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Date : 20210602


Dossier : IMM-3148-20

Référence : 2021 CF 523

[TRADUCTION FRANÇAISE]

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le 2 juin 2021

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

WALE FRANCIS AKINPELU

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] M. Wale Francis Akinpelu (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de l’immigration (la SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu qu’il est interdit de territoire au Canada en vertu de l’alinéa 35(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi).

[2] Le demandeur est un citoyen du Nigéria. Accompagné de sa femme et de son enfant mineur, il est arrivé au Canada le 8 mars 2018 et a présenté une demande d’asile. Sa demande a été rejetée, car la SI avait des motifs raisonnables de croire qu’il était interdit de territoire pour cause de complicité dans la perpétration de crimes contre l’humanité.

[3] Le 18 septembre 2019, le demandeur a reçu signification d’une demande d’enquête. L’avis indiquait que le renvoi avait été effectué en application de l’alinéa 35(1)a) de la Loi, dont le libellé est le suivant :

Atteinte aux droits humains ou internationaux

Human or international rights violations

35 (1) Emportent interdiction de territoire pour atteinte aux droits humains ou internationaux les faits suivants :

35 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of violating human or international rights for

a) commettre, hors du Canada, une des infractions visées aux articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre;

(a) committing an act outside Canada that constitutes an offence referred to in sections 4 to 7 of the Crimes Against Humanity and War Crimes Act;

[…]

[4] La SI a conclu que le demandeur était interdit de territoire, car elle avait des motifs raisonnables de croire que la force policière nigériane (la FPN), au sein de laquelle il avait déclaré avoir volontairement servi, avait commis des crimes contre l’humanité pendant la période de service du demandeur.

[5] Dans sa demande de contrôle judiciaire de la décision, le demandeur a soulevé plusieurs arguments. Cependant, à mon avis, seul un argument doit être examiné, à savoir qu’en ce qui concerne l’alinéa 35(1)a) de la Loi, la SI a manqué à l’équité procédurale en transférant le fardeau de la preuve du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) au demandeur.

[6] Dans sa décision, la SI a affirmé ce qui suit :

[TRADUCTION]

En tant qu’étranger non autorisé à entrer au Canada, M. Akinpelu avait la charge de prouver qu’il n’est pas interdit de territoire en vertu de l’alinéa 45d) de la LIPR.

[7] Le demandeur soutient que cette conclusion de la SI est contraire à l’arrêt Ezokola c Canada (Citoyenneté et Immigration), [2013] 2 RCS 678 (CSC), dans laquelle la Cour suprême du Canada a conclu qu’il incombe au défendeur de prouver la complicité d’un individu dans la perpétration de crimes contre l’humanité.

[8] Le défendeur fait valoir que la SI n’a commis aucune erreur. Il soutient que le demandeur est entré au Canada illégalement et qu’il est visé par l’article 45 de la Loi, lequel impose au demandeur la charge de prouver qu’il n’est pas interdit de territoire. L’article 45 prévoit ce qui suit :

Enquête par la Section de l’immigration

Admissibility Hearing by the Immigration Division

Décision

Decision

45 Après avoir procédé à une enquête, la Section de l’immigration rend telle des décisions suivantes :

45 The Immigration Division, at the conclusion of an admissibility hearing, shall make one of the following decisions:

a) reconnaître le droit d’entrer au Canada au citoyen canadien au sens de la Loi sur la citoyenneté, à la personne inscrite comme Indien au sens de la Loi sur les Indiens et au résident permanent;

(a) recognize the right to enter Canada of a Canadian citizen within the meaning of the Citizenship Act, a person registered as an Indian under the Indian Act or a permanent resident;

b) octroyer à l’étranger le statut de résident permanent ou temporaire sur preuve qu’il se conforme à la présente loi;

(b) grant permanent resident status or temporary resident status to a foreign national if it is satisfied that the foreign national meets the requirements of this Act;

c) autoriser le résident permanent ou l’étranger à entrer, avec ou sans conditions, au Canada pour contrôle complémentaire;

(c) authorize a permanent resident or a foreign national, with or without conditions, to enter Canada for further examination; or

d) prendre la mesure de renvoi applicable contre l’étranger non autorisé à entrer au Canada et dont il n’est pas prouvé qu’il n’est pas interdit de territoire, ou contre l’étranger autorisé à y entrer ou le résident permanent sur preuve qu’il est interdit de territoire.

(d) make the applicable removal order against a foreign national who has not been authorized to enter Canada, if it is not satisfied that the foreign national is not inadmissible, or against a foreign national who has been authorized to enter Canada or a permanent resident, if it is satisfied that the foreign national or the permanent resident is inadmissible.

[9] Je ne souscris pas aux arguments du défendeur.

[10] L’avis donné au demandeur indique clairement et explicitement que le renvoi à la SI est effectué en application de l’alinéa 35(1)a) de la Loi.

[11] Apparemment, la SI a examiné la question de l’interdiction de territoire sous l’angle de l’article 45 de la Loi.

[12] Que cette erreur soit considérée comme un manquement à l’équité procédurale, susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte, ou comme une erreur de fait, susceptible de contrôle suivant la norme présumée de la décision raisonnable conformément à l’arrêt de la Cour suprême du Canada Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, il s’agit d’une erreur susceptible de contrôle.

[13] Lorsque l’interdiction de territoire est en cause au titre de l’alinéa 35(1)a), la charge repose sur l’État. Lorsque l’article 45 intervient, la charge repose sur le demandeur.

[14] En l’espèce, la SI a commis une erreur en imposant la charge au demandeur, et la demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée afin d’être réexaminée par un tribunal de la SI différemment constitué. Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM-3148-20

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie, que la décision de la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié est annulée et que l’affaire est renvoyée à un tribunal de la Section de l’immigration différemment constitué pour nouvelle décision. Il n’y a aucune question à certifier.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sophie Reid-Triantafyllos


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3148-20

 

INTITULÉ :

WALE FRANCIS AKINPELU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AFFAIRE ENTENDUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 MAI 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 2 JUIN 2021

 

COMPARUTIONS :

Abdul Rahman Kadiri

POUR LE DEMANDEUR

Leanne Briscoe

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kadiri Law

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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