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                                                                                                                                 Date : 20050407

                                                                                                                           Dossier : T-1210-04

                                                                                                                  Référence : 2005 CF 462

ENTRE :

                                                                NADINE LAMA

                                                                                                                         Partie demanderesse

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                           Partie défenderesse

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE de MONTIGNY

[1]                 La demanderesse interjette appel de la décision rendue le 26 janvier 2004 par le juge de la citoyenneté Gilbert Decoste, qui a rejeté sa demande de citoyenneté au motif qu'elle ne rencontrait pas les exigences de résidence prévues à l'alinéa 5(1)(c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 (la Loi). Plus particulièrement, le juge de la citoyenneté a conclu que la demanderesse n'avait pas démontré avoir établi sa résidence au Canada ni avant ni après s'y être absentépendant de nombreuses périodes de temps.


[2]                Il convient de noter qu'une demande de citoyenneté a également été faite par son père (dossier T-1207-04), sa mère (dossier T-1208-04), et son frère (dossier T-1211-04); leur demande a été rejetée par le même juge de la citoyenneté, et chacune de ces décisions a fait l'objet d'un appel devant cette Cour, dont l'audition a eu lieu les 7 et 8 février dernier. La mère de la demanderesse s'est toutefois désistée de son appel lors de l'audition.

Contexte

[3]                Le demanderesse a déclaré être arrivée au Canada le 18 août 1998 avec un visa d'étudiante. Elle a obtenu le statut de résidente permanente le 27 novembre 1999, et elle a déposé sa demande pour obtenir la citoyenneté canadienne le 15 octobre 2002.

[4]                Il a été très difficile de déterminer avec précision le nombre de jours où la demanderesse a effectivement été présente au Canada durant la période de quatre ans précédant sa demande de citoyenneté. Dans sa demande de citoyenneté, la demanderesse a déclaré avoir été absente du Canada 317 jours et présente 1008 jours pour un total de 1325 jours durant la période de référence définie par la Loi. Dans le questionnaire sur la résidence, elle a déclaré des absences qu'elle n'avait pas déclarées dans sa demande. D'autre part, il n'existe aucune preuve de sa présence au Canada entre le 12 octobre 2001 et le 15 octobre 2002. La demanderesse a expliqué ces divergences par sa réticence à parler de ses séjours dans un hôpital de Londres à des fins d'insémination artificielle.


Décision

[5]                Après avoir noté les divergences entre la demande de citoyenneté canadienne de la demanderesse et le questionnaire sur sa résidence, le juge de la citoyenneté a d'abord conclu que la demanderesse n'avait été présente au Canada que 646 jours durant la période de référence prescrite par la Loi. Puis, il a procédé à l'analyse du dossier en appliquant les critères développés par la juge Reed dans l'arrêt Re Koo, [1993] 1 F.C. 286 (T.D.) pour déterminer si elle avait centralisé son mode d'existence au Canada.

[6]                Pour plus de commodité, nous reproduisons ci-après l'analyse du juge de la citoyenneté :

ANALYSE :

Pour décider si la demanderesse avait démontré que le Canada est le pays où elle a concentré son existence, j'ai tenu compte des questions posées par le juge Reed lorsqu'elle a rendu sa décision dans l'affaire RE KOO (1992) 19 Imm. L.R.(2d) 1,59 F.T.R. 27, (1993) 1 F.C. 286 (T.D.)

Voici comment j'ai traité chacun de ces questions :

1-      L'intéressée se trouvait-elle au Canada depuis longtemps avant sa première absence? Ses absences sont-elles récentes et ont-elles eu lieu juste avant la présentation de la demande de citoyenneté?

La requérante déclare avoir quitté le Canada 4 mois après son arrivée pour une visite de 23 jours en Jordanie. Par la suite, la requérante s'est absenté du Canada à 19 reprises pour des périodes de différentes durées. Elle a présentée sa demande de citoyenneté 2½ mois après un retour de séjour à Londres selon les absences déclarées mais sans de timbre de retour au Canada dans son passeport depuis mars 2000.

2-      Où résident les membres de la famille immédiate de la demanderesse et les personnes à sa charge (les membres de la famille élargie)?

