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Date : 20210611


Dossier : T‑1127-10

Référence : 2021 CF 602

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 11 juin 2021

En présence de madame la juge Fuhrer

ENTRE :

FIDUCIE SADHU SINGH HAMDARD

demanderesse

et

NAVSUN HOLDINGS LTD. ET 6178235 CANADA INC.

défenderesses

JUGEMENT ET MOTIFS MODIFIÉS

I. Aperçu

[1] La présente affaire porte sur le mot pendjabi « AJIT », qui signifie « invincible » ou « indomptable », et le droit à l’emploi de ce mot au Canada en liaison avec des journaux. Le litige entre les parties dure depuis longtemps, et l’historique des procédures est complexe. Le nouvel examen du jugement sommaire en l’espèce, le deuxième, porte sur les allégations de commercialisation trompeuse, de contrefaçon de marque et de dépréciation de l’achalandage de la demanderesse, y compris toutes les questions de fait et de droit portant sur la responsabilité.

[2] Aux fins du nouvel examen de ces questions, je résumerai d’abord le contexte factuel, puis la nature de la procédure en cause et l’historique des procédures, y compris les conclusions qui demeurent valides. Je résumerai ensuite la preuve des parties et j’exposerai en détail les questions visées par le nouvel examen. Enfin, sur ce fondement, j’effectuerai une analyse qui comprendra une étude attentive des dossiers et des observations présentés par les parties dans le cadre du nouvel examen en l’espèce, ainsi que des principes juridiques applicables.

[3] Pour les motifs qui suivent, je fais droit à la demande de la fiducie Hamdard fondée sur la commercialisation trompeuse, mais seulement en ce qui concerne le logo initial de Navsun (décrit plus loin). Les défenderesses sont tenues envers la fiducie Hamdard à des dommages-intérêts compensatoires de 10 000 $, mais seulement au titre de la période de juillet 2004 à septembre 2009, compte tenu du délai de prescription et des moyens de défense applicables. Enfin, la Cour rejette les allégations de violation formulées par la fiducie Hamdard au titre des articles 19 et 20 ainsi que les allégations de dépréciation de l’achalandage formulées au titre de l’article 22 en ce qui concerne le logo modifié de Navsun (décrit plus loin).

II. Le contexte factuel

A. a) Le Daily Ajit

[4] La demanderesse, la fiducie Sadhu Singh Hamdard [la fiducie Hamdard], publie un journal en pendjabi appelé AJIT, qui est bien connu des Pendjabis en Inde, parmi laquelle il compte de nombreux lecteurs. À partir d’au moins 1968, les mots « THE DAILY AJIT JULLUNDUR » (le mot « AJIT » étant imprimé en caractères gras et dans une police plus grande), et plus tard les mots « Daily Ajit, Jalandhar », apparaissaient en caractères latins sur le cartouche de titre du journal, en plus de la graphie stylisée du mot « AJIT » en caractères pendjabis. Le mot « Daily » semble avoir complètement disparu en 2016, ne laissant que les mots « Ajit, Jalandhar ». Cependant, afin distinguer le journal de la demanderesse et celui des défenderesses, je désignerai le premier par le nom de Daily Ajit.

[5] Le Daily Ajit a été fondé en 1955 par M. Sadhu Singh Hamdard, sous le nom de Ajit Patrika, à Jalandhar, dans l’État du Pendjab, en Inde. En 1955, le nom a été changé à AJIT, tout simplement, et n’a pas changé depuis. M. Hamdard a rempli les fonctions de rédacteur en chef de ce journal de 1955 jusqu’à sa mort en 1984. Voici un exemple du cartouche de titre utilisé en 1968 :

[6] M. Hamdard a créé la fiducie Hamdard en 1977. Il s’agit d’une fiducie caritative publique à laquelle il a fait don de tous les actifs du Daily Ajit, y compris les machines, les presses et les locaux. Il a assuré la présidence de cette fiducie jusqu’à sa mort en 1984. Le Daily Ajit est un quotidien, comme l’indique son nom anglais (daily signifiant quotidien); il propose un contenu typique : nouvelles locales, nationales et internationales, prévisions météorologiques, sports, programmes de télévision, articles de fond, éditoriaux et publicité. En 2002, la fiducie Hamdard a créé un site Web portant le nom de domaine www.ajitjalandhar.com. Le contenu du Daily Ajit est publié sur ce site Web ainsi que sur des applications mobiles.

[7] Le tirage quotidien moyen du Daily Ajit est passé de 23 467 exemplaires en 1975 à 400 126 en 2016 (414 590 la fin de semaine). Le Daily Ajit compte des abonnés au Canada et dans d’autres pays depuis au moins 1968. Il est cependant peu diffusé hors de l’Inde dans sa version imprimée, en raison des problèmes de livraison tardive causés par les grandes distances. On le constate, par exemple, en examinant les chiffres de diffusion au Canada. Au cours de la période de 1990 à 2010, le nombre d’abonnés du Daily Ajit au Canada a atteint un maximum de 43 en 1991, pour s’établir à seulement 7 en 2010, après être descendu jusqu’à 4 en 2003, 2004, 2006 et 2008. De 2002 à 2010 inclusivement, le nombre d’abonnés au Canada était inférieur à 10. On voit donc qu’il se vend peu d’abonnements quotidiens à la version imprimée de ce journal en dehors de l’Inde. Le Daily Ajit a cependant reçu des lettres à la rédaction et des annonces publicitaires du Canada au fil des ans. En outre, depuis le lancement, en décembre 2012 ou à peu près, des applications mobiles de la fiducie Hamdard, qui permettent la lecture gratuite en ligne du contenu de ce journal, le nombre de téléchargements de ces applications pour les systèmes d’exploitation Android et IOS au Canada n’a cessé d’augmenter, jusqu’à dépasser 71 000 en date du 17 août 2017.

[8] Depuis 1984, le cartouche de titre du Daily Ajit porte un logo constitué par le nom AJIT, écrit en caractères pendjabis de couleur rouge dans une graphie stylisée particulière [le logo de la fiducie Hamdard]. La partie la plus inhabituelle du logo de la fiducie Hamdard est le « crochet » qui surmonte la graphie stylisée du mot pendjabi « AJIT » et qui, aplati à son sommet, s’étend à gauche au‑dessus des caractères voisins. La base aplatie du dernier caractère est elle aussi particulière. Ces caractéristiques graphiques composent un dessin original créé par un employé de la fiducie Hamdard en 1984 et ne se retrouvent dans aucune police de caractères pendjabis. Cela dit, le reste de la graphie rappelle une police de grands caractères appelée « Nanak », qui existe depuis 1995. Voici un exemple de ce cartouche de titre, datant de 2004 :

[9] Le logo de la fiducie Hamdard est déposé au Canada depuis le 23 septembre 2015 sous le numéro d’enregistrement de marque de commerce LMC914925, essentiellement en liaison avec des journaux et magazines imprimés et électroniques, ainsi que des services connexes. Cet enregistrement est basé sur l’emploi de la marque de commerce au Canada depuis au moins le 22 août 1984, en liaison avec les produits susmentionnés, et revendique d’autres dates de premier emploi à l’égard des autres produits et services. La couleur n’est pas revendiquée en tant que caractéristique de la marque. Voici le logo de la fiducie Hamdard tel qu’il a été déposé :

[10] La fiducie Hamdard a appris l’existence de l’Ajit Weekly (décrit plus loin) en 1995, lorsque le rédacteur en chef du Daily Ajit de l’époque, M. Barjinder Singh Hamdard, a fait un voyage au Canada.

B. b) L’Ajit Weekly

[11] En 1993, la défenderesse Navsun Holdings Ltd. [Navsun] et ses prédécesseurs, la famille Bains, ont commencé à publier au Canada un hebdomadaire gratuit s’adressant à la population d’origine pendjabie de notre pays et, plus tard, des États‑Unis. Afin de distinguer le journal des défenderesses et celui de la demanderesse, je désignerai le premier par le nom d’Ajit Weekly. L’Ajit Weekly, qui est lui aussi un journal en pendjabi, proposait en outre du contenu en anglais.

[12] L’entreprise familiale a d’abord exercé ses activités sous le nom de The Ajit ou Weekly Ajit. La société Navsun a été constituée en 1997, à l’origine sous le nom d’Ajit Newspaper Advertising, Marketing and Communications Inc., puis sous le nom de Navsun Holdings Ltd. à compter de 2005. Navsun exploite depuis 1998 un site Web portant le nom de domaine www.ajitweekly.com, qui publie une version électronique de l’Ajit Weekly. La défenderesse 6178235 Canada Inc. [617Canada] est l’éditeur actuel de l’Ajit Weekly, sous licence de Navsun depuis janvier 2004. La famille Bains continue de jouer un rôle dans ces activités et entreprises. Sauf indication contraire ou incompatibilité avec le contexte, toute mention de Navsun vaut aussi pour 617Canada.

[13] Le journal Ajit Weekly est distribué chaque semaine en paquets dans des épiceries, supermarchés, restaurants, temples et kiosques à journaux des régions du Grand Toronto et du Grand Vancouver. Les exemplaires sont déposés dans des boîtes portant le dessin-marque AJIT de Navsun (décrit plus loin), à des endroits déterminés en Colombie‑Britannique et à Toronto. En 2014, Navsun imprimait 11 000 exemplaires par semaine chez son imprimeur vancouvérois et 13 000 chez son imprimeur torontois. Le site Web www.ajitweekly.com, où est publiée la version électronique de l’Ajit Weekly, reçoit un nombre mensuel de visites très variable, qui va de 5 500 à 30 000, parfois plus.

[14] Durant de nombreuses années, le cartouche de titre de Navsun s’est présenté sous la forme reproduite ci-dessous, où l’on distingue le mot « AJIT » en caractères pendjabis (dont la graphie imite pour l’essentiel le logo de la fiducie Hamdard illustré ci-dessus au paragraphe 8), les mots « The Ajit (Weekly Newspaper) » en dessous et, sous ces mots, un dessin représentant le Khanda, symbole du sikhisme, entre deux drapeaux canadiens :

[15] La couleur de la une et du mot « AJIT » en caractères pendjabis variait chaque semaine. En 2000, Navsun a décidé d’imprimer ce mot en magenta et de remplacer les mots « The Ajit (Weekly Newspaper) » par le nom de domaine www.ajitweekly.com. Voici un exemple du cartouche de titre de l’Ajit Weekly tel qu’il se présentait en janvier 2000 :

[16] Le 3 mars 2005, Navsun a enregistré au Canada le dessin-marque reproduit ci‑dessous [le logo initial de Navsun] sous le numéro d’enregistrement LMC634203, essentiellement en liaison avec des journaux et magazines imprimés et électroniques, ainsi que des services connexes en ligne, sur la base de l’emploi de la marque au Canada depuis au moins le 15 octobre 1993. Le logo initial de Navsun se composait du logo de la fiducie Hamdard et de la mention « AJIT WEEKLY » en dessous. Comme les versions antérieures du logo initial de Navsun illustrées ci-dessus contenaient le même élément graphique et, en dessous, les mots « AJIT WEEKLY » sous une forme ou une autre, la mention du logo initial de Navsun vaudra aussi pour ces versions antérieures. En 2010, la fiducie Hamdard a introduit une procédure de radiation de l’enregistrement portant le numéro LMC634203, qui est devenue théorique lorsque Navsun a annulé l’enregistrement en question.

[17] Depuis septembre 2009, Navsun emploie, au lieu de son logo initial, le dessin-marque suivant [le logo modifié de Navsun], où la graphie stylisée du mot « AJIT » en caractères pendjabis apparaît normalement en vert :

[18] Navsun a adopté la marque décrite au paragraphe précédent par suite d’un accord de règlement partiel signé par les parties le 15 septembre 2009, que j’examinerai ci-dessous.

III. La nature de la procédure et les antécédents procéduraux

[19] De nombreuses instances ont opposé les parties au Canada, aux États‑Unis et ailleurs. Je récapitule sommairement ci‑dessous les instances pertinentes plaidées aux États‑Unis et au Canada.

A. (1) États‑Unis d’Amérique

[20] Le 12 août 2004, la fiducie Hamdard a intenté devant la Cour de district des États‑Unis pour le district Est de New York [la Cour de district] une action contre Navsun et M. Darshan Singh, alias M. Darshan Singh Bains, alors administrateur de Navsun et rédacteur en chef de l’Ajit Weekly, mais aujourd’hui décédé. La fiducie Hamdard reprochait aux défendeurs de contrefaire sa marque de commerce et de violer son droit d’auteur. La Cour de district a rendu un jugement sommaire favorable aux défendeurs – confirmé par la Cour d’appel des États‑Unis du Deuxième Circuit –, sauf à l’égard de l’allégation de violation du droit d’auteur.

[21] Le 15 septembre 2009, les parties ont signé un accord en règlement de leur différend sur le droit d’auteur [l’accord de règlement partiel], par lequel les défendeurs se sont engagés à ne pas contester, dans aucun ressort, le fait que la fiducie Hamdard détient un droit d’auteur valide sur le logo de la fiducie Hamdard (désigné comme le [traduction] « logo du Daily Ajit » dans l’accord de règlement partiel) et que ce logo, mais non le mot « AJIT », remplit les conditions nécessaires pour être protégé par le droit d’auteur.

[22] L’accord de règlement partiel a aussi octroyé aux défendeurs une licence limitée leur permettant d’employer le logo de la fiducie Hamdard et le logo alors essentiellement identique de Navsun jusqu’au 31 décembre 2009. Navsun s’est engagée à utiliser, à partir du 1er janvier 2010, un logo [traduction] « nettement distinct ». Les parties ont convenu que la graphie stylisée différente du mot « AJIT », reproduite ci‑dessus en vert dans le logo modifié de Navsun, était [traduction] « nettement distincte ». Les parties ont également convenu de ce qui suit : i) la licence limitée ne porterait pas atteinte aux droits de marque et autres droits respectivement revendiqués par elles dans quelque ressort que ce soit; et ii) elles pourraient faire valoir l’accord de règlement partiel comme défense entière et complète dans d’autres instances. Sur consentement de toutes les parties, la Cour de district a intégré l’accord de règlement partiel dans une ordonnance en date du 1er octobre 2009.

B. (2) Canada

[23] La fiducie Hamdard a intenté la présente action le 15 juillet 2010, à l’origine contre Navsun, 617Canada et Master Web Inc., imprimeur et diffuseur de l’Ajit Weekly au Canada. Elle s’en est désistée à l’égard de Master Web en 2015.

[24] La fiducie Hamdard affirme en résumé dans sa déclaration trois fois modifiée que les défenderesses :

  • - par leur emploi du logo initial et du logo modifié de Navsun, ont appelé et continuent d’appeler l’attention du public sur leurs produits, leurs services ou leur entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada entre leurs produits, leurs services ou leur entreprise et ceux de la fiducie Hamdard, en violation de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13;

  • - ont contrefait le logo et la marque de commerce AJIT de la fiducie Hamdard, par application de l’article 20 de la Loi sur les marques de commerce;

  • - par leur emploi du mot « AJIT » et du logo initial de Navsun, ont contrefait le logo et la marque de commerce AJIT de la fiducie Hamdard, en violation de l’article 19 de la Loi sur les marques de commerce;

  • - par leur emploi du logo modifié de Navsun, ont diminué la valeur de l’achalandage attaché au logo de la fiducie Hamdard et à la marque de commerce AJIT;

  • - ont violé le droit d’auteur sur le logo de la fiducie Hamdard.

