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Date : 20210430


Dossier : T‑1184‑17

Référence : 2021 CF 317

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 30 avril 2021

En présence de madame la juge en chef adjointe Gagné

ENTRE :

MERCK SHARP & DOHME CORP. et MERCK CANADA INC.

demanderesses

et

WYETH LLC

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS PUBLICS

(Les motifs confidentiels du jugement et le jugement ont été rendus le 14 avril 2021)

TABLE DES MATIÈRES

I. Aperçu 4

II. Le brevet de composition 5

A. L’historique du brevet de composition 5

B. Les questions relatives au brevet 363 9

C. Les experts du brevet 363 10

(1) Les experts de Merck 10

(2) Les experts de Wyeth 12

D. La personne versée dans l’art [PVA] 13

E. Interprétation des revendications – Principes juridiques 14

F. Interprétation des revendications – Les revendications contestées sont‑elles limitées à 13 sérotypes? 15

G. Interprétation des revendications – signification du terme « immunogène » 22

H. Validité du brevet 363 26

(1) Nouveauté/Antériorité 26

(2) Revendication 1 du brevet 363 par rapport à Peña 2004 27

a) Divulgation 27

b) Caractère raisonnable 33

(3) Évidence du brevet 363 36

(4) Évidence des revendications relatives à la composition 38

a) L’idée originale des revendications relatives à la composition (revendications 1 à 6, 17 à 19 et 22 à 30) 38

b) Les connaissances générales courantes 39

c) Combler l’écart 45

d) Essai allant de soi de fabriquer un conjugué du sérotype 13 à la CRM197 47

(5) Évidence des revendications relatives aux méthodes/procédés de fabrication 52

I. Portée excessive/Inutilité 53

III. Les brevets relatifs à la formulation 53

A. Les questions relatives aux brevets de formulation 54

B. Les témoins des brevets relatifs à la formulation 55

(1) L’historique des brevets relatifs à la formulation 55

(2) L’expert de Merck 56

(3) L’expert de Wyeth 57

C. La personne versée dans l’art des brevets relatifs à la formulation 57

D. Les brevets relatifs à la formulation – Interprétation des revendications 59

(1) Le brevet 056 62

(2) Le brevet 111 64

E. L’antériorité : les brevets de formulation par rapport au brevet Chiron 67

(1) Le brevet de Chiron 67

(2) Divulgation 68

a) Utilisation de surfactants/de sels d’aluminium dans le brevet de Chiron 69

b) Contenants en silicone 72

(3) Le caractère réalisable 73

F. L’évidence 74

(1) Les connaissances générales courantes et l’état de la technique 75

a) Tampons 76

b) Sels d’aluminium 77

c) Contenants en silicone 78

d) Surfactants 79

e) Sélection des sérotypes 83

(2) L’état de la technique et l’idée originale 84

(3) La conduite des inventeurs 85

G. Double brevet 87

IV. Conclusion 88

V. Dépens 89


 

I. Aperçu

[1] Merck Canada Inc. et Merck Sharp & Dohme Corp. [collectivement Merck], demandent à ce que soient invalidés trois brevets canadiens, un brevet de composition et deux brevets de formulation, propriété de Wyeth LLC [Wyeth], relatifs à un vaccin pneumococcique polysaccharide‑protéine conjugué à 13 valents commercialisé sous le nom de Prevnar® 13.

[2] Merck affirme que Prevnar® 13 manque d’inventivité et qu’il ne méritait pas d’être protégé par un brevet. Merck adopte cette position en dépit du fait qu’il a fallu des années de recherche et d’essais cliniques pour développer Prevnar® 13; que Wyeth a réussi là où plusieurs concurrents avaient échoué et que Wyeth a immunisé plus de 1,5 milliard de personnes dans le monde pendant la décennie au cours de laquelle Prevnar® 13 bénéficiait d’un monopole.

[3] Si Wyeth a inventé quelque chose – et Merck soutient que Wyeth ne l’a pas fait, en raison de l’antériorité et de l’évidence – cette invention est tout au plus un vaccin comprenant 13 sérotypes. Dans la mesure où l’une des revendications n’est pas limitée à ces 13 sérotypes, Merck affirme qu’elle est trop large et que l’on ne pourrait pas la prédire de façon valable.

[4] Wyeth, pour sa part, déclare que ses brevets ont révélé au monde une plateforme pour fabriquer des vaccins polysaccharidiques conjugués comprenant treize sérotypes de pneumocoque ou plus. Selon Wyeth, Prevnar® 13 est le résultat d’années de travaux expérimentaux réalisés par des équipes de scientifiques et est, à ce jour, l’étalon de référence de l’industrie. Il fait valoir que son monopole ne se limite pas à treize sérotypes et qu’il couvrirait tout vaccin pneumococcique polysaccharide conjugué contenant les treize sérotypes cités dans les revendications de ses brevets, ainsi que tout autre sérotype connu ou cliniquement pertinent.

[5] Au début du procès, la capacité de Merck à agir était une question à trancher. Wyeth admet maintenant que ce n’est plus un problème puisque, pendant l’essai, Merck Canada Inc. a déposé une présentation de drogue nouvelle en vue de l’approbation de la vente d’un vaccin antipneumococcique conjugué polysaccharide‑protéine 15‑valent [V114] au Canada. Comme les parties sont toutes deux des sociétés pharmaceutiques innovatrices qui se font concurrence pour fabriquer des vaccins antipneumococciques plus récents et plus efficaces depuis le début des années 1980, Merck croit que Wyeth tentera d’utiliser ses brevets pour empêcher le V114 d’entrer sur le marché canadien.

[6] Cela dit, les brevets de Wyeth sont réputés valides. Merck a le fardeau de prouver le contraire.

II. Le brevet de composition

A. L’historique du brevet de composition

[7] Le Dr Peter R. Paradiso, anciennement responsable de la recherche et du développement chez Wyeth, est l’un des inventeurs inscrits dans le brevet canadien no 2,604,363 [le brevet 363 ou brevet de composition]. Il a témoigné de l’histoire de Wyeth dans le développement de vaccins conjugués et de l’histoire sous‑jacente à l’invention du brevet 363.

[8] Au cours de sa carrière chez Wyeth, il a participé à la découverte, au développement et à la recherche clinique qui ont mené à l’homologation de divers vaccins conjugués, dont les suivants :

HibTITER® (vaccin conjugué contre Haemophilus influenzae de sérotype b (Hib));

Tetramune® (vaccin combiné contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche et HibTITER);

Meningitec® (vaccin conjugué contre le sérogroupe C de Neisseria meningitidis);

Prevnar® (vaccin conjugué 7‑valent contre Streptococcus pneumoniae);

Prevnar® 13 (vaccin conjugué 13‑valent Streptococcus pneumoniae).

[9] Tous ces vaccins sont soit monovalents (comprenant un seul sérotype) ou multivalents (comprenant plusieurs sérotypes) et conjugués à la protéine vectrice de choix de Wyeth, CRM197, soit un dérivé à réaction croisée de l’anatoxine diphtérique.

[10] Au début des années 80 et tout au long des années 90, alors que Wyeth développait HibTITER®, Tetramune® et Meningitec®, celle‑ci travaillait également à la mise au point de son premier vaccin antipneumococcique conjugué polysaccharide‑protéine [VPC].

[11] Streptococcus pneumoniae (également appelée S. pneumoniae) est une bactérie qui cause de nombreuses infections à pneumocoques, y compris des maladies graves telles que la méningite, la pneumonie et la bactériémie, ainsi que des infections plus bénignes telles que la sinusite et l’otite moyenne. Les nourrissons et les jeunes enfants sont particulièrement sensibles à S. pneumoniae et sont exposés à un risque grave d’infections à pneumocoques. S. pneumoniae se classe en différents sérotypes (c’est‑à‑dire en différentes souches) en fonction du polysaccharide qui encapsule la bactérie.

[12] Au moment où Wyeth mettait au point son premier VPC, environ 90 sérotypes étaient connus, et certains faisaient partie d’un même sérogroupe. Chaque sérotype est identifié par un numéro, et lorsque plusieurs sont connus dans le même sérogroupe, on leur attribue également une lettre.

[13] S’il est vrai que l’utilisation des polysaccharides bactériens pour l’immunisation des adultes et des enfants âgés s’est avérée une réussite, les polysaccharides étaient peu immunogènes chez les enfants de moins de deux ans. Auparavant, l’immunisation de ce groupe d’âge s’effectuait au moyen de protéines bactériennes; le taux de réussite était toutefois modéré.

[14] Il a toutefois été démontré qu’en conjuguant des polysaccharides à des protéines vectrices, la réponse immunitaire aux polysaccharides pouvait être renforcée. Des études réalisées dans les années 80 et 90 ont révélé qu’une telle conjugaison permettait d’obtenir des vaccins qui produisaient une meilleure réponse immunitaire (que les polysaccharides employés seuls) chez les enfants de moins de deux ans.

[15] Wyeth travaillait donc à créer une préparation de conjugués multivalents conférant une protection contre plusieurs sérotypes de S. pneumoniae dans un seul vaccin.

[16] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[17] En 2000, Prevnar® [Prevnar 7] est devenu le premier VPC homologué au monde. Il offrait une protection contre les sérotypes 4, 6B, 9V, 14, 18C, 19F et 23F.

[18] Wyeth n’a jamais demandé de brevet pour son invention et n’a jamais divulgué la méthodologie propre au sérotype utilisée pour mettre au point les conjugués contenus dans Prevnar 7.

[19] Bien que le vaccin Prevnar 7 ait été un succès, il s’est avéré nécessaire d’accroître la couverture des sérotypes à l’échelle mondiale, plus particulièrement dans les pays en développement. Wyeth a ainsi mis au point pour l’Afrique subsaharienne un vaccin 9‑valent qui comprenait les sérotypes 1 et 5 (VPC‑9).

[20] Cependant, à partir de 2000, GSK et Aventis Pasteur fabriquaient des VPC 11‑valent conférant une protection contre les sérotypes 3 et 7F (VPC‑11). Le VPC‑11 devait protéger contre 90 % des infections invasives à pneumocoque dans le monde.

[21] Par conséquent, Wyeth a déterminé qu’elle devait mettre au point un nouveau produit pour étendre la protection et rester concurrentielle. Elle a décidé de poursuivre la fabrication du VPC‑13, et d’ajouter les sérotypes 6A et 19A au VPC‑11, tous conjugués à la protéine CRM197. Bien que la CRM197 était la protéine vectrice de choix de Wyeth, la société avait des inquiétudes concernant la présence d’interférences immunitaires|||||||||||||, mais a choisi d’utiliser CRM197 par suite de la publication des données décrites dans le brevet 363.

[22] Les données d’immunogénicité obtenues ont révélé que le VPC‑13 de Wyeth était des douzaines à des centaines de fois plus immunogène que les polysaccharides libres correspondants. Les données ont convaincu le Dr Paradiso que Wyeth pourrait mettre au point des VPC de valence encore plus élevée en utilisant la CRM197 comme unique protéine vectrice, et les données ont permis à Wyeth d’affirmer qu’elle avait inventé une « plateforme » d’immunisation à 13 valents.

B. Les questions relatives au brevet 363

[23] Merck soutient que chacune des revendications 1 à 6, 13, 14, 17 à 19, 22 à 30 et 36 à 38 du brevet 363 [les revendications contestées] est invalide.

[24] Le brevet 363 a été déposé le 31 mars 2006 et revendique la priorité sur le brevet américain 60/669,605 daté du 8 avril 2005. Le brevet 363 a été délivré le 16 juin 2015 et n’a pas expiré.

[25] Merck soulève trois questions principales concernant le brevet 363 :

(1) Les revendications contestées sont‑elles limitées aux compositions faites à partir de 13 sérotypes?

(2) Quoi qu’il en soit, les revendications contestées sont‑elles invalides car :

a) Elles sont antériorisées par Peña (revendication 1 seulement)?

b) Elles sont évidentes (toutes les revendications contestées)?

(3) Dans la mesure où les revendications couvrent des compositions faites à partir de plus de 13 sérotypes, sont‑elles invalides pour cause de portée excessive et d’absence d’utilité?

C. Les experts du brevet 363

[26] Les deux parties ont présenté le témoignage de deux experts sur le brevet 363. Le Dr James Cleland Paton et le Dr Dennis Kasper ont témoigné pour le compte de Merck. Le Dr Neil Ravenscroft et le Dr Ron Dagan ont témoigné pour le compte de Wyeth.

[27] Tous les experts entendus au procès sont des scientifiques respectés qui ont une connaissance et une expérience approfondies des bactéries encapsulées et, à des degrés divers, des méthodes de conjugaison. Ils sont tous des auteurs prolifiques de nombreux articles et documents publiés dans les revues scientifiques les plus prestigieuses du monde entier. Malheureusement, peut‑être à l’exception du Dr Kasper, les experts ont tous perdu un peu de leur objectivité pendant le contre‑interrogatoire et, parfois, ont commencé à argumenter au lieu de répondre.

(1) Les experts de Merck

[28] Le Dr Paton est l’expert de Merck en matière de pneumocoques. Il est professeur de microbiologie et directeur du centre de recherche sur les maladies infectieuses à l’Université d’Adélaïde, en Australie.

[29] Merck le présente comme ayant eu une expérience en laboratoire de la fabrication d’un conjugué polysaccharide‑protéine avant 2005. D’autre part, en plus d’énumérer plusieurs omissions, concessions et incohérences dans son témoignage, Wyeth soutient que le Dr Paton n’a jamais travaillé sur un vaccin conjugué multivalent et qu’il a surtout concentré ses travaux sur les vaccins à protéine seule. En effet, le Dr Paton a admis n’avoir jamais travaillé au développement d’un vaccin conjugué multivalent, mais a déclaré avoir fabriqué un conjugué polysaccharide‑protéine dans les années 1990.

[30] Le Dr Kasper est l’expert de Merck en matière de conjugué polysaccharide‑protéine et d’interférence avec le système immunitaire. Il est médecin‑scientifique et occupe actuellement les postes de professeur de médecine William Ellery Channing et de professeur d’immunologie à la Faculté de médecine de Harvard.

[31] Son témoignage s’est concentré sur les revendications relatives aux méthodes/procédés de fabrication du brevet 363. Merck précise à juste titre que le Dr Kasper a fait des concessions lorsque cela était équitable de le faire et qu’il a fait moins de digressions que d’autres lors du contre‑interrogatoire.

[32] Sans attaquer la crédibilité du Dr Kasper, Wyeth affirme que toutes les pages de son rapport, à l’exception de quatre, ne sont pas pertinentes en l’espèce. Le Dr Kasper estime que les étapes générales exposées dans les revendications relatives aux méthodes/procédés de fabrication étaient connues à l’époque pertinente, sans examiner si ces revendications étaient inventives en raison de la nouvelle composition immunogène 13‑valent.

[33] De plus, Wyeth précise que le Dr Kasper n’est pas un expert en pneumocoque et que pas plus de 10 des 400 articles dont il est l’auteur traitent du pneumocoque.

(2) Les experts de Wyeth

[34] Le Dr Ravenscroft est l’expert de Wyeth en vaccins antipneumoccociques conjugués multivalents. Il est actuellement professeur associé et directeur adjoint du Département de chimie à l’Université du Cap, en Afrique du Sud.

[35] Wyeth souligne le fait qu’il est le seul expert qui a réellement travaillé à la mise au point d’un vaccin conjugué antipneumococcique homologué.

[36] Wyeth admet que, même si le témoignage du Dr Ravenscroft était parfois difficile à concilier, son témoignage était franc et n’était pas argumentatif, même s’il a été déconcerté au cours du contre‑interrogatoire et qu’on lui a demandé d’adopter des hypothèses contraires à ses opinions véritables.

[37] D’autre part, Merck soutient que le Dr Ravenscroft a fait des concessions fatales lors du contre‑interrogatoire et qu’il n’a pas été en mesure de défendre son interprétation initiale tortueuse des revendications du brevet 363, tout comme il n’a pas été en mesure de soutenir sa position initiale sur l’antériorité et l’évidence.

[38] Le Dr Dagan est l’expert de Wyeth sur la mise au point des vaccins antipneumococciques, ce qui inclut la sélection des sérotypes et les interférences avec le système immunitaire. Il est actuellement professeur distingué de pédiatrie et de maladies infectieuses à l’Université Ben‑Gurion du Néguev, et directeur émérite de l’unité des maladies infectieuses pédiatriques du Centre médical universitaire Soroka, tous deux en Israël.

[39] Wyeth affirme que son expertise est inégalée dans la communauté scientifique et que la Cour devrait accepter entièrement son témoignage. Wyeth reconnaît que son contre‑interrogatoire a parfois été houleux, mais Wyeth reproche à l’avocat de Merck d’avoir soumis au Dr Dagan des propositions qui reformulaient ses déclarations antérieures.

[40] Merck précise que le Dr Dagan est un clinicien qui n’a aucune expérience de la fabrication de vaccins conjugués. En tant que père de la doctrine de l’interférence immunitaire, Merck avertit la Cour que les connaissances du Dr Dagan sur le sujet dépassent largement celles d’une personne versée dans l’art à l’époque visée. Merck souligne également le fait que le Dr Dagan était ouvertement en désaccord avec le Dr Ravenscroft, l’autre expert de Wyeth, sur un point important. Enfin, Merck affirme que le témoignage du Dr Dagan était généralement évasif et qu’il n’était pas disposé à admettre même des points de base où il était équitable de le faire.

D. La personne versée dans l’art [PVA]

[41] Les experts des parties conviennent généralement que le brevet 363 s’adresse à la personne ou à l’équipe de personnes suivantes ayant des compétences et des connaissances usuelles dans l’art particulier dont relève le brevet 363 (Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, au paragraphe 44 [Free World]) :

[traduction]

Un ou plusieurs vaccinologues intéressés par la mise au point de vaccins conjugués contre le pneumocoque, ayant une expérience pertinente en chimie, microbiologie, immunologie, épidémiologie et maladies infectieuses cliniques. Le public visé aurait possédé un doctorat, une maîtrise en sciences et/ou un doctorat, ainsi qu’une expertise appliquée dans le contexte du développement de vaccins antipneumococciques conjugués. En particulier, la PVA aurait eu une expérience réelle de la chimie des hydrates de carbone et de la préparation de conjugués polysaccharide‑protéine et de vaccins conjugués.

