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Date : 20040816

Dossier : T-738-04

Référence : 2004 CF 1135

ENTRE :

                                      ZHOUSHAN ZHONGCHANG SHIPPING CO.

                                                                                                                                demanderesse

                                                                            et

                                                  HANDYBULK SHIPPING LTD.,

                     LE NAVIRE « OTELLO MANSHIP » , SES PROPRIÉTAIRES ET

        TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT DANS CE NAVIRE

                                                                                                                                      défendeurs

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE


[1]                 Les présents motifs font suite à une requête à bref délai, qui a été ajournée afin que les parties puissent déposer des documents additionnels et qui vise à faire établir la sûreté nécessaire à la mainlevée de la saisie du Otello Manship. Dans les présents motifs, j'ai employé le mot « cautionnement » comme terme général désignant la sûreté requise pour obtenir la mainlevée de la saisie du navire. Il y a, pour le calcul du cautionnement, l'analyse habituelle de la meilleure indemnisation raisonnablement possible de la demanderesse, une règle qui doit être observée sauf circonstances spéciales : voir C.P. Ships (Bermuda) Ltd. c. Le « Panther Max Canmar Supreme » , un jugement non publié du juge Gibson, 2002 CFPI 406, aux paragraphes 18 à 20, pour ce qui concerne les circonstances spéciales. Je dois, comme circonstance spéciale, appliquer, pour fixer le cautionnement, le principe de l'atténuation du préjudice : si un demandeur ne fait rien pour atténuer ou raisonnablement circonscrire sa perte, « le défendeur ne répondra que de la partie de la perte du demandeur qui pourra être validement considérée comme le résultat du manquement du défendeur » (The Solholt, [1983] 1 Lloyd's Rep. 605, à la page 608, une décision de la Cour d'appel anglaise).

[2]                 En appliquant le principe de l'atténuation du préjudice, ainsi que le principe conduisant à l'établissement d'un cautionnement adéquat, j'ai gardé à l'esprit qu'il ne m'appartient pas de juger l'affaire : ce sera la tâche du juge du procès, ou, en l'occurrence, d'un arbitre de Londres. La tâche consistant à fixer le cautionnement ne doit donc pas mener à un chiffre définitif, mais à un chiffre reflétant la meilleure indemnisation raisonnablement possible de la demanderesse. La détermination du cautionnement pour qu'il corresponde à la meilleure indemnisation raisonnablement possible doit toujours autoriser une approximation discrétionnaire, circonscrite d'une part par le droit du demandeur qui a procédé à la saisie d'obtenir un cautionnement suffisant, mais d'autre part par la règle selon laquelle le défendeur, propriétaire du navire, ne doit pas se voir inutilement contraint de verser un cautionnement excessif pour retrouver la possession de son navire. Je relèverais ici qu'il n'est vain de vouloir échapper au dilemme suivant : fixer un cautionnement adapté aux circonstances de chacune des parties, en comptant sur une résolution après le fait, par saisie-exécution d'actifs si le cautionnement est trop bas, ou adjuger des dépens afin de dédommager un défendeur qui a été contraint de déposer un cautionnement excessif.


[3]                 Dans sa déclaration, la demanderesse sollicite soit des dommages-intérêts pour rupture du contrat de vente du 1er septembre 2003, c'est-à-dire la différence entre le prix de vente initial convenu et la valeur marchande ultérieure du navire, en l'occurrence le 30 avril 2004, soit des dommages-intérêts pour perte d'utilisation, calculés sur la base du prix de location quotidien net effectif reçu pour le navire par Handybulk. Dans la requête, la demanderesse sollicitait une sûreté pour la rupture du contrat, sûreté qui devait garantir les dommages-intérêts pouvant résulter d'un arbitrage à Londres entre les parties. En l'espèce, la meilleure indemnisation raisonnablement possible de la demanderesse, pour rupture du contrat de vente, indemnisation rajustée en fonction des circonstances, y compris celles de la demanderesse, dont les perspectives sont optimistes, et celles des défendeurs, pour qui des pourparlers entre les parties et des mesures propres à atténuer le préjudice auraient pu éviter la nécessité d'un cautionnement, est de 9 128 210 $US : le cautionnement sera donc, pour arrondir le chiffre, de 9,1 millions $US. Avant d'examiner la question plus en détail, je ferai un bref rappel des faits.