[25] Dans leur deuxième défense et demande reconventionnelle modifiée, les défenderesses contestent les allégations de la fiducie Hamdard. Elles font valoir que plusieurs des revendications afférentes à l’enregistrement du logo de la fiducie Hamdard sous le numéro LMC914925, notamment la date revendiquée de premier emploi au Canada (soit le 22 août 1984), sont fausses en ce qui concerne les publications électroniques et les services en ligne connexes. Les défenderesses sollicitent donc en demande reconventionnelle un jugement déclaratoire portant que l’enregistrement numéro LMC914925 est nul ab initio et devrait être radié du registre des marques de commerce. (Dans leur demande reconventionnelle, les défenderesses reprochaient aussi à la fiducie Hamdard d’avoir fait des déclarations fausses et trompeuses tendant à discréditer l’entreprise, les produits ou les services d’un concurrent, en violation de l’alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce. La Cour fédérale a toutefois rejeté cette demande reconventionnelle en 2014, rejet confirmé en appel comme on le verra ci-dessous, de sorte qu’elle se trouve maintenant entièrement exclue de l’instance.) Les défenderesses avancent également que la fiducie Hamdard ne peut faire valoir ses allégations de violation du droit d’auteur et de diminution de la valeur de l’achalandage – allégations qu’elles contestent – à l’égard d’une période antérieure à la date d’enregistrement de son logo (le 23 septembre 2015). En outre, les défenderesses invoquent le retard indu, l’inertie et l’acquiescement.

[26] Dans sa réponse modifiée à la deuxième défense et demande reconventionnelle modifiée, la fiducie Hamdard soutient que l’enregistrement numéro LMC914925 s’applique aussi bien à son logo AJIT qu’à sa marque de commerce AJIT. En outre, cet enregistrement ne contient aucune fausse déclaration et est conforme aux exigences de la Loi sur les marques de commerce. Qui plus est, les défenderesses étaient au courant de la demande d’enregistrement en question et ne s’y sont pas opposé.

[27] La demanderesse a demandé à la Cour, par voie de requête, de rendre un jugement sommaire, d’ordonner la tenue d’un procès sommaire ou d’ordonner que sa déclaration soit traitée comme un avis de demande, conformément à l’article 300 des Règles des Cours fédérales, et que la demande soit instruite et tranchée sur la base de la preuve déposée. Les défenderesses ont pour leur part introduit une requête incidente en jugement sommaire ou en procès sommaire, à instruire le même jour que la requête de la demanderesse. Ces requêtes ont donné lieu à la première de multiples décisions des Cours fédérales dans la présente affaire.

(1) a) 2014 CF 1139 [Hamdard CF 2014]

[28] Après avoir noté que l’affaire était complexe, la juge McVeigh a conclu qu’elle pouvait être tranchée par voie de procès sommaire, sur la base des affidavits déposés par les deux parties et des contre-interrogatoires y afférents. Cette conclusion n’a pas été remise en cause dans les décisions successives, de sorte que je me vois ici saisie du deuxième réexamen des requêtes en procès sommaire des parties. La juge McVeigh a rejeté la demande de la fiducie Hamdard et la demande reconventionnelle des défenderesses et n’a adjugé aucuns dépens.

(2) b) 2016 CAF 69 (Hamdard CAF 2016)

[29] Saisie de l’appel interjeté contre la décision Hamdard CF 2014, la Cour d’appel fédérale a renvoyé l’affaire à la Cour fédérale pour nouvel examen de la demande de la fiducie Hamdard, mais a confirmé les dispositions du jugement de première instance portant rejet des allégations de la demanderesse contre Master Web et de la demande reconventionnelle des défenderesses touchant la violation de l’alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce. La juge Gleason a fondé cette décision sur un certain nombre de conclusions qu’il convient de noter.

[30] Premièrement, étant donné que la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C‑42, prévoit un délai de prescription de trois ans, la fiducie Hamdard ne peut faire valoir la violation de son droit d’auteur qu’à l’égard d’actes remontant tout au plus au 15 juillet 2007 (soit trois ans avant la date du dépôt de sa déclaration, qui est le 15 juillet 2010) : Hamdard CAF 2014, au para 10. Deuxièmement, les marques des deux parties comprennent une graphie stylisée du mot « AJIT », qui constitue aussi un prénom répandu chez les Pendjabis. Les marques de commerce en litige « ne se résument donc pas simplement au mot “Ajit”, mais plutôt au mot et à l’écriture stylisée de celui‑ci, que les deux journaux utilisent comme logo » : Hamdard CAF 2016, au para 28. Troisièmement, « la présence du préjudice requis pour présenter une demande fondée sur la commercialisation trompeuse peut être établie au moyen d’une preuve de la perte de contrôle sur la réputation, l’image ou l’achalandage » : Hamdard CAF 2016, au para 31 (citant Cheung c Target Event Production Ltd., 2010 CAF 255 aux para 24, 27-28; Orkin Exterminating Co Inc v Pestco Co. of Canada Ltd et al, 1985 CanLII 157 (CA Ont) [Orkin], [1985] OJ No 2536, 1985 CarswellOnt 144 aux para 48-49, 75).

(3) c) 2018 CF 1039 [Hamdard CF 2018]

[31] Chargé du nouvel examen de la présente affaire, le juge Fothergill a intégré à ses motifs le résumé de la preuve présenté par la juge McVeigh, pour ensuite résumer lui-même la preuve déposée ultérieurement par les parties : Hamdard CF 2018, aux para 25-27. Sur le fond, le juge Fothergill a conclu que la fiducie Hamdard avait établi le bien-fondé de ses allégations de commercialisation trompeuse, mais seulement en ce qui concerne le logo initial de Navsun (et non en ce qui concerne le logo modifié de Navsun ou le nom de domaine www.ajitweekly.com), et il ne lui a accordé que des dommages-intérêts symboliques de 5 000 $ (puisqu’il n’y avait aucune preuve de conséquences sur son entreprise).

[32] Le juge Fothergill a aussi conclu que le logo initial de Navsun violait le droit d’auteur de la fiducie Hamdard. Celle‑ci pouvait donc toucher des dommages‑intérêts, mais seulement au titre de la période commençant en juillet 2007 (soit trois ans avant l’introduction de l’action en juillet 2010, compte tenu de la prescription de trois ans constatée par la juge Gleason dans l’arrêt Hamdard CAF 2014) et se terminant en septembre 2009 (c’est‑à‑dire avec la signature de l’accord de règlement partiel). La fiducie Hamdard a ainsi obtenu des dommages-intérêts symboliques de 5 000 $ pour violation du droit d’auteur. Pour le reste, le juge Fothergill a conclu que la fiducie Hamdard ne s’était pas acquittée du fardeau qu’il lui incombait d’établir la commercialisation trompeuse, la contrefaçon de marque de commerce, la diminution de la valeur de l’achalandage et la violation du droit d’auteur relativement au logo modifié de Navsun.

[33] Pour ce qui est de la deuxième défense et demande reconventionnelle modifiée des défenderesses, déposée avant le nouvel examen dont il était saisi, le juge Fothergill a conclu que, s’il était vrai que les défenderesses avaient obtenu l’autorisation de déposer une défense modifiée, cela ne pouvait avoir pour effet de redonner vie à la demande reconventionnelle, étant donné le rejet antérieur de celle‑ci.

(4) d) 2019 CAF 295 [Hamdard CAF 2019]

[34] Saisie de l’appel interjeté contre la décision Hamdard CF 2018, la Cour d’appel fédérale, en résumé :

  1. a accueilli en partie l’appel incident de Navsun et de 617Canada en ce qui concerne l’examen ou le nouvel examen de la responsabilité pour commercialisation trompeuse pour la période de juillet 2007 à septembre 2009 relativement au logo de la fiducie Hamdard;

  2. a modifié l’adjudication des dommages-intérêts, de sorte que Navsun était tenue envers la fiducie Hamdard à des dommages-intérêts de 5 000 $ pour violation du droit d’auteur de juillet 2007 à septembre 2009 (relativement au logo initial de Navsun);

  3. a accueilli l’appel de la fiducie Hamdard concernant le rejet des allégations formulées par elle au titre de l’alinéa 7b) et des paragraphes 19, 20 et 22 de la Loi sur les marques de commerce, et a renvoyé l’affaire à la Cour fédérale pour nouvel examen de l’ensemble des questions de fait et de droit portant sur la responsabilité aux termes de ces dispositions.

[35] Dans le cours du raisonnement qui l’a amené à cette décision, le juge Laskin a formulé plusieurs conclusions qu’il convient de noter et qui ont une incidence sur les questions non réglées et sur mon analyse. Premièrement, pour autant qu’il effectue sa propre analyse, rien n’empêche le juge du procès sommaire d’adopter les résumés de la preuve ou certains passages des motifs établis à la suite des procès sommaires antérieurs : Hamdard CAF 2019, au para 16. Deuxièmement, la question pertinente à se poser dans l’examen d’une allégation de violation fondée sur l’article 19 de la Loi sur les marques de commerce est de savoir si les marques de commerce en question sont identiques, c’est‑à‑dire les mêmes, et non pas simplement si elles se ressemblent : Hamdard CAF 2019, aux para 20, 22.

[36] Troisièmement, l’examen d’une allégation de violation fondée sur l’article 20 de la Loi sur les marques de commerce exige la prise en considération de tous les facteurs énumérés au paragraphe 6(5), même lorsque les marques de commerce en question présentent un degré appréciable de ressemblance : Hamdard CAF 2019, aux para 25, 28. Quatrièmement, le critère applicable à l’examen de la dépréciation de l’achalandage aux termes de l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce est le critère à quatre volets formulé au paragraphe 46 de l’arrêt Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 [Veuve Clicquot] : Hamdard CAF 2019, au para 34.

[37] Cinquièmement, pour pouvoir invoquer la commercialisation trompeuse au titre de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, le demandeur doit d’abord prouver qu’il possédait « une marque de commerce valide opposable, déposée ou non, au moment où le défendeur a commencé à attirer l’attention du public sur ses propres produits et services », ce qui exige l’examen de la question de savoir si le demandeur a prouvé l’emploi de sa marque de commerce pour distinguer ses produits ou services de ceux d’autres personnes : Hamdard CAF 2019, au para 39.

[38] Sixièmement, il était permis à la Cour fédérale de prendre en considération les facteurs énumérés au paragraphe 54 de l’arrêt Veuve Clicquot (qui s’appliquent à l’évaluation de l’achalandage dans le contexte de l’article 22) aux fins de l’analyse qui l’a amenée à constater l’existence de l’achalandage nécessaire pour étayer une allégation fondée sur l’alinéa 7b) : Hamdard CAF 2019, aux para 47-50. Septièmement, la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur manifeste et dominante en concluant que « Navsun n’a pas donné d’explications crédibles quant à sa décision d’utiliser le mot “Ajit” dans le nom de son journal Ajit Weekly qu’elle a lancé en 1993 » : Hamdard CAF 2019, au para 52. Huitièmement, la Cour fédérale a eu raison de conclure qu’elle n’était plus saisie de la demande reconventionnelle des défenderesses et de refuser de l’examiner : Hamdard CAF 2019, aux para 55-56.

(5) e) La marque nominale AJIT

[39] Les parties se sont affrontées non seulement dans les actions judiciaires décrites ci-dessus, mais aussi dans des procédures portées devant la Commission des oppositions des marques de commerce. L’une de ces procédures mérite ici notre attention, entre autres parce que les parties y ont fait référence dans les actes de procédure et les observations qu’elles m’ont présentés. En outre, j’estime que cette procédure se rapporte à la conclusion formulée par la juge Gleason au paragraphe 28 de l’arrêt Hamdard CAF 2014, selon laquelle les marques de commerce en litige ne se réduisent pas au mot « AJIT », mais se composent plutôt de ce mot et de sa graphie stylisée que les deux journaux utilisent comme logo. Je conclus que ce qui est en question dans le deuxième réexamen en l’espèce, au moins à compter du 28 décembre 2012, est la graphie stylisée du mot « AJIT » employée par les parties.

[40] En 2010, la fiducie Hamdard a demandé l’enregistrement de la marque nominale AJIT en liaison avec des publications et journaux imprimés (demande no 1487122 modifiée). Navsun s’y étant opposé, le registraire des marques de commerce a rejeté la demande d’enregistrement sur le fondement du caractère non distinctif. La date pertinente déterminée par le registraire pour l’évaluation du caractère distinctif de la marque AJIT dont la fiducie Hamdard demandait l’enregistrement était la date de production de la déclaration d’opposition, soit le 28 décembre 2012. Le registraire a conclu que la marque AJIT de Navsun était suffisamment connue à cette date pour annuler le caractère distinctif de la marque nominale AJIT de la fiducie Hamdard, citant le paragraphe 34 de la décision Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657 [Bojangles]. En conséquence, le registraire a rejeté la demande d’enregistrement : Navsun Holdings Ltd c Sadhu Singh Hamdard Trust, 2015 COMC 214 [Navsun COMC 2015] au para 41. Les recours exercés par la fiducie Hamdard devant la Cour fédérale (2018 CF 42) et la Cour d’appel fédérale (2019 CAF 10) ont été rejetés, de même que sa demande d’autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada.

IV. Les questions visées par le nouvel examen en l’espèce

[41] Avant de définir les questions visées par le nouvel examen, je note que les points suivants ne sont plus en litige, compte tenu des antécédents procéduraux exposés ci-dessus :

  • - l’instruction de la présente affaire par procès sommaire, sur la base des affidavits déposés par les parties et des contre-interrogatoires y afférents;

  • - l’adoption des résumés des affidavits et des contre-interrogatoires énoncés dans les décisions Hamdard CF 2014 et Hamdard CF 2018, ainsi que l’adoption de certains passages des motifs de ces décisions : Hamdard CAF 2019, au para 16;

  • - la violation du droit d’auteur en ce qui concerne le logo initial de Navsun : Hamdard CF 2018, au para 79; et les dommages-intérêts symboliques de 5 000 $ sanctionnant cette violation : Hamdard CAF 2019, au para 63;

  • - la violation du droit d’auteur en ce qui concerne le logo modifié de Navsun (la fiducie Hamdard n’a pas fait valoir cette allégation devant la Cour fédérale lors du nouvel examen antérieur, en raison de l’accord de règlement partiel) : Hamdard CAF 2019, au para 11, et Hamdard CF 2018, au para 76;

  • - le fait que le nom de domaine ajitweekly.com de Navsun ne ressemble pas au logo de la fiducie Hamdard au point de créer de la confusion : Hamdard CAF 2019, au para 32;

  • - l’existence d’un achalandage dans le contexte de l’allégation de la fiducie Hamdard fondée sur l’alinéa 7b) : Hamdard CAF 2019, aux para 47-50;

  • - le fait que Navsun n’a proposé aucune explication crédible de sa décision d’employer le mot « AJIT » au Canada lorsqu’elle a lancé l’Ajit Weeklyen 1993 : Hamdard CAF 2019, au para 52;

  • - la demande reconventionnelle des défenderesses : Hamdard CAF 2019, aux para 55-56.

[42] Outre ce qui précède, la demanderesse a convenu lors de la nouvelle audience tenue devant moi que les questions relatives à l’alinéa 7c) de la Loi sur les marques de commerce ne sont pas non plus visées par le nouvel examen. Je note que, de toute manière, la déclaration trois fois modifiée ne contient aucune allégation fondée sur cet alinéa.

[43] Voici donc les questions fondamentales qui restent en litige dans le nouvel examen de la présente affaire dont je suis saisie :

  1. Les défenderesses se sont-elles livrées à une commercialisation trompeuse au sens de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce?

  2. Les défenderesses ont‑elles contrefait le logo de la fiducie Hamdard, en violation de l’article 19 de la Loi sur les marques de commerce?

  3. Les défenderesses ont-elles contrefait le logo de la fiducie, par application de l’article 20 de la Loi sur les marques de commerce?

  4. Les défenderesses ont-elles diminué la valeur de l’achalandage, quel qu’il soit, attaché au logo de la fiducie Hamdard, en violation de l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce?