E. Interprétation des revendications – Principes juridiques

[42] Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P‑4 [Loi sur les brevets] exige que les revendications définissent « distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif ».

[43] Comme il est indiqué dans l’arrêt Free World, au paragraphe 14, citant Minerals Separation North American Corp v Moranda Mines, Ltd, [1947] Ex CR 306, à la page 352, les revendications ne doivent pas être flexibles, mais doivent plutôt fournir une « démarcation claire » du monopole revendiqué :

En formulant ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

[44] Les termes employés dans les revendications doivent être interprétés du point de la personne versée dans l’art, à la lumière des connaissances générales courantes de cette personne, d’une manière éclairée et téléologique, et avec un esprit désireux de comprendre (Free World, aux paragraphes 31c) et 44; Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, au paragraphe 49 [Whirlpool]).

[45] L’interprétation d’un brevet est une question de droit qu’il appartient au juge de trancher, (Whirlpool, au paragraphe 61). Cependant, la preuve d’expert fournit les connaissances techniques qui permettent à la Cour de se mettre dans la peau de la PVA confrontée aux revendications à la date de publication (le 19 octobre 2006 pour le brevet 363).

[46] La PVA appréciera la nature et la description de l’invention sur un plan technique, en donnant un sens aux mots employés dans les revendications à la lumière des connaissances générales courantes (Whirlpool, au paragraphe 53).

F. Interprétation des revendications – Les revendications contestées sont‑elles limitées à 13 sérotypes?

[47] Cinq des revendications contestées sont des revendications indépendantes : Revendications 1, 13, 17, 36 et 38?

[48] Le brevet 363 comprend trois groupes de revendications : (i) les revendications relatives aux compositions; (ii) les revendications relatives à l’utilisation; et (iii) les revendications relatives aux méthodes/procédés de fabrication :

Les revendications relatives aux compositions : Le brevet 363 comprend des revendications relatives aux compositions immunogènes comprenant treize sérotypes ou plus (selon Wyeth), ou des revendications relatives aux compositions vaccinales comprenant exactement treize sérotypes (selon Merck).

La revendication 1 porte sur une composition immunogène multivalente comprenant treize sérotypes polysaccharidiques distincts conjugués à la CRM197.

Les revendications 2 à 5 portent sur l’ajout d’adjuvants.

La revendication 17 porte sur une composition immunogène 13‑valent conjuguée à la CRM197 faisant appel au procédé d’amination réductrice.

Les revendications 18 et 19 portent sur l’ajout d’adjuvants.

Revendications relatives à l’utilisation : Le brevet 363 comporte des revendications concernant l’utilisation de la composition immunogène comme médicament et vaccin.

La revendication 6 est une revendication relative à un médicament concernant une composition conjuguée de treize sérotypes (Merck) ou plus (Wyeth).

Les revendications 22 à 30 portent sur l’utilisation d’une composition conjuguée de treize sérotypes pour la vaccination.

Revendications relatives aux méthodes/procédés de fabrication : Les revendications 13‑14 et 36‑38 portent sur les méthodes et procédés généraux permettant de produire des compositions contenant des conjugués des treize sérotypes.

[49] La revendication 1 est la seule pour laquelle Wyeth soutient que sa portée dépasse les treize sérotypes spécifiques énumérés dans le brevet 363. La revendication 1 décrit une composition immunogène multivalente comprenant treize conjugués distincts préparés à partir de treize sérotypes, chacun étant conjugué individuellement à la CRM197 :

[traduction]

Une composition immunogène multivalente, comprenant treize conjugués polysaccharide‑protéine distincts, ainsi qu’un véhicule physiologiquement acceptable, dans laquelle chacun des conjugués comprend un polysaccharide capsulaire d’un sérotype différent de Streptococcus pneumonia conjugué à une protéine vectrice et les polysaccharides capsulaires sont préparés à partir des sérotypes 1, 3, 4, 5, 6A, 6B, 7F, 9V, 14, 18C, 19A, 19F et 23F, composition dans laquelle la protéine vectrice est la CRM197.

[50] Merck affirme que tous les experts ont convenu que la revendication 1 est limitée à 13 sérotypes.

[51] Wyeth répond que la Cour devrait être très prudente en se fiant aux concessions obtenues par l’avocat de Merck lors du contre‑interrogatoire de ses experts, car l’avocat a utilisé une approche qui devrait être rejetée : une approche axée sur une « interprétation trop textuelle ». Wyeth rappelle à la Cour que les mémoires descriptifs de brevets ne doivent pas être interprétés selon une « méthode du dictionnaire » et qu’ils ne s’adressent pas non plus aux grammairiens, aux étymologistes ou aux profanes (Whirlpool, aux paragraphes 52 et 53).

[52] D’après ses connaissances générales de l’époque, Wyeth soutient que la personne versée dans l’art aurait compris que le brevet 363 avait pour but d’étendre la couverture tout en conservant les principaux avantages de la conjugaison, c’est‑à‑dire l’augmentation de l’immunogénicité. La personne versée dans l’art aurait compris que le brevet 363 décrit la « prochaine génération » du programme de fabrication de conjugués de Wyeth et que Wyeth avait réussi à dépasser les limites connues de la couverture des sérotypes avec son VPC‑13. Enfin, la personne versée dans l’art aurait compris que le brevet 363 décrit une technologie « plateforme » : il divulgue les détails de la technologie de conjugaison de Wyeth qui étaient nécessaires pour reproduire son succès. La personne versée dans l’art aurait utilisé la plateforme pour ajouter d’autres sérotypes dans un futur vaccin, tout comme Merck l’a fait avec son V114.

[53] Quant au nombre de sérotypes supplémentaires que cette « plateforme » couvre, la position de Wyeth est quelque peu élastique. Le Dr Ravenscroft a d’abord déclaré dans son rapport qu’elle devrait comprendre les cinquante sérotypes de structure connue. Il a suggéré plus tard qu’elle devait se limiter au sérotype pertinent sur le plan clinique. Enfin, il a choisi les 23 sérotypes contenus dans Pneumovax® 23 (un vaccin antipneumococcique à polysaccharides seulement).

[54] La notion de « plateforme » de Wyeth provient essentiellement de l’utilisation du mot « comprenant » dans la revendication 1, que Wyeth demande au tribunal de remplacer par « y compris, mais sans s’y limiter ». La revendication 1 se lirait alors comme suit :

[traduction]

Une composition immunogène multivalente, [y compris, mais sans s’y limiter] treize conjugués polysaccharide‑protéine distincts, ainsi qu’un véhicule physiologiquement acceptable, dans laquelle chacun des conjugués comprend un polysaccharide capsulaire d’un sérotype différent de Streptococcus pneumonia conjugué à une protéine vectrice et les polysaccharides capsulaires sont préparés à partir des sérotypes 1, 3, 4, 5, 6A, 6B, 7F, 9V, 14, 18C, 19A, 19F et 23F, composition dans laquelle la protéine vectrice est la CRM197.

[55] Par contre, Merck affirme que le mot « comprenant » autorise l’inclusion dans la composition d’autres éléments, tels que des véhicules physiologiques et/ou des adjuvants acceptables, et que les deux clauses « dans laquelle » limitent le choix des sérotypes et de la protéine vectrice qui peuvent être utilisés :

[traduction]

Une composition immunogène multivalente comprenant treize conjugués polysaccharide‑protéine distincts, ainsi qu’un véhicule physiologiquement acceptable, dans laquelle chacun des conjugués comprend un polysaccharide capsulaire d’un sérotype différent de Streptococcus pneumonia conjugué à une protéine vectrice et les polysaccharides capsulaires sont préparés à partir des sérotypes 1, 3, 4, 5, 6A, 6B, 7F, 9V, 14, 18C, 19A, 19F et 23F, composition dans laquelle la protéine vectrice est la CRM197.

[Soulignements et caractères gras ajoutés par Merck.]

[56] Pour plusieurs raisons, je préfère l’interprétation proposée par Merck. Je trouve qu’une interprétation téléologique de la revendication 1 et du brevet 363 dans son intégralité soutient l’idée que la revendication 1 est limitée à 13 sérotypes.

[57] Dans l’arrêt Purdue Pharma c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 132, au paragraphe 22 [Purdue Pharma], la Cour d’appel fédérale a conclu que, même si le mot « comprenant » employé dans le libellé de la revendication pouvait être considéré comme ouvert, l’inclusion d’autres éléments nécessite une certaine justification. La base d’une telle inclusion doit être trouvée dans les limites du brevet. Aucune base de ce type n’existait dans l’arrêt Purdue Pharma, et aucune ne peut être trouvée dans le brevet 363.

[58] En interprétant le brevet dans son ensemble, on trouve des bases suffisantes pour l’ajout d’adjuvants, de tampons et d’autres excipients. Cependant, il n’y a pas de raison d’aller au‑delà de 13 sérotypes.

[59] Premièrement, le résumé de l’invention décrit l’invention comme fournissant une composition de conjugués pneumococciques 13‑valent comprenant les sept sérotypes contenus dans Prevnar 7 (4, 6B, 9V, 14, 18C, 19F et 23F), plus six sérotypes supplémentaires (1, 3, 5, 6A, 7F et 19A). C’est très spécifique et limité.

[60] Deuxièmement, dans la description détaillée de l’invention, une justification est fournie pour l’inclusion des sept sérotypes originaux qui étaient responsables de 82 % des infections invasives à pneumocoque chez les enfants de moins de deux ans. Une justification très détaillée est également fournie pour l’inclusion de chacun des six sérotypes supplémentaires. Par exemple, les sérotypes 6A et 19A représentent plus d’infections invasives à pneumocoque chez les enfants américains de moins de deux ans que les sérotypes 1, 3, 5 et 7F combinés, en plus d’être couramment associés à une résistance aux antibiotiques. Il n’y a aucune mention dans le brevet 363 d’un besoin, d’un désir ou d’un motif d’ajouter un autre sérotype. Encore une fois, environ 90 sérotypes étaient connus à l’époque.

[61] Troisièmement, les seize exemples fournis dans le brevet 363, qui contiennent les instructions requises par la personne versée dans l’art, se rapportent uniquement aux treize sérotypes cités dans les revendications, et à aucun autre sérotype.

[62] Quatrièmement, je conclus que la référence par le Dr Ravenscroft de la figure 1 du brevet 363 visant à étayer son opinion selon laquelle les inventeurs ont également envisagé le sérotype 12F et d’autres sérotypes est mal à propos. La figure 1 présente des renseignements qui étaient accessibles au public en avril 2005. Elle montre l’augmentation des taux d’infections invasives à pneumocoque chez les enfants américains de moins de deux ans, de la valeur initiale (1998/99) à 2001. Comme l’a admis le Dr Ravenscroft lors d’un contre‑interrogatoire, cette figure a été ajoutée dans le seul but de soulever un point de vue sur la prévalence/la résistance aux antibiotiques et de justifier l’ajout des sérotypes 6A et 19A. Le sérotype 12F étant entièrement sensible à la pénicilline, le Dr Ravenscroft a admis que la figure 1 ne peut pas être utilisée pour justifier son ajout à l’invention divulguée dans le brevet 363.

[63] Cinquièmement, l’argument de Wyeth selon lequel le libellé de la revendication 17 appuie l’élaboration de la revendication 1 ne devrait également pas être retenu. La revendication 17 se lit comme suit :

[traduction]

Composition immunogène multivalente, comprenant des conjugués polysaccharide‑protéine et un véhicule physiologiquement acceptable, dans laquelle lesdits conjugués polysaccharide‑protéine consistent en treize conjugués polysaccharide‑protéine distincts, dans laquelle chacun des conjugués comprend un polysaccharide capsulaire d’un sérotype différent de Streptococcus pneumoniae conjugué à une protéine vectrice, et dans laquelle les polysaccharides capsulaires sont préparés à partir des sérotypes 1, 3, 4, 5, 6A, 6B, 7F, 9V, 14, 18C, 19A, 19F et 23F, où la protéine vectrice est la CRM197 et où la conjugaison est effectuée par un procédé d’amination réductrice.

[64] Wyeth admet que la revendication 17 est limitée à treize sérotypes, mais soutient que pour la distinguer de la revendication 1, la revendication 1 ne doit pas être limitée à treize sérotypes. L’interprétation de la revendication 1 par le Dr Ravenscroft est fondée sur le fait que « dans la rédaction des revendications, lorsque des termes différents sont utilisés, ils sont présumés avoir des significations différentes. Par conséquent, l’utilisation de « consiste en » dans la revendication 17 aurait indiqué à la personne versée dans l’art que « comprenant » doit avoir un sens différent et plus large » (Rapport de Ravenscroft au paragraphe 246).

[65] Je ne suis pas de cet avis. Le mot « comprenant » ainsi que quelques occurrences de la locution « dans laquelle » (qui ont le même effet limitatif que dans la revendication 1) sont également utilisés dans la revendication 17. De plus, la revendication 17 n’est pas sans objet si les deux revendications sont limitées à treize sérotypes. Le Dr Ravenscroft reconnaît que, contrairement à la revendication 1 qui autorise l’utilisation de toute technologie de conjugaison, la revendication 17 exclut les conjugués fabriqués au moyen d’une approche autre que le procédé d’amination réductrice. Ainsi, la revendication 17 diffère de la revendication 1. Elles ont chacune une portée différente et elles ne sont pas redondantes (MIPS AB c. Bauer Hockey Ltd, 2018 CF 485 au paragraphe 134).

[66] Enfin, si la Cour devait se ranger du côté de Wyeth sur l’interprétation de la revendication 1, elle devrait choisir un plafond sur le nombre de sérotypes couverts par l’invention ou qui pourraient être ajoutés en utilisant la soi‑disant « plateforme » de Wyeth. Cela signifierait également que l’étendue du monopole de Wyeth pourrait s’étendre pendant la durée de vie du brevet 363 à mesure que de nouveaux sérotypes – ou leur structure – sont découverts. Cela serait contraire aux principes fondamentaux de l’interprétation des revendications (Free World, au paragraphe 57).

[67] Pour ces motifs, je conclus que la revendication 1 du brevet 363 est limitée à 13 sérotypes et ne divulgue aucune « plateforme » pour la fabrication d’un vaccin ayant une couverture plus large.

G. Interprétation des revendications – signification du terme « immunogène »

[68] Les anticorps peuvent être mesurés lors d’une épreuve immunoenzymatique [épreuve ELISA], qui est une technique de dosage courante conçue pour détecter et mesurer la présence d’anticorps dirigés contre un antigène. Par contre, un essai d’activité opsonophagocytaire [OPA] permet de déterminer si les anticorps induits par un vaccin sont fonctionnels, c’est‑à‑dire qu’il est démontré qu’ils tuent efficacement les bactéries.

[69] Selon Merck, la personne versée dans l’art interpréterait le terme « immunogène » contenu dans les revendications du brevet 363 comme un terme signifiant que la composition produit « une réponse immunitaire » ou qu’elle induit la production d’anticorps pour chacun des sérotypes, sans niveau de réponse anticorps précis. Merck souligne le fait que le Dr Ravenscroft a concédé lors du contre‑interrogatoire le sens ordinaire de « immunogène » dans ce domaine, soit que la composition induit une réponse immunitaire, et que la plupart des études à l’époque ont démontré une immunogénicité fondée sur les réponses IgG tirées des épreuves ELISA seulement.

[70] Wyeth répond que cette définition est insensée. Comme l’a déclaré le Dr Dagan, l’organisme produit une réponse immunitaire à presque tous les stimuli : « Si je bois du lait, je produis des anticorps contre le lait… manger produit des anticorps. Vivre, respirer et tout le reste produit des anticorps » (Transcription du procès, Volume 9, page 1229, lignes 23‑27).

[71] Wyeth soutient que la personne versée dans l’art interpréterait le terme « immunogène » comme un terme signifiant que chaque conjugué induit une réponse immunitaire supérieure à celle du polysaccharide seul. C’est le but de la conjugaison. C’est ce que démontrent les tableaux de données du brevet 363 : la composition du conjugué 13‑valent est plus immunogène que le polysaccharide seul, et les anticorps induits sont fonctionnels.

[72] Au paragraphe 249 de son rapport, le Dr Ravenscroft, l’expert de Wyeth en vaccins antipneumoccociques conjugués multivalents, déclare ce qui suit :

[traduction]

Elle [la personne versée dans l’art] aurait également compris que les compositions étaient « immunogènes ». Au niveau le plus élémentaire, elle [la personne versée dans l’art] aurait compris que le terme « immunogène » signifie que les compositions produisent une réponse immunitaire lorsqu’elles sont administrées. Elle [la personne versée dans l’art] aurait reconnu que les polysaccharides eux‑mêmes sont classés parmi les antigènes (c’est‑à‑dire des générateurs d’anticorps). De plus, ces polysaccharides peuvent être conjugués à une protéine vectrice pour obtenir une réponse immunitaire plus grande. Autrement dit, pour une composition de « conjugués polysaccharide‑protéine », elle [la personne versée dans l’art] aurait compris que le terme « immunogène » signifie que chaque conjugué aurait été censé provoquer une réponse immunitaire supérieure à celle du polysaccharide seul. Le brevet 363 lui‑même reconnaît que les conjugués de la composition produisent « un titrage d’IgG sériques plus élevé et une activité globale des anticorps fonctionnels supérieure à ceux qui sont observés avec le polysaccharide libre seul ou combiné à une CRM197 non conjuguée ». À la date pertinente, les moyens acceptés pour mesurer l’immunogénicité des conjugués pneumococciques étaient (1) l’ELISA spécifique du sérotype pour mesurer les taux d’IgG sériques et (2) l’OPA pour détecter les anticorps fonctionnels (c’est‑à‑dire opsonophagocytaires).