La requérante déclare vivre avec ses parents et son frère à Montréal alors que son mari habite à Toronto. Elle est mariée depuis juin 2000. Sa famille élargie habite le Moyen-Orient.

3-      Quand on examine le profil de sa présence effective au Canada, peut-on conclure que l'intéressée revient chez elle au Canada ou qu'elle n'est qu'en visite?


La requérante déclare s'être absentée du Canada à 20 reprises entre le 16 octobre 1998 et le 15 octobre 2002. Elle est allée en Jordanie (10 fois), aux U.S.A. (5 fois), en Angleterre (4 fois) et à Cuba (1 fois). La plus longue période de temps qu'elle est demeurée au Canada fut 4 mois. On peut conclure que la requérante est venue au Canada à titre de visiteuse étant donné qu'elle s'est absentée entre chaque session de ses études universitaires.

4-      Quelle est l'étendue des absences de la demanderesse, s'il ne lui manque que quelques jours de résidence pour satisfaire l'exigence de 1095 jours, il est plus facile de conclure à la résidence réputée que si ces absences sont importantes?

Pour la période de référence, il manque 449 jours à la requérante pour satisfaire le minimum de 1095 jours.. C'est un écart très important.

5-      Ces absences sont-elles imputables à une situation manifestement temporaire, comme du travail de missionnaire à l'étranger, des études à l'étranger, un travail temporaire à l'étranger, le fait d'accompagner un conjoint qui a accepté un travail temporaire à l'étranger.

Les absences de la requérante ne sont pas dues à une situation manifestement temporaire tel que définie dans la question. Elle s'est absentée pour des vacances, des visites familiales, son mariage et sa lune de miel (141 jours) pour un total de 679 jours.

6-      Quelle est la qualité des liens de la demanderesse avec le Canada? Sont-ils plus importants que ceux qu'elle a avec d'autres pays?

La qualité des liens que la requérante a maintenu avec le Canada est de moindre importance que ceux qu'elle a entretenus à l'extérieur du Canada. En effet, elle a passé de 51% de son temps à l'extérieur du Canada pour différentes raisons mais jamais pour du travail étant donné qu'elle n'a pas d'emploi. Il faut être présent plus qu'à demie temps pour s'intégrer dans un nouveau pays.

[7]                Suite à cette analyse, le juge de la citoyenneté a conclu que la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences de l'alinéa 5(1)(c) de la Loi. Il a par ailleurs cru bon de noter que la demanderesse n'avait pas déclaré toutes ses absences dans sa demande, qu'elle possédait deux passeports de la Jordanie qui auraient été utilisés simultanément, et que rien ne permettait d'établir où elle avait habité entre le 15 octobre 2002 et le 25 juillet 2003.


Prétentions de la demanderesse

[8]                La demanderesse a prétendu que le juge de la citoyenneté avait erré en fait et en droit pour les motifs suivants :

•      Il aurait dû se concentrer sur la période à partir de laquelle la demanderesse a été légalement admise au Canada à titre de résidente permanente, puisqu'elle ne pouvait séjourner au Canada que comme touriste avant le 22 novembre 1999;

•      Il aurait dû prendre en considération le fait que ses absences étaient motivées par des raisons très personnelles (i.e. insémination artificielle);

•      Il n'a pas tenu compte du fait que les autorités ne tamponnent pas toujours le passeport des résidants permanents qui reviennent au Canada;

•      Il n'a pas considéré que toute la famille de la demanderesse vit au Canada et qu'elle a elle-même parrainé son mari pour qu'il puisse venir s'établir au Canada;

•      Il n'a pas attaché d'importance aux nombreux documents déposés en preuve pour établir sa résidence au Canada, et ne lui a demandé aucun autre type de documents.

[9]                Enfin, le demandeur a soutenu que le juge de la citoyenneté avait erré en lui imposant erronément un fardeau de preuve hors de tout doute raisonnable, plutôt que celui de la prépondérance des probabilités.