  5. Quelles mesures de réparation, le cas échéant, sont justifiées en l’espèce?

[44] Il faut répondre à la première question par rapport au logo initial et au logo modifié de Navsun, tandis que les deuxième, troisième et quatrième questions doivent être examinées en fonction du logo de la fiducie Hamdard tel qu’il a été déposé sous le numéro d’enregistrement LMC914925 en date du 23 septembre 2015 et du logo modifié de Navsun que cette dernière emploie au Canada depuis septembre 2009.

V. Les dispositions législatives applicables

[45] Voir l’annexe A ci‑dessous.

VI. La preuve des parties

[46] J’adopte ici les résumés de la preuve présentés dans les décisions antérieures, puisque rien ne m’en empêche selon le paragraphe 16 de l’arrêt Hamdard CAF 2019. La liste des affidavits invoqués par les parties figure à l’annexe B et les résumés de ces affidavits et des contre-interrogatoires y afférents, ainsi que des passages pertinents des nouveaux affidavits non antérieurement récapitulés, figurent à l’annexe C.

VII. Analyse

A. A. La commercialisation trompeuse – alinéa 7b)

(1) 1) Les principes généraux

[47] La Loi sur les marques de commerce régit les marques de commerce déposées aussi bien que non déposées. Plus précisément, l’alinéa 7b) vise à la protection des marques de commerce et des noms commerciaux au Canada. « [L]e recours civil prévu à l’al. 7b) protège l’achalandage rattaché aux marques de commerce et a pour objet d’empêcher que l’emploi de marques de commerce sème la confusion chez les consommateurs » : Kirkbi AG c Ritvik Holdings Inc., 2005 CSC 65 [Kirkbi] au para 35. Comme l’a fait observer le juge Laskin, le demandeur est tenu de prouver « qu’il possède une marque de commerce valide opposable, déposée ou non, au moment où le défendeur a commencé à attirer l’attention du public sur ses propres produits et services » : Hamdard CAF 2019, au para 39. Mis à part le remplacement du terme « marchandises » par « produits » et l’abrogation formelle de son alinéa e), l’article 7 est à l’heure actuelle essentiellement identique à ce qu’il était au moment où la demanderesse a introduit la présente action en 2010, même si l’on tient compte des modifications récentes de la Loi sur les marques de commerce qui sont entrées en vigueur en juin 2019.

[48] Pour obtenir gain de cause dans une action en commercialisation trompeuse, le demandeur doit établir trois éléments : l’existence d’un achalandage, le fait que le public a été induit en erreur par une fausse déclaration, et le préjudice réel ou possible pour le demandeur. Un exposé détaillé de ces éléments figure dans l’arrêt Ciba-Geigy Canada Ltd. c Apotex Inc., 1992 CanLII 33 (CSC), [1992] 3 RCS 120 [Ciba-Geigy] à la page 132, citant Reckitt & Colman Products Ltd. c Borden Inc., [1990] 1 All ER 873 à la page 880. En résumé, le demandeur doit établir plus précisément :

  • 1) qu’un achalandage ou une réputation est attaché, dans l’esprit du public consommateur, aux produits ou services que fournit le demandeur, en raison de l’association de ceux‑ci avec la présentation, par exemple la marque, qui les identifie et que le public reconnaît comme distinctive quant à ces produits ou services;

  • 2) que le défendeur (intentionnellement ou non) a fait une fausse déclaration au public, qui amène ou amènera vraisemblablement le public à croire que ses produits ou services sont ceux du demandeur;

  • 3) que le demandeur a subi ou subira vraisemblablement un préjudice par suite de la croyance erronée attribuable à la fausse déclaration faite par le défendeur touchant la source des produits ou services.

[49] À mon avis, il découle du premier élément ci‑dessus que le demandeur doit d’abord établir qu’il a employé sa marque de commerce pour distinguer ses produits et services de ceux d’autres personnes, de sorte qu’il possédait une marque de commerce valide et opposable, déposée ou non, au moment où le défendeur a commencé à attirer l’attention du public sur ses propres produits et services : Hamdard CAF 2019, au para 39, citant Nissan Canada Inc. c BMW Canada Inc., 2007 CAF 255 aux para 15-18. Le demandeur qui ne remplit pas cette condition préliminaire ne peut empêcher d’autres personnes d’employer la marque ou le nom commercial en question : Brewster Transport Co. c Rocky Mountain Tours & Transport Co., 1930 CanLII 36 (CSC), [1931] SCR 336 aux p 339-340.

[50] Le caractère distinctif d’une marque de commerce se définit par son aptitude « à indiquer, de façon distinctive, la source d’un produit, d’un procédé ou d’un service, afin qu’idéalement les consommateurs sachent ce qu’ils achètent et en connaissent la provenance » : Kirkbi, au para 39. Pour paraphraser le paragraphe 2 de l’arrêt Mattel, Inc. c 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22 [Mattel], [2006] 1 RCS 772, alors que son rôle traditionnel était de créer dans l’esprit de l’acheteur éventuel un lien entre le produit et le producteur, la marque de commerce représente aujourd’hui non seulement une garantie d’origine, mais aussi un gage pour le consommateur que la qualité sera celle qu’il en est venu à associer à cette marque.

[51] L’examen de la question de savoir si le public a été induit en erreur par la fausse déclaration alléguée du défendeur exige que la Cour prenne en considération la probabilité de confusion au sens de l’article 6 de la Loi sur les marques de commerce : Hamdard CAF 2019, au para 53. Comme l’a fait observer la Cour d’appel fédérale plus récemment, « [l]’arrêt Masterpiece de la Cour suprême indique clairement que tous les facteurs énoncés à l’alinéa 6(5) et les circonstances doivent être examinés et mis en balance, à moins que les marques ne se ressemblent pas » : Loblaws Inc. c Columbia Insurance Company, 2021 CAF 29 au para 11, citant Masterpiece Inc. c Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27 [Masterpiece] au para 49. Le critère applicable à la question de la confusion peut être résumé ainsi : « [l]e critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque] alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [antérieures] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques » : Veuve Clicquot, au para 20.

[52] Gardant ces principes à l’esprit, je conclus, pour les motifs exposés ci‑dessous, que la fiducie Hamdard a établi que les défenderesses se sont livrées à une commercialisation trompeuse en ce qui concerne le logo initial de Navsun, mais non le logo modifié de celle‑ci.

(2) (2) Le logo initial de Navsun

(a) a) Le caractère distinctif en tant que condition préliminaire

[53] Pour analyser la question de la commercialisation trompeuse, il faut en premier lieu se demander si la fiducie Hamdard jouissait d’un droit protégeable au Canada en 1993 lorsque les prédécesseurs de Navsun ont lancé l’Ajit Weekly et ainsi commencé à appeler l’attention du public sur leur hebdomadaire, au sens de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce. Je conclus qu’elle jouissait d’un tel droit, compte tenu des trois éléments du critère pour établir le caractère distinctif, tel qu’il a été décrit par le juge Noël : la marque doit être associée à un produit; le propriétaire doit utiliser ce lien entre la marque et le produit; et le lien en question doit permettre au propriétaire de la marque de distinguer son produit de ceux des autres : Bojangles, au para 70, citant Havana House Cigar and Tobacco Merchants Ltd. c Skyway Cigar Store (1998), 1998 CanLII 7773 (CF), 147 FTR 54, [1998] ACF no 678 (CF), inf pour d’autres motifs par (1999), 251 NR 215, [1999] ACF no 1749 (CAF). En 1993, le logo de la fiducie Hamdard était associé à un journal en pendjabi; la fiducie Hamdard utilisait ce lien pour vendre le Daily Ajit, et ce lien permettait à la fiducie de distinguer son journal, le Daily Ajit, des journaux publiés par d’autres éditeurs.

[54] Contrairement à l’argument de Navsun, le mot « AJIT », qu’il soit écrit en caractères pendjabis ou latins, me paraît posséder un caractère distinctif inhérent en liaison avec des journaux et des produits et services connexes. Considéré par rapport à ces produits et services, il n’a pas de signification en soi, de sorte qu’il peut servir d’indication de source, si largement employé qu’il puisse être comme prénom ou comme nom d’entreprise dans d’autres secteurs ou branches d’activité. Cela dit, l’usage très répandu du mot « AJIT » comme prénom et comme nom d’entreprise peut influer sur sa force comme marque de commerce.

[55] Il est vrai que le registraire a accueilli l’opposition de Navsun à la demande d’enregistrement de la marque nominale AJIT présentée par la fiducie Hamdard, mais ce n’était pas en raison de l’absence de caractère distinctif inhérent. C’était plutôt parce que, à la date de l’opposition de Navsun, le 28 décembre 2012, son logo initial avait acquis au Canada une réputation appréciable, ou du moins suffisante, pour contrebalancer toute réputation que pouvait avoir acquise le nom AJIT employé par la fiducie Hamdard en liaison avec son quotidien, le Daily Ajit : Navsun COMC 2015, aux para 37-42. En outre, le registraire a noté : « les parties semblent s’entendre sur le fait qu’elles emploient toutes deux le terme anglais AJIT à titre de marque de commerce et qu’elles emploient également toutes deux, comme marque de commerce, les caractères pendjabi manuscrits qui correspondent au terme “ajit” » : Navsun COMC 2015, au para 25.

[56] Je conclus, compte tenu de la preuve dont je suis saisie en l’espèce, que les parties ont employé le mot « AJIT », écrit aussi bien en caractères pendjabis qu’en caractères latins, à divers degrés, mais toujours comme élément de leurs logos respectifs ou en liaison avec ceux‑ci. Comme la juge Gleason l’a constaté, les marques en litige dans la présente affaire ne sont pas constituées simplement du mot « AJIT », mais plutôt de ce mot et de sa graphie stylisée, telle qu’employée dans les logos des deux parties : Hamdard CAF 2016, au para 28.

[57] Pour revenir à la situation en 1993, je reconnais que le journal de la fiducie Hamdard, le Daily Ajit, comptait alors très peu d’abonnés au Canada. Mais ce n’est pas là la seule mesure du caractère distinctif du logo de la fiducie Hamdard ni de la réputation (par opposition au « caractère distinctif acquis ») du Daily Ajit au Canada. En outre, je rejette l’argument de Navsun selon lequel une telle réputation se trouve limitée par tout « caractère distinctif acquis », ou dépendrait de tout caractère de cette nature, attribuable à l’emploi au Canada du logo de la fiducie Hamdard (étant donné le petit nombre d’abonnés au Daily Ajit).

[58] Comme l’a fait observer le juge Southcott, saisi de l’appel interjeté devant la Cour fédérale par la fiducie Hamdard contre la décision du registraire Navsun COMC 2015, dans le contexte d’une allégation de commercialisation trompeuse, les conclusions tirées sur la réputation possible du Daily Ajit et l’achalandage qui en a découlé parmi un groupe plus large, au Canada, que les quelques abonnés à la version imprimée du journal, « n’ont pas à provenir de l’usage par la demanderesse de la marque de commerce pertinente dans le marché de la défenderesse[; …] [i]l s’ensuit que, dans l’appréciation d’une allégation de commercialisation trompeuse, le caractère distinctif de la marque pertinent à l’appréciation de la confusion peut également être acquis par l’usage de la marque de la demanderesse à l’étranger » : Trust c Navsun Holdings Ltd., 2018 CF 42 [Trust CF 2018] au para 39. Le juge Southcott a formulé son opinion à ce sujet en se référant aux motifs exposés par la juge Gleason dans l’arrêt Hamdard CAF 2016 (aux para 25-27).

[59] Navsun invoque aussi l’absence d’éléments tendant à établir l’existence d’une quelconque publicité pour le Daily Ajit au Canada avant 1993. Or, comme l’a fait observer le juge Noël, « [l]a réputation de la marque peut être prouvée par n’importe quel moyen; elle n’est pas limitée aux moyens précis mentionnés à l’article 5 de la Loi; il appartient au décideur de soupeser la preuve sur une base individuelle » : Bojangles, au para 33. Bien que le juge Noël ait formulé cette observation dans le contexte d’une procédure d’opposition à l’enregistrement d’une marque, je conclus que, dans le contexte d’une allégation de commercialisation trompeuse, il était permis en l’espèce à la fiducie Hamdard de prouver la réputation acquise au Canada par son logo en 1993 – lorsque Navsun a commencé à attirer l’attention du public sur l’hebdomadaire qu’elle venait de lancer, l’Ajit Weekly – par d’autres moyens que ceux énumérés à l’article 5 de la Loi sur les marques de commerce, qu’ils les remplacent ou s’y ajoutent.

[60] Les déposants des deux parties, y compris ceux qui résident au Canada, ont fait état de la réputation du Daily Ajit, le quotidien en pendjabi de la fiducie de Hamdard. Ce quotidien était le plus important journal en pendjabi au monde. En 1993, il était bien connu, voire célèbre, en Inde, où il était publié depuis 40 ans sous le nom d’AJIT ou sous un nom contenant le mot « AJIT » (il s’appelait à l’origine Ajit Patrika), et où le logo de la fiducie Hamdard était alors utilisé depuis environ neuf ans. J’estime raisonnable d’en déduire que le Daily Ajit, à l’époque considérée, était mieux connu ou avait une réputation plus étendue parmi la population canadienne d’origine pendjabie, qui était assez importante, et en particulier parmi les consommateurs de la population de référence, soit les lecteurs de journaux en pendjabi, que ne le laissait supposer le nombre limité d’abonnés à la version imprimée de ce quotidien. M. Satpaul Singh Johal a affirmé dans son affidavit, souscrit le 21 février 2014, que selon les données du recensement canadien qu’il avait examinées, le nombre des répondants qui déclaraient avoir comme langue maternelle le pendjabi s’élevait à 136 460 en 1991, à 201 780 en 1996, à 271 220 en 2001, à 382 585 en 2006 et à plus de 450 000 en 2011. Les locuteurs du pendjabi établis au Canada sont principalement des immigrants venus de l’État indien du Pendjab ou leurs descendants. La preuve produite par les parties reste muette, cependant, sur la connaissance que pourraient avoir du Daily Ajit ces descendants d’immigrants du Pendjab.

[61] L’existence contemporaine ou parallèle d’une publication de langue hindie nommée Ajeet Patrika ne me semble pas diminuer la réputation du Daily Ajit, ni faire perdre son caractère distinctif au logo de la fiducie Hamdard, étant donné en particulier l’absence de toute information détaillée sur le tirage, le lectorat et la réputation de l’Ajeet Patrika, notamment sur la question de savoir si cette publication a une quelconque réputation au Canada. Il en va de même pour l’existence en Inde d’autres personnes et entreprises portant le nom « Ajit », surtout si l’on considère l’absence d’éléments tendant à établir qu’elles opèrent dans le secteur des journaux, magazines ou autres médias semblables, et, le cas échéant, dans quelle mesure elles le font et si elles ont des lecteurs au Canada.

[62] En outre, comme on l’a vu ci-dessus, la Cour d’appel fédérale a estimé que la conclusion selon laquelle Navsun n’avait pas donné d’explications crédibles quant à sa décision d’employer le mot « Ajit » au Canada lorsqu’il a lancé l’Ajit Weekly n’était entachée d’aucune erreur manifeste et dominante : Hamdard CAF 2019, au para 52, citant Hamdard CF 2018, au para 36. Après examen de la totalité de la preuve, notamment la transcription du contre-interrogatoire de M. Kanwar (Sunny) Bains en date du 29 janvier 2018, je souscris à la conclusion tirée par le juge Fothergill sur ce sujet. M. Bains a admis qu’il lisait le Daily Ajit [traduction] « à l’occasion » durant ses années de formation au Pendjab; en outre, il a reconnu que les lecteurs de l’Ajit Weekly [traduction] « sont tous des immigrants originaires du Pendjab », dont le nombre [traduction] « n’a cessé de croître au Canada depuis le lancement de [son] hebdomadaire ». Qui plus est, les défenderesses n’ont pas invoqué la création ou l’adaptation indépendantes de la graphie stylisée du mot « AJIT » figurant en caractères pendjabis dans le logo initial de Navsun.

