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Date : 20210512


Dossiers : T‑896‑19

T‑897‑19

T‑898‑19

T‑899‑19

Référence : 2021 CF 384

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 mai 2021

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

HOFFMANN‑LA ROCHE LIMITED

ET INTERMUNE, INC.

demanderesses

et

SANDOZ CANADA INC.

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS


Table des matières

I. Introduction 4

II. Le contexte 5

A. Les brevets 654 et 997 5

B. Le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique 6

C. L’initiation des actions en cours 7

D. L’art antérieur 8

III. Les questions en litige 9

IV. Le sommaire des résultats 10

V. Les témoins experts 11

A. Les experts de Roche 11

(1) Dr Martin Kolb 11

(2) W. Neil Palmer 13

(3) Slava Zlydennyy 14

B. Les experts de Sandoz 15

(1) Susanne Picard 15

(2) Dr R. Andrew McIvor 17

VI. Les témoins de faits 18

A. Les témoins de Roche 18

(1) Robert James Aleksandr Baker 18

(2) Dr Williamson Bradford 19

B. Les témoins de Sandoz 20

(1) Kim Ly 20

VII. Les questions relatives à la preuve 20

A. La preuve fournie par Mme Ly 21

B. La preuve fournie par M. Baker 23

VIII. L’interprétation des revendications 25

A. La personne versée dans l’art 26

B. Les connaissances générales courantes 28

(1) Le traitement de la FPI : les brevets 654 et 997 29

(2) La gestion des effets indésirables : les brevets 654 et 997 30

(3) La toxicité hépatique induite par les médicaments : le brevet 997 31

(4) L’art antérieur 32

C. L’interprétation des revendications invoquées 33

(1) Le brevet 654 33

(2) Le brevet 997 37

(3) Les éléments essentiels des revendications 41

(4) La structure des revendications invoquées pour les brevets 654 et 997 41

IX. La contrefaçon 47

A. La contrefaçon directe 47

B. L’incitation à la contrefaçon 48

(1) L’acte de contrefaçon par le contrefacteur direct 51

(2) L’influence 53

(3) Les connaissances 59

X. La validité 59

A. L’anticipation des revendications du brevet 654 59

B. L’allégation de double brevet du brevet 997 61

C. L’évidence des brevets 654 et 997 64

(1) Le brevet 654 66

(2) Le brevet 997 75

D. Les compétences et le jugement/la brevetabilité des brevets 654 et 997 78

(1) Le brevet 654 83

(2) Le brevet 997 85

E. Les autres revendications d’invalidité 86

(1) L’utilité ou la prédiction valable 86

(2) La portée excessive des revendications 89

(3) L’insuffisance 90

(4) L’ambiguïté 92

XI. Conclusion 92

XII. Les dépens 93

XIII. Annexe A — Liste des pièces d’antériorité invoquées 94

I. Introduction

[1] La présente procédure concerne quatre actions en contrefaçon de brevet (T‑896‑19, T‑897‑19, T‑898‑19 et T‑899‑19), en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 [le Règlement].

[2] La demanderesse Hoffmann‑La Roche Limited est une « première personne » au sens du Règlement. Il s’agit d’une société canadienne qui commercialise et distribue de la pirfénidone sous forme de capsules et de comprimés de marque ESBRIET® [les capsules d’ESBRIET et les comprimés d’ESBRIET, respectivement].

[3] La demanderesse InterMune, Inc. [InterMune] est propriétaire des brevets canadiens no 2667654 [le brevet 654] et 2709997 [le brevet 997] et est partie à la présente action en application du paragraphe 6(2) du Règlement. Il s’agit d’une société constituée sous le régime des lois du Delaware, aux États‑Unis d’Amérique.

[4] La défenderesse Sandoz Canada Inc. [Sandoz] a un bureau situé à Boucherville, au Québec. Elle cherche à obtenir l’autorisation de vendre ses propres capsules et comprimés de pirfénidone au Canada [les produits Sandoz], en se basant sur une comparaison avec l’ESBRIET.