Prétentions du défendeur

[10]            Le défendeur prétend d'abord que le juge de la citoyenneté pouvait opter pour l'une ou l'autre des trois interprétations traditionnellement retenues par cette Cour pour déterminer si le demandeur respecte les exigences de l'alinéa 5(1)(c) de la Loi, à condition de l'appliquer correctement. Selon l'approche souple retenue dans l'arrêt Re Koo, il est possible de résider au Canada au sens de la Loi sans y être physiquement présent; il n'en demeure pas moins, selon le défendeur, que la présence physique demeure le facteur le plus important. Or, peu importe la version des faits que l'on retient, la demanderesse est très loin de satisfaire le nombre minimal de jours requis pour satisfaire à l'exigence de l'alinéa 5(1)(c).


[11]            D'autre part, le défendeur soutient que le juge de la citoyenneté a tenu compte de l'ensemble de la preuve et a correctement conclu que la demanderesse n'avait pas centralisé son mode de vie au Canada après avoir examiné les critères énoncés dans l'arrêt Re Koo. D'abord, la demanderesse n'a pas résidé au Canada pour une longue période avant ses nombreuses absences. Elle a par ailleurs fait de nombreux voyages à l'étranger, tant en Grande-Bretagne qu'au Moyen-Orient. Les retours au Canada de la demanderesse ont été de courte durée, et le nombre de jours manquants était important. La demanderesse venait au Canada pour poursuivre ses études et retournait chez elle, à l'étranger, dès que la session était terminée. Ses absences n'étaient pas attribuables uniquement à son mariage et à son insémination artificielle, mais également à des voyages personnels, notamment des visites et des vacances en Jordanie et dans d'autres pays. Enfin, la preuve révèle que les liens qu'a gardés la demanderesse avec le Canada sont moins importants que ceux qu'elle entretient avec d'autres pays, et les éléments de preuve déposés (relevés bancaires, comptes de téléphone et d'électricité) sont des éléments de preuve peu probants pour prouver la résidence de la demanderesse aux fins de sa demande de citoyenneté.

[12]            Le défendeur allègue en conclusion que la norme de contrôle applicable dans le cadre d'appels en matière de citoyenneté est celle de la décision raisonnable simpliciter, et conclut que le juge de la citoyenneté pouvait raisonnablement, compte tenu des éléments de preuve dont il disposait, rendre la décision qu'il a rendue.

Dispositions législatives applicables



5.(1)    Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

[. . .]

c)    a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

(i)     un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent;

(ii)    un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent.

5. (1)    The Minister shall grant citizenship to any person who

[. . .]

(c)    has been lawfully admitted to Canada for permanent residence, has not ceased since such admission to be a permanent resident pursuant to section 24 of the Immigration Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(iii) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(iv) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;


Analyse

[13]            La seule question soulevée par le présent appel est celle de savoir si le juge de la citoyenneté a erré en concluant que la demanderesse ne remplissait pas les conditions de résidence prévues par la Loi. De façon plus précise, il nous faut déterminer si le juge de la citoyenneté a correctement interprété l'exigence de « résidence » , compte tenu des faits qui ont été portés à son attention.

[14]            Pour répondre à cette question, il nous faut d'abord déterminer la norme de contrôle applicable. Dans le passé, certains juges se sont inspirés de la décision rendue par le juge Lutfy (tel était alors son titre) dans l'arrêt Lam c. Canada (M.C.I.) ([1999] A.C.F. No. 410) pour conclure que la norme de contrôle appropriée pour un appel de la décision d'un juge de la citoyenneté était celle de la décision correcte.


[15]            Plus récemment, un consensus semble s'être forgé autour de la norme de la décision raisonnable simpliciter (voir notamment les arrêts suivants : Chen v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration) 2004 FC 1693, [2004] F.C.J. No. 2069; Rasaei v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration) 2004 FC 1688, [2004] F.C.J. No. 2051; Gunnarson v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration) 2004 FC 1592, [2004] F.C.J. No. 1913; Canada (Minister of Citizenship and Immigration) v. Chen 2004 FC 848, [2004] F.C.J. No. 1040; Canada (Minister of Citizenship and Immigration) v. Fu 2004 FC 60, [2004] F.C.J. No. 88; Canada (Minister of Citizenship and Immigration) v. Chang 2003 FC 1472, [2003] F.C.J. No. 1871; Canada (M.C.I.) c. Mueller, [2005] F.C. 227.