[63] Comme l’a fait observer le registraire des marques de commerce, « il est probable que l’opposante [Navsun] [...] connaissait [le Daily Ajit] lorsqu’elle a adopté la marque AJIT au Canada. Il est probable également que les lecteurs de l’opposante au Canada savaient, et savent encore aujourd’hui, qu’un journal du même nom était publié en Inde » : Navsun COMC 2015, au para 22. Bien que cela n’ait pas empêché Navsun d’obtenir gain de cause, sur le fondement du caractère non distinctif, dans son opposition à la demande d’enregistrement de la marque nominale AJIT présentée par la fiducie Hamdard, ces observations du registraire ne me semblent pas équivaloir à la conclusion que le mot « AJIT » n’a pas de caractère distinctif inhérent. Pour tous ces motifs, je conclus que la fiducie Hamdard avait un droit protégeable au Canada en 1993, au motif que son logo, constitué par la graphie stylisée du mot « AJIT », la distinguait en tant que source du Daily Ajit. Quant à savoir si ce droit pouvait être maintenu au Canada à long terme, c’est une autre question.

(b) b) L’achalandage

[64] S’agissant des trois éléments du critère pour obtenir gain de cause dans une action en commercialisation trompeuse, il ne me paraît pas y avoir beaucoup plus à dire sur l’existence d’une réputation, et donc d’un achalandage, à l’appui de l’allégation en l’espèce. Comme l’a fait observer Me Daniel R. Bereskin, c.r., au paragraphe 5.8 (page 68) de son ouvrage The Canadian Law of Unfair Competition (Toronto, Thomson Reuters Canada Limited, 2020) : [traduction] « [l]a réputation [dont découle l’achalandage] désigne la notoriété d’une marque de commerce, qui dénote l’existence dans l’esprit du public d’un lien entre les activités du propriétaire de cette marque et les produits ou les services qui y sont associés ». Je pense comme le juge Fothergill que le logo de la fiducie Hamdard jouissait d’un degré élevé de reconnaissance (ou d’une réputation appréciable) parmi les consommateurs de la population de référence et, s’ajoutant à son caractère distinctif, d’un achalandage suffisant au Canada en 1993 pour étayer une allégation de commercialisation trompeuse : Hamdard CF 2018, au para 36.

(c) c) La fausse déclaration et la probabilité de confusion

[65] Le deuxième élément du critère de la commercialisation trompeuse, soit le fait que le public a été induit en erreur par une fausse déclaration, exige l’examen de la question de savoir si l’emploi par les défenderesses du logo initial de Navsun créait vraisemblablement de la confusion avec le logo de la fiducie Hamdard au sens du paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce. En me fondant sur la liste non exhaustive de facteurs énoncée au paragraphe 6(5), je conclus que c’était le cas. Aux termes de ce paragraphe, il faut tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

  • - le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues;

  • - la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage;

  • - le genre de produits, services ou entreprises;

  • - la nature du commerce;

  • - le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

[66] Selon la Cour suprême du Canada, le degré de ressemblance est souvent le facteur le plus déterminant dans l’analyse relative à la confusion : Mattel, au para 54; Masterpiece, au para 49. Le terme « degré de ressemblance » sous-entend cependant que ce n’est pas seulement dans les cas où les marques de commerce en cause sont identiques qu’il y a probabilité de confusion : des marques comportant un certain nombre de différences peuvent aussi engendrer une probabilité de confusion, d’où la nécessité de prendre en considération tous les facteurs énumérés au paragraphe 6(5), y compris toutes les circonstances de l’espèce : Masterpiece, au para 62. La question de la probabilité de confusion doit être tranchée selon la prépondérance des probabilités. Les modalités de l’analyse dépendront dans chaque cas des faits et du contexte de l’espèce : Veuve Clicquot, au para 21. Comme je l’ai noté ci-dessus, le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la marque contestée, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce antérieure et qu’il ne s’arrête pas pour examiner de près les ressemblances et les différences entre ces marques : Veuve Clicquot, au para 20.

[67] Je constate que l’élément graphique du logo initial de Navsun, soit la graphie stylisée du mot « AJIT » en caractères pendjabis, était identique à celui du logo de la fiducie Hamdard. Autrement dit, il y avait là un degré élevé de ressemblance, qui joue en faveur de la fiducie Hamdard. En outre, on ne m’a pas convaincue que la présence du mot « WEEKLY » [hebdomadaire], qui indique la fréquence de publication de l’Ajit Weekly, diminue la ressemblance des idées évoquées par les marques de commerce respectives des parties. Signalons également que le Daily Ajit, le journal de la fiducie Hamdard, comporte lui aussi dans sa dénomination un terme indiquant la fréquence de publication, soit « Daily » [quotidien]. Il est vrai que le terme « Daily » ne figurait plus dans le cartouche de titre du Daily Ajit en 2016, mais ce n’est pas là un facteur pertinent dans l’analyse relative à la commercialisation trompeuse en ce qui concerne le logo initial de Navsun. Quoi qu’il en soit, comme M. Kanwar (Sunny) Bains l’a reconnu dans son contre-interrogatoire du 29 janvier 2018, rien n’empêche un quotidien de publier aussi un hebdomadaire ou une sélection hebdomadaire de ses articles.

[68] Comme je l’ai expliqué ci-dessus, je conclus que le mot « AJIT » possède un caractère distinctif inhérent. À mon avis, la mesure dans laquelle les marques de commerce respectives des parties étaient devenues connues au Canada en 1993 et la période pendant laquelle ces marques avaient été en usage à cette date sont des facteurs qui jouent en faveur de la fiducie Hamdard. S’agissant du genre de produits, services ou entreprises, je conclus qu’ils sont pour l’essentiel identiques, de sorte que ce facteur fait aussi pencher la balance en faveur de la fiducie Hamdard.

[69] En ce qui concerne la nature du commerce, M. Barjinder Singh Hamdard a déclaré dans son contre-interrogatoire en 2014 que le Daily Ajit était un [traduction] « journal professionnel » et non une [traduction] « feuille de chou » gratuite. Il est expédié par la poste aux abonnés résidant hors de l’Inde, en plus d’être disponible en ligne. Pour le reste, je constate que M. Hamdard a répondu de manière plutôt vague à la question de savoir si l’entreprise projetait de s’implanter au Canada, d’y imprimer ou d’y publier son journal, et de l’y diffuser [traduction] « dans le cadre du système, c’est‑à‑dire du système canadien de diffusion ». Ni l’un ni l’autre des journaux en question n’aurait été publié en ligne en 1993, lorsque les prédécesseurs de Navsun ont commencé à publier l’Ajit Weekly au Canada. J’en conclus donc que ce facteur est neutre ou joue quelque peu en faveur des défenderesses, compte tenu du degré de réputation dont jouissait alors le Daily Ajit au Canada.

[70] Autre circonstance de l’espèce, la fiducie Hamdard a produit plusieurs affidavits faisant état d’une confusion réelle chez les lecteurs de l’Ajit Weekly, qui, connaissant bien le Daily Ajit, avaient d’abord cru que les deux journaux étaient liés ou publiés par le même éditeur. En outre, certains des déposants de la fiducie Hamdard ont déclaré avoir été choqués par des annonces de services d’occultisme ou de sorcellerie publiées dans l’Ajit Weekly, alors qu’on n’aurait pas trouvé ce genre de publicité dans le Daily Ajit.

[71] Navsun fait valoir que le caractère anecdotique de ces éléments de preuve en réduit la valeur et qu’ils présentent d’importants problèmes de crédibilité, certains des déposants étant des amis ou des connaissances des correspondants de la fiducie Hamdard au Canada. Je note cependant que les défenderesses s’appuient aussi sur le témoignage anecdotique de plusieurs déposants (moins nombreux que les déposants de la fiducie Hamdard par contre), qui, connaissant bien eux aussi le Daily Ajit, avaient découvert l’Ajit Weekly sur le marché canadien sans être tentés de les confondre.

[72] Je constate que les déposants des deux parties, pour la plupart, ont déclaré bien connaître le Daily Ajit et ont fait état de sa réputation après l’avoir lu pendant des années, voire des décennies, en Inde, avant de venir s’établir au Canada et d’y découvrir l’Ajit Weekly. De plus, je note qu’on n’a produit aucun élément tendant à prouver la présence ou l’absence de confusion chez les lecteurs en ligne de l’un ou l’autre des journaux en question. Étant donné ce contexte, aucune des parties ne m’a convaincue que la réaction des déposants choisis par elle reflète celle des consommateurs de la population de référence (c’est‑à‑dire la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue du logo initial de Navsun, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir du logo de la fiducie Hamdard et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur ou pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques). Par conséquent, à mon avis, ce facteur est neutre.

(d) d) Le préjudice réel ou possible

[73] Je note qu’il n’est pas nécessaire que la fiducie Hamdard se soit trouvée ou se trouve en concurrence directe avec Navsun pour avoir subi un préjudice : Orkin. En outre, je conclus que la décision de Navsun d’employer le nom « Ajit » dans le nom de l’Ajit Weekly lorsqu’elle l’a lancé au Canada, en l’absence de tout motif explicite crédible et étant donné la réputation dont jouissait déjà alors le Daily Ajit au Canada, « appuie l’inférence selon laquelle le nom avait une valeur commerciale au Canada à l’époque » : Hamdard CF 2018, au para 36, citant Orkin. Cette décision de Navsun a aussi entraîné pour la fiducie Hamdard [traduction] « la perte de contrôle sur l’impact de son nom commercial dans le marché du défendeur » : Orkin; Cheung c Target Event Production Ltd., 2010 CAF 255 [Cheung] aux para 26-28. Or, comme la Cour l’a précisé au paragraphe 28 de l’arrêt Cheung, « [u]ne telle perte suffit à fonder le troisième élément du critère tripartite » applicable à la commercialisation trompeuse.

[74] Je conclus cependant que la fiducie Hamdard n’a pas établi avoir subi un préjudice appréciable du fait de cette perte de contrôle au Canada. Il est vrai que des litiges connexes ont opposé les parties dans d’autres pays, notamment aux États‑Unis et au Royaume-Uni, et que la fiducie Hamdard s’est efforcée dans une certaine mesure de contester les activités de Navsun mettant en jeu le mot « AJIT » au Canada, mais la fiducie Hamdard n’a pas intenté de poursuite contre les défenderesses devant les tribunaux canadiens avant 2010, soit quelque 17 ans après le lancement de l’Ajit Weekly au Canada (et 15 ans après que le rédacteur en chef du Daily Ajit eut appris l’existence de cet hebdomadaire). De plus, la fiducie Hamdard n’avait toujours pas en 2014 de projets concrets d’impression, de publication ou de diffusion du Daily Ajit au Canada. En outre, l’accord de règlement partiel concédait à Navsun une licence de courte durée (soit du 15 septembre au 31 décembre 2009) lui permettant d’employer le logo de la fiducie Hamdard, ce qui lui donne un moyen de défense au moins partiel, pour cette période limitée, contre l’allégation de commercialisation trompeuse présentée par la fiducie Hamdard.

[75] En revanche, Navsun n’a pas non plus pris de mesures pour empêcher la fiducie Hamdard d’expédier le Daily Ajit par la poste à ses abonnés canadiens ou de mettre le contenu de ce journal à la disposition de la population canadienne au moyen de ses applications mobiles, même si M. Kanwar (Sunny) Bains a déclaré en contre-interrogatoire le 29 janvier 2018 que le mot « AJIT » distingue l’Ajit Weekly des autres journaux en pendjabi, et que Navsun croit pouvoir empêcher les autres journaux d’employer ce mot dans leur nom au motif qu’elle est une entreprise solidement établie, exploitée depuis plus de 20 ans.

(3) 3) Le logo modifié de Navsun

[76] Je conclus que tout caractère distinctif qu’a pu avoir le logo de la fiducie Hamdard au Canada en 1993 et dans les années suivantes s’est trouvé annulé à la fin de 2009, soit quelque 16 ans plus tard, lorsque Navsun a adopté son logo modifié en exécution de l’accord de règlement partiel. Les parties stipulaient dans cet accord que le logo modifié de Navsun [traduction] « se distingue nettement, pour la personne ordinaire, » du logo de la fiducie Hamdard par la forme, la graisse des caractères, l’apparence générale ainsi que la couleur.

[77] Les parties ont cependant aussi convenu que cette stipulation n’aurait [traduction] « aucun effet de préclusion ni la moindre force probante à l’égard de la question de la “probabilité de confusion” appliquée aux allégations non relatives au droit d’auteur formulées par la fiducie [Hamdard] dans la présente action ou dans d’autres contextes ». Considérons, dans le cadre ainsi défini, la situation qui se présentait en septembre 2009, lorsque Navsun a commencé à appeler l’attention du public sur l’Ajit Weekly avec son logo modifié. À mon sens, la fiducie Hamdard n’a pas établi que, en 2009, un segment important du marché canadien, soit plus précisément les résidents du Canada qui lisent le pendjabi, associait le logo modifié de Navsun ou le mot AJIT à la fiducie Hamdard plutôt qu’à Navsun, malgré les éléments tendant à établir l’existence d’une certaine confusion sur le marché cible pertinent : Bojangles, au para 27, citant Bousquet c Barmish Inc., [1991] FCJ No 813 (CF), conf par [1993] ACF no 34 (CAF). Pour paraphraser le juge Noël, je ne doute pas de l’importance des activités de la fiducie Hamdard – dont le journal, le Daily Ajit, était tiré quotidiennement à plus de 400 000 exemplaires en 2016, avec une certaine diffusion internationale et un lectorat en ligne, notamment au Canada –, mais cela ne veut pas nécessairement dire qu’elle avait alors une « réputation importante, suffisante ou significative au Canada » par rapport au logo modifié de Navsun : Bojangles, au para 52.

[78] Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je ne suis pas convaincue que le logo de la fiducie Hamdard était suffisamment connu au Canada en 2009 par rapport au logo modifié de Navsun pour annuler le caractère distinctif de celui‑ci. Je constate notamment que la preuve ne remplit pas le troisième des trois critères formulés par le juge Noël pour établir le caractère distinctif du logo de la fiducie Hamdard, à savoir que le lien entre la marque et le produit doit permettre au propriétaire de cette marque de distinguer son produit de celui des autres : Bojangles, au para 70. La preuve accrédite plutôt la thèse du caractère distinctif du logo modifié de Navsun en tant que signe, pour le marché canadien cible, que l’Ajit Weekly a comme source un éditeur opérant au Canada.

[79] Je conclus donc que la fiducie Hamdard n’a pas rempli la condition préliminaire relative au caractère distinctif pour que son allégation de commercialisation trompeuse à l’égard du logo modifié de Navsun puisse être accueillie.

B. B. La violation fondée sur l’article 19

[80] Comme l’a fait observer la Cour d’appel fédérale, « [l]a question pertinente dans l’évaluation de la réclamation fondée sur l’article 19 n’était […] pas de savoir si la marque de Navsun ressemblait à la marque enregistrée de la fiducie Hamdard au point de créer de la confusion, mais si les deux marques étaient identiques[; …] [d]ans le cas de l’article 19, “identique” signifie “la même chose”, et non simplement “semblable” » : Hamdard CAF 2019, aux para 20 et 22. Pour établir si les marques de commerce en cause sont identiques, il faut tenir compte du fait que, comme la Cour d’appel l’a noté dans le premier appel (au paragraphe 28), « [l]es marques de commerce en l’espèce ne se résument […] pas simplement au mot “Ajit”, mais plutôt au mot et à l’écriture stylisée de celui‑ci, que les deux journaux utilisent comme logo » : Hamdard CAF 2019, au para 22.