[5] Les demanderesses [collectivement appelées Roche] prétendent que la fabrication, l’utilisation, l’importation, l’offre en vente, la vente et/ou l’exportation du comprimé de pirfénidone de Sandoz [le comprimé Sandoz] et de la capsule [la capsule Sandoz], et ce, en conformité avec les présentations abrégées de drogue nouvelle de Sandoz [les PADN de Sandoz], contreviendront et/ou inciteront à la contrefaçon des brevets 654 et 997.

[6] Sandoz conteste à la fois l’allégation de contrefaçon et la validité des brevets 654 et 997. Collectivement, Sandoz fait valoir les motifs d’invalidité suivants pour le brevet 654 ou le brevet 997 : anticipation (brevet 654 seulement), double brevet (brevet 997 seulement), évidence, objet ou méthode de traitement médical non brevetable, manque d’utilité ou manque de prédiction valable, insuffisance de divulgation, portée excessive et/ou ambiguïté (brevet 654 seulement).

II. Le contexte

A. Les brevets 654 et 997

[7] Les brevets 654 et 997 sont inscrits au registre des brevets. Ils portent généralement sur l’utilisation de la pirfénidone dans le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique [la FPI].

[8] Le brevet 654, intitulé « Procédé permettant d’administrer une thérapie par la pirfénidone à un patient », revendique l’utilisation de la pirfénidone dans un schéma d’augmentation posologique qui élimine ou réduit les effets indésirables. Il comporte 32 revendications.

[9] Le brevet 654 a été délivré à InterMune le 13 décembre 2016, à la suite d’une demande déposée le 18 décembre 2007. Celle‑ci a été publiée le 26 juin 2008 et revendique la priorité par rapport à la demande américaine (US 60/870,593), déposée le 18 décembre 2006.

[10] Le brevet 997, intitulé « Traitement à base de pirfénidone pour des patients présentant une fonction hépatique atypique », revendique l’administration d’une dose complète efficace sur le plan thérapeutique à un patient chez qui l’on a décelé une anomalie de grade 2 sur un ou plusieurs biomarqueurs de la fonction hépatique, à la suite d’un traitement par la pirfénidone. Le brevet 997 compte 11 revendications.

[11] Le brevet 997 a été délivré à InterMune le 27 mars 2012, à la suite d’une demande déposée le 9 novembre 2009. La demande du brevet 997 a été publiée le 14 mai 2010 et revendique la priorité par rapport aux demandes américaines (US 61/113,107; US 12/428,393; US 12/488,228; US 61/228,943; US 12/553,292), dont la plus ancienne a été déposée le 10 novembre 2008.

B. Le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique

[12] La FPI est une maladie pulmonaire chronique rare et incurable. Elle est caractérisée par la formation progressive de tissu cicatriciel (fibrose) dans les poumons d’origine inconnue (idiopathique). Cette fibrose rigidifie la paroi interne des poumons et accroît la distance entre les poches d’air dans les poumons et la circulation sanguine, ce qui réduit graduellement l’apport d’oxygène dans l’organisme des personnes atteintes de FPI, chez qui la fonction pulmonaire se dégrade progressivement jusqu’à la mort, qui survient habituellement dans les 3 à 5 ans suivant le diagnostic, à moins d’une greffe de poumons réussie.

[13] En 2012, la pirfénidone, commercialisée sous le nom d’ESBRIET, est devenue le premier médicament au Canada approuvé pour le traitement de la FPI. Il a été mis à la disposition des patients atteints de FPI en 2013. Son rôle est d’améliorer la survie sans progression des patients atteints de cette maladie pulmonaire chronique.