[Les notes de bas de page sont omises.]

[73] Je dois d’abord dire que l’analogie du Dr Dagan avec le lait (que Wyeth a reprise dans sa plaidoirie) ne me convainc pas. Boire du lait, manger, vivre et respirer ne permet pas de produire des anticorps contre les agents pathogènes contre lesquels un vaccin vise à protéger, d’où la recherche d’un vaccin. Cet argument ne dit rien sur la quantité (épreuve ELISA) ou la qualité (épreuve OPA) de la réaction immunitaire à laquelle le brevet 363 fait référence et, en ce sens, il ne fait pas avancer le débat sur cette question.

[74] Je dois également tenir compte du fait que les revendications contestées elles‑mêmes ne mentionnent aucun niveau particulier d’immunogénicité ni aucun essai particulier pour mesurer l’immunogénicité.

[75] Je dois donc me tourner vers d’autres informations convoquées par le brevet 363 et vers les connaissances générales communes de la PVA pour déterminer si le terme « immunogène » signifie que l’invention revendique une réponse immunitaire pour chacun des 13 sérotypes qui est supérieure au polysaccharide seul (ELISA), et que les anticorps suscités sont fonctionnels (OPA).

[76] Je suis prête à accepter le fait qu’à l’époque, la PVA aurait su que le but de la conjugaison était de susciter une meilleure réponse immunitaire, en particulier chez les enfants de moins de deux ans. De plus, la PVA aurait su que, depuis 2003, l’Organisation mondiale de la santé exigeait des anticorps fonctionnels dans les compositions immunogènes.

[77] La personne versée dans l’art aurait compris que les données présentées dans les tableaux 5 et 6 du brevet 363 étayaient la conclusion des inventeurs selon laquelle [traduction] « la conjugaison des polysaccharides du vaccin antipneumococcique 13‑valent produit des titres d’IgG sériques et une activité globale des anticorps fonctionnels plus élevés que le polysaccharide libre utilisé seul ou mélangé à la CRM197 non conjuguée » (brevet 363, pièce 3, page 7, lignes 6‑9). Les inventeurs disent « globalement », car il n’a certes pas été démontré dans les études d’immunogénicité précliniques que le sérotype 14 produisait des anticorps fonctionnels.

[78] Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, j’estime que Wyeth confond ce que les inventeurs recherchaient avec ce que le brevet 363 revendique. Le brevet 363 revendique une « composition immunogène multivalente » sans autre précision. La PVA aurait su que l’objectif de la conjugaison est d’améliorer l’immunogénicité, en particulier chez les jeunes enfants, mais le Dr Ravenscroft a également admis que la PVA interpréterait le terme « immunogène » signifiant que la composition « induit une réponse immunitaire » et qu’une façon courante de mesurer l’immunogénicité est l’épreuve ELISA.

[79] À mon avis, si Wyeth voulait revendiquer un niveau particulier d’immunogénicité ou définir l’immunogénicité autrement que la capacité d’induire une réponse immunitaire, elle aurait pu le faire en autant de mots. Elle aurait pu utiliser une tournure similaire à celle utilisée par GSK dans son brevet WO 00/56358, dans lequel la société revendiquait :

[traduction]

1. Une composition antigénique comprenant un ou plusieurs conjugués polysaccharidiques capsulaires de Streptococcus pneumoniae, auxquels est ajouté l’adjuvant 3D‑MPL et qui sont essentiellement dépourvus d’adjuvants à base d’aluminium, dans laquelle au moins un des conjugués polysaccharidiques de Streptococcus pneumoniae est significativement plus immunogène dans les compositions comprenant l’adjuvant 3D‑MPL par rapport aux compositions comprenant l’adjuvant 3D‑MPL en association avec un adjuvant à base d’aluminium.

[Le souligné est de nous.]

[80] À mon avis, ces termes ne doivent pas être interprétés dans la revendication 1 du brevet 363.

H. Validité du brevet 363

(1) Nouveauté/Antériorité

[81] Le paragraphe 28.2(1) de la Loi sur les brevets précise que, pour qu’un brevet soit valide, son objet ne peut pas avoir été divulgué auparavant. Si l’objet des revendications du brevet a été mis à la disposition du public dans une seule divulgation habilitante avant la date de la revendication, il a été antériorisé. Le critère de l’antériorité en deux volets est énoncé dans Apotex Inc c. Sanofi‑Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61 [Sanofi] :

[traduction]

1. La référence à l’art antérieur doit divulguer l’invention revendiquée qui, si elle était réalisée, contreferait nécessairement le brevet;

2. La référence à l’art antérieur doit être suffisamment détaillée pour permettre à une PVA de réaliser l’invention revendiquée sans faire preuve d’ingéniosité inventive ou d’une expérimentation excessive.

[82] L’antériorité exige que la publication antérieure contienne des instructions claires et non équivoques pour faire ce que le breveté prétend avoir inventé (Sanofi, au paragraphe 21 et Free World, au paragraphe 26). L’élément d’habilitation est satisfait lorsqu’il existe suffisamment d’informations pour permettre la réalisation de l’invention revendiquée par la suite sans fardeau excessif (Sanofi, au paragraphe 37).

[83] La divulgation et l’habilitation sont deux exigences distinctes; si la divulgation n’est pas prouvée, l’habilitation n’a pas à être prise en compte (Sanofi, au paragraphe 42).

(2) Revendication 1 du brevet 363 par rapport à Peña 2004

a) Divulgation

[84] Merck soutient que tous les éléments essentiels de la revendication 1 du brevet 363 ont été divulgués publiquement dans une publication de 2004 de C. de la Peña intitulée « Present and future of the vaccination against pneumonia » [Peña 2004], publiée dans Pediátrika, une revue espagnole. Nul ne consteste que Peña 2004 est une publication de Wyeth, rédigée par des employés de Wyeth. Il traite de l’incidence des maladies liées à S. pneumoniae dans divers groupes de jeunes enfants espagnols. Par exemple, il discute de ce qui suit :

[traduction]

Ÿ Les maladies à pneumocoque sont une cause importante de morbidité, d’hospitalisation et de mortalité, 40 % des décès dus à la pneumonie touchant des enfants de moins de cinq ans;

Ÿ L’impact de la résistance aux antibiotiques lorsque la prévention de l’infection n’est pas possible, et la relation connue entre les sérotypes et la résistance;

Ÿ Le fait que le vaccin polysaccharidique 23‑valent seul n’est pas immunogène chez les enfants de moins de deux ans;

Ÿ Le fait que la conjugaison avec « une protéine appropriée » améliore l’immunogénicité, comme cela a été démontré avec le vaccin Haemophilus influenza de type b.

Ÿ Plusieurs statistiques comparant l’incidence des maladies liées à S. pneumoniae entre les régions d’Espagne et entre l’Espagne et d’autres pays d’Europe et les États‑Unis;

Ÿ Le fait qu’en février 2000, les États‑Unis ont autorisé l’utilisation d’un vaccin conjugué antipneumococcique contre sept sérotypes de S. pneumoniae (Prevnar 7), et son efficacité observée;

Ÿ L’introduction de Prevnar 7 sur le marché espagnol en juin 2001, et son efficacité observée;

[85] Ce que Merck considère comme une divulgation des éléments de la revendication 1, ce sont les extraits suivants de Peña 2004 aux pages 52‑53 :

[traduction]

Autres vaccins antipneumococciques

Comme nous le savons, il existe actuellement deux vaccins disponibles pour la prévention des infections invasives à pneumocoque : le polysaccharide 23‑valent (VNP‑23V) et le vaccin conjugué 7‑valent (VNC‑7V).

Il existe d’autres conjugués pneumococciques qui n’ont pas encore été commercialisés et qui sont en phase d’étude avancée :

Ÿ Le vaccin du sérotype 9 (ajout des sérotypes 1 et 5), qui augmente la couverture jusqu’à 87 % chez les enfants de moins de deux ans et chez les enfants de deux à cinq ans.

  • · Le vaccin du sérotype 11 (ajout des sérotypes 3 et 7F). Le sérotype 3 est le plus susceptible de causer une infection invasive chez les adultes en Espagne; par conséquent, l’utilisation de ces vaccins pourrait avoir un impact favorable sur le nombre de cas d’infection par ce sérotype.

  • · Le vaccin à 13 sérotypes (ajout des sérotypes 6A et 19A) »

L’avenir de la vaccination antipneumococcique

Le vaccin polysaccharidique 23‑valent a été la première étape dans la lutte contre les infections pneumococciques, et le vaccin conjugué heptavalent a considérablement réduit le nombre de cas d’infection chez les plus jeunes enfants. Ainsi, en ce qui concerne les futures vaccinations antipneumococciques, nous devons garder à l’esprit plusieurs questions : les sérotypes et l’âge et la répartition géographique, l’association avec d’autres vaccins, les nouvelles voies d’administration et d’autres stratégies.

La variabilité géographique des sérotypes pneumococciques représente un problème pour la fabrication d’un vaccin ayant une couverture mondiale. Il faudrait presque concevoir un vaccin spécifique pour chaque zone géographique, en réalisant une étude épidémiologique préalable des sérotypes les plus courants, ce qui ne serait possible que dans les pays développés.

Par ailleurs, on sait que le spectre des sérotypes s’élargit avec l’âge, ce qui complique l’acquisition de vaccins pour des tranches d’âge autres que les enfants, bien que les enfants soient le groupe le plus à risque et pour lequel le vaccin actuel est le plus efficace. À cet égard, des travaux sont menés pour incorporer de nouveaux sérotypes au vaccin conjugué 7‑valent, les vaccins 9‑valent (qui intègre les sérotypes 1 et 5), 11‑valent (qui comprend 3 et 7F) et 13‑valent (6A et 19a) en étant à divers stades de la recherche. Cela pourrait élargir l’éventail des âges et des pays, même si nous continuerons à avoir une grande diversité dans la couverture. De plus, des tentatives sont faites pour intégrer les pneumocoques qui présentent la plus grande résistance aux antibiotiques.

[Non souligné dans l’original.]

[86] Le fait que Peña 2004 n’a pas précisé quelle protéine vectrice est utilisée pour conjuguer les différents sérotypes répertoriés qui composeraient les vaccins 9‑valent, 11‑valent et 13‑valent n’a pas été contesté, bien qu’il y ait une citation qui renvoie à une publication antérieure qui divulguait un conjugué 9‑valent à la CRM197 (Obaro 2002).

[87] Peña 2004 ne dit également rien de l’immunogénicité du prochain vaccin 13‑valent. Peña 2004 utilise deux manières différentes de décrire les études en cours réalisées sur les 7, 9, 11 et 13‑valents : elles en sont actuellement soit à des « phases avancées d’étude » soit à « différentes étapes de la recherche ».

[88] Merck soutient que la personne versée dans l’art aurait déduit que les treize sérotypes devraient être conjugués individuellement avec une seule protéine vectrice : la CRM197. La personne versée dans l’art en aurait déduit cela, car on savait à l’époque que Prevnar 7 de Wyeth contenait sept sérotypes, tous conjugués individuellement avec la CRM197. Merck soutient que c’était l’opinion du Dr Paton à laquelle le Dr Ravenscroft a finalement souscrit dans l’extrait suivant de son contre‑interrogatoire :

[traduction]

Q. Ainsi la personne compétente qui lirait ceci comprendrait que ce que Wyeth faisait, c’était, en commençant par Prevnar, de procéder à une conjugaison individuelle avec la CRM, puis de passer à neuf, onze et maintenant à treize sérotypes, à divers stades de la recherche. C’est exact?

R. Je ne pense pas que vous puissiez présumer cela.

Q. Je ne vous demande pas de présumer. Je dis que la personne compétente qui fabrique des conjugués, qui possède toutes les compétences dont vous avez parlé et qui a accès aux connaissances dont vous avez parlé dans votre rapport, interprète ceci de cette manière lorsqu’elle le lit. C’est ça?

R. Cela pourrait signifier cela.

(Transcription du procès, Volume 7, page 989, ligne 21, à la page 990, ligne 4.)

[89] Merck affirme que, si la PVA reçoit les sérotypes à inclure et la protéine vectrice à utiliser, elle peut créer un vaccin conjugué qui induit une réponse immunitaire. Le brevet 363 est divulgué par Peña 2004, de cette façon.

[90] Wyeth, en revanche, s’appuie sur le résultat du long contre‑interrogatoire du Dr Paton par son avocat, où le Dr Paton admet finalement que la PVA pourrait ne pas en déduire autant en lisant Peña 2004 :

[traduction]

Q. D’accord. Ma question était la suivante : vous a‑t‑il dit explicitement ce que contient le vaccin 13‑valent? Et la réponse est non. C’est bien ça?

R. Il ne le dit pas explicitement; vous devez le déduire du libellé.

Q. Eh bien, vous n’avez pas à le déduire. Vous pouvez ne pas le déduire, vous pouvez juste dire que je ne sais pas.

R. Je pense en termes de ‑‑

Q. Est‑ce une façon équitable de procéder?

R. Eh bien, c’est une façon de le faire.

(Transcription du procès, Volume 3, page 467, lignes 3‑12.)

[91] Étant donné qu’aucun des deux experts n’a été capable de me convaincre que son opinion devait prévaloir, je suis forcée de conclure que Merck ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver que la PVA aurait déduit de Peña 2004 que tous les 13 sérotypes du vaccin 13‑valent devaient être conjugués individuellement avec une seule protéine vectrice : CRM197.

[92] En outre, les inventeurs du brevet 363 étaient préoccupés par les interférences avec le système immunitaire et craignaient qu’en ajoutant de nouveaux sérotypes, ils ne réduisent la réponse immunitaire aux sérotypes contenus dans Prevnar 7. Ils étaient également préoccupés par l’interférence immunitaire avec d’autres vaccins lorsqu’ils étaient administrés en même temps que le vaccin 13‑valent. Le Dr Paradiso a témoigné du fait que les préoccupations relatives à l’interférence immunitaire causée par de grandes quantités d’une seule protéine porteuse n’étaient pas propres à Wyeth et que, dans le domaine à l’époque, des efforts considérables ont été déployés pour explorer d’autres protéines vectrices. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||| Le Dr Paradiso a rappelé que Sanofi a choisi de conserver les vecteurs d’anatoxines traditionnels (anatoxine diphtérique et anatoxine tétanique), mais a tenté de limiter l’interférence immunitaire en utilisant une combinaison de ces deux vecteurs. La PVA devait connaître et partager ces préoccupations en lisant Peña 2004.

[93] Je ne suis pas non plus convaincue que le PVA aurait déduit que les 13 sérotypes conjugués à la CRM197 seraient immunogènes. La PVA savait à l’époque que le 7‑valent était certainement à un stade avancé de l’étude (ou plutôt du suivi après homologation) et donc immunogène. La PVA n’aurait pas su si le 13‑valent était à un stade avancé de l’étude ou à peine en étude d’immunogénicité préclinique (c’est‑à‑dire que son immunogénicité n’était pas encore prouvée).

[94] Par conséquent, j’estime que la PVA n’aurait pas supposé que la protéine vectrice du vaccin 13‑valent mentionné par Peña 2004 était CRM197, ou que le 13‑valent s’est avéré jusqu’à présent immunogène. Peña 2004 ne divulgue pas clairement et infailliblement ces deux éléments essentiels de la revendication 1 du brevet 363.

b) Caractère raisonnable

[95] Merck affirme que, si Peña 2004 divulgue les éléments essentiels de la revendication 1 du brevet 363, la PVA aurait été en mesure de fabriquer le VPC 13‑valent divulgué avec la CRM197, en utilisant des compétences et des connaissances courantes qui font partie de son ensemble de compétences. Considérant que la PVA du brevet 363 comprend un fabricant de conjugué ayant une expérience réelle dans la préparation du conjugué polysaccharide‑protéine, la PVA savait comment fabriquer des vaccins conjugués polysaccharides. En fait, la ligne directrice de l’Organisation mondiale de la santé a fourni une liste de contrôle sur la façon de fabriquer ces conjugués et de contrôler leur qualité.

[96] Wyeth répond que Peña 2004 ne permet pas à la PVA de réaliser l’invention sans trop de difficultés.

[97] Comme l’a déclaré la Cour suprême au paragraphe 37 de Sanofi, il n’y a pas d’habilitation si des essais et des erreurs prolongés ou ardus sont nécessaires pour réaliser l’invention :

[…] L’expérimentation ou les essais successifs ne doivent cependant pas se prolonger, et ce, même dans un domaine technique où ils sont monnaie courante. Aucune limite n’est fixée quant à la durée des efforts consacrés; toutefois, les essais successifs prolongés ou ardus ne sont pas tenus pour courants.

[98] Encore une fois, le Dr Paton et le Dr Ravenscroft ont adopté des positions diamétralement opposées sur cette question.

[99] Pour plusieurs raisons, je préfère le point de vue du Dr Ravenscroft.

[100] Comme il est indiqué ci‑dessus, il est le seul expert qui a réellement travaillé à la mise au point d’un vaccin antipneumococcique conjugué homologué.

[101] Comme il l’a expliqué dans son rapport :

[traduction]

300. […] En l’absence d’orientations, la [PVA] aurait dû mener des expériences considérables afin de mettre au point une approche adaptée à chaque sérotype. Ce travail aurait inclus une analyse théorique basée sur des informations concernant la structure connue du polysaccharide capsulaire, une expérimentation par essais et erreurs, et une analyse des conjugués obtenus pour déterminer leur activité. Chacune de ces étapes peut être répétée plusieurs fois pour chaque sérotype. Un tel travail aurait pris au moins plusieurs mois pour chaque sérotype et, cumulativement, des années.

[102] Sa position est demeurée inchangée lors du contre‑interrogatoire.