[81] Comme le logo modifié de Navsun était en usage au Canada depuis environ six ans au moment de l’enregistrement du logo de la fiducie Hamdard en 2015, et comme ces logos ne sont pas identiques, je conclus que la fiducie Hamdard ne peut avoir gain de cause à l’égard de son allégation de violation fondée sur l’article 19.

C. C. La violation fondée sur l’article 20

[82] La question pertinente dans l’examen de l’allégation fondée sur l’article 20 est celle de savoir si le logo modifié de Navsun et le logo de la fiducie Hamdard sont similaires au point de créer de la confusion et donc qu’on pourrait vraisemblablement les confondre. Je conclus que ce n’est pas le cas. La confusion réelle n’est pas une condition nécessaire pour obtenir gain de cause à cet égard. Comme dans le cas de la fausse déclaration en tant qu’élément d’une action en commercialisation trompeuse, la probabilité de confusion doit être évaluée au regard des paragraphes 6(2) et 6(5) de la Loi sur les marques de commerce. Cependant, la date pertinente pour apprécier cette probabilité est celle de l’audience tenue devant notre Cour, soit le 10 septembre 2020 : Alticor Inc. c Nutravite Pharmaceuticals Inc., 2005 CAF 269 aux para 12, 14-15.

[83] En ce qui concerne l’alinéa 6(5)a), la question du caractère distinctif inhérent a déjà été examinée, et les résultats de cet examen s’appliquent aussi à l’analyse de l’allégation fondée sur l’article 20. En ce qui a trait à la mesure dans laquelle les marques de commerce respectives des parties sont devenues connues au Canada, je conclus, me fondant sur la totalité de la preuve, que l’Ajit Weekly et le logo modifié de Navsun étaient devenus distinctifs et passablement bien connus au Canada sur le marché cible des personnes qui lisent le pendjabi, compte tenu du tirage et du nombre de lecteurs en ligne que cet hebdomadaire avait atteints en 2014. Je conclus donc que ce facteur joue en faveur de Navsun.

[84] En ce qui concerne l’alinéa 6(5)b), la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage joue toujours en faveur de la fiducie Hamdard, mais dans une mesure que fait à mon sens diminuer la période pendant laquelle le logo modifié de Navsun avait lui-même alors été en usage au Canada, soit plus de dix ans.

[85] En ce qui concerne les alinéas 6(5)c) et d), je conclus que mon analyse ci‑dessus, où j’ai appliqué ces facteurs dans le contexte de la commercialisation trompeuse, est également applicable dans le contexte de la contrefaçon de marque. Il y a cependant un changement qui pourrait influer sur l’application de l’alinéa 6(5)d) : la mise en ligne du contenu des deux journaux. À mon sens, cela pourrait faire diminuer dans une certaine mesure les différences entre les voies commerciales. Cela dit, aucune des parties n’a produit d’éléments de preuve relatifs aux lecteurs qui ne lisent que la version en ligne de son journal et n’en connaissent pas la version papier. Par conséquent, je conclus qu’il n’a pas été établi que ce changement influerait globalement sur l’analyse de la nature du commerce.

[86] En ce qui concerne l’alinéa 6(5)e), sans doute le facteur le plus important pour l’examen de la violation alléguée en l’espèce, je conclus que, tout compte fait, le degré de ressemblance ne joue pas en faveur de la fiducie Hamdard. À la date de l’enregistrement du logo de cette dernière en 2015 et à la date de l’audience relative à la présente affaire tenue devant moi, les caractéristiques distinctives de ce logo, et donc sa force, étaient essentiellement le crochet orienté vers la gauche au‑dessus du mot « AJIT » en caractères pendjabis et la base aplatie du dernier caractère de celui‑ci. Or, ces caractéristiques sont absentes du logo modifié de Navsun, qui ne comporte plus de barre pleine au‑dessus de plusieurs caractères (contrairement au logo de la fiducie Hamdard). En outre, le logo modifié de Navsun se présente dans une graphie globalement différente (avec sa police de grands caractères Nanak) et s’accompagne du titre AJIT WEEKLY en caractères latins.

[87] Restant consciente du fait que le critère applicable à la question de la confusion est le souvenir imparfait du consommateur plutôt qu’une comparaison détaillée des logos des parties, je conclus que plusieurs circonstances de l’espèce tendent à infirmer toute probabilité de confusion attribuable à un certain degré de ressemblance de ces logos du fait de l’influence du mot « AJIT » qui figure sur leurs éléments graphiques respectifs. La première de ces circonstances est constituée par les décisions du registraire et des cours fédérales concernant le caractère non distinctif du mot « AJIT » en soi, considéré dans son emploi par la fiducie Hamdard.

[88] De plus, même si l’accord de règlement partiel ne doit pas avoir d’effet de préclusion sur les allégations de la fiducie Hamdard fondées sur l’article 20 (qui font partie des [traduction] « allégations non relatives au droit d’auteur formulées […] dans d’autres contextes ») et qu’aucune force probante ne doit y être attribuée à cet égard, la négociation de cet accord a eu une incidence directe sur l’adoption par Navsun de son logo modifié, notamment en ce qui concerne l’adoption de la couleur verte, au lieu du pourpre, au su de la fiducie Hamdard et avec son approbation.

[89] En outre, les parties ont convenu que, à la date du 1er janvier 2010, après l’expiration de la licence limitée concédée à Navsun à l’égard du logo de la fiducie Hamdard, tous les logos employés par Navsun devaient être différents et se distinguer nettement (pour la personne ordinaire), quant à la forme, à la graisse des caractères, à l’apparence générale et à la couleur (en évitant notamment le rouge et les nuances de rouge), du logo de la fiducie Hamdard (qui est imprimé en rouge depuis plus de 30 ans, soit depuis son adoption en 1984). Les parties ont convenu dans l’accord de règlement partiel que le logo modifié de Navsun remplissait cette condition, [traduction] « nonobstant les autres moyens en droit de la propriété intellectuelle et en common law avancés par la fiducie [Hamdard] dans la présente action ». Une telle clause contractuelle ne peut cependant écarter le pouvoir de la Cour d’examiner la question de savoir si le logo modifié de Navsun se distingue ou non en fait du logo de la fiducie Hamdard. L’aptitude d’un logo à « distinguer » les produits ou services est un concept qui relève du droit des marques de commerce, plutôt que du droit d’auteur, contrairement aux concepts de création indépendante, de paternité de l’œuvre ou d’originalité.

[90] Malgré la mention [traduction] « dans la présente action » qu’on trouve à plusieurs reprises dans l’accord de règlement partiel, les parties semblent considérer cet accord comme applicable au Canada. Par exemple, l’accord de règlement partiel prévoit un mécanisme permettant à Navsun de modifier son logo, sous réserve de l’approbation de la fiducie Hamdard, et les parties ont convenu de collaborer de bonne foi en vue de faire en sorte que tout nouveau logos soit conforme à l’accord de règlement partiel. Les parties ont aussi convenu dans l’accord que tout nouveau logo proposé devait exclure les couleurs rouge, orange, rose, jaune, blanc et leurs nuances. Le remplacement du pourpre par le vert, notamment dans le logo modifié de Navsun employé au Canada, a été opéré pour l’essentiel conformément aux modalités de l’accord de règlement partiel, mais avant sa signature. En outre, la fiducie Hamdard s’est fondée sur l’accord de règlement partiel une fois signé pour contester le maintien du logo initial de Navsun sur certaines boîtes de présentation de journaux de la région torontoise, en contravention de cet accord.

[91] Ainsi, non seulement l’accord de règlement partiel a-t-il réglé le différend relatif à la revendication du droit d’auteur de la fiducie Hamdard sur son logo, mais les parties semblent aussi s’en être servi pour régir l’apparence du logo modifié de Navsun, aussi bien sur le plan du droit des marques de commerce que sur celui du droit d’auteur. Qui plus est, bien que l’enregistrement comme marque du logo de la fiducie Hamdard ne soit pas limité par la revendication d’une couleur, l’accord de règlement partiel stipule expressément la couleur que Navsun a le droit d’employer (le vert) et celles qu’elle n’a pas le droit d’employer (le rouge, l’orange, le rose, le jaune, le blanc et leurs nuances).

[92] Dernière des circonstances de l’espèce, l’analyse que j’ai effectuée ci-dessus, dans le contexte de la commercialisation trompeuse, des affidavits des parties (et des contre-interrogatoires y afférents) tendant à établir la confusion ou l’absence de confusion s’applique tout autant dans le contexte de la contrefaçon de marque. À mon avis, la réaction des déposants choisis par les parties n’est pas représentative de celle des consommateurs de la population de référence.

[93] Compte tenu de toutes les considérations qui précèdent concernant l’article 20, je conclus à l’absence de probabilité de confusion entre le logo de la fiducie Hamdard et le logo modifié de Navsun et, par conséquent, à l’absence de contrefaçon par les défenderesses de la marque de commerce déposée par la fiducie Hamdard.

D. D. La dépréciation de l’achalandage – article 22

[94] À mon sens, le logo de la fiducie Hamdard n’était pas suffisamment bien connu au Canada à l’époque pertinente pour qu’y soit attaché un achalandage important de nature à étayer une allégation de dépréciation de l’achalandage. Par conséquent, le critère applicable à la dépréciation de l’achalandage, étudié ci-dessous, n’est pas rempli en l’espèce.

[95] Comme l’a fait observer la Cour d’appel fédérale, ma conclusion concernant l’absence de violation fondée sur l’article 20 ne répond pas à la question de savoir si Navsun a déprécié l’achalandage attaché au logo de la fiducie Hamdard : Hamdard CAF 2019, au para 34. Le fait de conclure à la confusion au sens du paragraphe 6(2) n’est pas une condition préalable à la conclusion de dépréciation de l’achalandage aux termes de l’article 22, mais, pour invoquer cette disposition, il faut posséder une marque de commerce déposée.

[96] Le juge Binnie a formulé comme suit le critère conjonctif à quatre volets applicable à la dépréciation de l’achalandage : i) la marque de commerce déposée du demandeur a été employée par le défendeur en liaison avec des produits ou services, qu’ils soient ou non en concurrence avec ceux du demandeur; ii) la marque de commerce déposée du demandeur est suffisamment connue pour que l’achalandage qui y est attaché soit appréciable, mais il n’est pas nécessaire qu’elle soit bien connue ou célèbre; iii) la marque a été employée par le défendeur d’une manière susceptible d’avoir une incidence sur cet achalandage (c’est‑à‑dire de faire surgir un lien); et iv) cette incidence sera probablement la diminution de la valeur de l’achalandage (c’est-à-dire un préjudice) : Veuve Clicquot, au para 46. Autrement dit, la fiducie Hamdard a seulement à prouver que les défenderesses ont employé une marque dont la ressemblance avec son logo suffit pour établir, dans l’esprit des consommateurs de la population de référence, une association (ou un lien) entre les deux marques qui est susceptible de faire diminuer la valeur de l’achalandage (établi et appréciable) attaché à son logo : Veuve Clicquot, au para 38.

[97] Les facteurs à prendre en considération pour établir s’il existe un « achalandage appréciable » sont par exemple le degré de reconnaissance de la marque par les consommateurs de la population de référence, le volume des ventes et le degré de pénétration du marché des produits associés à la marque du demandeur, l’étendue et la durée de la publicité dont celle‑ci a fait l’objet, la portée géographique de la marque en question, l’importance de son caractère distinctif inhérent ou acquis, la question de savoir si les produits associés à la marque du demandeur sont confinés à une voie de commercialisation restreinte ou spéciale, ou s’ils empruntent des voies multiples, ainsi que la mesure dans laquelle la marque est perçue comme un gage de qualité : Veuve Clicquot, au para 54.

[98] C’est après avoir pris ces facteurs en considération que le juge Fothergill a conclu que le logo de la fiducie Hamdard jouissait d’un degré élevé de reconnaissance chez les consommateurs de la population de référence et, s’ajoutant à son caractère distinctif, d’un achalandage suffisant au Canada, en 1993, pour étayer une allégation de commercialisation trompeuse relativement au logo initial de Navsun. Compte tenu de la preuve qui m’a été présentée, je ne suis pas en désaccord avec lui sur ces points : Hamdard CF 2018, au para 35. La question est cependant ici de savoir si le logo de la fiducie Hamdard a continué de jouir en 2015 et après d’un achalandage suffisant pour étayer aujourd’hui une allégation de dépréciation de l’achalandage au Canada. Je conclus que non. Comme je l’ai conclu en ce qui concerne l’allégation de commercialisation trompeuse formulée par la fiducie Hamdard à l’égard du logo modifié de Navsun, la preuve incite (d’autant plus avec le passage du temps de 2009 à 2015 et au‑delà, jusqu’à la date de l’audience) à attribuer un caractère distinctif à ce logo en tant que signe, pour le marché canadien cible, que l’Ajit Weekly a comme source un éditeur opérant au Canada.

E. E. Les mesures de réparation demandées

(1) (1) L’injonction

[99] Dans le deuxième réexamen qui nous occupe, la fiducie Hamdard a gain de cause sur le chef de la commercialisation trompeuse, mais seulement en ce qui concerne le logo initial de Navsun. Le logo modifié de Navsun et toutes les modifications qu’on envisagerait d’y apporter sont soumis aux modalités dont les parties ont convenu dans l’accord de règlement partiel. De plus, aucun élément de preuve ne tend à établir que Navsun aurait l’intention de revenir à son logo initial. Je conclus donc que l’injonction sollicitée par la fiducie Hamdard n’est pas justifiée en l’espèce. À mon sens, cette conclusion rend inutile l’examen des arguments relatifs au retard indu, à l’inertie et à l’acquiescement avancés par les défenderesses dans leur deuxième défense et demande reconventionnelle modifiée.

(2) (2) Le montant des dommages‑intérêts

[100] La question qu’il reste à trancher est celle du montant des dommages-intérêts qu’il convient d’accorder à la fiducie Hamdard, compte tenu du fait qu’elle a gain de cause sur le chef de la commercialisation trompeuse en ce qui concerne le logo initial de Navsun. Comme je l’ai conclu ci-dessus, la fiducie Hamdard n’est pas parvenue à établir qu’elle a subi un préjudice appréciable en perdant le contrôle au Canada de son logo et du nom AJIT, de sorte qu’il ne convient de lui attribuer qu’une somme modeste en dommages-intérêts compensatoires.

[101] Je reprends ici à mon compte les observations suivantes formulées dans l’arrêt Orkin : [traduction] « cette perte de contrôle a pour conséquence pratique que la demanderesse se trouve ainsi exposée à perdre ses clients actuels et éventuels en Ontario, pour ce qui est des services fournis aux États‑Unis. En outre, cette perte de contrôle pourrait empêcher Orkin d’employer son nom commercial en Ontario lorsqu’elle s’y implantera » : Orkin.

[102] En l’espèce, je constate que le lectorat du Daily Ajit au Canada était restreint dès le départ. Aucun élément de preuve directe n’établit que la diminution du nombre d’abonnés, qui a atteint son maximum de 43 en 1991 pour descendre à moins de 10 plus récemment, soit directement attribuable aux défenderesses et à l’Ajit Weekly. La preuve produite par la fiducie Hamdard indique plutôt que le Daily Ajit (en version papier) avait un faible ou [traduction] « maigre » lectorat hors de l’Inde, en raison des problèmes de livraison tardive causés par les distances géographiques considérables, ainsi que du lancement en 2002 de son site Web sous le nom de domaine www.ajitjalandhar.com. Qui plus est, la lecture en ligne du Daily Ajit, qui a ainsi commencé en 2002, a depuis lors gagné du terrain au Canada, malgré la création de l’Ajit Weekly au cours de cette période.

