu'un agent chargé de l'examen des risques avant renvoi donne à un demandeur la possibilité de faire des commentaires sur la décision défavorable rendue à l'égard de l'examen des risques avant renvoi par le même agent d'ERAR avant qu'une décision à l'égard de la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire présentée par le même demandeur soit rendue?

[53]            Ces questions ont clairement été tranchées. Je conclus que la présente affaire dépend de ses faits particuliers et je ne certifierai aucune question.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

La demande est rejetée.            

« Johanne Gauthier »

Juge

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                IMM-2547-04

INTITULÉ :               ALI REZA MONEMI

                                                     

demandeur

c.                                   

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                             défendeur

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :                              VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 9 SEPTEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LA JUGE GAUTHIER

DATE DES MOTIFS :                                   LE 24 NOVEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Peter Larlee                                                       POUR LE DEMANDEUR

Ryan Rosenberg

Peter Bell                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Larlee and Associates                                        POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)



[1] Dans cette affaire, la Cour a, comme c'est souvent le cas, rendu sa décision à l'égard des deux demandes de contrôle judiciaire dans un seul jugement.

[2] Le résumé de la pratique de l'organisme se trouve au paragraphe 30.

[3] Le défendeur a mentionné qu'étant donné que ce guide ne constitue que des lignes directrices, cette pratique peut ne pas être uniforme dans tout le Canada, mais qu'elle est suivie à Vancouver où ces demandes ont été déposées.

[4]À l'exception des personnes énumérées au paragraphe 112(3) de la LIPR.


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