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Date : 20210615


Dossier : T‑481‑20

Référence : 2021 CF 606

[TRADUCTION FRANÇAISE]

St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador), le 15 juin 2021

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

ROBERT JAMES THOMSON

demandeur

et

CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL)

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. INTRODUCTION

[1] M. Robert John Thomson (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le Tribunal), signée le 10 mars 2020. Dans cette décision, le Tribunal a refusé de réexaminer la décision du comité d’appel de rejeter la demande d’allocation d’incapacité exceptionnelle (AIE) présentée par le demandeur au titre de l’article 72 de la Loi sur les pensions, LRC 1985, c P‑6 (la Loi). Le demandeur a présenté sa demande de réexamen en vertu de l’article 32 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), LC 1995, c 18 (la Loi sur le TACRA).

[2] Cette demande porte la date du 21 août 2019. Le demandeur a également déposé, en date du 21 août 2019, une demande modifiée de réexamen.

[3] Conformément au paragraphe 303(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles), c’est le procureur général du Canada qui est défendeur (le défendeur) dans la présente demande.

II. LE CONTEXTE

[4] Le 30 octobre 1991, le demandeur se trouvait à bord d’un aéronef des Forces canadiennes lorsque celui‑ci s’est écrasé. L’accident lui a causé de très graves lésions permanentes. Au moment des faits, il était de service en tant que membre du personnel civil du ministère de la Défense nationale.

[5] Le 21 janvier 1994, le demandeur a choisi de recevoir une pension au titre du Règlement sur l’indemnisation en cas d’accident d’aviation, CRC, c 10 (le Règlement).

[6] En novembre 1992, le demandeur a présenté une demande d’AIE. Dans une décision rendue le 18 avril 2008, Anciens Combattants Canada (ACC) a rejeté sa demande, ayant conclu que l’article 3 du Règlement prévoyait le paiement d’une indemnité selon les modalités de l’annexe 1 de la Loi, mais d’aucune autre prestation ou allocation, pas même l’AIE.

[7] Le demandeur a demandé le réexamen de la décision par un comité de révision du Tribunal. À l’issue d’une audience qui s’est déroulée le 16 octobre 2013, sa demande d’AIE a été refusée.

[8] Le demandeur a alors interjeté appel devant un comité d’appel du Tribunal. L’appel a été entendu le 19 juin 2014. Dans sa décision, le comité d’appel du Tribunal a rejeté l’appel du demandeur.

[9] Parallèlement, le demandeur avait demandé qu’un comité de révision du Tribunal réexamine le rejet de ses demandes d’allocation pour soins et d’allocation vestimentaire. Cette demande a été instruite le 1er août 2008 et les allocations ont été refusées. À la suite du dépôt d’un appel devant un comité d’appel du Tribunal, une audience a eu lieu le 22 juillet 2010 et, une fois de plus, la demande a été refusée.

[10] Le demandeur a présenté une demande de réexamen de la décision de ce comité d’appel du Tribunal. L’audience s’est déroulée le 12 décembre 2011. Dans une décision datée de ce 12 décembre 2011, la demande de réexamen a été rejetée.

[11] À l’audience du 19 juin 2014, le Tribunal n’a pas été saisi de la question du refus de l’allocation pour soins et de l’allocation vestimentaire; cette question ne se pose pas non plus dans le cadre de la présente demande.

[12] Le demandeur a sollicité le contrôle judiciaire de la décision de juin 2014. Sa demande a été rejetée dans un jugement répertorié sous l’intitulé Thomson c Canada (Procureur général), 2015 CF 985. Au paragraphe 105 de ses motifs, le juge saisi de la demande formule les observations suivantes :

Pour les motifs qui précèdent, je dois rejeter la demande de M. Thomson, car je ne puis conclure que la décision du comité d’appel concernant son interprétation du Règlement ICAA était déraisonnable et qu’elle n’appartenait pas aux issues possibles acceptables, ni que son interprétation donne lieu à un traitement discriminatoire enfreignant les droits de M. Thomson protégés par la Charte.