LES FAITS


[4]                 Par un contrat daté du 1er septembre 2003, rédigé selon une formule de contrat type datant de 1993, et conclu entre la demanderesse, Zhoushan Zhongchang Shipping Co. Ltd. ( « Zhoushan » ) et la défenderesse, Handybulk Shipping Ltd. ( « Handybulk » ), Zhoushan s'engageait à acheter le Otello Manship, un vraquier de 42 244 tpl construit en 1985 par Mitsubishi Heavy Industries Ltd., une société japonaise.

[5]                 Le prix du navire, qui devait être livré au port de Zhoushan, en Chine, entre le 15 novembre 2003 et le 20 janvier 2004, était de 7 171 500 $US : le dépôt fut versé par Zhoushan le 6 septembre 2003. Handybulk a continué d'utiliser le navire : le 7 novembre 2003, la date de livraison fut reportée au 30 avril 2004. Cette dernière date est pertinente comme date retenue pour l'évaluation du navire, en vue du calcul des dommages-intérêts pour rupture du contrat.

[6]                 Le 3 février 2004, après avoir reçu avis d'une livraison imminente, Zhoushan s'empressait de payer à la HSBC, à Hong Kong, le solde de 6 619 981,20 $US, qui comprenait une provision pour le combustible se trouvant à bord du navire. Zhoushan fut par la suite informée que le Otello Manship serait livré au port de Zhoushan le 12 février 2004. Un différend a alors surgi à propos des documents, Handybulk affirmant que les dossiers du conseil d'administration de Zhoushan n'étaient pas conformes à la loi chinoise, une position contestée par Zhoushan. Le Otello Manship n'a pas été livré le 12 février 2004.

[7]                 Craignant que Handybulk ne cherche à vendre le navire ailleurs, Zhoushan a obtenu une injonction à Malte, où le Otello Manship était immatriculé, injonction qui faisait obstacle à toute opération se rapportant au navire.

[8]                 Le 3 mars 2004, Handybulk signifiait de nouveau un avis de livraison, un avis de 30 jours, et, plus tard, le 28 avril 2004, elle signifiait un avis définitif d'un jour de la livraison, encore que sans préciser où se trouvait le navire. Le navire n'était pas encore livré le 30 avril 2004. Handybulk refusait semble-t-il de livrer le navire en raison de l'interprétation qu'elle donnait de l'injonction obtenue à Malte, qui interdisait toute transaction portant sur le navire et qui était encore en vigueur.

[9]                 De l'avis de Zhoushan, tous les échecs susmentionnés de livraison du navire constituaient une rupture du contrat et Zhoushan décida d'introduire une procédure d'arbitrage à Londres. Zhoushan a nommé son arbitre le 5 mars 2004. Handybulk n'a pas nommé d'arbitre. La procédure d'arbitrage introduite à Londres est une procédure avec arbitre unique.

[10]            Le 7 mai 2004, le contrat de vente du navire était résilié. Il y a désaccord ici sur le point de savoir qui a résilié le contrat et qui a accepté la résiliation, mais, aux fins des présents motifs, j'admets que le contrat a été résilié à cette date. Par la suite, Handybulk a cédé le navire en location à Cargill International S.A., qui a chargé des céréales à Tacoma (État de Washington) à destination de ports asiatiques, le navire ayant d'abord reçu l'ordre de se rendre à Vancouver pour être approvisionné en combustible, et c'est à Vancouver que le navire a été saisi.