C. L’initiation des actions en cours

[14] Comme il a été mentionné ci‑dessus, Roche commercialise et vend les capsules d’ESBRIET (267 mg) et les comprimés d’ESBRIET (267 mg et 801 mg). Sandoz demande à Santé Canada d’approuver les produits Sandoz pour les mêmes indications que l’ESBRIET et sur la base d’une comparaison avec l’ESBRIET, tel qu’il est précisé dans les PADN de Sandoz. Les capsules Sandoz seront offertes en concentration de 267 mg. Les comprimés Sandoz seront offerts en concentrations de 267 mg et de 801 mg.

[15] Sandoz disposera également d’un programme de soutien aux patients [le PSP de Sandoz], qui offrira des services aux patients prenant les produits Sandoz, y compris une orientation en matière de remboursement, une aide financière, un soutien clinique, un soutien éducatif et une coordination pour les patients. L’objectif actuel de Sandoz est que tout patient inscrit au PSP de Sandoz le soit par l’intermédiaire de son professionnel de la santé. De plus, Sandoz publiera sur un site Web et mettra à la disposition des médecins ainsi que des pharmaciens, par l’intermédiaire de son PSP, les monographies de produit Sandoz [les MP Sandoz], une liste de contrôle destinée aux professionnels de la santé [la liste de contrôle PS] et une brochure pour les patients [les documents Sandoz].

[16] Sandoz a signifié à Roche quatre avis d’allégation, conformément au Règlement, datés du 16 avril 2019, ce qui a conduit à l’introduction des présentes actions.

D. L’art antérieur

[17] Plusieurs pièces d’antériorité ont été invoquées par Sandoz pour contester la validité des brevets 654 et 997, notamment des articles universitaires, un brevet, des imprimés de sites Web, une étiquette de médicament et des directives de l’industrie. Pour des raisons de clarté, l’art antérieur a été évoqué tout au long de la présente décision en utilisant généralement des mots‑clés et l’année, tel qu’ils sont utilisés de manière constante par les parties. L’art antérieur allégué, tel qu’il a été énuméré par ordre chronologique, comprend : Raghu 1999; Walker&Margolin 2001; Bowen 2003; Azuma 2005; ClinicalTrials.gov 2006; Babovic‑Vuksanovic 2006; les lignes directrices de 2007 de la FDA à l’intention de l’industrie; le brevet 646 (2007); l’étiquette de Pirespa 2008. Une description plus détaillée de l’art antérieur est fournie ci‑dessous, dans les sections pertinentes relatives à la validité. Une liste complète des pièces est incluse à l’annexe A.

[18] Sandoz s’appuie également sur plusieurs études supplémentaires dans le cadre de sa contestation relative à la validité, spécifique à son argument d’essai allant de soi, lié au brevet 654. Ces études portent sur la conduite réelle de l’inventeur désigné et d’autres tiers en ce qui concerne la pirfénidone. À la lumière de mes conclusions sur l’évidence ci‑dessous, ces études supplémentaires ne changent pas le résultat et ne nécessitent pas une analyse plus approfondie.

III. Les questions en litige

[19] Les parties ont déposé un exposé conjoint des questions :

  1. Quelle est l’interprétation correcte des revendications 1, 3, 5, 7, 8, 10, 12 et 14 à 18 invoquées pour le brevet 654 ainsi que de la revendication 11 invoquée pour le brevet 997, en tant que dépendante de la revendication 10, qui est en outre dépendante des revendications 1 à 9?

  2. Sandoz a‑t‑elle directement contrefait et/ou incité des tiers à contrefaire les capsules Sandoz (T‑896‑19; T‑898‑19) ainsi que les comprimés Sandoz (T‑897‑19; T‑899‑19)?

  3. Les revendications 1, 3, 5, 7, 8, 10, 12 et 14 à 18 invoquées pour le brevet 654 ainsi que la revendication 11 invoquée pour le brevet 997 (en tant que dépendante de la revendication 10) sont‑elles invalides pour cause d’anticipation (brevet 654 seulement); de double brevet (brevet 997 seulement); d’évidence, d’objet ou de méthode de traitement médical non brevetable, de manque d’utilité ou de prédiction valable, d’insuffisance de divulgation, de portée excessive et/ou d’ambiguïté (brevet 654 seulement)?