[13] Le demandeur s’est alors adressé à la Cour d’appel fédérale, qui a rejeté son appel dans un arrêt portant l’intitulé Thomson c Canada (Procureur général), 2016 CAF 253 (demande d’autorisation d’appel à la CSC rejetée, 37351 (30 mars 2017)). Au paragraphe 44 de ses motifs, la Cour d’appel fédérale déclare ce qui suit :

Il reste un dernier point qui mérite d’être mentionné, et que la Cour fédérale a également relevé. Je conviens avec l’appelant qu’il ne semble exister aucun principe justifiant pourquoi il a été traité différemment de tant d’autres qui ont eu droit aux avantages qu’il demande. En effet, il est probable que le défaut de modifier le Règlement ICAA pour étendre le droit aux allocations est simplement un oubli. Si tel est le cas, il faut espérer que tout plaidoyer que pourrait faire l’appelant pour que le Règlement ICAA soit modifié de manière à lui accorder les avantages qu’il demande sera reçu favorablement par le gouverneur en conseil.

[14] Les précisions données dans les paragraphes qui suivent sont tirées de l’énoncé de cas produit par le Tribunal ainsi que de l’affidavit souscrit par le demandeur le 13 mai 2020. Le demandeur a joint plusieurs pièces à cet affidavit.

III. LA DÉCISION DU TRIBUNAL

[15] Le Tribunal a étudié la demande de réexamen du demandeur visant la décision par laquelle le comité d’appel lui avait refusé l’AIE. Son pouvoir de réexaminer une décision procède du paragraphe 32(1) de la Loi sur le TACRA, qui énonce ce qui suit :

Nouvel examen

Reconsideration of decisions

32 (1) Par dérogation à l’article 31, le comité d’appel peut, de son propre chef, réexaminer une décision rendue en vertu du paragraphe 29(1) ou du présent article et soit la confirmer, soit l’annuler ou la modifier s’il constate que les conclusions sur les faits ou l’interprétation du droit étaient erronées; il peut aussi le faire sur demande si l’auteur de la demande allègue que les conclusions sur les faits ou l’interprétation du droit étaient erronées ou si de nouveaux éléments de preuve lui sont présentés.

32 (1) Notwithstanding section 31, an appeal panel may, on its own motion, reconsider a decision made by it under subsection 29(1) or this section and may either confirm the decision or amend or rescind the decision if it determines that an error was made with respect to any finding of fact or the interpretation of any law, or may do so on application if the person making the application alleges that an error was made with respect to any finding of fact or the interpretation of any law or if new evidence is presented to the appeal panel.

[16] Le Tribunal a d’abord relevé que le demandeur fondait sa demande de réexamen sur une erreur de droit imputée au comité d’appel et sur l’existence de nouveaux éléments de preuve.

[17] Le Tribunal a décrit en ces termes la procédure à suivre pour trancher une demande de réexamen présentée au titre de l’article 32 de la Loi sur le TACRA :

[traduction]

L’audience de réexamen comporte deux étapes. La première est l’étape de l’examen préliminaire, pendant laquelle le comité se demande s’il existe un motif de réexamen. Le comité détermine si la décision d’appel est entachée d’une erreur de fait ou de droit et si les nouveaux éléments de preuve satisfont au critère à quatre volets (applicable aux nouveaux éléments de preuve). Si aucun de ces motifs ne s’applique, la demande de réexamen est rejetée. Si le bien‑fondé d’un ou de plusieurs motifs est établi, le comité passe à la deuxième étape et procède alors à un examen approfondi de la demande sur le fond.

[18] Le demandeur soutenait que le comité d’appel avait commis une erreur de droit parce qu’il avait retenu une interprétation indûment restrictive du paragraphe 3(1) du Règlement [TRADUCTION] « en s’en remettant au sens ordinaire des mots au lieu de procéder à une analyse téléologique et contextuelle ». Le Tribunal a souligné que le demandeur avait exposé dans le détail les arguments qu’il avait fait valoir sur ce point dans sa demande modifiée de réexamen.