[103] En fait, tous les experts du brevet 363 ont convenu que le processus de conjugaison est très complexe. Le Dr Paton a déclaré qu’il s’agissait d’une entreprise longue, coûteuse et complexe, comportant des centaines d’étapes d’assurance qualité. Dans un article qu’il a coécrit en 2008, on peut lire :

[traduction]

Les VPC sont des vaccins complexes du point de vue du développement et de la fabrication, étant donné que chaque sérotype de PS capsulaire est chimiquement distinct et doit être optimisé individuellement en ce qui concerne les rapports protéine/polysaccharide, la technologie de conjugaison et d’autres caractéristiques.

(TX 20, page 421.)

[104] Le Dr Kasper a également déclaré que le procédé de conjugaison est hautement empirique et qu’il implique un processus d’essais et d’erreurs. Il est également co‑auteur d’une publication où il reconnaît que :

[traduction]

La recherche d’un lien chimique entre le [polysaccharide] et la protéine par essais et erreurs a nécessité des efforts de développement longs et complexes.

(TX 29, page 8.)

[105] À mon avis, les preuves présentées au procès corroborent ces opinions.

[106] Il a fallu à Wyeth des années de recherche et d’essais cliniques pour mettre au point Prevnar® 13. Le Dr Paradiso a témoigné du fait que le processus de développement conjugué est complexe. De nombreuses variables influencent le procédé, notamment : la structure du polysaccharide, la longueur de la chaîne polysaccharidique, l’utilisation d’un lieur, la protéine vectrice, le rapport polysaccharide/protéine, la manière dont le polysaccharide est activé et conjugué à la protéine vectrice, et les conditions de conjugaison (pH, température, temps, réactifs, etc.). |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Le projet était le point culminant du travail de |||||||||||||| sur les VPC et n’a été possible que grâce à la vaste expertise que Wyeth a développée pendant cette période.

[107] En outre, Wyeth a réussi là où ses concurrents ont échoué. Le Dr Paradiso a déclaré qu’en 2003, il avait appris que le VPC‑11 de GSK était confronté à des problèmes d’immunogénicité. Sanofi travaillait également sur un VPC‑11 qui n’a jamais été homologué.

[108] À mon avis, même si Peña 2004 avait divulgué les 13 sérotypes, la protéique vectrice unique étant la CRM197 et l’immunogénicité des conjugués – ce que je n’admets pas qu’il a fait – cela n’aurait pas permis à la PVA de réaliser l’invention revendiquée dans le brevet 363 sans trop de difficultés. En ce sens, Peña 2004 n’a pas antériorisé le brevet 363.

(3) Évidence du brevet 363

[109] Selon l’article 28.3 de la Loi sur les brevets, une invention digne d’être brevetée doit être non évidente. Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans Beloit Canada Ltd c. Valmet OY (1986), 8 CPR (3d) 289, à la page 294, et confirmé régulièrement depuis lors :

[traduction]

Pour établir si une invention est évidente, il ne s’agit pas de se demander ce que des inventeurs compétents ont ou auraient fait pour solutionner le problème. Un inventeur est par définition inventif. La pierre de touche classique de l’évidence de l’invention est le technicien versé dans son art, mais qui ne possède aucune étincelle d’esprit inventif ou d’imagination; un parangon de déduction et de dextérité complètement dépourvu d’intuition; un triomphe de l’hémisphère gauche sur le droit. Il s’agit de se demander si, compte tenu de l’état de la technique et des connaissances générales courantes qui existaient au moment où l’invention aurait été faite, cette créature mythique (monsieur tout‑le‑monde du domaine des brevets) serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet. C’est un critère auquel il est très difficile de satisfaire.

[110] Le critère de l’évidence à quatre volets est également énoncé dans Sanofi au paragraphe 67 :

[traduction]

i. Identifier la PVA et déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

ii. Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

iii. Recenser les différences, s’il en est, entre l’idée originale et les connaissances générales courantes et l’état de la technique;

iv. Abstraction faite de toute connaissance du brevet en cause, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la PVA ou dénotent‑elles quelque inventivité?

[111] La PVA n’est pas réfractaire au risque. On suppose que la PVA va tenter de réussir, et non viser l’échec (Free World, au paragraphe 44). La protection par brevet est accordée au « travail créatif » et non au « travail spécialisé » (Amgen Canada Inc c. Apotex Inc, 2015 CF 1261 au paragraphe 101).

[112] Toute antériorité est recevable aux fins d’évidence, qu’elle soit ou non trouvée lors d’une recherche diligente raisonnable (Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Trust for Rheumatology Research, 2020 CAF 30 au paragraphe 86 [Hospira]).

[113] Le critère de l’évidence exige que la Cour procède à une analyse de chaque revendication à la date de priorité – le 8 avril 2005. Mon analyse se concentrera sur les deux séries de revendications contestées par Merck : i) les revendications de composition (Merck inclut les revendications d’utilisation sous ce titre); et ii) les revendications relatives aux méthodes/procédés de fabrication.

(4) Évidence des revendications relatives à la composition

a) L’idée originale des revendications relatives à la composition (revendications 1 à 6, 17 à 19 et 22 à 30)

[114] Les parties conviennent que le concept inventif des revendications relatives à la composition porte sur une composition de conjugués immunogènes multivalents contenant des polysaccharides et 13 sérotypes pneumococciques précisés, dont chacun est conjugué individuellement avec la CRM197, et qui peut contenir des adjuvants.

[115] Merck fait à nouveau valoir, sur le plan de l’évidence, que chaque élément essentiel des revendications était dans le domaine public, ayant été divulgué par Peña 2004. Dans la mesure où des différences existaient, Merck affirme qu’elles auraient pu être comblées en utilisant les connaissances générales courantes et l’ensemble des compétences usuelles de la PVA. Comme j’ai conclu que les éléments essentiels de la revendication 1 du brevet 363 n’ont pas été divulgués par Peña 2004, je vais concentrer mon analyse sur d’autres antériorités.

b) Les connaissances générales courantes

[116] L’expert de Wyeth a d’abord estimé qu’une PVA qui tenterait de mettre au point un vaccin amélioré par rapport au Prevnar 7 aurait commencé par un vaccin antipneumococcique à protéine seule, et non par un conjugué. Cependant, lors du procès, le Dr Ravenscroft a concédé que, compte tenu du fait que la PVA est, entre autres, un vaccinologue qui travaille déjà avec la technologie des vaccins conjugués, la PVA n’aurait pas commencé par un vaccin à base de protéines seulement. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[117] Tous les experts étaient d’accord : Prevnar 7 a changé la donne dans l’industrie, et tous les vaccins antipneumococciques ultérieurs devaient être au moins aussi efficaces. La personne versée dans l’art savait que Prevnar 7 contenait les sérotypes pneumococciques 4, 6B, 9V, 14, 18C, 19F et 23F, chacun étant conjugué individuellement à la CRM197 par procédé d’amination réductrice. La personne versée dans l’art aurait su qu’en avril 2005, malgré le succès de Prevnar 7, le fardeau de l’infection pneumococcique demeurait significatif à l’échelle mondiale en raison de la prévalence de sérotypes non inclus dans Prevnar 7. Prevnar 7 était le point de départ, et tout vaccin à valence plus élevée devait contenir les mêmes sept sérotypes.

[118] La personne versée dans l’art aurait également su qu’au début des années 2000, quatre grands fabricants pharmaceutiques travaillaient sur des VPC :

i. Merck avait tenté de mettre au point un vaccin 7‑valent conjugué au complexe protéique de membrane externe (OMPC). Alors que le vaccin était immunogène pour les sept sérotypes, les données cliniques ont montré qu’il n’offrait aucune protection croisée. Le programme de développement de VPC de Merck a été abandonné au début des années 2000;

ii. Aventis Pasteur avait tenté de mettre au point un vaccin 11‑valent utilisant deux protéines vectrices (anatoxine diphtérique [AD] et anatoxine tétanique [AT]) dans le but de minimiser les interférences immunitaires. Aventis Pasteur a finalement abandonné son programme de développement de VPC;

iii. GSK travaillait à mettre au point un vaccin 11‑valent comprenant une nouvelle protéine vectrice (protéine D), qui a été choisie pour minimiser les interférences immunitaires. Il ne conférait toutefois pas d’immunité protectrice contre le sérotype 3;

iv. Wyeth avait réussi à homologuer Prevnar 7 et menait des essais cliniques en Afrique sur son VPC‑9. Wyeth travaillait à mettre au point un vaccin 11‑valent qui était demeuré au stade préclinique depuis au moins quatre ans.

[119] Les publications soulignent que les protéines vectrices communes (c’est‑à‑dire l’AT, l’AD et la CRM197) étaient moins favorisées en raison des préoccupations relatives à l’interaction immunitaire avec d’autres vaccins pour enfants. Le Dr Paton a admis avoir été l’un des plus ardents défenseurs de l’utilisation de la pneumolysine et d’autres protéines, car la pneumolysine s’est révélée une protéine vectrice très efficace dans un vaccin conjugué tétravalent. À l’époque, il écrivait que, contrairement à la CRM197, la pneumolysine avait la capacité de cibler et de déclencher une réponse immunitaire contre les sérotypes pneumococciques. Elle avait également la capacité de minimiser tout problème associé à la surutilisation de la protéine vectrice existante, une forme d’interférence immunitaire.

[120] Le Dr Dagan, connu comme le père de la doctrine de l’interférence immunitaire, a indiqué dans son témoignage qu’en avril 2005, la personne versée dans l’art aurait prêté attention au fait que GSK et Sanofi développaient toutes deux un vaccin conjugué 11‑valent (en utilisant les onze mêmes sérotypes). De plus, GSK et Sanofi étaient les deux seules grandes entreprises à avoir mis à l’essai un vaccin plus que 9‑valent chez l’être humain. La personne versée dans l’art aurait également su que certaines personnes compétentes (p. ex. Klein, Overturf, O’Brien) ont révélé antérieurement que Wyeth travaillait sur un vaccin 11‑valent, tous les sérotypes étant conjugués individuellement à la CRM197.

[121] La personne versée dans l’art aurait lu que [traduction] « [b]ien qu’il soit préférable d’inclure un plus grand nombre de polysaccharides différents dans un vaccin conjugué, techniquement, cela devient difficile. De plus, les avantages supplémentaires relatifs à la couverture attribuable à l’augmentation du nombre de sérotypes restent faibles une fois que les onze sérotypes standard ont été inclus » (Plotkin 2004, page 596)

[122] De plus, la personne versée dans l’art aurait lu quelques avis sur les sérotypes qui pourraient être avantageusement ajoutés après le vaccin conjugué 11‑valent. Par exemple, le brevet WO 00/56358 de GSK mentionne les sérotypes 8, 12F, 15 et 22 pour les vaccins destinés aux personnes âgées et les sérotypes 6A et 19A pour les nourrissons et les tout‑petits. Les auteurs de Hausdorff 2000 mentionnent également les sérotypes 6A et 19A pour maximiser la couverture chez les jeunes enfants. À la page 117, les auteurs déclarent que :

[traduction]

Ces analyses ont certaines implications pour la mise au point future de vaccins antipneumococciques conjugués pour les jeunes enfants. Pour maximiser la couverture des infections invasives à pneumocoque chez les jeunes enfants, par exemple, les futurs vaccins pourraient devoir inclure les sérotypes 6A et 19A, selon le degré de protection croisée observé dans les essais d’efficacité en cours avec les préparations vaccinales actuelles (qui contiennent 6B et 19F). Pour optimiser la couverture mondiale, les futurs vaccins devraient également contenir les sérogroupes 12 et 15.

[123] Le Dr Dagan a déclaré qu’en avril 2005, l’interférence immunitaire et la suppression épitopique induite par le vecteur [SEIP] étaient une préoccupation connue :

[traduction]

106. En avril 2005, un certain nombre d’études publiées démontraient que l’administration simultanée de vaccins avait une incidence sur l’immunogénicité. Bien qu’une interférence entre les vaccins ait été observée, le mécanisme d’action exact était inconnu. Les données portaient à croire que l’augmentation de la quantité d’une protéine vectrice pourrait « surcharger » le système immunitaire et supprimer la réponse immunitaire. L’étendue de la suppression immunitaire était imprévisible.

107. Sur la base de ces études, les développeurs de vaccins ont reconnu qu’au fur et à mesure que des VPC ayant des valences plus élevées étaient mises au point, il allait falloir utiliser davantage de protéines vectrices, ce qui augmenterait le risque d’interférence immunitaire. Pour faire face à ce risque, les fabricants de vaccins ont proposé des solutions possibles.

[124] Il poursuit ensuite en citant sa propre publication de 1998 qui montre les résultats d’une étude dans laquelle les participants ont reçu un VPC‑4 dont l’AT était la protéine vectrice et où Haemophilus influenzae de type b (Hib) était également conjugué à l’AT. L’étude a montré qu’à mesure que la charge d’AT administrée augmentait, les taux d’anticorps anti‑Hib diminuaient. Les taux d’anticorps n’ont pas diminué lorsque les participants ont reçu le VPC‑4 conjugué à l’AD.

[125] À la lumière de ces résultats, Sanofi a mis au point un VPC multivalent à deux vecteurs (AT et AD).

[126] L’année suivante, Shinefield et coll. ont publié le résultat de leur étude sur Prevnar 7 administré en association avec le vaccin DTC (diphtérie, tétanos et coqueluche) et Hib‑CRM197. Les auteurs de Shinefield 1999 ont découvert qu’il réduisait la réponse immunitaire aux antigènes de Hib, de la diphtérie, du tétanos et de la coqueluche.

[127] L’impact de l’augmentation du contenu en CRM197 dans les VPC a également été étudié par Choo et coll. en 2000. Le plan de leur étude consistait également à évaluer l’immunogénicité de Prevnar 7 lorsqu’il est administré avec Hib‑CRM197. Encore une fois, les résultats ont montré que la réponse anticorps était cinq fois plus élevée après cinq mois lorsque le Prevnar était administré seul que lorsqu’il était combiné à Hib‑CRM197. Il est vrai que la dose de rappel a permis de remédier à la suppression immunitaire observée après quatorze mois, mais un groupe de travail de l’Organisation mondiale de la santé a déterminé que i) les nourrissons présentaient un risque accru de maladie au cours de la période suivant le régime posologique initial de Prevnar 7, et ii) de nombreux pays n’ont pas administré les vaccins de rappel.

[128] Des études supplémentaires ont été publiées en 2000 et 2002 par Obaro et coll. L’objectif était d’évaluer l’effet du VPC‑9 sur l’immunogénicité des antigènes de la diphtérie, du tétanos et de la coqueluche. Les auteurs ont noté une concentration réduite des anticorps dirigés contre l’anatoxine tétanique, bien qu’elle dépassât la concentration censée conférer une protection contre le tétanos.

[129] En 2003, Anderson et coll. ont publié les résultats de leurs études sur l’utilisation de plusieurs vecteurs pour réduire le risque de SEIP. Ils ont découvert que la conjugaison d’un VPC‑4 avec un mélange d’AT et de CRM197 donnait une meilleure réponse immunitaire que l’utilisation d’une protéine vectrice unique.

[130] En 2004, le Dr Dagan a collaboré à la rédaction d’une publication sur les résultats d’études réalisées sur le VPC‑11 de Sanofi en utilisant deux vecteurs, AT et AD. Selon le Dr Dagan, ils ont observé des interférences avec le vaccin conjugué TT lorsque le VPC‑11 était administré avec d’autres vaccins destinés aux nourrissons. La crainte que cela se produise également si les onze sérotypes étaient conjugués avec l’AD seulement a conduit Sanofi à mettre fin à la fabrication de son VPC‑11. Le Dr Dagan et ses co‑auteurs (des employés de Sanofi) ont conclu comme suit :

[traduction]

Cette étude illustre l’importance d’évaluer les nouveaux vaccins avec des vaccins administrés simultanément qui sont susceptibles d’être administrés ensemble lorsqu’ils sont homologués. Avec l’utilisation croissante du vaccin aP dans les pays développés et la nécessité de fournir de plus en plus de vaccins au cours de la première année de vie, des approches nouvelles et innovantes aux adjuvants et à la technologie des protéines vectrices seront probablement nécessaires.

(Dagan 2004, page 5391.)

[131] Toutes ces études ont amené le Dr Dagan à témoigner qu’un ensemble de données scientifiques probantes s’est dégagé à l’époque : une interférence immunitaire se produisait. Bien qu’elle ne fût pas encore entièrement comprise, on savait qu’à mesure que la quantité de protéines vectrices administrée dans un vaccin augmentait, des effets néfastes sur l’immunogénicité de l’antigène survenaient. Il y avait une incertitude dans le domaine quant à la façon dont l’interférence immunitaire allait se répercuter sur l’immunogénicité des vaccins lorsque les VPC étaient co‑administrés, en particulier lors de l’augmentation du nombre de sérotypes dans un VPC au‑delà de sept à neuf ou plus, tous étant conjugués à une même protéine vectrice.

[132] Merck affirme que l’interférence immunitaire n’aurait pas été pertinente pour la PVA, mais la position de Merck n’est pas soutenue par le contre‑interrogatoire du Dr Paton. Ce dernier a admis lors du contre‑interrogatoire que Plotkin 2004 avait directement soulevé la question de l’interférence immunitaire et que, de plus, les opinions de Plotkin sur le sujet étaient représentatives de l’état de la technique.

[133] Merck soutient qu’aucun problème d’interférence immunitaire cliniquement pertinent n’a été signalé pour la CRM197 et que ce tribunal ne devrait pas tenir compte de l’interprétation d’Obaro 2002 par le Dr Dagan parce qu’il possède des connaissances supérieures à la moyenne en tant que « père de l’interférence immunitaire ». Je ne suis pas de cet avis. Le Dr Dagan a répété à plusieurs reprises au cours de son contre‑interrogatoire qu’il avait compris son devoir de se mettre à la place de la PVA et de témoigner de ce que cette dernière aurait su et aurait apprécié à l’époque.

c) Combler l’écart

[134] Merck insiste beaucoup sur le fait que le Dr Ravenscroft a concédé ce qui suit lors du contre‑interrogatoire, lorsque les questions sont décomposées et isolées :

Ÿ Les treize sérotypes en cause faisaient tous partie du vaccin Pneumovax 23;

Ÿ Ils étaient tous de structure connue;

Ÿ Ils étaient tous connus pour provoquer une réponse immunogène avant la conjugaison;

Ÿ On s’attendrait à ce qu’ils déclenchent une réponse immunitaire si la personne versée dans l’art conjuguait ces treize sérotypes dans un vaccin 13‑valent avec la CRM;

Ÿ Quelle que soit l’ampleur de la protection croisée, la maladie résistante à la pénicilline a été laissée de côté par le sérotype 19F contenu dans Prevnar 7;

(Transcription du procès, Volume 8, pages 1051‑1060.)