ANALYSE

Meilleure indemnisation raisonnablement possible

[11]            Je passe à la sûreté qui doit être déposée pour que soit obtenue la mainlevée de la saisie du Otello Manship. Le point de départ, lorsqu'il y a rupture d'un contrat prévoyant la livraison d'un navire, est la valeur du navire à la date pertinente de livraison, à savoir le dernier jour de la série complète des dates de livraison, soit le 30 avril 2004, par rapport au prix contractuel du navire, ce qui donne, dans un marché à la hausse, un manque à gagner que Zhoushan n'aurait pas subi si Zhoushan était devenue propriétaire du navire. Il s'agit bel et bien d'un manque à gagner, car manifestement Zhoushan aurait pu vendre le navire à la fin d'avril 2004 pour un prix nettement supérieur au prix d'achat convenu en novembre 2003.

[12]            Les parties ne s'entendent pas sur la valeur marchande qu'avait le Otello Manship le dernier jour auquel le navire aurait pu être livré. Pour établir la valeur, Handybulk propose une évaluation du Otello Manship par expertise. Une expertise n'est pas une évaluation faite par un évaluateur comme tel, mais il s'agit plutôt d'une estimation marchande qui tient compte des détails du navire. Cette évaluation, faite par Cleaves Capital Ship Brokers Ltd., de Londres, est de 13 750 000 $US à la fin d'avril 2004.

[13]            Le certificat d'évaluation du Otello Manship, sur lequel se fonde Zhoushan, a été délivré par Simpson Spence & Young, qui a évalué le navire à « environ 15 500 000 $US » , au 30 avril 2004, pour une opération conclue entre un vendeur disposé à vendre et un acheteur disposé à acheter. Il s'agirait là d'une valeur approximative, mais Zhoushan propose aussi un relevé de ventes effectives daté du 30 avril 2004 de Optima Ship Brokers Ltd., relevé qui montre que Ocean Bulk Maritime a vendu à des acheteurs grecs non précisés, pour la somme de 14 500 000 $US, le Qui Gon Jinn, un vraquier légèrement plus petit construit lui aussi en 1985 au Japon. PF Vassoe, d'Oslo, en Norvège, présente ensuite un document qui montre ce qui est de toute évidence une revente immédiate par les acheteurs grecs à des acheteurs de l'Extrême-Orient, pour le prix de 15 500 000 $US.

[14]            Il ne m'appartient pas de dire laquelle des évaluations est la bonne. Le seul critère est l'indemnisation raisonnablement possible que Zhoushan peut alléguer en tant que valeur du Otello Manship au 30 avril 2004, encore que les valeurs avancées par Handybulk et par Zhoushan ne soient guère éloignées. S'agissant de la valeur du Otello Manship au 30 avril 2004, la meilleure indemnisation raisonnablement possible doit s'appuyer sur le fait que le Qui Gon Jinn, un vraquier légèrement plus petit, équipé de grues et de moteurs semblables à ceux du Otello Manship, et construit la même année, s'est vendu pour la somme de 15 500 000 $US. Il y a cependant la question de l'atténuation du préjudice.