[19] Le Tribunal a conclu que la Cour d’appel fédérale s’était prononcée sur cet argument dans une décision rendue le 19 octobre 2016, décision dont il a repris les paragraphes 32 et 33. À la page 7 de sa décision, le Tribunal déclare ce qui suit :

[traduction] Pour parvenir à sa décision, la Cour d’appel fédérale a examiné les mêmes arguments que le demandeur présente aujourd’hui dans le cadre de sa demande de réexamen. Dans sa conclusion, la Cour fédérale s’est montrée catégorique sur le fait qu’il n’existe « aucune interprétation téléologique qui permettrait de faire fi de ce libellé clair et de conclure qu’une pension comprend les allocations établies à l’annexe III de la Loi sur les pensions » et que « l’examen historique des dispositions pertinentes étaye l’interprétation retenue par le comité d’appel », faisant sienne l’interprétation du Règlement ICAA et de la Loi sur les pensions adoptée par le comité d’appel de même que la conclusion de ce dernier selon laquelle l’appelant avait droit uniquement à une pension et qu’il ne pouvait réclamer d’allocation d’incapacité exceptionnelle. La Cour d’appel fédérale a jugé que l’interprétation du comité d’appel était à la fois raisonnable et juste.

[20] Le Tribunal a conclu que le demandeur n’était pas parvenu à démontrer que le comité d’appel avait commis une erreur de droit :

[traduction] Par conséquent, le comité conclut que les arguments fondés sur l’erreur de droit que l’appelant a présentés en l’espèce ont déjà été examinés par la Cour d’appel fédérale dans sa décision du 19 octobre 2016. Conformément au raisonnement suivi par la Cour, le comité de révision estime que le comité d’appel n’a commis aucune erreur de droit quant à l’interprétation des dispositions pertinentes du Règlement ICAA et de la Loi sur les pensions.

[21] En fait de nouveaux éléments de preuve, le demandeur avait produit les trois documents suivants :

Annexe A : le Règlement sur le traitement des anciens combattants, publié dans la Codification des règlements du Canada, 1978;

Annexe B : la présentation no 715891 du Conseil du Trésor au Conseil privé, datée du 12 janvier 1973;

Annexe C : la présentation no 732702 du Conseil du Trésor au Conseil privé, datée du 20 décembre 1974.

[22] Le Tribunal s’est ensuite intéressé à la partie de la demande de réexamen que le demandeur fondait sur l’existence de nouveaux éléments de preuve. Il a dégagé les critères à appliquer :

[traduction] Ces critères sont les suivants :

On ne devrait généralement pas admettre une preuve qui, avec diligence raisonnable, aurait pu être produite à une audience antérieure;

La preuve doit être pertinente, en ce sens qu’elle doit porter sur une question décisive ou potentiellement décisive quant à l’issue de l’affaire;

La preuve doit être plausible, en ce sens qu’on puisse raisonnablement y ajouter foi;

La preuve doit être telle que si l’on y ajoute foi, on puisse raisonnablement penser qu’avec les autres éléments de preuve produits, elle aurait influé sur le résultat.

[23] Après avoir examiné les trois documents que le demandeur lui avait présentés à titre de nouvelle preuve à la lumière de chacun des quatre critères, le Tribunal a jugé qu’aucun d’eux ne remplissait les conditions qui auraient permis de le considérer comme un « nouvel élément de preuve ».

[24] Le Tribunal a appliqué chaque critère à chacun des documents produits par le demandeur. Concernant le Règlement sur le traitement des anciens combattants, il a conclu que le document n’était pas un « élément de preuve », mais bien un texte de législation déléguée, c’est‑à‑dire un texte réglementaire. Néanmoins, le Tribunal s’est employé à y appliquer chacun des quatre critères définis. Il a accordé au demandeur le bénéfice du doute quant à la possibilité de produire le document à l’occasion d’une audience antérieure et n’a pas opposé au demandeur son défaut d’exercer une diligence raisonnable. Il a estimé que le document était plausible, mais qu’il n’était pas pertinent et n’aurait pas influé sur le résultat de l’affaire dont était saisi le comité d’appel.

[25] Le Tribunal a aussi pris connaissance de la présentation du Conseil du Trésor adressée au Conseil privé. Là encore, il a conclu à un manque de diligence raisonnable, mais il n’a pas nié au document sa valeur probante à ce seul titre. Il a jugé que le document était pertinent et plausible, mais qu’on [traduction] « ne pouvait raisonnablement penser qu’il aurait influé » sur la décision du comité d’appel.

[26] Enfin, le Tribunal a examiné la troisième pièce, le document du Conseil du Trésor portant le numéro 732702. Il a constaté que ce document, en plus d’avoir été produit antérieurement devant un comité de révision, en 2011, faisait partie de l’énoncé de cas dont il disposait. En conséquence, il a jugé que ce document n’était pas un « nouvel élément de preuve » aux fins de la demande de réexamen.