[135] Merck déclare également que, [traduction] « bien que vous ne puissiez pas comparer directement les études avec des VPC de 5 à 7 ou 9 valents pour conclure qu’il n’y a pas de perte d’immunogénicité, les scientifiques acceptent qu’il n’y ait pas d’impact négatif sur l’immunogénicité puisque cela n’est pas réfuté ». Il est peut‑être vrai que [traduction] « les scientifiques font une drôle de chose [...] Ils supposent que quelque chose est vrai jusqu’à ce que cela soit réfuté. […] C’est ainsi que la théorie de l’hypothèse fonctionne dans [leur] domaine » (Transcription du procès, Volume 8, page 1023, lignes 10‑15). Cependant, il n’en va pas de même dans le domaine du droit. La partie à laquelle incombe le fardeau de prouver un fait doit produire des preuves positives capables de convaincre la Cour que, selon la prépondérance des probabilités, le fait est exact.

[136] Il incombait à Merck d’apporter la preuve que la différence entre l’idée originale des revendications relatives à la composition et l’état de la technique était évidente pour la PVA.

[137] À la lumière des connaissances générales courantes, je ne pense pas que Merck se soit acquittée de son fardeau de prouver que la PVA se serait attendu à ce que le VPC 13‑valent conjugué à la CRM197 soit immunogène. Le fait que les six sérotypes absents du Prevnar 7 étaient connus pour être immunogènes parce que chacun d’entre eux était inclus, sous forme non conjuguée, dans l’un ou l’autre des Pneumovax® 14 et Pneumovax® 23, ou dans les deux, n’aide pas Merck. Les éléments de preuve montrent que la conjugaison est une entreprise complexe; ils montrent également que les rapports de plus en plus nombreux sur l’interférence immunitaire auraient pu dissuader la personne versée dans l’art d’opter pour un VPC 13‑valent entièrement conjugué à la CRM197.

[138] Je suis donc d’accord avec Wyeth pour dire que la composition des revendications indépendantes 1 et 17 n’a pas été trouvée dans l’art antérieur. L’état de la technique ne comprenait pas de composition immunogène comprenant 13 conjugués pneumococciques individuels (dont 6A et 19A) utilisant la CRM197 comme protéine vectrice unique. Il s’ensuit que les revendications relatives à la composition 2‑5, 18 et 19, qui dépendent directement ou indirectement des revendications 1 et 17, par l’ajout d’un adjuvant (ou d’un ou plusieurs adjuvants spécifiques), n’était pas non plus évidente à la date de priorité. La même chose peut être dite pour les revendications d’utilisation 6 et 22 à 30.

d) Essai allant de soi de fabriquer un conjugué du sérotype 13 à la CRM197

[139] Dans les domaines où les progrès sont souvent le fruit de l’expérimentation – comme l’industrie pharmaceutique – le critère de l’évidence comporte également l’examen de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art de tenter d’arriver à l’invention (Sanofi, au paragraphe 68). Conclure qu’une invention résulte d’un « essai allant de soi » c’est conclure qu’il allait plus ou moins de soi de tenter d’arriver à l’invention. L’un des facteurs de l’analyse consiste à déterminer si l’essai sera fructueux; toutefois, il ne s’agit pas d’une exigence formelle (Hospira, au paragraphe 90). Pourtant, la seule possibilité d’obtenir quelque chose ne suffit pas (Sanofi, au paragraphe 66).

[140] Dans le même ordre d’idées, dans l’arrêt Sanofi, la Cour suprême a donné les indications suivantes concernant le quatrième volet du critère de l’évidence :

[69] Lorsque l’application du critère de l’« essai allant de soi » est justifiée, les éléments énumérés ci‑après doivent être pris en compte à la quatrième étape de l’examen de l’évidence. Comme pour l’antériorité, cette liste n’est pas exhaustive. Les facteurs s’appliqueront en fonction des preuves dans chaque cas.

1. Est‑il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe‑t‑il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

2. Quels efforts — leur nature et leur ampleur — sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont‑ils courants ou l’expérimentation est‑elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

3. L’art antérieur fournit‑il un motif de rechercher la solution au problème qui sous‑tend le brevet?

[70] Les mesures concrètes ayant mené à l’invention peuvent constituer un autre facteur important. Il est vrai que l’évidence tient en grande partie à la manière dont l’homme du métier aurait agi à la lumière de l’art antérieur. Mais on ne saurait pour autant écarter l’historique de l’invention, spécialement lorsque les connaissances des personnes qui sont à l’origine de la découverte sont au moins égales à celles de la personne versée dans l’art.

[141] Au cours d’un long et pénible contre‑interrogatoire, le Dr Ravenscroft a fait quelques concessions cruciales :

[traduction]

Ÿ La personne versée dans l’art aurait su que Wyeth avait testé un vaccin 11‑valent (9‑valent plus deux autres) tous conjugués avec la CRM197 lors d’essais précliniques, pendant plus de deux ans;

  • · Nurkka 2004, une étude sur l’immunogénicité du vaccin 11‑valent de GSK conjugué à une seule protéine vectrice D, a révélé que le 11‑valent était immunogène (sauf pour le sérotype 3) et sans danger pour les nourrissons;

  • · À l’époque, Wyeth, Merck et GSK utilisaient une seule protéine vectrice, bien que GSK soit passé aux protéines vectrices multiples plus tard. Seule Aventis/Sanofi utilisait plusieurs protéines vectrices – une approche qu’ils ont ensuite abandonnée au profit d’une approche qui fait appel à une seule protéine, qu’ils ont également abandonnée;

  • · Un 11‑valent a été obtenu avec la protéine D, mais puisque la CRM197 est présente dans d’autres vaccins pour enfants, il est difficile de supposer qu’un 13‑valent obtenu avec la CRM197 fonctionnerait sans interférence immunitaire;

  • · Cependant, la personne versée dans l’art aurait tenté d’obtenir une valence plus élevée, en faisant preuve de prudence, mais aussi d’un optimisme inébranlable;

  • · Il y avait un manque apparent de protection croisée entre les sérotypes 19F et 19A, comme il a été observé précédemment avec les vaccins avec polysaccharide seulement.

[142] Wyeth tente d’atténuer les concessions du Dr Ravenscroft et ajoute que, quoi qu’il en soit, aucune concession de ce type n’a été faite en ce qui concerne les revendications d’utilisation.

[143] À mon avis, on peut prétendre que les concessions du Dr Ravenscroft permettent à Merck de satisfaire aux premier et troisième volets du critère d’essai allant de soi. Il était plus ou moins évident que ce qui serait essayé devrait fonctionner et l’art antérieur fournissait un motif de rechercher la solution au problème qui sous‑tend le brevet. La preuve montre que tous ceux qui travaillaient sur les vaccins pneumococciques multivalents utilisaient essentiellement les mêmes sérotypes, conjugués à un nombre limité de protéines vectrices connues de la PVA.

[144] Toutefois, et en considérant à nouveau l’ensemble de la preuve à la lumière de la personne qui a le fardeau de la preuve, y compris le comportement de Wyeth, je ne suis pas convaincue que la PVA aurait réalisé l’invention sans une expérimentation longue et ardue.

[145] Merck fait valoir que la PVA du brevet 363 a de l’expérience dans la fabrication de conjugués et de vaccins conjugués. Par conséquent, la PVA n’aurait pas de difficultés techniques. Je ne suis pas de cet avis.

[146] Premièrement, les mêmes observations que celles faites précédemment concernant le caractère réalisable peuvent être faites ici. Il a fallu à Wyeth des années de recherche et d’essais cliniques pour mettre au point Prevnar® 13. Le procédé de développement conjugué est complexe et est influencé par de nombreuses variables comme : la structure du polysaccharide, la longueur de la chaîne polysaccharidique, l’utilisation d’un lieur, la protéine vectrice, le rapport polysaccharide/protéine, la manière dont le polysaccharide est activé et conjugué à la protéine vectrice, et les conditions de conjugaison (pH, température, temps, réactifs, etc.). |||||||| |||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||| Le projet était le point culminant du travail de |||||||||||||| sur les VPC et n’a été possible que grâce à la vaste expertise que Wyeth a développée au fil du temps.

[147] Deuxièmement, la PVA n’avait pas la vaste expérience que Wyeth avait de la CRM197, et la PVA n’aurait peut‑être pas adopté une solution à vecteur unique aussi rapidement que Wyeth. De plus, la PVA a peut‑être rencontré plus de difficultés que Wyeth. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| La technique révèle que six vecteurs principaux ont été envisagés. Le PVA aurait pu choisir n’importe lequel d’entre eux ou une combinaison de ceux‑ci. Par exemple, Aventis Pasteur avait utilisé deux protéines vectrices. GSK utilisait trois protéines vectrices. Il y avait cinq chimies de conjugaison possibles, et ni Aventis Pasteur ni Merck n’ont utilisé le procédé d’amination réductrice. Cela signifie qu’il a fallu beaucoup d’expérimentation et d’optimisation pour chaque sérotype afin d’obtenir une composition permettant de produire un vaccin conjugué 13‑valent immunogène. À mon avis, il est peu probable que la PVA aurait réalisé l’invention plus rapidement que Wyeth, sans le bénéfice de la perspicacité, et sans une expérimentation longue et ardue.

[148] Troisièmement, Wyeth souligne à juste titre le fait que, pendant que ses principaux concurrents travaillaient sur un PCV 11‑valent, Wyeth a devancé ses concurrents et a révélé qu’elle fabriquait une composition immunogène 13‑valent avec une seule protéine vectrice. La plupart des experts ont admis au cours du contre‑interrogatoire qu’il est possible que les concurrents aient abandonné leur projet 11‑valent pour des raisons commerciales. Évidemment, si l’on ne tient pas compte de ce qui a motivé leur décision, il s’agit d’une concession facile et tout à fait triviale. Le fait est qu’aucun de ces produits ne soit entré sur le marché. J’ajouterai qu’il a fallu à Merck un peu plus d’une décennie pour mettre au point son PCV 15‑valent, augmentant pour la première fois la couverture sérologique fournie par Prevnar® 13. Merck affirme fièrement qu’après des années de développement clinique, il dispose d’un nouveau et meilleur vaccin : V114.

[149] Malgré la tentative habile de Merck de décomposer et de simplifier l’invention divulguée par le brevet de composition, elle n’a pas convaincu la Cour que, selon la prépondérance des probabilités, le développement d’une composition conjuguée immunogène multivalente contenant des polysaccharides avec 13 sérotypes de pneumocoques spécifiés, chacun conjugué individuellement à la CRM197, aurait été un travail de routine pour la PVA. Par conséquent, la contestation de Merck à l’égard des revendications relatives à la composition doit être rejetée.

(5) Évidence des revendications relatives aux méthodes/procédés de fabrication

[150] L’idée originale des revendications relatives aux méthodes/procédés de fabrication (revendications 13‑14 et 36‑38) est constituée par les éléments des revendications elles‑mêmes. Les revendications indépendantes 13, 36 et 38 incorporent l’idée originale des revendications 1 et 17; elles concernent généralement les compositions des revendications 1 ou 17 avec les caractéristiques et limitations supplémentaires fournies par chaque revendication. Les idées originales des revendications 13‑14 et 36‑38 se rapportent à des méthodes ou à des procédés de fabrication des compositions en suivant les étapes particulières énoncées dans les revendications.

[151] Les revendications 13 à 14 concernent des méthodes générales de fabrication de la composition immunogène multivalente de la revendication 1. La revendication 14 précise en outre que la conjugaison est effectuée par un procédé d’amination réductrice.

[152] Les revendications 36 à 38 divulguent des procédés généraux de préparation de la composition immunogène multivalente de la revendication 1. La revendication 37 précise en outre que la conjugaison est effectuée par un procédé d’amination réductrice. La revendication 38 précise qu’après la purification des conjugués, ceux‑ci sont mélangés pour formuler la composition immunogène.

[153] Comme j’ai conclu que les revendications 1 et 17 n’étaient ni « évidentes » ni liées à « des essais allant de soi », je suis également d’avis que l’invention divulguée dans les revendications relatives aux méthode/procédés de fabrication n’aurait pas été réalisée par la PVA sans une expérimentation longue et ardue. Par conséquent, elle ne résultait pas d’un « essai allant de soi ».

I. Portée excessive/Inutilité

[154] Merck affirme que, dans la mesure où la Cour conclut que les revendications contestées (autres que la revendication 17 et ses revendications dépendantes) couvrent des compositions ayant plus de 13 sérotypes, ces revendications sont invalides en raison de la portée excessive et de l’absence d’utilité.

[155] Étant donné que j’ai conclu, à la section II F) des présents motifs, que la revendication 1 du brevet 363 est limitée à 13 sérotypes et qu’elle ne divulgue aucune « plateforme » pour la fabrication d’un vaccin ayant une couverture plus large, il n’est pas nécessaire que j’examine ces limitations supplémentaires de l’étendue du monopole revendiqué par Wyeth.

III. Les brevets relatifs à la formulation

[156] Le brevet canadien no 2,650,056 [brevet 056] est intitulé « Nouvelles formulations stabilisant et inhibant la précipitation de compositions immunogènes ». Il a été déposé le 19 avril 2007 et revendique la priorité sur le brevet américain 60/795,261 daté du 26 avril 2006. Le brevet 056 a été délivré le 16 juillet 2013 et n’a pas expiré.

[157] Le brevet canadien no 2,803,111 [brevet 111] est également intitulé « Nouvelles formulations stabilisant et inhibant la précipitation de compositions immunogènes ». Il s’agit d’une demande divisionnaire du brevet 056. Il a été déposé le 19 avril 2007, il revendique également la priorité sur le brevet américain 60/795,261 daté du 26 avril 2006. Le brevet 111 a été délivré le 16 juin 2015 et n’a pas expiré.

[158] Le brevet 056 et le brevet 111 sont désignés ensemble comme les brevets de formulation.

A. Les questions relatives aux brevets de formulation

[159] Merck affirme que les revendications 1‑3, 6‑15, 17‑24 et 29‑38 du brevet 056, ainsi que les revendications 1‑12 et 16‑28 du brevet 111 [les revendications contestées] sont invalides pour anticipation, évidence et double brevet.

[160] Merck soulève donc quatre questions principales concernant les brevets relatifs à la formulation :

(1) Quelle est l’interprétation correcte des revendications contestées?

(2) Les revendications contestées sont‑elles antériorisées par le brevet de Chiron?

(3) Les revendications contestées sont‑elles évidentes?

(4) Les revendications contestées sont‑elles invalides pour cause de double brevet?

B. Les témoins des brevets relatifs à la formulation

(1) L’historique des brevets relatifs à la formulation

[161] La Dre Lakshmi Khandke est le témoin de fait de Wyeth et l’un des inventeurs des brevets relatifs à la formulation. Elle a travaillé sur la formulation des vaccins chez Wyeth pendant plus de 20 ans et a une connaissance directe de l’historique de l’invention des brevets de formulation.

[162] La Dre Khandke a expliqué l’historique du travail de Wyeth avec différentes formulations de vaccins, les essais de stabilité entrepris par Wyeth et son expérience avec les seringues préremplies. Elle a fourni des preuves détaillées de la façon dont les formulations du vaccin 13‑valent ont été mises au point, des problèmes d’agrégation qui ont été rencontrés et des solutions qui ont été étudiées et finalement déployées.

[163] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

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(2) L’expert de Merck

[166] Le Dr Nikolai Petrovsky est un expert en formulation et est médecin. Il est titulaire d’un doctorat en immunologie et en vaccinologie de l’Institut de recherche médicale Walter et Eliza Hall de l’Université de Melbourne. Il est expert en excipients de vaccins et travaille à la mise au point de nouveaux adjuvants qui nécessitent de reformuler les vaccins. À ce titre, il a travaillé à la formulation de plusieurs vaccins, notamment des vaccins conjugués polysaccharide‑protéine, ainsi que des vaccins contre des maladies allant de la grippe porcine au cancer et de l’herpès au SRAS, et plus récemment, la COVID‑19.

[167] Wyeth affirme que le Dr Petrovsky a un [traduction] « pedigree peu orthodoxe » et qu’il a induit le tribunal en erreur lorsqu’il a déclaré que [traduction] « des surfactants étaient utilisés dans de nombreuses formulations commerciales de vaccins conjugués à des protéines et à des polysaccharides », mais qu’un seul des 16 produits figurant sur une liste qu’il a produite pour le tribunal était un vaccin conjugué avec un surfactant. Cependant, à part quelques incohérences, il a pu étayer ses opinions lors du contre‑interrogatoire. En fait, la principale attaque de Wyeth contre la crédibilité du Dr Petrovsky a porté sur ses opinions concernant les origines de la COVID‑19 et ses opinions politiques concernant le Parti communiste chinois, ainsi que sur la formulation spécifique de son rapport.

(3) L’expert de Wyeth

[168] Le Dr Mark C. Manning est un formulateur pharmaceutique titulaire d’un doctorat en chimie de la Northwestern University. Il a publié des articles sur les surfactants, la stabilité des protéines et les formulations pharmaceutiques et il enseigne à d’autres scientifiques comment formuler des compositions. Les fabricants font régulièrement appel à lui pour résoudre des problèmes de formulation.