Atténuation du préjudice

[15]            Le point de savoir si Zhoushan aurait dû s'employer à atténuer le préjudice subi par elle devrait être pris en compte en tant que circonstance spéciale permettant de réduire le cautionnement à partir de la meilleure indemnisation raisonnablement possible. Ce point avait été soulevé dans The Solholt, [1981] 2 Lloyd's Rep. 574 [Q.B. (Com. Ct.)], une décision du juge Staughton. Le juge Staughton a d'abord considéré que le préjudice subi, dans un contrat de vente résilié, était la différence entre le prix contractuel et le prix du marché. Cependant, il a ensuite estimé que l'acheteur avait en fait négligé d'atténuer son préjudice et qu'il n'avait pas droit à réparation. La base de ce jugement était que l'acheteur, lorsque le contrat de vente du navire fut résilié, simplement à cause d'un retard d'une journée dans la livraison prévue du navire, aurait pu faire une nouvelle offre pour le Solholt. L'acheteur du Solholt a fait effectivement une offre d'achat du navire, offre qui se chiffrait à 250 000 $ de moins que le prix convenu antérieurement et qui fut refusée. Cependant, au vu de la preuve, le juge Staughton décida que l'acheteur aurait pu immédiatement acheter le navire et en prendre livraison, au lieu convenu de livraison, pour le prix d'achat initial convenu. La Cour d'appel, [1983] 1 Lloyd's Rep 605, a confirmé le jugement du juge Staughton, parce que l'acheteur avait la possibilité d'acheter effectivement le Solholt, au moyen d'un nouveau contrat, le navire étant immédiatement disponible au port de livraison, pour le prix d'achat initial. La réclamation pour manque à gagner a donc été rejetée.

[16]            En l'espèce, les deux parties ont tenté d'arriver à une entente qui aurait pu conduire, dans une grande mesure, à une atténuation du préjudice, après la saisie du navire à Vancouver. Cependant, le déroulement des négociations lors des diverses rencontres, et la manière dont ces négociations devraient être interprétées, n'est pas quelque chose qu'il soit possible ou impératif de décider, au sens absolu du terme, sans une audience en bonne et due forme. Par ailleurs, lorsque les parties ont décidé de tenter un compromis, à Vancouver au début de juin 2004, aucune d'elles n'avait confiance en l'autre. À l'évidence, selon le point de vue de Handybulk, la difficulté que lui causaient les documents produits par Zhoushan semblait s'être dissipée au début de juin 2004. Toutefois, beaucoup de défiance subsistait, car il semblerait que Handybulk avait encore des doutes sur la conduite de Zhoushan. Zhoushan, quant à elle, considérait que Handybulk avait deux fois négligé de livrer le navire, alors qu'il se trouvait au port de livraison, ou à proximité, en Chine, et Zhoushan considérait aussi que, en cas de mainlevée de la saisie du navire à Vancouver sans une sûreté adéquate, Zhoushan n'était nullement assurée que le navire lui serait jamais livré en Chine.


[17]            Le point de livraison lui-même, à savoir le port de Zhoushan, était un sujet de désaccord entre les parties. L'insistance de Zhoushan pour une livraison du navire en Chine repose sur le fait que Zhoushan est une société de cabotage et que, si elle devait prendre livraison du navire à Vancouver, il lui faudrait se soumettre à des formalités longues et difficiles pour obtenir l'autorisation d'entreprendre un voyage au long cours. Et il y aurait d'autres problèmes : obtenir une inspection de classification, recruter un équipage et obtenir les permis requis. Tout cela rendait difficile une livraison à Vancouver. La position de Handybulk est que toutes ces difficultés pouvaient être résolues en quelques semaines. Ici encore, il s'agit d'un aspect qui ne peut être résolu qu'à la faveur d'une audience en règle, au cours de laquelle des témoins pourront être contre-interrogés sous la surveillance d'un juge, ou, en l'occurrence, au cours d'une audience en règle tenue devant un arbitre à Londres. Il me reste donc à déterminer la meilleure indemnisation raisonnablement possible de Zhoushan, qui affirme qu'une livraison à Vancouver aurait été et continue d'être insatisfaisante. Cependant, la question de l'atténuation du préjudice ne s'arrête pas là.