[103] En outre, contrairement à l’affaire Orkin, où la demanderesse négociait, au moment du procès, avec une autre entreprise dans le but d’établir une présence au Canada, j’estime que la preuve présentée par la fiducie Hamdard concernant ses projets d’implantation au Canada, son intention d’y imprimer ou d’y publier, et d’y diffuser, le Daily Ajit était vague. Compte tenu de la preuve dont je suis saisie, rien ne s’est concrétisé sous ce rapport dans la période de 25 ans allant de 1968, année des premiers abonnements canadiens, jusqu’au lancement de l’Ajit Weekly au Canada en 1993, ni dans les 17 années qui ont suivi jusqu’à l’introduction de la présente instance en 2010.

[104] Comme l’a fait observer le juge Pelletier (alors juge à la Cour fédérale), il faut supprimer du calcul le préjudice spéculatif et non prouvé : Ragdoll Productions (UK) Ltd c Doe, 2002 CFPI 918 (CanLII) au para 40 [Ragdoll], [2003] 2 CF 120, citant Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition, aux p 648-649. La Cour peut cependant prendre en considération le fait qu’il ne peut y avoir de commerce trompeur sans que l’achalandage en pâtisse dans une certaine mesure; les difficultés que présente l’évaluation du préjudice ne dispensent pas le tribunal de l’obligation d’y procéder du mieux qu’il peut : Ragdoll, aux p 648-649.

[105] Les juges Pelletier et Fothergill ont tous deux passé en revue des affaires où l’on avait adjugé des dommages-intérêts modestes ou symboliques en l’absence d’éléments de preuve concrets établissant le préjudice réel subi par la partie ayant obtenu gain de cause : Ragdoll, aux para 42-45; Hamdard CF 2018, aux para 59-60.

[106] Étant donné l’absence d’éléments de preuve établissant que la fiducie Hamdard aurait subi un préjudice appréciable, j’estime que les faits de l’espèce justifient l’octroi de la modeste somme de 10 000 $ en dommages-intérêts compensatoires au titre de la perte de contrôle de la fiducie Hamdard sur le nom AJIT et sur son logo au Canada. Pour en arriver à cette conclusion, j’ai pris en considération la période allant de juillet 2004 – soit six ans avant que la fiducie Hamdard n’intente son action en juillet 2010 – à janvier 2010, date à laquelle Navsun s’est engagée à adopter son logo modifié (bien qu’elle l’ait en fait adopté plus tôt, en septembre 2009), mais alors sous réserve du moyen de défense fondé sur la licence limitée qui lui a été concédée dans l’accord de règlement partiel et lui permettant d’employer le logo de la fiducie Hamdard de septembre à décembre 2009. Contrairement à la Loi sur le droit d’auteur, la Loi sur les marques de commerce ne prévoit pas de délai de prescription. Je conclus cependant que le délai de prescription de six ans que prévoit le paragraphe 39(2) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, s’applique.

[107] La fiducie Hamdard réclame aussi des dommages-intérêts punitifs, qu’elle chiffre à environ 1,45 million de dollars, soit l’équivalent d’environ deux années de revenus pour les défenderesses. Je ne pense pas que les faits de la présente espèce justifient l’octroi de dommages-intérêts punitifs.

[108] Le principe applicable aux dommages-intérêts punitifs est qu’ils « ne doivent être accordés que lorsqu’il ressort des éléments de preuve qu’il y a eu conduite abusive, malveillante, arbitraire ou extrêmement répréhensible, qui déroge nettement aux normes ordinaires de bonne conduite[; i]l s’agit d’un critère très exigeant » : Bauer Hockey Corp. c Sport Maska Inc. (Reebok‑CCM Hockey), 2014 CAF 158 [Bauer Hockey] au para 26. En outre, les dommages-intérêts punitifs constituent une sanction exceptionnelle, qui se justifie seulement « lorsqu’une partie se conduit d’une manière malveillante, opprimante et abusive, qui choque le sens de la dignité de la Cour et que d’autres mesures de réparation ne suffisent pas à atteindre les objectifs de châtiment, de dissuasion et de dénonciation » : Young c Thakur, 2019 CF 835 au para 52, citant Whiten c Pilot Insurance Co., 2002 CSC 18 aux para 36, 123.

[109] Je ne suis pas convaincue que la conduite des défenderesses en l’espèce remplit ce critère rigoureux. Qui plus est, Navsun s’est montrée coopérative envers la fiducie Hamdard en remplaçant son logo initial par son logo modifié et en convenant avec elle d’un mécanisme permettant la modification ultérieure de son logo.

VIII. Conclusion

[110] Pour les motifs qui précèdent, je donne gain de cause à la fiducie Hamdard sur le chef de la commercialisation trompeuse, mais seulement en ce qui concerne le logo initial de Navsun, ce qui justifie l’octroi de la somme de 10 000 $ en dommages-intérêts compensatoires, mais seulement au titre de la période de juillet 2004 à septembre 2009, étant donné le délai de prescription et le moyen de défense applicables. Je ne suis cependant pas convaincue que la conduite des défenderesses en l’espèce remplit le critère rigoureux qui s’applique à l’attribution de dommages-intérêts punitifs. Je ne suis pas non plus convaincue qu’une injonction est justifiée, étant donné que Navsun n’emploie plus son logo initial, l’ayant remplacé par son logo modifié.

[111] Sur les autres chefs, soit les violations fondées sur les articles 19 et 20 et la dépréciation de l’achalandage aux termes de l’article 22, la Cour rejette les prétentions de la demanderesse en ce qui concerne le logo modifié de Navsun.

[112] Étant donné le succès partagé obtenu en l’espèce, aucuns dépens ne sont adjugés.


JUGEMENT dans le dossier T‑1127‑10

LA COUR STATUE :

  1. Les défenderesses, Navsun Holdings Ltd et 6178235 Canada Inc. [collectivement, Navsun], se sont livrées à une commercialisation trompeuse de juillet 2004 à septembre 2009 en ce qui concerne le logo de la demanderesse, la fiducie Sadhu Singh Hamdard [la fiducie Hamdard], qui figure depuis 1984 dans le cartouche de titre du journal de celle‑ci, le Daily Ajit, mais seulement en ce qui concerne le logo initial de Navsun, qui était constitué par le logo de la fiducie Hamdard et les mots « AJIT WEEKLY » inscrits en dessous.

  2. Navsun versera à la fiducie Hamdard des dommages-intérêts compensatoires de 10 000 $ au titre de cette commercialisation trompeuse.

  3. La Cour rejette les allégations de commercialisation trompeuse, de contrefaçon de marque de commerce et de dépréciation de l’achalandage formulées par la fiducie Hamdard en ce qui concerne le logo modifié de Navsun, adopté par celle‑ci en septembre 2009 et constitué par la graphie stylisée du mot « AJIT » en caractères pendjabis de couleur verte, figurant au‑dessus des mots « AJIT WEEKLY » en caractères latins.

  4. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Janet M. Fuhrer »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Blain McIntosh


Annexe A : Les dispositions législatives applicables

Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13

Trademarks Act, RSC 1985, c T‑13

Définitions et interprétation

Interpretation

Définitions

Definitions

distinctive Se dit de la marque de commerce qui distingue véritablement les produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire de ceux d’autres personnes, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi. (distinctive)

distinctive, in relation to a trademark, describes a trademark that actually distinguishes the goods or services in association with which it is used by its owner from the goods or services of others or that is adapted so to distinguish them; (distinctive)

marque de commerce Selon le cas :

trademark means

a) signe ou combinaison de signes qui est employé par une personne ou que celle-ci projette d’employer pour distinguer, ou de façon à distinguer, ses produits ou services de ceux d’autres personnes;

(a) a sign or combination of signs that is used or proposed to be used by a person for the purpose of distinguishing or so as to distinguish their goods or services from those of others, or

b) marque de certification. (trademark)

(b) a certification mark;(marque de commerce)

nom commercial Nom sous lequel une entreprise est exercée, qu’il s’agisse ou non d’une personne morale, d’une société de personnes ou d’un particulier. (trade name)

trade name means the name under which any business is carried on, whether or not it is the name of a corporation, a partnership or an individual; (nom commercial)

Quand une marque ou un nom crée de la confusion

When mark or name confusing

6 (1) Pour l’application de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l’emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.

6 (1) For the purposes of this Act, a trademark or trade name is confusing with another trademark or trade name if the use of the first mentioned trademark or trade name would cause confusion with the last mentioned trademark or trade name in the manner and circumstances described in this section.

Marque de commerce créant de la confusion avec une autre

Confusion — trademark with other trademark

(2) L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

(2) The use of a trademark causes confusion with another trademark if the use of both trademarks in the same area would be likely to lead to the inference that the goods or services associated with those trademarks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the goods or services are of the same general class or appear in the same class of the Nice Classification.

Éléments d’appréciation

What to be considered

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

(5) In determining whether trademarks or trade names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

(a) the inherent distinctiveness of the trademarks or trade names and the extent to which they have become known;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

(b) the length of time the trademarks or trade names have been in use;

c) le genre de produits, services ou entreprises;

(c) the nature of the goods, services or business;

d) la nature du commerce;

(d) the nature of the trade; and

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

(e) the degree of resemblance between the trademarks or trade names, including in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

Concurrence déloyale et signes interdits

Unfair Competition and Prohibited Signs

Interdictions

Prohibitions

7 Nul ne peut :

7 No person shall

b) appeler l’attention du public sur ses produits, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses produits, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre;

(b) direct public attention to his goods, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his goods, services or business and the goods, services or business of another;

Droits conférés par l’enregistrement

Rights conferred by registration

19 Sous réserve des articles 21, 32 et 67, l’enregistrement d’une marque de commerce à l’égard de produits ou services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au propriétaire le droit exclusif à l’emploi de celle-ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces produits ou services.

19 Subject to sections 21, 32 and 67, the registration of a trademark in respect of any goods or services, unless shown to be invalid, gives to the owner of the trademark the exclusive right to the use throughout Canada of the trademark in respect of those goods or services.

Violation

Infringement

20 (1) Le droit du propriétaire d’une marque de commerce déposée à l’emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne qui est non admise à l’employer selon la présente loi et qui :

20 (1) The right of the owner of a registered trademark to its exclusive use is deemed to be infringed by any person who is not entitled to its use under this Act and who

a) soit vend, distribue ou annonce des produits ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion;

(a) sells, distributes or advertises any goods or services in association with a confusing trademark or trade name;

Dépréciation de l’achalandage

Depreciation of goodwill

22 (1) Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce.

22 (1) No person shall use a trademark registered by another person in a manner that is likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching thereto.


Annexe B : Liste des affidavits des parties résumés dans les décisions 2014 CF 1139 et 2018 CF 1039 ainsi qu’à la section iii) de l’annexe C ci‑dessous

(i) Affidavits de la demanderesse

  • - Affidavits de Barjinder Singh Hamdard souscrits :

  • le 23 mars 2010 (T‑273‑10)

  • le 17 octobre 2016 (supplémentaire)

  • - Affidavits de Satpaul Singh Johal souscrits :

  • le 19 mars 2010 (T‑273‑10)

  • le 25 mars 2010 (T‑273‑10)

  • le 21 février 2014

  • le 2 avril 2014

  • le 28 janvier 2017 (supplémentaire)

  • le 21 septembre 2017 (supplémentaire)

  • - Affidavit d’Amritpal Singh Saini souscrit le 15 octobre 2016 (supplémentaire)

  • - Affidavit de Baldev Singh souscrit le 15 octobre 2016 (supplémentaire)

  • - Affidavits de Gurdial Singh Kanwal souscrits :

  • le 16 mars 2010 (T‑273‑10)

  • le 15 octobre 2016 (supplémentaire)

  • - Affidavit de Gurmanpreet Singh souscrit le 22 septembre 2012

  • - Affidavit de Gurvinder Singh Sandal souscrit le 20 mars 2010 (T‑273‑10)

  • - Affidavit de Jasjit Singh Dhami souscrit le 14 octobre 2016 (supplémentaire)

  • - Affidavit de Karmjeet Kaur Chahal souscrit le 15 octobre 2016 (supplémentaire)

  • - Affidavit de Karnail Singh souscrit le 15 octobre 2016 (supplémentaire)

  • - Affidavit de Narinder Pal Singh souscrit le 20 février 2014

  • - Affidavits de Narinderjit Kaur Kanwal souscrits :

  • le 18 mars 2010 (T‑273‑10)

  • le 18 octobre 2016 (supplémentaire)

  • - Affidavit de Rajinder Kaur souscrit le 15 octobre 2016 (supplémentaire)

  • - Affidavits de Satinderpal Singh Chahal souscrits :

  • le 18 mars 2010 (T‑273‑10)

  • le 15 octobre 2016 (supplémentaire);

  • - Affidavit de Sukhjinder Singj Dhaariwal souscrit le 15 octobre 2016 (supplémentaire)

  • - Affidavit de Sukhvinder Singh souscrit le 17 octobre 2016 (supplémentaire)

  • - Affidavits de Sukhwant Singh souscrits :

  • le 10 janvier 1985

  • le 6 juillet 2009

  • le 6 juillet 2009

  • - Affidavit de Surjit Kaur Saini souscrit le 15 octobre 2016 (supplémentaire)

  • - Affidavit d’Amrajit Singh Rai souscrit le 24 mars 2014

  • - Affidavit de Gurbachan Singh Bhullar souscrit le 22 mars 2014

  • - Affidavit de Harjeet Singh souscrit le 24 mars 2014

  • - Affidavit de Harjinder Pal Singh Walia souscrit le 24 mars 2014

  • - Affidavits de Kanwar (Sunny) Bains souscrits :

(ii) Affidavits des défenderesses

  • le 20 mars 2014

  • le 12 avril 2014

  • le 13 décembre 2017 (supplémentaire)

  • - Affidavit de Ninder Ghugianvi souscrit le 21 mars 2014

  • - Affidavit de Sukhmander Singh Brar souscrit le 23 mars 2014


Annexe C : Résumé des affidavits et des contre-interrogatoires y afférents (avec annotations en italiques et entre crochets relatives à certains passages des décisions 2014 CF 1139 et 2018 CF 1039)

  • (i) 2014 CF 1139 (paragraphes 32-57)

[32] Je ferai maintenant le résumé des dépositions faites dans les affidavits de la demanderesse :

(1) M. Barjinder Singh Hamdard – affidavit souscrit le 23 mars 2010

[33] M. Barjinder Singh Hamdard est le rédacteur en chef d’Ajit Publications et il en est le directeur de rédaction depuis 1984. M. Hamdard a déjà été élu député, en 1998. Il est aussi auteur de plusieurs ouvrages et rédacteur de magazines. Son travail lui a valu prix et distinctions.

[34] M. Hamdard retrace l’histoire du Ajit Daily et il décrit la création du Hamdard Trust ainsi que les nombreuses réalisations de son fondateur, M. Sadhu Singh Hamdard, récipiendaire de plusieurs distinctions. M. Hamdard décrit aussi le contenu du journal Ajit Daily et donne des renseignements sur son tirage et sa diffusion à l’échelle mondiale. Tout en déclarant que le journal et la revue d’actualités du dimanche comptent peu d’abonnés étrangers, il précise qu’il y a des abonnés au Canada depuis au moins 1968 et que des Canadiens envoient des lettres au courrier du lecteur. M. Hamdard donne aussi une description physique de la cartouche de titre. Il explique comment, à son avis, les défenderesses en sont venues à utiliser le mot « Ajit » dans le nom de leur journal canadien, et estime que le but visé était de tirer profit de la popularité du Ajit.