[169] Merck souligne le fait qu’il n’a pas publié un seul article sur les vaccins conjugués polysaccharide‑protéine, ni sur les vaccins en général. Merck souligne également les incohérences révélées lors de son contre‑interrogatoire et affirme que le Dr Manning [traduction] « pensait davantage à l’impact que ses réponses auraient sur le litige qu’à son rôle d’expert indépendant ». Il a fait quelques concessions lors du contre‑interrogatoire.

C. La personne versée dans l’art des brevets relatifs à la formulation

[170] Nul ne conteste que la PVA à laquelle s’adressent les brevets relatifs à la formulation est un formulateur compétent ayant une expertise en matière de protéines. Cependant, le Dr Manning croit que la PVA aurait une expérience plus spécifique des formulations de vaccins.

[171] Wyeth affirme que la suggestion du Dr Petrovsky selon laquelle la PVA n’a besoin que d’expérience en matière de formulation de protéines n’a guère de sens dans le contexte de son rapport. Après tout, ses connaissances générales courantes sont entièrement axées sur les vaccins et ses mandats sont axés sur les vaccins.

[172] Cependant, Wyeth ignore une partie du témoignage du Dr Petrovsky au procès, lorsqu’il a expliqué sa position :

[traduction]

Cette personne doit donc avoir une expérience des formulations à base de protéines, être titulaire d’un doctorat ou d’une maîtrise, mais pas essentiellement, et avoir une expérience professionnelle pertinente, généralement dans la formulation de compositions à base de protéines, qu’il s’agisse de protéines thérapeutiques ou de protéines vaccinales.

(Transcription du procès, Volume 4, page 648, lignes 1‑6.)

[173] En d’autres termes, la PVA du DPetrovsky possède une expertise plus large qui subsume le champ d’expertise spécifique recommandé par le Dr Manning. Le Dr Petrovsky a expliqué pourquoi il préfère une approche plus large :

[traduction]

Parce que je pense que les problèmes que nous rencontrons dans la formulation tournent beaucoup autour des molécules de base qui, en l’espèce, sont les protéines. Et par conséquent, il serait trop restrictif de dire qu’il s’agit de quelqu’un qui ne travaille que sur des vaccins. D’après mon expérience, un grand nombre des personnes que j’emploie pour la formulation et qui sont des techniciens travaillant avec moi viennent souvent d’un milieu où leur expérience antérieure était dans le domaine des protéines thérapeutiques. Et donc, vous savez, ces personnes vont et viennent.

Ce n’est pas qu’il y ait une profession de formulateurs de vaccins et une profession différente de formulateurs de protéines. Je pense, comme nous l’ont dit divers experts dans leurs rapports, qu’un grand nombre de personnes qui travaillent dans ce domaine réalisent 90 % ou plus de leur travail dans le domaine des protéines, et même des protéines thérapeutiques, mais pas autant dans celui des vaccins.

L’essentiel du travail se fait donc dans le domaine de la formulation des protéines, et les personnes qui ont ces connaissances sont généralement des formulateurs de protéines.

(Transcription du procès, Volume 5 Confidentiel, page 84, ligne 23, à la page 85, ligne 14.)

[174] À mon avis, l’approche du Dr Petrovsky est logique à la fois intrinsèquement et dans le contexte de l’ensemble de son témoignage. La PVA des brevets relatifs à la formulation a une expérience générale dans la formulation de compositions à base de protéines, à la fois des protéines thérapeutiques et des protéines vaccinales.

D. Les brevets relatifs à la formulation – Interprétation des revendications

[175] La position de Merck sur l’élaboration des revendications est que le brevet 056 contient une revendication d’une préparation stable (y compris la stabilité physique et chimique), et rien d’autre. Dans son rapport, le Dr Petrovsky déclare ce qui suit au paragraphe 151 :

[traduction]

Le terme « stabiliser » n’est pas précisément défini dans le brevet 056, mais il fait référence à la fois à la stabilité chimique (p. ex. l’hydrolyse des saccharides, la dépolymérisation des polysaccharides, la protéolyse ou la fragmentation des protéines) ainsi qu’à la stabilité physique/thermique de la composition immunogène (p. ex. agrégation, précipitation, adsorption). Aucun degré particulier de stabilité n’est requis pour que cette revendication tienne, et la personne qualifiée comprendrait que la réduction ou l’inhibition de l’agrégation relèverait de la définition d’une préparation qui stabilise un conjugué protéine‑polysaccharide.

[Note de bas de page omise.]

[176] En plus de s’opposer à l’interprétation de la limitation de la « stabilité physique seulement », Merck souligne le seul cas où des brevets de préparation (à la section Contexte de l’invention) fait référence à la stabilité chimique :

Ainsi, lors du développement d’une préparation pour une composition immunogène, de nombreux facteurs doivent être pris en compte pour faire en sorte que le produit soit sûr, stable, robuste et rentable. De telles considérations comprennent, sans s’y limiter, la stabilité chimique de la composition immunogène (p. ex. l’hydrolyse des saccharides, la dépolymérisation des polysaccharides, la protéolyse dans la fragmentation des protéines), la stabilité physique/thermique de la composition immunogène (p. ex. l’agrégation, la précipitation, l’adsorption).

(TX 1, page 2, lignes 12‑17.)

[Non souligné dans l’original.]

[177] En ce qui concerne le brevet 111, Merck affirme qu’il revendique un contenant en silicone comprenant certains ingrédients spécifiques, et rien d’autre.

[178] Wyeth, en revanche, ne fait pas de distinction entre les brevets de formulation et soutient plutôt que la PVA comprendrait que les brevets de formulation traitent spécifiquement de la stabilité physique, qui fait référence à l’inhibition de l’agrégation/la précipitation, y compris la précipitation induite par l’huile de silicone. Le Dr Manning estime qu’une interprétation équitable des brevets de formulation montre clairement que les inventions sont destinées à l’inhibition de la précipitation et non à la stabilité de manière plus générale. Il fait référence aux termes clairs utilisés pour décrire le domaine de l’invention et qui sont répétés tout au long des brevets de formulation :

[traduction]

La présente invention concerne généralement les domaines de l’immunologie, de la bactériologie, de la formulation de vaccins, de la stabilité des protéines et du développement de procédés. Plus particulièrement, l’invention concerne de nouvelles formulations qui inhibent la précipitation des compositions immunogènes.

(voir TX 1, page 1, lignes 12‑15.)

[179] Dans l’interprétation des revendications d’un brevet, le recours à la partie divulgation du mémoire descriptif n’est autorisé que pour aider à comprendre les termes utilisés dans les revendications. Il est exclu lorsque les termes de la revendication sont clairs et sans ambiguïté, et est inapproprié pour modifier la portée ou l’étendue des revendications (Mylan Pharmaceuticals ULC c. Eli Lilly Canada Inc, 2016 CAF 119, au paragraphe 39 [Mylan]).

[180] La partie divulgation du brevet 056 et celle du brevet 111 sont identiques. Les deux brevets sont intitulés « Nouvelles formulations stabilisant et inhibant la précipitation de compositions immunogènes ».

[181] À la section « Contexte de l’invention », les inventeurs déclarent que [traduction] « l’amélioration de la stabilité d’une composition immunogène (p. ex. un immunogène protéique, un conjugué polysaccharide‑protéine) est un objectif nécessaire et hautement souhaitable » et que les publications portent à croire que l’huile de silicone, [traduction] « une composante nécessaire des seringues en plastique », pourrait être responsable de l’agrégation/la précipitation observée dans diverses préparations pharmaceutiques à base de protéines. Dans cette même section, les inventeurs précisent que l’huile de silicone, en plus d’être une [traduction] « composante nécessaire des seringues en plastique », est utilisée aux fins suivantes : i) comme revêtement pour les flacons en verre afin de minimiser l’adsorption des protéines, ii) comme lubrifiant pour empêcher la formation de conglomérats sur les pistons en caoutchouc pendant le remplissage, iii) comme lubrifiant essentiel pour assurer la capacité de traitement/usinabilité des bouchons en verre et en élastomère, et iv) comme lubrifiant pour faciliter la pénétration de l’aiguille dans les bouchons en caoutchouc des flacons.

(1) Le brevet 056

[182] La revendication 1 est la seule revendication indépendante du brevet 056 :

Une préparation qui stabilise un conjugué polysaccharide‑protéine, la préparation comprenant (i) une solution physiologique au pH tamponnée, dans laquelle le tampon a un pKa d’environ 3,5 à environ 7,5, (ii) un surfactant et (iii) un ou plusieurs conjugués polysaccharides‑protéines.

[183] Je suis d’accord avec Merck pour dire que le terme « stabilise » n’est pas limité dans les revendications. Les inventeurs auraient pu limiter les revendications à la stabilité physique, mais ils ont choisi de ne pas le faire. Je pense cependant qu’il s’agit d’un cas où le recours à la partie divulgation du mémoire descriptif aide à comprendre le terme « stabilise » tel qu’il est utilisé dans les revendications. Le domaine de l’invention déclare : [traduction] « l’invention concerne de nouvelles formulations inhibant la précipitation de compositions immunogènes ». Cette déclaration est répétée dans le titre, le contexte, le résumé de l’invention, la description détaillée de l’invention et les exemples. À mon avis, la PVA aurait clairement compris que, lues dans leur ensemble, les revendications du brevet 056 visaient une formulation qui stabilise physiquement et inhibe la précipitation de compositions immunogènes.

[184] Je suis également d’avis avec Wyeth que les revendications sont limitées à la [traduction] « stabilité contre l’agrégation/la précipitation ». Je suis du côté de Wyeth sur ce point pour la même raison que précédemment : les inventeurs indiquent clairement tout au long du brevet que l’invention concerne de « nouvelles formulations stabilisant et inhibant la précipitation de compositions immunogènes ». À mon avis, cela revient à dire que l’invention revendique des formulations qui stabilisent en inhibant la précipitation.

[185] Cependant, je suis d’accord avec Merck pour dire que les revendications comprennent la précipitation causée par tout facteur.

[186] Les brevets de la préparation stipulent que les termes « agrégation » et « précipitation » peuvent être utilisés l’un pour l’autre et désignent [traduction] « toute interaction physique ou réaction chimique qui entraîne l’“agrégation“ d’un conjugué polysaccharide‑protéine ». Le brevet fournit une liste non exhaustive de facteurs qui peuvent provoquer des précipitations/agrégations, notamment les forces de cisaillement, l’agitation du transport, les interactions avec l’huile de silicone, l’adsorption, la température et l’humidité. En fait, le Dr Manning a l’admis sans hésiter lors du contre‑interrogatoire :

[traduction]

Q. Et si vous allez à la page 15, nous voyons que les inventeurs précisent à quoi sert l’invention. Et à la page 15 où on lit « ainsi »…

« Ainsi, l’invention est telle qu’énoncée dans les présentes et concerne de nouvelles préparations qui stabilisent et inhibent l’agrégation ou la précipitation de compositions immunogènes telles que des conjugués protéines‑polysaccharides ou des immunogènes protéiques provoquées par différents facteurs qui influencent la stabilité des compositions immunogènes ».

Voyez‑vous cela?

R. Oui.

Q. Il stabilise et inhibe donc l’agrégation ou la précipitation provoquée par différents facteurs qui influencent la stabilité des compositions immunogènes, et ils précisent certains de ces facteurs qui peuvent influencer la stabilité des compositions immunogènes (ou en donnent au moins des exemples) et ceux‑ci comprennent les forces de cisaillement, l’agitation au cours du transport, les interactions avec l’huile de silicone, l’absorption (sic), les procédés de fabrication, la température, l’humidité, le temps écoulé entre la fabrication et l’utilisation, etc.

C’est donc une liste non exhaustive de facteurs qui influencent la stabilité des compositions immunogènes, n’est‑ce pas?

R. C’est une liste de différents facteurs de stress qui pourraient causer des problèmes, c’est exact.

Q. Et les inventeurs nous disent que l’invention a pour but de créer de nouvelles préparations qui stabilisent et inhibent l’agrégation ou la précipitation provoquée par ces différents facteurs, n’est‑ce pas?

R. Oui. Contre – oui, contre l’agrégation ou la précipitation qui pourraient être causées par l’un de ces facteurs de stress.

Q. Et l’huile de silicone est l’un de ces facteurs, mais pas le seul, n’est‑ce pas?

R. Dans cette liste, elle est citée parmi d’autres, c’est exact.

(Transcription du procès, Volume 11, page 1475, ligne 23, à la page 1477, ligne 2)

[187] Je conclus donc que le brevet 056 revendique de nouvelles formulations qui stabilisent et inhibent l’agrégation/la précipitation de compositions immunogènes, causées par tout facteur.

(2) Le brevet 111

[188] La revendication 1 est également la seule revendication indépendante du brevet 111. On y lit :

[traduction]

Un contenant en silicone rempli d’une préparation comprenant (i) une solution physiologique au pH tamponné, dans laquelle le tampon a un pKa d’environ 3,5 à environ 7,5, (ii) un sel d’aluminium et (iii) un ou plusieurs conjugués polysaccharides‑protéines comprenant un ou plusieurs polysaccharides pneumococciques.

[189] Le brevet 111 contient des revendications concernant un contenant en silicone rempli d’une préparation comprenant un tampon, un sel d’aluminium et un ou plusieurs conjugués polysaccharides‑protéines comprenant un ou plusieurs polysaccharides pneumococciques.

[190] Wyeth demande à la Cour d’interpréter le brevet 111 pour revendiquer une préparation stable qui empêche la précipitation, tout comme elle l’a fait pour le brevet 056. Malgré le fait que la revendication ne fait aucune mention de la stabilité ou de la prévention de l’agrégation, le Dr Manning estime qu’elle est représentée dans la revendication par les mots [traduction] « sel d’aluminium ». De l’avis du Dr Manning, [traduction] « elle [la personne versée dans l’art] aurait compris, sur la base de la description fournie, que le sel d’aluminium sert à stabiliser le ou les conjugués polysaccharides‑protéines pour éviter l’agrégation induite par l’huile de silicone ». (Rapport du Dr Manning, alinéa 243b))

[191] Je suis d’accord avec Merck pour affirmer que le brevet 111 contient une revendication d’une préparation dans un contenant en silicone comprenant des excipients particuliers. Il n’est pas fait mention de la stabilité ou de la stabilisation d’une préparation consistant à empêcher la précipitation.

[192] Quoi qu’il en soit, je suis également d’accord avec Merck pour affirmer que, dans la mesure où le brevet 111 contient une revendication d’une préparation qui se stabilise pour éviter la précipitation, la personne versée dans l’art comprendrait qu’elle protège de la précipitation causée par toute interaction physique. Bien que le Dr Manning ait exprimé une opinion contraire dans son rapport, il a révisé sa position au procès :

[traduction]

Q. Je vous suggérerais, sur la base de ce que nous venons de lire dans le brevet et de la définition de l’agrégation que nous avons vue, que si une personne qualifiée lisait le concept inventif de la revendication concernant l’inclusion d’un sel d’aluminium qui stabilise les conjugués pour éviter l’agrégation, il ne va pas se limiter à l’agrégation induite par l’huile de silicone, mais plutôt à la stabilisation des conjugués visant à éviter tout type d’agrégation, ou toute cause d’agrégation. Vous êtes d’accord?

R. Oui. J’ai déclaré ce que vous avez dit, et à d’autres endroits et j’aurais probablement dû faire plus attention.

Q. On devrait donc comprendre à la lecture du brevet 056 que le sel d’aluminium stabilise les conjugués pour éviter l’agrégation?

R. Et plus particulièrement, l’agrégation induite par l’huile de silicone. Je pense que c’est comme ça que je l’ai exprimé plus tôt, oui.

Q. Mais cela ne se limite pas à la stabilisation des conjugués pour éviter l’agrégation induite par l’huile de silicone. Ce n’est qu’un exemple. C’est exact?

R. C’est un exemple.

Q. Cela comprendrait également l’agrégation causée par d’autres facteurs énoncés dans le brevet, par exemple. Oui?

R. Oui. Comme nous en avons déjà parlé, la personne compétente comprendrait qu’il existe d’autres facteurs de stress qui pourraient mener au processus d’agrégation.

Q. Et l’un de ces facteurs de stress est que l’agrégation – que le concept inventif de la revendication dans 111 – comprendrait une agrégation causée par, par exemple?

R. C’est ce que les inventeurs énumèrent, oui.

(Transcription du procès, Volume 11, page 1492, ligne 13, à la page 1493, ligne 16.)

E. L’antériorité : les brevets de formulation par rapport au brevet Chiron

[193] Comme nous l’avons déjà mentionné, un brevet est antériorisé si l’objet de ses revendications a été divulgué et réalisé avant la date de la revendication, dans un seul élément de l’art antérieur.

(1) Le brevet de Chiron

[194] Merck affirme qu’en date du 26 avril 2006, le brevet Chiron WO 03/009869, déposé le 22 juillet 2002 et publié en anglais le 6 février 2003 [brevet Chiron], antériorisait l’objet de certaines revendications figurant dans les brevets de formulation ‑ en particulier les revendications 1 à 3, 6 à 12, 15, 17, 21 à 24 et 29 à 38 du brevet 056 ainsi que les revendications 1 à 7, 9 à 12, 16 à 17 et 22 à 28 du brevet 111.

[195] Le titre du brevet de Chiron est [traduction] « Vaccins comprenant des adjuvants d’aluminium et de l’histidine ». Son résumé indique que [traduction] « [a]fin d’améliorer la stabilité des vaccins comprenant des sels d’aluminium, l’invention utilise l’acide aminé histidine. Cela peut améliorer la stabilité du pH et l’adsorption d’adjuvant et peut être [sic] réduire l’hydrolyse de l’antigène. L’histidine est de préférence présente [sic] pendant l’adsorption par le ou les sels d’aluminium. L’antigène dans le vaccin peut être une protéine ou un saccharide et provient de préférence de N. meningitidis ».

[196] Les inventeurs divulguent le fait qu’ils ont pu obtenir une préparation stable en découvrant que [traduction] « l’acide aminé histidine améliore la stabilité des vaccins qui comprennent des adjuvants de sel d’aluminium » (Brevet de Chiron, page 1, lignes 31‑32). Les inventeurs précisent que [traduction] « [l]’invention fournit ainsi une composition comprenant un antigène, un sel d’aluminium et de l’histidine » (Brevet de Chiron, page 2, ligne 1).