[27] Le Tribunal a conclu que le demandeur n’avait pas réussi à satisfaire à la première étape de la procédure de réexamen prévue à l’article 32 de la Loi sur le TACRA : en effet, il n’avait pas démontré l’existence d’une erreur de droit ni produit de preuve respectant le critère juridique applicable aux « nouveaux éléments de preuve ». Ayant décidé de ne pas procéder à la deuxième étape de la procédure, le Tribunal a rejeté la demande de réexamen.

IV. OBSERVATIONS

[28] Le demandeur reconnaît que la décision du Tribunal est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable; toutefois, il prétend que cette décision n’est pas raisonnable.

[29] Le défendeur soutient que la décision satisfait à la norme de contrôle applicable, à savoir celle du caractère raisonnable.

[30] Le défendeur fait aussi valoir que la question que le demandeur soulève dans la demande de réexamen présentée au Tribunal, question qui a trait au sens du paragraphe 3(1) du Règlement, a le caractère de la chose jugée puisque la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale se sont prononcées sur l’interprétation à donner à cette disposition dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par le comité d’appel en 2014.

V. ANALYSE ET DÉCISION

[31] La première question à examiner est celle de la norme de contrôle applicable en l’espèce.

[32] Dans un arrêt relativement récent, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov (2019), 2019 CSC 6, la Cour suprême du Canada a statué que la norme de la décision raisonnable était présumée s’appliquer au contrôle des décisions des décideurs administratifs, dont celles du Tribunal.

[33] Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 RCS 190, la Cour suprême déclare qu’une décision possède les caractéristiques de la décision raisonnable si elle est justifiable, transparente et intelligible et qu’elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[34] Quant aux questions d’équité procédurale, elles sont susceptibles de contrôle judiciaire selon la norme de la décision correcte : voir l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, [2009] 1 RCS 339.

[35] Le défendeur s’est opposé à ce que la pièce 5, une copie du Décret sur le paiement d’indemnité dans les cas d’accidents d’aviation, CP 6538, daté du 29 décembre 1949, soit versée au dossier au motif que ce document n’avait pas été déposé devant le Tribunal lors des appels antérieurs ni lors de la demande de réexamen.

[36] La pièce 5 ne fait pas partie des exceptions à la règle générale voulant que, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, seuls les documents dont disposait le décideur puissent être présentés à la Cour : voir l’arrêt Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22.

[37] En vertu du pouvoir discrétionnaire qui m’est conféré, je n’ai pas radié cet élément de preuve, mais je n’en ai pas tenu compte.

[38] Je traiterai brièvement de l’argument avancé par le défendeur, qui prétend que la question du droit du demandeur à l’AIE a le caractère de la chose jugée.

[39] Suivant ce qui a été décidé dans l’arrêt Angle c Ministre du Revenu national, [1975] 2 RCS 248, le principe de l’autorité de la chose jugée exige de la partie qui l’invoque qu’elle établisse les trois éléments suivants :

  1. la même question a été tranchée;

  2. la décision était définitive;

  3. les parties aux deux instances sont les mêmes.

[40] Je me range à l’avis du défendeur.

[41] Dans la mesure où la demande de réexamen du demandeur porte sur l’interprétation du paragraphe 3(1) du Règlement, il s’agit d’une question qui a déjà été tranchée. La décision de la Cour d’appel fédérale était définitive, puisque la Cour suprême du Canada a rejeté la demande d’autorisation de pourvoi du demandeur. Il s’agissait des mêmes parties, à savoir le demandeur et le défendeur.

[42] Cependant, l’application du principe de la chose jugée ne met pas fin au débat sur cette question.

[43] Le demandeur sollicite le réexamen de la décision d’un comité d’appel en vertu de l’article 32 de la Loi sur le TACRA. Cette disposition permet au Tribunal de réexaminer une telle décision dans deux situations : lorsque le demandeur est en mesure de démontrer que le comité a commis une erreur de droit ou lorsqu’il y a de nouveaux éléments de preuve.

[44] L’existence de « nouveaux éléments de preuve » est vérifiée au regard d’un critère juridique.