[16]            Ma collègue la juge Tremblay-Lamer a justifié cette approche dans les termes suivants :

En l'espèce, lorsque la Cour doit vérifier que le juge de la citoyenneté a appliqué l'un des critères admis de résidence aux faits, cela soulève, à mon avis, une question mixte de droit et de fait (Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748). Compte tenu du fait qu'il faille accorder un certain degré de déférence à l'égard des connaissances et de l'expérience particulières du juge de la citoyenneté, je conclurais que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable simpliciter. (Canada (M.C.I.) c. Fu, [2004] A.C.F. No. 88, au par. 7).

[17]            Compte tenu de l'approche pragmatique et fonctionnelle développée par la Cour suprême du Canada, notamment dans les arrêts Dr. Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 S.C.R. 226 et Law Society of New Brunswick c. Ryan, [2003] 1 S.C.R. 247, je suis d'avis que cette norme de contrôle est effectivement la plus appropriée dans les circonstances. Par conséquent, il convient de faire preuve de déférence dans la mesure où il est démontré que le juge a compris la jurisprudence et qu'il a apprécié les faits et les a appliqués au critère prévu par la Loi.


[18]            Un examen attentif de la jurisprudence de cette Cour révèle que différentes interprétations ont été retenues quant à l'interprétation qui doit être donnée à l'exigence de résidence que l'on retrouve à l'alinéa 5(1)(c) de la Loi. Un juge de la citoyenneté peut adopter l'une ou l'autre de ces différentes interprétations pour déterminer si le demandeur satisfait aux exigences de la Loi; dans la mesure où le juge n'a pas commis d'erreur déraisonnable en appliquant cette interprétation à la preuve qui lui a été soumise, cette Cour n'interviendra pas.

[19]            Étant donné que la demanderesse n'avait manifestement pas résidé au Canada pendant au moins trois ans au cours des quatre années ayant précédé sa demande, le juge de la citoyenneté a opté pour l'approche plus souple développée par le juge Thurlow dans l'arrêt In re Citizenship Act and in re Antonios E. Papadogiorgakis, [1978] 2 F.C. 208. Cette approche consiste essentiellement à déterminer si le demandeur a centralisé son mode d'existence au Canada. Pour répondre à cette question, Mme la juge Reed a énoncé dans l'arrêt Re Koo six facteurs qui peuvent être pris en considération :

1)      la personne était-elle physiquement présente au Canada durant une période prolongée avant de s'absenter juste avant la date de sa demande de citoyenneté?

2)      où résident la famille proche et les personnes à charge (ainsi que la famille étendue) du requérant?

3)      la forme de présence physique de la personne au Canada dénote-t-elle que cette dernière revient dans son pays ou, alors, qu'elle n'est qu'en visite?

4)      quelle est l'étendue des absences physiques (lorsqu'il ne manque à un requérant que quelques jours pour atteindre le nombre total de 1 095 jours, il est plus facile de conclure à une résidence réputée que lorsque les absences en question sont considérables)?

5)      l'absence physique est-elle imputable à une situation manifestement temporaire (par exemple, avoir quitté le Canada pour travailler comme missionnaire, suivre des études, exécuter un emploi temporaire ou accompagner son conjoint, qui a accepté un emploi temporaire à l'étranger)?

6)      quelle est la qualité des attaches du requérant avec le Canada: sont-elles plus importantes que celles qui existent avec un autre pays?


[20]            Après avoir considéré attentivement les motifs du juge de la citoyenneté, rien ne me permet de croire qu'il a erré en fait ou en droit dans l'application de la démarche qu'il a retenue. Contrairement à ce que soutient la demanderesse, il ne lui a pas imposé un fardeau de preuve trop onéreux et ses conclusions s'appuyaient entièrement sur la preuve qui lui a été soumise.