(2) Satpaul Singh Johal – trois affidavits, souscrits les 19 et 25 mars 2010 et le 21 février 2014

[35] M. Satpaul Singh Johal est un correspondant canadien du Ajit Daily publié par la [fiducie Sadhu Singh Hamdar]. M. Johal décrit la bonne réputation dont jouit le Ajit Daily et explique l’historique du logo Ajit. Il écrit que ce logo est un dessin original et non pas une police de caractères, puis décrit les caractéristiques du logo. Le prix de l’abonnement au journal est affiché en roupies indiennes et en dollars canadiens, tout comme le prix des ventes canadiennes de publicité. L’affidavit mentionne le nombre de lecteurs en ligne et décrit certaines annonces sur le choix du sexe du fœtus qui ont paru dans le Ajit Weekly. M. Johal écrit que, même depuis qu’on a changé les lettres du logo du Ajit Weekly en 2010, des lecteurs confus communiquent toujours avec lui pour vérifier qu’il n’y ait pas de liens entre les deux journaux.

[36] M. Johal écrit que le Ajit Weekly publie des annonces se rapportant à la sorcellerie et à la magie, et que cela offense les sikhs pratiquants. Le Ajit Weekly a en outre publié sans son consentement certains articles qu’il avait rédigés pour le Ajit Daily.

[37] L’affidavit du 25 mars 2014 fait état du nombre de consultations du site Web du Ajit Daily et du site Web du Ajit Weekly.

(3) Gurdial Singh Kanwal – affidavit souscrit le 16 mars 2010

[38] M. Gurdial Singh Kanwal est auteur de livres en pendjabi et il publie son propre journal en langue pendjabi à Toronto. Il dit connaitre le Ajit Daily depuis toujours et avoir présumé qu’il chapeautait le Ajit Weekly. Il dit aussi que lorsqu’il a présenté un ami commun à M. Darshan Singh Bains, ce dernier avait affirmé être un ami de M. Hamdard. M. Kanwal a plus tard appris qu’il n’y avait pas de liens entre les deux journaux.

(4) Narinderjit Kaur Kanwal – affidavit souscrit le 18 mars 2010

[39] Mme Narinderjit Kaur Kanwal, l’épouse de M. Kanwal, affirme qu’elle lisait le Ajit Daily en Inde. Lorsqu’elle a vu des exemplaires du Ajit Weekly à Mississauga et à Brampton, elle a pensé que ce journal était publié par le Ajit Daily et elle a trouvé déroutant que le contenu de l’un et de l’autre journal ait été différent.

(5) Satinderpal Singh Chahal – souscrit le 18 mars 2010

[40] M. Satinderpal Singh Chahal est propriétaire et exploitant d’une entreprise de messagerie en Ontario. Il dit qu’il connaissait l’existence et la réputation du Ajit Daily dans sa jeunesse, passée en Inde, et que, lorsqu’il est venu au Canada en 2002, il pensait que le Ajit Weekly lui était lié. Il ajoute qu’en tant que sikh, il est offensé par les annonces de pratiques mystiques publiées dans le Ajit Weekly.

(6) Gurvinder Singh Sandal – affidavit souscrit le 20 mars 2010

[41] M. Gurvinder Singh Sandal est un chanteur pendjabi de folk. Dans son affidavit, il écrit qu’il connaissait le Ajit Daily avant d’immigrer au Canada, et qu’il a appris après enquête que ce journal n’avait pas de liens avec le Ajit Weekly. M. Sandal dit lui aussi trouver offensantes les annonces publiées dans le Ajit Weekly.

(7) Narinder Pal Singh – affidavit souscrit le 20 février 2014

[42] M. Narinder Pal Singh est gestionnaire de tirage du Ajit Daily à Jalandhar, en Inde. Il a transcrit le nom et l’adresse des abonnés canadiens du Ajit Daily et a utilisé un tableur pour communiquer cette information.

(8) La preuve des défendeurs a consisté en un affidavit de Kanwar (Sunny) Bains, dont le contenu est ci‑après résumé

[43] Kanwar (Sunny) Bains est actionnaire et administrateur de Navsun Holdings. Il est le fils du fondateur du Ajit Weekly. M. Bains a situé le Ajit Weekly en contexte, en commençant par dire comment le nom en avait été choisi et quel en était le sens, puis en décrivant l’évolution au fil du temps de l’aspect [du] cartouche de titre. M. Bains décrit le sens et le choix du mot Ajit, son histoire ainsi que d’autres emplois du mot dont il a connaissance. Il décrit l’évolution des dessins de marque du Ajit Weekly et fournit des photos des différentes marques utilisées par le Ajit Weekly au fil des ans. M. Bains fournit également des photographies du dessin de marque actuel du Ajit Weekly, tel qu’il a été modifié après la conclusion de l’accord de règlement partiel sur le droit d’auteur dans le cadre de l’action qui s’est déroulée aux États‑Unis.

[44] M. Bains donne une description de la distribution et du tirage du Ajit Weekly à Toronto et à Vancouver, et mentionne les entreprises canadiennes qui publient des annonces dans le journal.

[45] M. Bains décrit aussi longuement le site Web du Ajit Weekly, la Ajit Broadcasting Corporation et l’affichage des marques en ligne. M. Bains traite finalement du litige aux États‑Unis et du règlement sur le droit d’auteur.

[46] M. Bains défend la publication d’annonces de mystiques et de gourous en invoquant la liberté d’expression et la tolérance envers les croyances d’autrui. Tout en disant par ailleurs que les services de choix du sexe du fœtus sont en demande parmi les Pendjabis du Canada, M. Bains précise que le Ajit Weekly a décidé de ne plus faire la publicité de produits à base de plantes utilisés à cette fin.

(9) Contre-interrogatoire de Kanwar (Sunny) Bains – le 29 janvier 2014

[47] M. Bains a confirmé le fait que les mots « Ajit Weekly » ne figurent qu’en anglais sur [le] cartouche de titre et que seul le mot « Ajit » y est écrit en pendjabi. M. Bains dit que la décision d’utiliser le nom « Ajit » a été prise par l’ensemble de la famille, et qu’il ne se rappelle pas si un membre de la famille en particulier avait suggéré ce nom. Il affirme avoir vérifié si la marque était employée au Canada au moment du lancement de son journal. M. Bains affirme aussi que sa société a fait annuler l’enregistrement de la marque de commerce pour le mot « Ajit », puis a mis fin à son utilisation après 2009. M. Bains ajoute que l’on recourait chaque semaine à des couleurs différentes, y compris au rouge, pour le logo du Ajit Weekly.

[48] M. Bains décrit l’impression du mot « Ajit » sur [le] cartouche de titre du Ajit Weekly comme une police simplement saisie en caractères pendjabis, et affirme que les deux journaux utilisent une police différente pour leur cartouche de titre. Il compare l’emploi de la police reproduisant « Ajit » à la saisie d’un mot anglais au moyen de la police Arial ou Times Roman. M. Bains affirme également qu’aucun de ses lecteurs n’a jamais communiqué avec lui pour savoir s’il y avait un lien entre les deux journaux.

(10) Contre-interrogatoire de M. Barjinder Singh Hamdard, PhD.

[49] M. Hamdard a d’abord dressé la liste de nombreux journaux publiés en pendjabi à Jalandhar, en Inde, et mentionné le nom des journaux suivants : Punjab Tribune, Jagbani, Punjabi Jagran, Mawan, Akali Patrika et Desh Sewak. Il a aussi déclaré qu’il y avait de nombreux autres journaux rédigés en pendjabi et en [hindi] au Pendjab et a mentionné le nom de quatre journaux en hindi. M. Hamdard a décrit les qualités attendues d’un grand journal, puis le contenu du journal Ajit Daily de Jalandhar. M. Hamdard a dit qu’il existait différentes éditions du journal pour d’autres régions de l’Inde, la même section des informations internationales se retrouvant toutefois dans les diverses éditions régionales. Il n’y a pas d’édition destinée à la seule distribution internationale.

[50] M. Hamdard a décrit le processus de distribution du Ajit Daily. Une partie des journaux sont envoyés par la poste à l’extérieur du Pendjab, mais à l’intérieur de l’État, les journaux sont distribués aux librairies par des revendeurs, ou livrés à domicile. M. Hamdard explique que le Ajit Daily est transmis aux abonnés du Canada par la poste au Canada; il ne projette pas d’augmenter son lectorat au Canada. Il a ajouté que le Ajit Daily n’est pas un journal gratuit disponible en épicerie, comme les journaux en pendjabi qu’on peut se procurer au Canada. M. Hamdard a démenti l’existence d’un autre journal en langue pendjabi en Inde qui portait le nom d’Ajeet Patrika.

[51] M. Hamdard a dit qu’il a connu M. Darshan Singh Bains quand tous deux vivaient à Jalandhar, mais que M. Bains et lui n’étaient pas des amis. M. Hamdard a confirmé qu’il avait appris l’existence du Ajit Weekly lors d’une visite faite au Canada en 1995, et que la première fois que [la fiducie Hamdard] avait contesté l’emploi du mot « Ajit » par le Ajit Weekly, c’était en 2005. Il s’était alors opposé à une demande d’enregistrement de marque de commerce au Canada. M. Hamdard a expliqué qu’il avait porté plainte de diverses manières contre le Ajit Weekly au Canada, et qu’il avait notamment fait des déclarations et tenté lui‑même de convaincre les intéressés de cesser d’utiliser le nom en question.

(11) Contre-interrogatoire de Satpal Singh Johal

[52] M. Johal a confirmé qu’il avait été correspondant du Ajit Daily avant et après sa venue au Canada en 2009, et qu’il est maintenant correspondant d’autres journaux canadiens en langue pendjabi. Il a toutefois affirmé que certains autres journaux avaient reproduit, sans le rémunérer, des articles écrits par lui pour le Ajit Daily. M. Johal a déclaré qu’il avait dû se plaindre ouvertement pour faire cesser cette pratique.

[53] M. Johal explique que [la fiducie Hamdard] compte huit correspondants au Canada et que, lorsqu’il a commencé à y faire des reportages, des Pendjabis confus par la situation avaient vérifié auprès de lui pour quel journal Ajit il travaillait. M. Johal a aussi confirmé qu’il avait demandé à Gurdial Singh Kanwal, Narinderjit Kaur Kanwal et Satinderpal Singh Chahal, qu’il connaissait personnellement, de souscrire leurs affidavits. Il a déclaré qu’il arrivait que des Pendjabis à la recherche d’une épouse ou d’un époux publient une annonce dans le Ajit Daily, et peut-être aussi dans un journal local. M. Johal a aussi confirmé qu’on ne pouvait obtenir le Ajit Daily que par abonnement ou en ligne au Canada.

(12) Contre-interrogatoire de Gurvinder Singh Sandal

[54] Tout en disant avoir mal compris si le Ajit Weekly avait des liens avec le Ajit Daily, M. Sandal a admis que rien dans le Ajit Weekly ne laissait croire que ce journal était publié à Jalandhar. M. Sandal a aussi dit avoir vérifié auprès d’un correspondant du Ajit Daily si les deux journaux avaient ou non des liens entre eux, et que ce correspondant lui avait demandé de souscrire son affidavit.

(13) Contre-interrogatoire de Satinderpal Singh Chahal

[55] M. Chahal a dit qu’il s’était rendu compte après son arrivée au Canada que le Ajit Weekly était gratuit, et que cela l’avait étonné parce qu’il supposait qu’il fallait payer le Ajit Daily en Inde, et que tout coûtait plus cher au Canada. Il a communiqué avec le Ajit Daily en Inde, et on lui avait confirmé que les deux journaux n’avaient pas de liens entre eux. M. Chahal a dit qu’il lui arrivait encore de lire le Ajit Weekly à l’occasion pour vérifier s’il s’y trouvait toujours des annonces qu’il jugeait offensantes. M. Chahal a confirmé que le prénom « Ajit » était également populaire en Inde. Il a dit avoir été surpris que deux journaux ayant le même nom aient des visions sociales différentes face aux annonces de mystiques et de gourous, estimant que jamais le Ajit Daily ne publierait de telles annonces.

(14) Contre-interrogatoire de Gurdial Singh Kanwal

[56] M. Kanwal est journaliste au Ajit Daily et, au début des années 1970, il recevait ce journal sur abonnement par la poste au Canada. Il a lancé son propre journal à Vancouver et publiait des articles du Ajit Daily. Il a affirmé que comme il était ami avec la demanderesse, un consentement à la publication s’avérait inutile. M. Kanwal a déménagé à Toronto et il y a relancé son journal. Il a dit qu’il utilisait souvent du contenu du Ajit Daily pour republication dans son journal, particulièrement des éditoriaux. M. Kanwal dit avoir appris l’existence d’un différend entre les parties lorsqu’il a visité l’Inde et que Satpal Johal lui en a fait part.

(15) Contre-interrogatoire de Narinderjit Kaur Kanwal

[57] Mme Kanwal a déclaré avoir vu des exemplaires du Ajit Weekly dans des magasins pendjabis au Canada, et qu’elle a été surprise de voir que ce journal était gratuit ici alors qu’il fallait le payer en Inde. Elle a dit que le journal avait la même apparence que celui de l’Inde ainsi qu’un contenu semblable, hormis les annonces qui étaient différentes. Mme Kanwal a affirmé n’avoir jamais vu d’exemplaires du Ajit Daily au Canada.

  • (ii) 2018 CF 1039 (paragraphes 26-27)

[26] Voici un résumé des affidavits complémentaires présentés par Hamdard.

  • a) Affidavit souscrit le 17 octobre 2016 par M. Barjinder Singh Hamdard : M. Hamdard est citoyen de l’Inde et rédacteur en chef du Daily Ajit. M. Hamdard décrit l’historique et l’expansion du Daily Ajit. Il dépose également une liste du nombre d’abonnés au Daily Ajit au Canada de 1990 à 2010, ainsi qu’une liste d’environ 160 lettres à la rédaction provenant de lecteurs pendjabi au pays. Il discute du logo du Daily Ajit et déclare que le « crochet » au-dessus du mot est l’élément le plus distinctif du logo. M. Hamdard explique comment il a appris l’existence du Ajit Weeklylors d’une visite au Canada en avril 1995. Il a fait une déclaration selon laquelle Hamdard n’avait aucun lien avec le Ajit Weekly. Il indique que M. Bains connaissait le Daily Ajit ainsi que son style et son contenu. M. Hamdard soutient également que l’utilisation abusive du nom « Ajit » par le Ajit Weeklya nui à la capacité de Hamdard d’élargir sa clientèle au Canada. Il dit que Hamdard ne pouvait pas s’opposer à la demande de Navsun concernant la marque de commerce en 2004, parce que le registraire n’a pas tenu compte de sa demande en prorogation du délai. Hamdard a demandé la radiation de la marque de commerce déposée de Navsun en 2010, ce qui a amené Navsun à l’annuler.

  • b) Affidavit souscrit le 14 octobre 2016 par Jasjit Singh Dhami : M. Dhami est correspondant au Daily Ajit depuis 1995. Il est venu au Canada en 2005. Il indique que le Daily Ajit est bien connu au sein de la collectivité pendjabi au Canada. Lorsque les membres de la collectivité pendjabi canadienne étaient informés qu’il travaillait pour le Daily Ajit, automatiquement ces derniers croyaient qu’il travaillait pour le Ajit Weekly. Les Pendjabis canadiens supposent que le Daily Ajit et le Ajit Weekly sont reliés, et lui ont demandé pourquoi le Daily Ajit publiait des annonces offensantes.

  • c) Affidavit souscrit le 18 octobre 2016 par Narinderjit Kaur Kanwal : Mme Kanwal est une employée de restaurant qui a immigré au Canada en 1988. Elle a lu le Daily Ajit en Inde, et elle a cru que le Ajit Weekly était relié au Daily Ajit lorsqu’elle a vu la publication en magasin. Elle trouve déroutantes les différences de contenu entre les deux publications.

  • d) Affidavit souscrit le 15 octobre 2016 par Baldev Singh : M. Singh est prédicateur et camionneur. Il a lu le Daily Ajit en Inde. Après son arrivée au Canada en 2002, il croyait initialement que le Ajit Weekly était un produit du Daily Ajit.