[45] Les articles 3 et 39 de la Loi sur le TACRA établissent le cadre que le Tribunal doit appliquer pour examiner la preuve et pouvoir tirer des conclusions favorables au demandeur. Ces articles prévoient ce qui suit :

Principe général

Construction

3 Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s’interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l’égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.

3. The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled.

Règles régissant la preuve

Rules of evidence

39 Le Tribunal applique, à l’égard du demandeur ou de l’appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

39 In all proceedings under this Act, the Board shall

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui‑ci;

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui‑ci et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence;

(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien‑fondé de la demande.

(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.

[46] La Loi sur le TACRA autorise le Tribunal à réexaminer une décision antérieure, conformément au paragraphe 32(1), ainsi libellé :

Nouvel examen

Reconsideration of decisions

32(1) Par dérogation à l’article 31, le comité d’appel peut, de son propre chef, réexaminer une décision rendue en vertu du paragraphe 29(1) ou du présent article et soit la confirmer, soit l’annuler ou la modifier s’il constate que les conclusions sur les faits ou l’interprétation du droit étaient erronées; il peut aussi le faire sur demande si l’auteur de la demande allègue que les conclusions sur les faits ou l’interprétation du droit étaient erronées ou si de nouveaux éléments de preuve lui sont présentés

32 (1) Notwithstanding section 31, an appeal panel may, on its own motion, reconsider a decision made by it under subsection 29(1) or this section and may either confirm the decision or amend or rescind the decision if it determines that an error was made with respect to any finding of fact or the interpretation of any law, or may do so on application if the person making the application alleges that an error was made with respect to any finding of fact or the interpretation of any law or if new evidence is presented to the appeal panel

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added.]

[47] Suivant le paragraphe 32(1), un demandeur peut soumettre de nouveaux éléments de preuve au Tribunal.

[48] L’expression « nouveaux éléments de preuve » n’est pas définie dans la Loi sur le TACRA, mais la Cour suprême du Canada a établi le critère à appliquer à cet égard dans l’arrêt R c Palmer, [1980] 1 RCS 759, à la page 775 :

(1) On ne devrait généralement pas admettre une déposition qui, avec diligence raisonnable, aurait pu être produite au procès, à condition de ne pas appliquer ce principe général de matière aussi stricte dans les affaires criminelles que dans les affaires civiles : voir McMartin c. La Reine [1964] R.C.S. 484.

(2) La déposition doit être pertinente, en ce sens qu’elle doit porter sur une question décisive ou potentiellement décisive quant au procès.

(3) La déposition doit être plausible, en ce sens qu’on puisse raisonnablement y ajouter foi, et

(4) elle doit être telle que si l’on y ajoute foi, on puisse raisonnablement penser qu’avec les autres éléments de preuve produits au procès, elle aurait influé sur le résultat.

[49] À la page 4 de la décision MacKay c Canada (1997), 129 FTR 286 (CF 1re inst), le juge Teitelbaum donne la description suivante de la nature de la décision rendue dans le cadre d’un réexamen :

Il est important de préciser la nature d’un réexamen, qui est un type de révision à ne pas confondre avec une procédure d’appel ou une demande de contrôle judiciaire dont on peut saisir une cour. Essentiellement, en vertu de l’article 111 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), le TAC (R & A) peut réexaminer la décision antérieure en s’appuyant sur deux motifs généraux : (i) la présentation de nouveaux éléments de preuve; ou (ii) de son propre chef, en cas d’erreurs de fait ou de droit.

[50] En l’espèce, le demandeur soutient que les trois documents qu’il a produits constituent de « nouveaux » éléments de preuve.

[51] Le Tribunal est arrivé à une autre conclusion. Selon lui, les documents présentés n’étaient pas des éléments de preuve « nouveaux » au sens du critère susmentionné.

[52] La question que la Cour est appelée à trancher dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si la conclusion du Tribunal satisfait à la norme juridique de la décision raisonnable.

[53] Autrement dit, la Cour doit se demander si cette conclusion est justifiée au regard de ce que nous enseigne la Cour suprême du Canada dans le passage suivant de l’arrêt Vavilov, précité :

Lorsqu’elle effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la cour de révision doit tenir compte du résultat de la décision administrative eu égard au raisonnement sous‑jacent à celle‑ci afin de s’assurer que la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée.