(2) Divulgation

[197] Merck soutient que tous les éléments essentiels des brevets de préparation sont divulgués par le brevet de Chiron parce qu’il divulgue une préparation comprenant :

a) un conjugué polysaccharide‑protéine, dans lequel la protéine vectrice est la CRM197 et l’antigène est un saccharide de Streptococcus pneumoniae;

b) une solution physiologique;

c) un tampon dont le pKa est d’environ 3,5 à environ 7,5;

d) un sel d’aluminium comme adjuvant;

e) possiblement un surfactant.

[198] Wyeth nie toute divulgation pour les raisons suivantes :

a) Chiron se concentre sur la stabilité chimique; elle ne divulgue pas une préparation contenant un surfactant qui la stabilise pour éviter l’agrégation, comme il est décrit dans les brevets de la préparation;

b) Le surfactant facultatif inclus dans le brevet de Chiron concerne surtout l’adsorption et non l’agrégation;

c) Chiron ne fait part d’aucun contenant en silicone.

a) Utilisation de surfactants/de sels d’aluminium dans le brevet de Chiron

[199] Selon ce que déclare le Dr Manning dans son rapport, une personne versée dans l’art et qui lirait le brevet de Chiron aurait appris que l’histidine est utilisée dans une préparation de vaccin comprenant un adjuvant d’aluminium et un antigène :

[traduction]

252. …

a) L’histidine peut être utilisée pour maintenir la stabilité du pH de la préparation vaccinale (c’est‑à‑dire pour minimiser les variations de la valeur du pH). Elle [la personne versée dans l’art] aurait compris que c’est une fonction d’un tampon.

b) De plus, la demande de Chiron indique que la modulation du pH peut réduire l’hydrolyse des antigènes saccharidiques. En d’autres termes, le contrôle du pH semble empêcher les antigènes polysaccharidiques de se décomposer en fragments plus petits. Elle [la personne versée dans l’art] aurait compris que le maintien de la stabilité chimique de l’antigène polysaccharidique serait important pour maintenir l’immunogénicité du vaccin.

c) La demande de Chiron indique également que le contrôle du pH peut aider à empêcher la désorption des antigènes de l’adjuvant. Comme je l’ai décrit ci‑dessus, les antigènes liés à un adjuvant sont considérés comme plus immunogènes. Ainsi, dans la demande de Chiron, on émet l’idée qu’en contrôlant le pH, l’histidine peut empêcher la désorption de l’antigène de la surface de l’adjuvant, ce qui pourrait entraîner une perte d’immunogénicité.

d) On émet également l’idée que l’histidine, qui peut exister sous forme de molécule chargée positivement (sous sa forme d’acide conjugué), pourrait améliorer la liaison des antigènes chargés négativement aux adjuvants de sel d’aluminium chargés négativement, comme l’hydroxyphosphate d’aluminium, en masquant leurs charges négatives.

[Notes de bas de page omises.]

[200] En termes plus simples, le Dr Manning est d’avis que le brevet de Chiron est axé sur la stabilité chimique. Comme il l’a souligné à juste titre, il n’y a pas une seule mention de l’agrégation ou de la précipitation dans le brevet de Chiron, qui aborde une toute autre question concernant la préparation : l’utilisation de l’histidine pour stabiliser le pH, qui, à son tour, empêche la dégradation des antigènes.

[201] Bien que chacune des revendications du brevet 056 nécessite l’utilisation d’un surfactant, en combinaison avec une solution physiologique tamponnée, pour stabiliser les préparations de vaccin conjugué afin d’éviter l’agrégation, le brevet de Chiron indique qu’un surfactant [traduction] « peut » être ajouté aux préparations divulguées afin de [traduction] « minimiser l’adsorption des antigènes dans les contenants ». Le Dr Manning note que le brevet de Chiron fait référence à un surfactant, le polysorbate 80 (aussi appelé Tween 80), à trois endroits :

[traduction]

1. À la page six, sous le titre « Autres caractéristiques de l’invention », les inventeurs parlent de diverses permutations de la préparation. Entre l’observation du fait que la composition sera « généralement stérile » et celle selon laquelle la composition « ne contient de préférence aucun agent de conservation », il y a la phrase suivante :

La composition peut comprendre un détergent (p. ex. de type Tween comme le Tween 80) afin de minimiser l’adsorption des antigènes dans les contenants.

2. À la page sept, sous le titre « Autres composants de l’invention », les inventeurs décrivent des composants supplémentaires qui peuvent être ajoutés à la composition de l’invention, comme certains « agents vecteurs acceptables sur le plan pharmaceutique ». Dans cette section, les inventeurs estiment également que la composition pourrait comprendre un deuxième adjuvant en plus de l’adjuvant d’aluminium dont l’utilisation est envisagée dans l’invention. Dans trois cas, ce deuxième adjuvant comprend un surfactant dans sa composition.

3. Dans trois exemples interreliés fournis dans le brevet de Chiron (exemples 7, 8 et 9), il est fait mention d’un surfactant. Selon le Dr Manning, une personne versée dans l’art aurait compris que le Tween 80 était ajouté à ces préparations pour minimiser l’adsorption de l’antigène dans le contenant.

[202] Bien que le Dr Manning convienne que, dans certaines circonstances, l’adsorption pourrait potentiellement mener à une dénaturation, qui peut éventuellement mener à une agrégation, il n’y a aucun lien direct entre ces concepts. À son avis, la personne versée dans l’art aurait su que l’adsorption (ou « adhérence ») de l’antigène dans le contenant pourrait compromettre l’immunogénicité en réduisant la quantité d’antigènes disponibles dans la préparation. La personne versée dans l’art aurait compris que l’adsorption sur les parois des contenants serait particulièrement préoccupante lorsque les concentrations d’antigènes sont faibles (<1 mg/ml), mais elle n’aurait pas compris qu’il fallait ajouter un surfactant pour éliminer l’agrégation/la précipitation.

[203] En outre, le brevet Chiron ne fait référence aux sels d’aluminium qu’en tant qu’adjuvants (généralement utilisés pour renforcer l’immunogénicité d’un vaccin), mais pas pour empêcher l’agrégation ou la précipitation.

[204] Citant à nouveau la Cour suprême dans l’arrêt Sanofi, au paragraphe 21 (qui citait General Tire & Rubber Co c. Firestone Tyre & Rubber Co, [1972] RPC 457 (Eng CA), page 486), « [a]ussi clair qu’il soit, un poteau indicateur placé sur la voie menant à l’invention du breveté ne suffit pas. Il faut prouver clairement que l’inventeur préalable a pris possession de la destination précise en y laissant sa marque avant le breveté ». À mon avis, le brevet Chiron est exactement cela : un poteau indicateur placé sur la voie menant à l’invention revendiquée de Wyeth.

b) Contenants en silicone

[205] La seule mention directe d’un contenant dans le brevet de Chiron concerne les flacons, qui ne sont pas systématiquement en silicone. Par contre, il ne fait aucun doute que le brevet de Chiron fait référence à des vaccins « injectés » préparés sous forme de « solutions injectables » et divulgue donc implicitement l’utilisation de seringues. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Cependant, le Dr Manning souligne le fait que les préparations du brevet de Chiron sont destinées à être conservées dans des flacons jusqu’à l’injection. Par conséquent, la préparation n’entre en contact avec la seringue qu’au moment de l’administration. Il fournit une explication simple et logique de la raison pour laquelle les contenants en silicone ne sont pas essentiels pour le brevet de Chiron :

[traduction]

R. … N’oubliez pas que cela se fait après – on la conserve dans le flacon, puis on l’extrait avec la seringue. La seringue serait en silicone pour que le piston puisse monter et descendre facilement. Mais compte tenu de la durée d’exposition à l’huile de silicone, vraisemblablement au cours de cette période, pratiquement toute l’huile de silicone resterait, espérons‑le, en place sur la surface.

Et par conséquent, le temps d’exposition est inconnu, mais il devrait être extrêmement court.

(Transcription du procès, Volume 10, page 1326, lignes 5‑13)

[206] Le Dr Manning a également souligné que le brevet Chiron ne contient aucune discussion sur l’agrégation des huiles de silicone. L’huile de silicone étant utilisée pour empêcher l’adsorption, l’utilisation du Tween 80 dans le brevet de Chiron dans le même but donne plutôt à penser que les flacons ne sont pas en silicone.

[207] Pour ces raisons, je suis d’accord avec Wyeth pour dire que le brevet Chiron ne divulgue pas de « contenants en silicone ».

(3) Le caractère réalisable

[208] Étant donné que j’estime que le brevet Chiron ne divulgue pas l’objet de l’invention, je n’ai pas besoin d’examiner la question relative au caractère raisonnable. Quoi qu’il en soit, il n’y a, à mon avis, aucune preuve du caractère réalisable.

[209] Comme il est indiqué ci‑dessus, le critère du caractère raisonnable est que le brevet antérieur doit fournir suffisamment d’informations pour permettre la réalisation de l’invention revendiquée par la suite sans trop de difficultés (Sanofi, au paragraphe 37).

[210] La seule preuve produite par Merck concernant le caractère raisonnable est une seule phrase trouvée dans le rapport du Dr Petrovsky :

[traduction]

229. […] La personne versée dans l’art aurait pu facilement réaliser les formulations décrites dans le brevet de Chiron en utilisant des compétences et des connaissances raisonnables.

[211] La Cour, qui n’est pas une PVA des brevets de formulation, ne peut pas combler les lacunes de la preuve de Merck.

[212] De plus, je suis d’avis avec Wyeth que la preuve du Dr Petrovsky rate la cible. La question est de savoir si, en utilisant les divulgations du brevet Chiron, la PVA aurait pu formuler les revendications des brevets de formulation. Le Dr Petrovsky n’aborde pas cette question, et en l’absence de cette preuve, Merck ne peut pas s’acquitter de son fardeau.

F. L’évidence

[213] Les principes juridiques concernant l’analyse de l’évidence sont exposés ci‑dessus. Comme Merck le fait remarquer à juste titre, dans le contexte de la formulation d’un vaccin, le travail souvent long et coûteux d’optimisation d’un vaccin, de réalisation d’essais cliniques et d’obtention d’autorisations réglementaires pour une composition sûre et immunogène, bien qu’important, n’est pas inventif (voir Amgen Inc c. Pfizer Canada ULC, 2020 CF 522 au paragraphe 425, conf. par 2020 CAF 188). En examinant la question de l’évidence, la Cour examinera si l’invention telle que revendiquée aurait été évidente pour la PVA.

[214] À mon avis, Merck s’est acquittée de son fardeau de prouver que les brevets de formulation sont invalides pour cause d’évidence, à l’exception des revendications relatives à la sélection des sérotypes qui sont, à mon avis, invalides pour cause de double brevet et que j’aborderai dans la section suivante. Merck s’est acquittée de son fardeau principalement par le biais du contre‑interrogatoire du Dr Manning.

(1) Les connaissances générales courantes et l’état de la technique

[215] Les descriptions respectives de la PVA par les experts déterminent leurs positions sur l’évidence, et elles sont diamétralement opposées. Le Dr Manning se concentre sur les vaccins conjugués polysaccharidiques multivalents; comme il n’y en avait que deux à l’époque pertinente – Prevnar 7 et Menactra® – il considère que les connaissances générales courantes de la PVA étaient plutôt limitées. En l’absence d’informations directement liées à ce sujet, le Dr Manning concède que le PVA se serait tourné vers les informations sur les vaccins conjugués monovalents. Là encore, il y avait peu d’informations sur la formulation des vaccins conjugués. Le Dr Manning reconnaît que la PVA aurait éventuellement considéré l’art des vaccins en général, même s’il n’est pas facilement transférable aux antigènes conjugués. Dans le cercle extérieur de la pertinence, le Dr Manning a identifié des informations relatives aux formulations de protéines thérapeutiques, avec plusieurs couches de mises en garde. Pour lui, l’agrégation induite par l’huile de silicone était un problème inconnu et une solution inconnue à l’époque.

[216] Cependant, le Dr Manning s’est considérablement écarté de sa position initiale au cours du contre‑interrogatoire.

[217] Par contre, le Dr Petrovsky considère que les connaissances générales courantes de la PVA comprennent l’art antérieur sur toutes les formulations de protéines; après tout, l’agrégation/la précipitation est un problème causé par les antigènes protéiques, et non par le composant polysaccharide du vaccin.

[218] Comme j’ai déjà conclu que la PVA des brevets relatifs à la formulation a une expérience générale de la formulation de compositions à base de protéines, qu’il s’agisse de protéines thérapeutiques ou de protéines vaccinales, je préfère l’approche du Dr Petrovsky en matière de connaissances générales courantes et son examen de l’état de la technique pertinent.

[219] Cela dit, les experts conviennent qu’en avril 2006, un nombre limité d’excipients courants des vaccins, tels que les tampons, les adjuvants, les surfactants, les stabilisants et les conservateurs, étaient systématiquement pris en compte et testés lors de la formulation des vaccins.

a) Tampons

[220] En date du 26 avril 2006, les tampons étaient des excipients de vaccin couramment utilisés et connus pour améliorer la stabilité des vaccins. Un nombre limité de tampons étaient utilisés dans les préparations vaccinales. Les tampons au phosphate étaient et restent les plus couramment utilisés. Bien que le Dr Manning ait minimisé la présence des tampons dans son rapport, il a finalement reconnu que les tampons étaient présents dans 42 % des vaccins homologués disponibles à l’époque.

[221] Le Dr Manning a concédé dans son rapport qu’il était généralement admis que des tampons pouvaient être utilisés pour maintenir le pH d’une préparation à un niveau qui maintenait de manière optimale la stabilité du vaccin. Il a également convenu lors du contre‑interrogatoire qu’un ouvrage faisant autorité, Akers 2002, à la page 52 (TX 82), divulguait que les tampons étaient utilisés pour régler les problèmes d’agrégation et de précipitation et que les solutions présentées dans Akers 2002 étaient généralement admises (Transcription du procès, Volume 10, page 1405, lignes 1‑26). Par conséquent, une personne versée dans l’art aurait ajouté un tampon au besoin pour contrôler le pH d’un vaccin conjugué 13‑valent polysaccharide‑protéine (Transcription du procès, Volume 11, page 1451, ligne 4, à la page 1452, ligne 6).

b) Sels d’aluminium

[222] Avant le 26 avril 2006, les sels d’aluminium étaient largement utilisés comme agents de stabilisation connus. Une personne versée dans l’art aurait utilisé un sel d’aluminium si une préparation présentait un problème d’agrégation ou de précipitation. Les adjuvants de sel d’aluminium étaient connus et utilisés dans des vaccins, notamment Vaxem HIB, PedvaxHIB, Meningitec, Mejugate et JEV, ainsi que Prevnar 7. Il n’est pas contesté que l’aluminium était l’adjuvant le plus couramment utilisé.

[223] Dans son rapport et dans son témoignage principal, le Dr Manning a indiqué que les sels d’aluminium n’étaient pas connus pour avoir un effet stabilisant ou pour empêcher l’agrégation. Ils étaient plutôt connus pour agir comme adjuvants. Cependant, lors du contre‑interrogatoire, il a révisé sa position. Powell et Newman 1995, le manuel sur les préparations vaccinales qui fait autorité, indique expressément qu’un adjuvant d’aluminium peut être utilisé pour empêcher l’adsorption et stabiliser une préparation :

[traduction]

L’adsorption des protéines peut être évitée en augmentant la concentration de ces dernières dans les préparations ou en y ajoutant des molécules porteuses appropriées, telles que l’alum[inium] particulaire ou des surfactants.

(TX 79, page 25.)

[224] Quoi qu’il en soit, étant donné que le Dr Manning se concentre sur les vaccins conjugués polysaccharide‑protéine multivalents, il a dû convenir que si l’on demandait à une personne versée dans l’art de formuler un vaccin conjugué 13‑valent polysaccharide‑protéine, elle y inclurait un sel d’aluminium parce qu’un tel sel était présent dans Prevnar 7 (Transcription du procès, Volume 10, page 1433, ligne 22, à la page 1434, ligne 14). Le Dr Manning a également concédé que si la personne versée dans l’art essayait de reproduire la composition de Prevnar 7, qui est stable, alors peut‑être qu’il importe de prendre en compte la teneur en sel d’aluminium. Si une personne versée dans l’art essaie en fait d’apporter des modifications minimales à la préparation, comme le font habituellement les formulateurs, alors la teneur en sel d’aluminium est l’une des premières choses à prendre en compte. Une personne versée dans l’art aurait su comment effectuer des expériences pour ajuster la teneur en sel d’aluminium et déterminer s’il empêchait l’agrégation (Transcription du procès, Volume 10, page 1434, ligne 25, à la page 1436, ligne 26).

c) Contenants en silicone

[225] Dans la revendication dépendante 36 du brevet 056 et les revendications dépendantes 25 et 28 du brevet 111, les inventeurs incluent une préparation stable dans une seringue en verre en silicone préremplie. Tel qu’indiqué ci‑dessus, il était bien connu en avril 2006 que les seringues étaient en silicone pour faciliter le coulissement du piston dans la seringue. Les brevets des préparations stipulent clairement que :

[traduction]

Paradoxalement, l’huile de silicone est un composant nécessaire des seringues en plastique, car elle sert à lubrifier le piston en caoutchouc et à faciliter le déplacement du piston dans le corps de la seringue (c’est‑à‑dire que l’huile de silicone améliore la maniabilité de la préparation.)

(TX 1 et 2, page 2, lignes 34‑37.)