  4. Quelle réparation convient‑il d’accorder?

  5. Quels sont les dépens qui devraient être adjugés?

IV. Le sommaire des résultats

[20] En résumé, mes conclusions sont les suivantes :

  1. Sandoz ne contrefera pas directement les revendications 1, 3, 5, 7, 8, 10, 12 et 14 à 18 invoquées pour le brevet 654 ou la revendication 11 invoquée pour le brevet 997;

  2. Sandoz incitera à la contrefaçon des revendications 1, 3, 5, 8, 10, 12 et 14 à 17 invoquées pour le brevet 654;

  3. Sandoz n’incitera pas à la contrefaçon des revendications 7 et 18 invoquées pour le brevet 654;

  4. Sandoz n’incitera pas à la contrefaçon de la revendication invoquée pour le brevet 997;

  5. Les revendications invoquées pour le brevet 654 ne sont pas invalides sur la base de l’anticipation;

  6. La revendication invoquée pour le brevet 997 est invalide sur la base du double brevet relatif à une évidence;

  7. Les revendications invoquées pour les brevets 654 et 997 sont invalides sur la base de l’évidence;

  8. Les revendications invoquées pour les brevets 654 et 997 sont invalides en tant que méthodes de traitement médical;

  9. L’invalidité des revendications invoquées pour les brevets 654 et 997 n’a pas été établie sur la base des éléments suivants : (i) utilité; (ii) portée excessive des revendications; (iii) insuffisance; (iv) ambiguïté (brevet 654 seulement).

V. Les témoins experts

A. Les experts de Roche

(1) Dr Martin Kolb

[21] Le Dr Kolb est un pneumologue clinicien en exercice au Centre de soins de santé St‑Joseph à Hamilton, en Ontario. Il est également directeur de la Division de pneumologie du Département de médecine et titulaire de la Chaire Moran Campbell de pneumologie de l’Université McMaster. Le Dr Kolb est un chercheur qui se concentre sur la FPI.

[22] Le Dr Kolb a obtenu son doctorat en médecine de l’Université Julius‑Maximillian de Würzburg en 1992. Il a ensuite reçu une reconnaissance de diplôme de spécialiste en médecine interne et une reconnaissance de diplôme de spécialiste en médecine respiratoire de l’Association médicale bavaroise en 2002. Il a également obtenu un Privatdozent (équivalent d’un doctorat) en 2003 à l’Université Julius‑Maximillian.

[23] Le Dr Kolb dirige une clinique spécialisée, la Clinique de pneumopathie interstitielle [PI], à l’Institut Firestone pour la santé respiratoire [l’Institut Firestone]. Le Dr Kolb est également directeur de la recherche à l’Institut Firestone. La Clinique de PI est l’une des cliniques les plus fréquentées au Canada par les patients atteints de PI, y compris les patients atteints de FPI. Le Dr Kolb estime le nombre de patients atteints de FPI qu’il a vus et traités à plus de mille, dont plusieurs centaines avec la pirfénidone, depuis 2004.

[24] Dans le cadre des présentes actions, la Cour a reconnu l’expertise du Dr Kolb en tant que pneumologue clinicien praticien et chercheur possédant des connaissances spécialisées dans les domaines suivants : (i) le diagnostic, la gestion et le traitement des maladies respiratoires, notamment la FPI, y compris la gestion des effets indésirables des thérapies médicamenteuses; (ii) le développement de traitements, y compris la participation à des essais cliniques de thérapies pour la FPI.

[25] Le Dr Kolb a rédigé quatre rapports d’expertise qui, en termes généraux, tenaient compte de ses mandats relatifs à l’interprétation des revendications, à la contrefaçon ainsi qu’à la réplique en matière de validité.