[21]            La demanderesse ne peut reprocher au juge Decoste d'avoir considéré la période du 15 octobre 1998 au 27 novembre 1999 aux fins de déterminer les jours de présence au Canada. Dans la mesure où la demanderesse a choisi de présenter sa demande de citoyenneté le 15 octobre 2002, il n'avait d'autre choix que de tenir compte des quatre années précédentes pour établir si elle satisfaisait la période minimale de résidence. Si la demanderesse ne pouvait légalement établir sa résidence au Canada avant le 27 novembre 1999, elle n'avait qu'à différer la présentation de sa demande de citoyenneté.

[22]            Peu importe le nombre de jours où la demanderesse a effectivement résidé au Canada durant la période de référence (et à cet égard, les nombreuses divergences entre les différentes déclarations de la demanderesse ne pouvaient que miner sa crédibilité), le fait qu'elle se soit absentée du pays pour de longues périodes et de façon régulière autorisait certainement le juge de la citoyenneté à conclure qu'elle n'avait pas centralisé son mode de vie au Canada. L'écart entre la présence requise au Canada (trois ans) et sa présence effective était considérable.


[23]            Au surplus, le juge a noté qu'entre le 8 janvier 1999 et le 15 octobre 2002, la demanderesse s'était absentée du Canada à dix-neuf reprises. Les séjours de la demanderesse entre ses nombreuses absences étaient au demeurant de courte durée. Une telle situation pouvait certes l'amener à conclure qu'elle revenait au Canada en visite.

[24]            Plusieurs de ces absences étaient motivées par des vacances, des visites familiales, son mariage et sa lune de miel. La jurisprudence de cette Cour indique clairement qu'il s'agit là d'un choix personnel qui ne saurait dispenser la demanderesse des exigences prévues par la Loi. Comme le rappelait le juge Walsh dans l'arrêt Re Leung, [1991] A.C.F. No. 160 :

Un grand nombre de citoyens canadiens, qu'ils soient nés au Canada ou naturalisés, doivent passer une grande partie de leur temps à l'étranger en relation avec leur entreprise, et il s'agit là de leur choix. Une personne qui veut obtenir la citoyenneté, toutefois, ne dispose pas de la même liberté, à cause des dispositions du paragraphe 5(1) de la Loi.

Voir aussi : Alibhal c, Canada (M.C.I.), [2003] A.C.F. No. 248; Sharma c. Canada (M.C.I.), [2003] A.C.F. No. 1763; Shreshta c. Canada (M.C.I.), [2003] A.C.F. No. 778.

[25]            Enfin, le juge de la citoyenneté a eu raison d'accorder peu de valeur probante aux éléments de preuve déposés par la demanderesse au soutien de sa demande, notamment les relevés bancaires, comptes de téléphone, dossier médical et relevés de notes de l'Université. Cette Cour a jugé à plusieurs reprises que de tels éléments de preuve ne suffisent pas pour établir que le demandeur a centralisé son mode de vie au Canada : voir Re Hui, [1994] A.C.F. No. 238.


[26]            Tenant compte de tous ces facteurs et des problèmes de crédibilité de la demanderesse eu égard au nombre de jours où elle a effectivement été présente au Canada, le juge de la citoyenneté pouvait certes conclure que la demanderesse n'avait pas centralisé son mode de vie au Canada et ne remplissait pas en conséquence les exigences prévues par l'alinéa 5(1)(c) de la Loi.

[27]            Je ne doute pas du fait que la demanderesse désire vraiment obtenir la citoyenneté canadienne. Je suis cependant d'avis que sa demande était prématurée et que le juge de la citoyenneté n'a pas erré en la lui refusant, compte tenu de la preuve qui était devant lui. Il lui sera cependant loisible de présenter une nouvelle demande en temps opportun.

                                                                                                                      (s) « Yves de Montigny »          

Juge


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER:                                          T-1210-04

INTITULÉ:                                         NADINE LAMA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE:                   Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE:                 8 février 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE:    le juge de Montigny

DATE DE L'ORDONNANCE:         7 avril 2005

COMPARUTIONS:

MeAnnie Kenane                                                                     POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

MeAlexandre Tavadian                                                              POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:


Étude Kenane

Montréal (Québec)                                                                 POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                                                      POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

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