[18]            Handybulk avait proposé le 30 mai 2004 de mener à son terme l'affrètement du Otello Manship à Cargill, puis de livrer le navire à Zhoushan. La position actuelle de Handybulk est que, après des réunions entre Handybulk et Zhoushan les 3, 4 et 5 juin à Vancouver, Handybulk a formellement proposé le 7 juin 2004 de livrer le navire à Vancouver, Zhoushan prenant à sa charge l'affrètement consenti à Cargill, et l'achat du navire devant se faire au prix convenu initial de 7 171 500 $. Abstraction faite de la difficulté d'obtenir du gouvernement chinois l'autorisation d'importer le navire, et abstraction faite des frais afférents à une traversée du navire, sur son lest, de Vancouver jusqu'en Chine, ou des frais afférents aux nouvelles autorisations requises pour que Cargill puisse entreprendre un voyage commercial depuis Vancouver jusqu'en Orient, puis vers la Chine, une telle résolution, en vérité un compromis, aurait quand même laissé Zhoushan avec une réclamation pour manque à gagner et avec ses frais juridiques jusqu'à cette date.


[19]            Zhoushan acceptait semble-t-il l'idée d'une mainlevée de la saisie du navire, pour permettre à Handybulk de mener à son terme l'affrètement du navire à Cargill, puis de livrer le navire au port de Zhoushan, mais Zhoushan voulait soit une garantie bancaire soit une lettre d'un Club de protection et d'indemnité, à titre de sûreté. Zhoushan n'était pas disposée à accepter de l'exploitant du navire une lettre de garantie car, eu égard aux livraisons antérieures avortées, Zhoushan ne croyait pas qu'une garantie de l'exploitant ferait avancer les choses.

[20]            Avant une rencontre finale entre les deux parties, qui devait avoir lieu le 5 juin 2004, Zhoushan a proposé que chacune des parties produise ses documents de conclusion du marché et que Handybulk verse une somme de 2 millions $US en règlement de la réclamation pour manque à gagner et dépose une somme de 1 million $US comptant garantissant qu'elle livrerait le navire au port de Zhoushan, dépôt qui lui serait retourné après livraison dûment exécutée.

[21]            La proposition d'un paiement de 2 millions $US, en compensation du manque à gagner subi durant la période au cours de laquelle Zhoushan aurait eu le Otello Manship à disposition s'il lui avait été livré à temps, fut jugée par Handybulk contraire à l'esprit du principe d'atténuation du préjudice. Cependant, il convient de considérer aussi la situation globale. M. Bregante, de Gênes, en Italie, l'avocat de Handybulk, a chiffré à « environ 14 000 $US » le prix de location net quotidien du navire. Quant à Zhoushan, elle a utilisé, pour le prix de location net quotidien, le chiffre de 15 731,25 $US, un chiffre extrait d'une lettre antérieure de M. Bregante. Employant ce chiffre exact, plutôt qu'un chiffre approximatif de 14 000 $US par jour, Zhoushan a établi sa perte d'utilisation à 2 690 043 $US, soit la perte d'utilisation au cours des 171 jours allant du 12 février 2004, le dernier jour auquel le navire aurait pu être livré selon le contrat initial, jusqu'au 31 juillet 2004.


[22]            Pour Handybulk, la réclamation de 2 millions $US pour perte d'utilisation est d'une part incompatible avec le principe d'atténuation du préjudice (et Zhoushan savait qu'elle ne serait pas acceptable) et d'autre part assimilable à une escroquerie. J'imagine que Handybulk attribue à ce mot son sens américain de pratique effrontée de recouvrement. On pourrait tout aussi validement qualifier la proposition d'une compensation de 2 millions $US de solution de compromis pour la réclamation de 2,69 millions $US de Zhoushan au titre de la perte d'utilisation.

[23]            Au vu de la preuve qui est devant moi, il semblerait que la réunion du 5 juin 2004, à Vancouver, fut brève. Le vendeur n'a pas accepté de payer une indemnité pour perte d'utilisation, mais a proposé une réduction du prix d'achat. Handybulk a rejeté l'idée de déposer une sûreté garantissant la livraison du navire au port de Zhoushan. Quoi qu'il en soit, la proposition de Zhoushan a été rejetée et Handybulk s'est formellement proposée à livrer le navire à Vancouver le 7 juin 2004. Il est possible d'analyser utilement, sans disposer de la présente affaire, la portée de tout cela sur le quantum du cautionnement, en s'en rapportant aux circonstances et au résultat de l'affaire The Solholt (précitée).