[26] Le Dr Kolb a été un témoin crédible. Le travail antérieur et actuel du Dr Kolb avec InterMune et Hoffmann‑La Roche Limited n’a pas eu d’incidence sur sa capacité à aider la Cour de façon impartiale. En contre‑interrogatoire, le Dr Kolb a concilié les divergences entre son opinion actuelle sur le climat décrit entourant le traitement de la FPI en 2006 et 2008 et ses propres publications, qui étaient plus contemporaines par rapport aux dates pertinentes dans la présente action. Le fait qu’il concilie ces différences n’a pas eu d’impact sur sa crédibilité globale. Cependant, toute incohérence a été appréciée et soupesée en conséquence ci‑dessous.

(2) W. Neil Palmer

[27] M. Palmer est le fondateur, conseiller stratégique principal et président émérite de PDCI Market Access Inc. [PDCI], une société de conseil en matière de prix et de remboursement pour les sociétés pharmaceutiques, établie à Ottawa en 1996. M. Palmer a travaillé dans le domaine de l’utilisation et des coûts des soins de santé pendant plus de 30 ans (de 1988 à 2020).

[28] La Cour a reconnu l’expertise de M. Palmer en tant que consultant de l’industrie pharmaceutique possédant des connaissances spécialisées dans le marché pharmaceutique canadien, en particulier, l’établissement des prix des produits pharmaceutiques et l’accès au marché, tel que la réglementation des prix, les politiques de remboursement (notamment en ce qui concerne les produits dont les listes sont restreintes, par exemple, les produits d’accès exceptionnel), l’interchangeabilité, et l’inscription des produits pharmaceutiques sur les listes de médicaments des régimes publics et privés.

[29] M. Palmer a fourni une description générale du marché pharmaceutique au Canada et des régimes de remboursement pertinents pour la pirfénidone. Il a affirmé que les produits Sandoz seraient financés selon les mêmes critères que l’ESBRIET, à un coût moindre, et qu’ils seraient désignés comme interchangeables avec l’ESBRIET.

[30] En contre‑interrogatoire, M. Palmer a admis qu’il n’avait aucune expérience dans la préparation de MP. Il a également reconnu que le prix d’un médicament générique pouvait être identique, inférieur ou supérieur au prix net d’un médicament de marque, après rabais.

(3) Slava Zlydennyy

[31] M. Zlydennyy exerce la profession de pharmacien depuis plus de 12 ans. Il a obtenu un baccalauréat en pharmacie de l’Université de Toronto en 2007. M. Zlydennyy travaille à la Markland Wood Pharmacy, son principal lieu de pratique, depuis 2008. Il participe également à des activités d’enseignement et de formation pour des étudiants en pharmacie.

[32] La Cour a reconnu l’expertise de M. Zlydennyy, dans le cadre des présentes actions, en tant que pharmacien inscrit auprès de l’Ordre des pharmaciens de l’Ontario, qui possède des connaissances spécialisées dans la pratique de la pharmacie communautaire en Ontario, y compris la délivrance de médicaments et les conseils aux patients à ce sujet.

[33] M. Zlydennyy a donné un aperçu des étapes qu’un pharmacien communautaire doit suivre lorsqu’il reçoit une ordonnance pour délivrer un médicament à un patient. Il a également décrit les politiques d’interchangeabilité et de substitution qui s’appliquent à la délivrance de médicaments génériques en Ontario. M. Zlydennyy est d’avis qu’un pharmacien délivrerait généralement le médicament générique le moins cher, notamment les produits Sandoz, en supposant que : (1) les capsules et les comprimés d’ESBRIET sont interchangeables avec les capsules et les comprimés Sandoz; (2) les produits Sandoz seront remboursés par les régimes d’assurance‑médicaments publics et privés selon les mêmes critères que l’ESBRIET; (3) les produits Sandoz seront les moins coûteux. L’opinion de M. Zlydennyy reste la même si les hypothèses incluent en plus la présence de programmes de soutien aux patients pour les produits Sandoz et l’ESBRIET.