[54] D’après les documents versés au dossier, je suis convaincue qu’il était raisonnable de la part du Tribunal de conclure que le demandeur n’avait pas présenté les « nouveaux éléments de preuve » qui lui auraient permis de modifier la décision portant sur son droit à l’AIE.

[55] Le Tribunal a examiné chaque élément que le demandeur a présenté à titre de « nouvelle preuve ». Il a clairement exposé son opinion quant à chaque élément après l’avoir examiné à la lumière de chacun des quatre critères applicables à l’admission de « nouveaux éléments de preuve ».

[56] Les conclusions du Tribunal satisfont au critère de la décision raisonnable selon l’arrêt Vavilov, précité. Le Tribunal n’a pas commis d’erreur en prenant acte des conclusions susmentionnées de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale et en les appliquant.

[57] Les décisions en question sont pertinentes pour l’analyse de la situation du demandeur.

[58] Le Tribunal a également reconnu et appliqué, à juste titre, la décision Canada (Bureau de services juridiques des pensions) c Canada (Procureur général), 2006 CF 1317, conf par 2007 CAF 298.

[59] Le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en concluant que les documents soumis par le demandeur ne correspondaient pas à la définition juridique du « nouvel élément de preuve », et il n’était pas tenu de pousser plus loin son analyse.

[60] De même, je ne constate aucun manquement à l’équité procédurale dans le processus que le Tribunal a suivi pour statuer sur la demande de réexamen du demandeur.

[61] Bien que le demandeur n’ait pas directement traité d’équité procédurale dans ses arguments écrits, il a fait allusion à un manquement de cette nature dans le passage suivant de son avis de demande de contrôle judiciaire :

[traduction]

a. Le demandeur soutient que la décision est déraisonnable et susceptible de contrôle parce qu’il a été privé de l’application des principes de justice naturelle. En particulier, le comité de réexamen a d’abord conclu qu’il n’y avait pas eu d’erreur de droit, et ce n’est qu’ensuite qu’il a examiné la preuve; or, dans les faits, il lui fallait statuer d’entrée de jeu sur la question de savoir si on pouvait raisonnablement penser que les nouveaux éléments de preuve auraient influé sur la décision antérieure.

b. De plus, du fait de cette erreur de procédure, le demandeur prétend que la décision du comité de réexamen de rejeter sans justification les nouveaux éléments de preuve et de ne pas examiner cette preuve sur le fond était déraisonnable et constitue une erreur de sa part qui est susceptible de contrôle.

[62] Le fait que le Tribunal se soit d’abord penché sur la question de savoir si le demandeur avait établi le fondement de sa demande de réexamen en établissant l’existence d’une erreur de droit de la part du comité d’appel n’a donné lieu à aucun manquement à l’équité procédurale.

VI. CONCLUSION

[63] En conclusion, il était raisonnable que le Tribunal applique le critère à deux volets visé par l’article 32 de la Loi sur le TACRA afin de déterminer si le réexamen d’une décision antérieure de ce tribunal était justifié. Le Tribunal a examiné l’allégation d’erreur de droit du demandeur et il a conclu qu’aucune erreur de cet ordre n’avait été commise. Cette conclusion est conforme à la norme juridique de la décision raisonnable.

[64] Le Tribunal a examiné les documents que le demandeur lui a présentés à titre de « nouveaux éléments de preuve » à la lumière des dispositions législatives et du critère juridique applicables. Il a jugé que les nouveaux documents ne satisfaisaient pas au critère permettant de les considérer comme « nouveaux éléments de preuve ». Cette conclusion est elle aussi conforme à la norme juridique de la décision raisonnable.

[65] Aucun manquement à l’équité procédurale n’a été établi en ce qui a trait au processus suivi par le Tribunal pour en arriver à sa décision.

[66] Dans ces circonstances, rien ne justifie une intervention de la Cour et la demande de contrôle judiciaire sera par conséquent rejetée.

[67] Aucuns dépens ne seront adjugés, puisque le défendeur n’en a pas fait la demande.


JUGEMENT dans le dossier T‑481‑20

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑481‑20

 

INTITULÉ :

ROBERT JAMES THOMSON c CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 DÉCEMBRE 2020

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :

LE 15 JUIN 2021

COMPARUTIONS :

Robert James Thomson

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Sarah Bird

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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