[226] Quoi qu’il en soit, si la Cour devait suivre le point de vue du Dr Manning sur les connaissances générales courantes (c’est‑à‑dire quelque peu limitées aux deux vaccins polysaccharidiques conjugués multivalents précédents), la personne versée dans l’art et qui formule un vaccin conjugué de protéine polysaccharidique 13‑valent aurait suivi l’enseignement de Prevnar 7 et utilisé des seringues en silicone préremplies.

d) Surfactants

[227] Dans son rapport, le Dr Manning fournit des informations contextuelles utiles sur l’agrégation/la précipitation :

[traduction]

114. L’agrégation se produit lorsque des molécules s’agglutinent, généralement de manière irréversible, par l’entremise d’interactions fortes, non spécifiques et non covalentes. Les groupes de molécules qui en résultent, appelés agrégats, peuvent être solubles ou insolubles. Les agrégats insolubles peuvent ou non être suffisamment gros pour être visibles à l’œil nu. Les protéines, par exemple, pourraient être amenées à s’agréger par différents mécanismes en réponse à l’exposition à différents types de stress (p. ex., température élevée, changements de pH, gel). En avril 2006, on savait que l’agrégation pouvait se produire dans les préparations de vaccin contenant des particules de sel d’aluminium lors d’une exposition à des températures au point de congélation.

115. La précipitation peut survenir lorsque les agrégats deviennent trop gros pour rester en solution et forment des particules insolubles qui sont visibles et peuvent sédimenter au fond du récipient. Ce solide est appelé précipité. Ainsi, certaines agrégations, mais pas toutes, peuvent entraîner une précipitation. En avril 2006, on savait que la précipitation dans une préparation pharmaceutique pouvait être la conséquence d’une faible solubilité des composants de la préparation ou de la formation d’agrégats insolubles sous l’effet de différents facteurs environnementaux. Les précipités pourraient entraîner une perte de l’activité d’un vaccin, car ils pourraient réduire la quantité d’antigène qui est réellement administrée. De plus, la précipitation peut faire craindre au personnel médical et aux patients que la préparation ne soit pas sécuritaire ou efficace.

[Souligné dans l’original; notes de bas de page omises.]

[228] Merck a présenté une preuve convaincante qu’en avril 2006, les surfactants étaient une solution bien connue à l’agrégation dans une préparation. Le Dr Manning n’a pas nié que les surfactants étaient connus pour empêcher l’agrégation dans les préparations de protéines thérapeutiques, mais il a émis l’idée que l’on ne savait pas qu’un surfactant pouvait être utilisé pour empêcher l’agrégation dans un vaccin.

[229] Les deux experts ont convenu que Powell et Newman 1995, le manuel sur les vaccins à sous‑unités (tels que les vaccins conjugués polysaccharide‑protéine) qui fait autorité, est pertinent pour les brevets de préparation et était bien connu des formulateurs qualifiés en avril 2006. Le chapitre 1 est intitulé [traduction] « Considérations immunologiques et de conception de la formulation pour les vaccins à sous‑unités », une question qui fait l’objet des brevets de préparation, et le chapitre 1 explique que l’utilisation de surfactants stabilise les préparations et empêche l’adsorption et l’agrégation :

[traduction]

L’instabilité physique des protéines utilisées comme immunogènes peut compromettre la stabilité de la préparation vaccinale. Cela peut se produire de plusieurs manières, par exemple sous forme de perte protéique causée par l’adsorption de l’immunogène protéique à la surface du récipient ou éventuellement par l’agrégation des protéines et leur dénaturation ultérieure… Un exemple bien caractérisé est celui de l’insuline qui s’adsorbe facilement sur les surfaces hydrophobes et se dénature par la suite. Les molécules d’insuline dénaturées s’accumulent alors, ce qui entraîne la formation d’agrégats non fonctionnels…

L’adsorption protéique peut être évitée par l’augmentation de la concentration en protéines dans les préparations ou par l’ajout des molécules porteuses appropriées, telles que l’alun particulaire ou des surfactants. Les surfactants, tels que ceux utilisés dans de nombreuses préparations d’adjuvant sous forme d’émulsion, sont utiles, car ils se lient aux zones hydrophobes de la protéine soluble et des surfaces du récipient et inhibent l’adsorption des protéines.

(TX 79, page 25.)

[230] Le point de vue du Dr Manning, selon lequel les publications sur les protéines se situent à la limite de la pertinence pour la personne versée dans l’art des brevets de préparation, a été compromis par la mention de l’article sur la stabilité des protéines de Powell et Newman 1995 alors qu’il traitait de la stabilité des vaccins :

[traduction]

Pour mieux comprendre les facteurs qui influencent la stabilité des vaccins sous‑unitaires, nous recommandons plusieurs excellentes revues de la stabilité des protéines dans les préparations parentérales qui traitent des problèmes généraux de stabilité des produits pharmaceutiques. (Mollica et coll., 1978, Manning et coll., 1989)

(TX 79, page 24.)

[231] Dans son article de 1989, le Dr Manning a écrit :

[traduction]

Des détergents [c’est‑à‑dire des surfactants] ont souvent été utilisés comme additifs pour la stabilisation des protéines… les détergents non ioniques, tels que Tween… ont été évalués pour déterminer leur capacité à empêcher l’adsorption des protéines sur les surfaces… [et] à inhiber l’agrégation et la précipitation.

(TX 80, page 911.)

[232] En 2005, le Dr Manning a collaboré à la rédaction d’un autre article sur l’utilisation d’un surfactant pour prévenir l’agrégation. Les auteurs ont écrit :

[traduction]

Il existe plusieurs mécanismes connus de stabilisation des protéines par des surfactants. Premièrement, les surfactants non ioniques peuvent protéger les protéines des dommages causés par la surface en entrant en compétition avec celles‑ci pour les sites d’adsorption sur les surfaces. De plus, comme cela a été démontré avec l’hormone de croissance humaine (HCH), les surfactants non ioniques peuvent protéger les protéines contre l’agrégation induite par la surface en se liant aux régions hydrophobes de la surface de la molécule de protéine et ainsi diminuer les interactions intermoléculaires.

(Chou 2005, TX 81, page 1369.)

[Notes de bas de page omises.]

[233] D’autres antériorités indiquaient clairement qu’en avril 2006, l’agrégation était un problème de stabilité courant et que les surfactants étaient une solution courante (voir par exemple Akers 2002, page 52; Wang 2005, TX 90, page 13).

[234] Confronté à ces publications, le Dr Manning a dû admettre que les problèmes de stabilité énumérés par les auteurs, et leurs solutions possibles, étaient de notoriété publique pour la PVA : ils [traduction] « présentaient des informations qui étaient, certes, largement connues » (Transcription du procès, Volume 10, page 1405, lignes 25‑26).

[235] Le Dr Manning a convenu que la personne versée dans l’art saurait comment choisir un surfactant et déterminer la concentration appropriée (Transcription du procès, Volume 11, page 1481, lignes 19‑24). Il a également reconnu que la personne versée dans l’art pouvait réaliser des expériences dans un [traduction] « laps de temps assez court » pour confirmer qu’un surfactant empêcherait l’agrégation. (Transcription du procès, Volume 10, page 1420, ligne 13, à la page 1421, ligne 3).

[236] Les concessions du Dr Manning, combinées à la documentation disponible en avril 2006, appuient l’opinion du Dr Petrovsky selon laquelle il aurait été évident pour la PVA d’essayer d’ajouter un surfactant à une formulation de vaccin pour résoudre un problème d’agrégation.

e) Sélection des sérotypes

[237] Les revendications portant sur une composition 7‑valent (revendications 19 du brevet 056 et 20 du brevet 111) étaient évidentes en avril 2006. Prevnar 7 était sur le marché depuis des années et était bien connu.

[238] Toutefois, je suis d’accord avec Wyeth pour dire que les revendications portant sur une composition 13‑valent (revendications 18 et 20 du brevet 056 et revendications 19 et 21 du brevet 111) soulèvent des questions d’évidence uniques qui doivent être examinées séparément. Ces revendications spécifient des formulations stables pour une composition 13‑valent de polysaccharides pneumococciques, chacune conjuguée à la CRM197.

[239] Plus important encore, ni la PVA du Dr Petrovsky ni celle du Dr Manning n’auraient eu d’expérience en matière de conjugaison ou de sélection de protéines sélectrices. Dans ces circonstances, la sélection de la CRM197 comme protéine vectrice unique n’aurait pas été évidente, pas plus que les revendications de sélection de sérotype des brevets de formulation. Cependant, et comme nous le verrons plus loin, elles auraient été évidentes à la lumière des revendications du brevet de composition (double brevet relatif à une évidence).

(2) L’état de la technique et l’idée originale

[240] Pour plusieurs raisons, je suis d’accord avec Merck pour dire que les formulations divulguées dans les brevets de formulation (à l’exception des revendications relatives à la sélection du sérotype) auraient été évidentes pour le PVA à la lumière des connaissances générales courantes et de l’état de la technique. En date du 26 avril 2006 :

[traduction]

a. Les experts s’accordent pour dire que la siliconisation des contenants était courante et que la siliconisation des seringues était la norme. La PVA qui tentait de formuler un vaccin conjugué polysaccharide‑protéine 13‑valent aurait utilisé une seringue en silicone.

b. L’utilisation d’adjuvants à base d’aluminium était courante. Plusieurs formulations de vaccins comprenaient des adjuvants à base d’aluminium, et l’on savait que les adjuvants à base d’aluminium avaient une fonction stabilisante et pouvaient empêcher l’agrégation (Powell & Newman 1995, page 25). Une PVA tentant de formuler un vaccin conjugué polysaccharide‑protéine 13‑valent aurait utilisé un sel d’aluminium.

c. L’utilisation de tampons était également courante. De nombreux vaccins comprenaient des tampons, et l’on savait que les tampons avaient un effet stabilisateur (Akers 2002, page 52). La PVA formulant un vaccin conjugué polysaccharide‑protéine 13‑valent aurait inclus une solution saline au pH tamponné, si nécessaire.

[241] Tout ce qui restait à décider pour la PVA confrontée à un problème d’agrégation était de savoir s’il aurait été évident d’utiliser un surfactant pour le résoudre. À mon avis, l’état de la technique montre clairement qu’il aurait été au moins évident d’essayer d’obtenir la stabilité en ajoutant un surfactant.

[242] Le 26 avril 2006, les surfactants – en particulier le polysorbate ou le Tween 80 – étaient des excipients couramment utilisés et décrits dans toute la littérature comme une solution [traduction] « courante » et [traduction] « simple » pour prévenir l’adsorption et l’agrégation. Le principal manuel sur la formulation des vaccins (Powell et Newman 1995) enseigne à utiliser un surfactant pour stabiliser une formulation et prévenir l’agrégation. À mon avis, il n’y avait rien d’inventif à essayer un surfactant pour voir s’il fonctionnerait dans une formulation de conjugué polysaccharide‑protéine. Il s’agissait d’une solution évidente à un problème bien connu. La conduite de Wyeth, à mon avis, confirme cette conclusion.

(3) La conduite des inventeurs

[243] Les conclusions des experts sur la conduite de Wyeth sont, encore une fois, diamétralement opposées. Le Dr Petrovsky se concentre sur ce que Wyeth a fait lorsqu’elle a été confrontée au problème de l’agrégation, tandis que le Dr Manning a étendu son examen de la conduite de Wyeth au travail effectué par ses scientifiques sur ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||  |  ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[244] Étant donné qu’on ne peut pas chercher une solution avant d’être confronté à un problème, je préfère la chronologie des événements du Dr Petrovsky.

[245] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[246] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| || |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Cela n’a rien à voir avec l’évidence ou l’inventivité.

[247] Bien qu’il ait fallu un certain temps pour optimiser la formulation et compléter le processus réglementaire, Wyeth a pu rapidement confirmer l’efficacité des formulations divulguées dans les brevets de formulation.

[248] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||  |  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||

[249] À mon avis, le fait que les formulations divulguées dans les brevets de formulation (à l’exception des revendications relatives au 13‑valent) étaient évidentes est démontré par le temps qu’il a fallu à Wyeth pour déterminer les éléments suivants : |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Wyeth a fait exactement ce que la PVA aurait fait pour résoudre un problème similaire.

G. Double brevet

[250] La doctrine du double brevet empêche un breveté de « renouveler à perpétuité » ou d’étendre le monopole conféré par un premier brevet en déposant un nouveau brevet qui ne divulgue pas une nouvelle invention au public (Mylan, au paragraphe 26).

[251] Il existe deux types de double brevet. Un type se produit lorsque les revendications du second brevet sont « identiques » à celles du premier. L’autre se produit lorsque le second brevet, sans être identique, n’est pas pour autant « distinct, au plan de la brevetabilité » du premier. Dans tous les cas, l’accent est mis sur le brevet antérieur et « tout autre élément d’antériorité n’est pertinent que s’il contribue aux connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art » (Mylan, au paragraphe 29).

[252] La revendication 31 du brevet 363 revendique :

Une seringue à dose unique remplie d’une préparation liquide stérile de polysaccharides capsulaires pneumococciques des sérotypes 1, 3, 4, 5, 6A, 6B, 7F, 9V, 14, 18C, 19A, 19F et 23F individuellement conjugués à la CRM197, dans laquelle chaque dose de 0,5 ml est formulée pour contenir 2,2 μg de chacun des saccharides, à l’exception du 6B (4,4 μg); 0,125 mg d’adjuvant d’aluminium élémentaire (0,5 mg de phosphate d’aluminium); et un tampon de chlorure de sodium et de succinate de sodium.

[253] Je suis d’accord avec Merck sur le fait que le brevet 111 revendique une formulation comprenant les mêmes ingrédients. Je conviens également, comme indiqué ci‑dessus, que le 8 avril 2005 ou le 26 avril 2006, l’utilisation d’un contenant en silicone aurait été évidente. L’exemple 15 du brevet 363 prévoit également que la formulation du vaccin est remplie dans des [traduction] « seringues en verre borosilicate de type 1 », dont la PVA savait qu’elles étaient en silicone.

[254] Quant au brevet 056, il revendique de manière générale une formulation contenant un ou plusieurs conjugués polysaccharides‑protéines, une solution saline au pH tamponné ayant un pKa d’environ 3,5 à 7,5, et un surfactant. Pour les raisons décrites ci‑dessus, l’ajout d’un surfactant à un vaccin conjugué à une polysaccharide‑protéine était usuel, courant et aurait été évident.

[255] À mon avis, les revendications des brevets de formulation sont toutes des variantes évidentes de l’invention revendiquée dans le brevet 363 qui revendique une composition de 13 polysaccharides pneumococciques spécifiques conjugués à la protéine vectrice CRM197 dans un tampon au phosphate d’aluminium.

[256] Les revendications 13‑valent (revendications 18 et 20 du brevet 056 et revendications 19 et 21 du brevet 111) des brevets de formulation sont donc invalides pour cause double brevet relatif à une évidence.

IV. Conclusion

[257] Les parties ont habilement défendu leurs positions respectives devant cette Cour. Merck a réussi à s’acquitter partiellement de son fardeau.

[258] Merck a fait valoir avec succès que la revendication 1 du brevet 363 est limitée à 13 sérotypes et qu’aucun niveau particulier d’immunogénicité ne devrait être interprété à l’égard de la revendication 1 du brevet 363. Cependant, j’estime que les revendications 1‑6, 13‑14, 17‑19, 22‑30, et 36‑38 du brevet 363 sont valides, bien que limitées à 13 sérotypes.

[259] Merck a soutenu avec succès que les brevets de formulation sont invalides pour cause d’évidence, à l’exception des revendications relatives à la sélection du sérotype qui sont invalides pour cause de double brevet.

[260] En conséquence, je conclus que les revendications 1‑3, 6‑15, 17‑24, et 29‑38 du brevet 056 ainsi que les revendications 1‑12, 17‑28 du brevet 111 sont invalides, nulles, inapplicables et sans effet.

V. Dépens

[261] Les parties sont invitées à présenter à la Cour des observations sur l’adjudication des dépens. Les observations ne doivent pas dépasser cinq pages et doivent être déposées dans les 30 jours suivant le présent jugement et les motifs.

 


JUGEMENT PUBLIC dans le dossier T‑1184‑17

LA COUR REND LE JUGEMENT PUBLIC SUIVANT :

  1. L’action des demanderesses est accueillie en partie;

  2. Les revendications 1‑6, 13‑14, 17‑19, 22‑30 et 36‑38 du brevet canadien no 2,604,363 sont valides, mais limitées à 13 sérotypes;

  3. Les revendications 1‑3, 6‑15, 17‑24 et 29‑38 du brevet canadien no 2,650,056 et les revendications 1‑12, 17‑28 du brevet canadien no 2,803,111 sont invalides, nulles, non exécutoires et sans effet en vertu du paragraphe 60(1) de la Loi sur les brevets;

  4. Les parties doivent présenter des observations concernant les dépens, ne dépassant pas cinq pages, dans un délai de 30 jours à compter du présent jugement et des motifs.

« Jocelyne Gagné »

Juge en chef adjointe

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1184‑17

 

INTITULÉ :

MERCK SHARP & DOHME CORP., et MERCK CANADA INC. c. WYETH LLC

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE OTTAWA (ONTARIO) (LA COUR) ET TORONTO (ONTARIO) (LES PARTIES)

 

DATES DE L’AUDIENCE :

LE 30 NOVEMBRE 2020 et

LES 1‑4, 7‑11, 14, 21‑22 DÉCEMBRE 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE EN CHEF ADJOINTE GAGNÉ

 

JUGEMENT ET MOTIFS CONFIDENTIELS RENDUS :

LE 14 AVRIL 2021

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS PUBLICS :

LE 30 AVRIL 2021

 

COMPARUTIONS :

Steven G. Mason

Sarit E. Batner

Rebecca Crane

Fiona Légère

Edwin Mok

Richard Lizius

Laura E. MacDonald

Sharanya Thavakumaran

 

POUR LES DEMANDERESSES

Orestes Pasparakis

Joanne Chriqui

Amy Grenon

Christopher A. Guerreiro

Andrea Campbell

Morgan Westgate

Jonathan Chong

Fortunat Nadima Nadima

Shantelle Lafayette

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

Norton Rose Fulbright Canada s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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