[24]            Dans The Solholt, ainsi que je l'ai déjà indiqué, le navire était en retard d'une journée, mais il était immédiatement disponible au port de livraison, pour le prix initial convenu. Comme l'acheteur avait la possibilité de conclure un nouveau contrat de vente et d'obtenir la possession immédiate du Solholt, il n'y avait aucun préjudice pour rupture de contrat.


[25]            Au contraire, dans la présente affaire, le navire ne se trouvait pas au port convenu de livraison. De plus, Zhoushan avait des arguments raisonnablement défendables à faire valoir au soutien d'une perte d'utilisation. On peut raisonnablement soutenir que les deux parties ont tenté d'arriver à un accord donnant lieu à atténuation du préjudice, sans pouvoir trouver un terrain d'entente. Le point de savoir si une faute doit être attribuée à une partie ou à l'autre, soit parce que Zhoushan n'a pas cherché à atténuer son préjudice, soit parce que Handybulk n'a rien fait pour faciliter cet effort d'atténuation, n'est pas un point qui puisse être décidé dans une demande de fixation d'un cautionnement, car il s'agit là d'une conclusion au fond, et il ne m'appartient pas de tirer cette conclusion.

DISPOSITIF


[26]            La meilleure indemnisation raisonnablement possible de Zhoushan est le fait que Zhoushan a subi une perte, soit la différence entre le prix de vente initial convenu de 7 171 500 $US et la valeur du navire au 30 avril 2004, soit 15 500 000 $US, donc une perte de 8 328 500 $US. La meilleure indemnisation raisonnablement possible en ce qui a trait aux dépens n'est pas la somme de 500 000 $US, mais une somme moindre : il convient de ramener cette somme, qui est excessive, à 300 000 $US. Vu la somme réclamée à ce stade pour rupture de contrat, une provision pour intérêts doit être appliquée. L'intérêt simple au taux de 6 p. 100 est un chiffre raisonnable. Puisque l'arbitrage à Londres est déjà engagé, un horizon d'un an pour les intérêts est adéquat. La sûreté au titre de la meilleure indemnisation raisonnablement possible se présente donc ainsi :

$US

Différence entre le prix de vente initial convenu de 7 171 500 $ et une valeur au 30 avril 2004 de 15 500 000 $

8 328 500,00

Intérêts sur 8 328 500 $, au taux de 6 p. 100 l'an

499 710,00

Dépens pour l'arbitrage à Londres et les frais juridiques en Chine, à Malte et au Canada

300 000,00

Total

9 128 210,00

La sûreté requise pour la mainlevée de la saisie du Otello Manship est donc fixée, pour donner un chiffre rond, à 9 100 000 $US.

[27]            La demanderesse pourra obtenir ses dépens taxables dans cette requête selon une somme forfaitaire, dont la valeur unitaire est établie d'après les chiffres médians de la colonne III du tarif B, et eu égard au fait que l'audition de la requête s'est étalée sur deux jours, soit la somme de 1 000 $.

          « John A. Hargrave »          

     Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique)

le 16 août 2004

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                             AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                          T-738-04

INTITULÉ :                                          ZHOUSHAN ZHONGCHANG SHIPPING CO. c. LE NAVIRE « OTELLO MANSHIP » ET AUTRES

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE 10 AOÛT 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :     LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

DATE DES MOTIFS :                        LE 16 AOÛT 2004

COMPARUTIONS :

A Barrry Oland                                    

Thomas S. Hawkins

POUR LA DEMANDERESSE

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Oland & Co.

Vancouver (Colombie-Britannique)

Bernard et Associés

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LA DEMANDERESSE

POUR LES DÉFENDEURS


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