  • e) Affidavit souscrit le 15 octobre 2016 par Gurdial Sing Kanwal : M. Kanwal est un éditeur, auteur et journaliste à la retraite et l’actuel président de la Canadian International Punjab Sahit Academy. Il connaît le Daily Ajit depuis 1964 et, après avoir immigré au Canada, il a utilisé le Daily Ajit comme source d’information pour son propre journal. Il croyait que le Ajit Weekly était un produit du Daily Ajit, et s’est seulement rendu compte qu’ils étaient distincts lorsqu’il a entendu parler du litige qui les opposait. M. Bains lui a dit que M. Hamdard était son ami.

  • f) Affidavit souscrit le 15 octobre 2016 par Amritpal Singh Saini : M. Saini est correspondant au Daily Ajit depuis 2009. Il a immigré au Canada en 2000 et croyait que le Ajit Weekly était le Daily Ajit. Il dit que la collectivité pendjabi canadienne connaît et respecte le journal ainsi que le site Web du Daily Ajit. Depuis qu’il a commencé à travailler pour le Daily Ajit, les gens lui demandent s’il travaille également pour le Ajit Weekly, supposant à tort que les deux sont liés.

  • g) Affidavit souscrit le 15 octobre 2016 par Surjit Kaur Saini : Mme Saini est une opératrice de machinerie lourde, et a immigré au Canada en 2004. Elle a lu le Daily Ajit en Inde, et quand elle a vu le Ajit Weekly pour la première fois au Canada, elle a pensé qu’il s’agissait du Daily Ajit. Elle lit le Daily Ajit en ligne depuis de nombreuses années.

  • h) Affidavit souscrit le 15 octobre 2016 par Karnail Singh : M. Singh est un camionneur et un prédicateur bénévole de religion sikhe. Il vit au Canada depuis 2005. Il a connu le Daily Ajit alors qu’il vivait en Inde. À son arrivée au Canada, il croyait que le Ajit Weeklyétait publié par le Daily Ajit ou Hamdard. Il a été choqué par les annonces offensantes publiées dans le Ajit Weekly. Il a appelé un correspondant canadien du Daily Ajit, et ce n’est qu’à ce moment qu’il a appris la distinction entre les deux.

  • i) Affidavit souscrit le 15 octobre 2016 par Rajinder Kaur : Mme Kaur travaille dans une usine et vit au Canada depuis 2009. Elle était une lectrice passionnée du Daily Ajit alors qu’elle vivait en Inde, et se demandait si le Ajit Weekly et le Daily Ajit étaient liés.

  • j) Affidavit souscrit le 15 octobre 2016 par Sukhjinder Singh Dhariwal : M. Dhariwal est un camionneur qui a immigré au Canada en 2005. Il lit le Daily Ajit depuis la cinquième année. Il a appris que le Daily Ajit et le Ajit Weekly avaient des propriétaires différents après deux ou trois ans, en entendant parler du litige. Lui et ses amis lisent le Daily Ajit en ligne.

  • k) Affidavit souscrit le 15 octobre 2016 par Karmjeet Kaur Chahal : Mme Chahal a immigré au Canada en 2003. En Inde, sa famille était abonnée au Daily Ajit. Elle a trouvé que la similitude entre le nom et le logo du Daily Ajit et du Ajit Weeklyétait déroutante.

  • l) Affidavit souscrit le 15 octobre 2016 par Satinderpal Singh Chahal : M. Chahal a immigré au Canada en 2000 et est propriétaire et exploitant d’une entreprise de messagerie. Il a connu l’existence du Daily Ajit alors qu’il était en Inde, et dit que le journal est bien connu. Il croyait que le Ajit Weekly était publié par le Daily Ajit lorsqu’il a vu le journal pour la première fois. Il a été offensé par les annonces publiées dans le Ajit Weekly. Il a découvert qu’il n’y avait aucun lien entre les deux en appelant un correspondant du Daily Ajit.

  • m) Affidavit souscrit le 28 janvier 2017 par Satpaul Singh Johal : M. Johal est journaliste et correspondant du Daily Ajit. Il joint ce qui est censé être des parties d’un journal en langue hindi de 2010 appelé Ajeet Patrika, et affirme que la langue hindi diffère du pendjabi et possède un alphabet différent. Une personne pendjabi ne pourrait pas lire un journal de langue hindi à moins de bien connaître l’hindi écrit. Hamdard ignorait l’existence du Ajeet Patrika jusqu’à ce que M. Bains en fasse mention dans le litige. Hamdard a été incapable de trouver le journal à la suite de sa propre enquête. Il semble que le journal Ajeet Patrika ait été enregistré dans un autre État et qu’il n’ait pas présenté les déclarations annuelles requises depuis longtemps.

  • n) Affidavit souscrit le 17 octobre 2016 par Sukhvinder Singh : M. Singh est directeur du marketing du Daily Ajit depuis deux ans. Il exploite le site Web www.ajitjalandhar.com. Le quotidien Daily Ajit est publié en entier sur le site Web depuis 2002. Il surveille le trafic sur le site Web à l’aide de Google Analytics et a joint des dossiers qui démontrent qu’il y a eu 909 405 visites sur le site Web en provenance du Canada entre le 11 mai 2008 et le 31 août 2008. Il joint également les rapports de 2013 à 2015.

  • o) Affidavit souscrit le 21 septembre 2017 par Satpaul Singh Johal : M. Johal est journaliste et correspondant au Daily Ajit depuis 2001. Il affirme que le Daily Ajit publie des articles d’intérêt pour les Pendjabis qui vivent au Canada. En décembre 2012, Hamdard a lancé des applications pour appareils numériques mobiles. M. Johal produit un tableau montrant l’historique des téléchargements. Il dit que le logo du Daily Ajit n’est pas produit au moyen d’une police de caractères, et que les lettres se chevauchent.

[27] Navsun a déposé l’affidavit souscrit le 13 décembre 2017 par Kanwar (Sunny) Bains. M. Bains affirme ce qui suit :

  • a) M. Bains est actionnaire et directeur de Navsun. Il déclare qu’en juin 2010, Hamdard a présenté une demande pour enregistrer la marque de commerce AJIT. En 2015, Navsun s’est opposée avec succès à la demande présentée à la Commission des oppositions des marques de [c]ommerce au motif d’absence d’un caractère distinctif.

  • b) Hamdard a présenté une demande d’enregistrement de son dessin de marque, et Navsun ne s’y est pas opposée. Hamdard a cependant présenté une deuxième demande d’enregistrement de son mot-symbole, ce à quoi Navsun s’oppose. M. Bains prétend que Navsun cherche à obtenir la radiation de la marque de Hamdard pour la seule raison que Hamdard allègue la contrefaçon et fait de fausses déclarations au sujet de la première utilisation. M. Bains soutient que Hamdard n’aurait pas pu utiliser sa marque en association avec des biens et des services électroniques depuis 1984, puisque le lancement de son site Web n’a pas eu lieu avant 2002, que Hamdard ne publie pas de magazines et que le mot « Ajit » est très courant en pendjabi et est utilisé dans de nombreuses dénominations sociales.

  • c) Le site Web du Ajit Weekly accueille de 12 500 à 30 000 visiteurs par mois. Le journal est tiré à environ 12 000 exemplaires par semaine à Vancouver et à Toronto.

[On a fait remarquer en contre-interrogatoire que l’extrémité inférieure de la fourchette descendait jusqu’à environ 5 498 visiteurs. M. Bains a déclaré que cette fourchette se fondait sur une [TRADUCTION] « conjecture mal éclairée » et qu’il n’était [TRADUCTION] « pas du tout au courant de cela ».]

  • d) M. Bains n’est pas au courant de l’existence d’une confusion entre les deux sites Web ou journaux. Il croit que les immigrants peuvent lire le mot anglais « Weekly » dans la marque de Navsun, et qu’ils sont donc en mesure de faire la distinction entre les deux publications.

  • (iii) Résumé des passages pertinents des affidavits additionnels non résumés dans les décisions antérieures

Affidavits additionnels de la demanderesse

  1. Affidavits souscrits le 2 avril 2014 par Satpaul Singh Johal : M. Johal est employé par la fiducie Hamdard comme rédacteur au Daily Ajit. Contrairement aux déclarations de M. Bains (consignées dans son affidavit du 20 mars 2014), M. Johal affirme que la fiducie Hamdard s’est bel et bien opposé à la marque de commerce de Navsun et que celle‑ci était au courant de son opposition, puisqu’il en a été question dans un éditorial paru le 2 juillet 2003 dans le Ajit Weekly. M. Johal affirme que la police de grands caractères Nanak n’a été publiée qu’en 1995 et que le logo de la fiducie Hamdard ne peut être reproduit au moyen de cette police.

  2. Affidavit souscrit le 22 septembre 2012 par Gurmanpreet Singh : M. Gurmanpreet Singh est arrivé au Canada en 2011 pour y poursuivre ses études. Il lisait le Daily Ajit lorsqu’il habitait au Pendjab. La première fois qu’il a vu le Ajit Weekly, en en prenant un exemplaire dans une boîte placée devant une épicerie à Toronto, le nom de cet hebdomadaire l’a rendu perplexe. Des collègues l’ont par la suite informé qu’il n’y avait pas de lien entre les deux journaux.

  3. Affidavits souscrits par Sukhwant Singh les 10 janvier 1985 et 6 juillet 2009 (pièces jointes à l’affidavit souscrit le 21 février 2014 par M. Satpaul Singh Johal) : M. Sukhwant Singh a créé le logo de la fiducie Hamdard en 1984, d’après les instructions du gestionnaire d’agence du Daily Ajit. M. Singh était à ce moment employé par la fiducie Hamdard.

Affidavits additionnels des défenderesses

  1. Affidavit souscrit le 12 avril 2014 par Kanwar (Sunny) Bains : Cet affidavit répond à celui de M. Johal, souscrit le 2 avril 2014, concernant des poursuites pénales introduites en Inde qui, à mon avis, n’ont aucune pertinence dans la présente instance. Je n’ai donc pas résumé le passage en question de l’affidavit de M. Johal, et je n’en dirai pas plus sur celui qu’a souscrit M. Bains le 12 avril 2014.

  2. Affidavit souscrit le 24 mars 2014 par Amrajit Singh Rai : Le déposant est le producteur et l’animateur de Radio Punjab et d’Aikam TV (programme de Vision TV Canada), qui n’ont aucun rapport avec le Ajit Weekly. M. Amrajit Singh Rai connaît bien le Daily Ajit, qui jouit d’une grande réputation en Inde, et il a commencé à lire le Ajit Weeklylorsqu’il a immigré au Canada vers 1993. Quand il a entendu parler de cet hebdomadaire, il a compris qu’il n’y avait pas de lien entre les deux journaux, surtout en raison de la différence dans la fréquence de publication (quotidien ou hebdomadaire). En outre, le déposant connaît d’autres journaux dont le nom comporte le mot « Ajit » et cite l’exemple d’un périodique publié dans l’État indien du Rajasthan.

  3. Affidavit souscrit le 22 mars 2014 par Gurbachan Singh Bhullar : Le déposant habite à New Delhi, en Inde. Il est journaliste et écrivain à plein temps, et il contribue régulièrement au Ajit Weekly. Il explique que le mot « Ajit » est d’un emploi fréquent en Inde, aussi bien dans les noms d’entreprises pendjabies que comme prénom masculin ou féminin pour les personnes de cette ascendance. Il a connaissance du Daily Ajit, parce que c’est l’un des quotidiens en pendjabi les plus lus, et il est au courant de l’existence du Ajit Weeklydepuis sa création; or il n’a jamais confondu les deux journaux. De plus, le déposant connaît d’autres journaux dont le nom comporte le mot « Ajit »; il cite l’exemple du Ajeet Patrika, publié dans l’État indien du Rajasthan. Il explique en outre que les annonces de services de sorcellerie ne font pas offense aux traditions sikhes.

  4. Affidavit souscrit le 24 mars 2014 par Harjeet Singh : Le déposant est réalisateur et producteur de radio pour les médias pendjabis. Le Daily Ajit jouit d’une bonne réputation en Inde. M. Singh a découvert le Ajit Weeklylorsqu’il a immigré au Canada vers 1996; or il n’a jamais cru que ces deux journaux soient liés, vu la différence de leur fréquence de publication (l’un étant un quotidien, l’autre un hebdomadaire). Le déposant connaît un journal publié dans le Sud de l’Inde dont le nom contient le mot « Ajit ». Il affirme en outre que les annonces de services de sorcellerie ne font pas offense aux traditions sikhes.

  5. Affidavit souscrit le 24 mars 2014 par Harjinder Pal Singh Walia : Le déposant est professeur à l’Université du Pendjab, en Inde, dont il dirige le département de journalisme et de communications de masse. Il contribue régulièrement au Ajit Weekly. Il connaît le Daily Ajit depuis 1977. Ce quotidien jouit d’une bonne réputation dans les régions rurales du Pendjab. C’est en 2006 que le déposant a appris, au cours d’une recherche en ligne, l’existence du Ajit Weekly. Jamais il n’a confondu les deux journaux ni pensé qu’il y avait un lien entre eux, étant donné que l’un est un quotidien et l’autre, un hebdomadaire. En outre, leurs unes respectives diffèrent par la présentation, l’impression qu’elles donnent et les couleurs, et leurs articles sont rédigés dans des styles littéraires différents. Le mot « Ajit » figure souvent dans le nom d’autres journaux aussi bien en Inde qu’à l’étranger. Le déposant affirme également que les annonces de services de sorcellerie ne font pas offense aux traditions sikhes.

  6. Affidavit souscrit le 21 mars 2014 par Ninder Ghugianvi : Le déposant habite à New Delhi, en Inde. Écrivain et journaliste indépendant, il rédige une chronique hebdomadaire dans le Ajit Weeklydepuis plus de 15 ans. « Ajit », explique‑t‑il, est un prénom répandu en pendjabi et apparaît fréquemment en Inde dans le nom d’entreprises du Pendjab. Il connaît le Daily Ajit depuis sa jeunesse : c’est l’un des quotidiens les plus populaires au Pendjab. Il a découvert le Ajit Weekly lors d’un voyage au Canada, au cours duquel il a été présenté à M. Darshan Singh Bains, qui lui a offert une chronique hebdomadaire rémunérée dans son journal. M. Ghugianvi n’a jamais confondu les deux journaux, l’un étant un quotidien et l’autre, un hebdomadaire. Le mot « Ajit » figure dans le nom d’autres journaux, tant en Inde qu’à l’étranger. Le déposant déclare en outre que les annonces de services de sorcellerie ne font pas offense aux traditions sikhes.

  7. Affidavit souscrit le 23 mars 2014 par Sukhmander Singh Brar : Le déposant est rédacteur indépendant et remplit parmi d’autres fonctions celle de journaliste pour l’éditeur du Ajit Weekly. Selon lui, « Ajit » est un prénom répandu en pendjabi et apparaît fréquemment dans le nom d’entreprises du Pendjab. Quand il vivait encore en Inde, il lisait souvent le Daily Ajit, qui est l’un des grands journaux publiés au Pendjab. Il a découvert le Ajit Weeklylorsqu’il a quitté l’Inde pour immigrer au Canada en 2007. Il n’a pas supposé de lien entre les deux journaux, surtout parce que l’un est un quotidien et l’autre, un hebdomadaire. Le déposant estime que les annonces de services de sorcellerie ne font pas offense aux traditions sikhes.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1127‑10

 

INTITULÉ :

FIDUCIE SADHU SINGH HAMDARD c NAVSUN HOLDINGS LTD. ET 6178235 CANADA INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 10 SEPTEMBRE 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE FUHRER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 11 JUIN 2021

 

COMPARUTIONS :

David G. Allsebrook

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Tamara Ramsey

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

AVOCATS INSCITS AU DOSSIER :

David G. Allsebrook

Ludlow Law

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Tamara Ramsey

Dale & Lessmann LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

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