[34] M. Zlydennyy est d’avis que la plupart des pharmaciens communautaires n’auront aucune expérience préalable de la délivrance de la pirfénidone au moment du lancement des produits Sandoz. Il croit que de nombreux pharmaciens (surtout ceux qui ne sont pas familiers avec la pirfénidone) examineront les MP, la liste de contrôle PS et la brochure pour les patients de Sandoz avant d’en délivrer les produits.

[35] Bien que M. Zlydennyy ait été un témoin crédible, j’estime que son témoignage comporte plusieurs limites : M. Zlydennyy n’a aucune expérience particulière par rapport à la délivrance de la pirfénidone, et son champ d’expertise se limitait au milieu de la pharmacie communautaire en Ontario.

B. Les experts de Sandoz

(1) Susanne Picard

[36] Mme Picard est une pharmacienne remplaçante occasionnelle et la présidente de SPharm Inc. qu’elle a fondée en 2000. Pharm Inc. offre des services de consultation en matière de réglementation, notamment à l’industrie pharmaceutique. Mme Picard a obtenu un baccalauréat en pharmacie (1990) et une maîtrise en pharmacie hospitalière (1991) de l’Université de Montréal.

[37] La Cour a reconnu l’expertise de Mme Picard en tant que consultante en réglementation dans l’industrie pharmaceutique avec des connaissances spécialisées dans les affaires réglementaires pharmaceutiques canadiennes, notamment : (i) la préparation et le dépôt de divers types de présentations réglementaires, y compris les présentations de drogues nouvelles et les présentations abrégées de drogues nouvelles auprès de Santé Canada, notamment la préparation de MP pour les médicaments de marque et les médicaments génériques; (ii) les règlements et les lignes directrices applicables pour la préparation des MP; (iii) le processus d’approbation réglementaire de Santé Canada pour les produits de marque et les produits génériques. Les parties ont convenu que le rapport d’expertise de Mme Picard serait recevable en preuve dans la présente procédure, sans témoignage de vive voix.

[38] Mme Picard est d’avis que Santé Canada n’aurait pas permis à Sandoz d’omettre ou de supprimer de ses MP les renseignements suivants, figurant dans la MP d’ESBRIET : (i) « Indications et usage clinique »; (ii) « Peau » sous « Mises en garde et précautions »; (iii) « Posologie recommandée et ajustement posologique » et « Recommandations en cas d’élévation des taux d’ALT, d’AST ou de bilirubine » sous « Posologie et administration »; (iv) « Posologie habituelle chez l’adulte » sous « Partie III : Renseignements pour le consommateur ». De l’avis de Mme Picard, il aurait été nécessaire pour Sandoz d’inclure les mêmes renseignements cliniques dans ses MP que ceux fournis dans la MP d’ESBRIET, afin de recevoir un avis de conformité de Santé Canada pour la pirfénidone.

(2) Dr R. Andrew McIvor

[39] Le Dr McIvor est un pneumologue membre du personnel de l’Institut Firestone, au Centre de soins de santé St‑Joseph, et professeur de médecine à l’Université McMaster depuis 2005. Le Dr McIvor a obtenu un baccalauréat en médecine, en chirurgie et en obstétrique de l’Université Queen’s à Belfast, en Irlande du Nord, en 1984. Il a ensuite obtenu un doctorat en médecine de cette université en 1994.

[40] Le Dr McIvor est un auteur, un collaborateur ainsi qu’un éditeur. Et il enseigne également. Il a déjà exercé la médecine à Toronto et à Halifax de 1994 à 2005, et a acquis une expérience dans l’enseignement à l’Université de Toronto et à l’Université Dalhousie. Le Dr McIvor estime qu’il a traité environ 300 patients atteints de FPI.

[41] La Cour a reconnu l’expertise du Dr McIvor en tant que pneumologue clinicien praticien et chercheur possédant des connaissances spécialisées dans les domaines suivants : (i) le diagnostic, la gestion et le traitement des maladies respiratoires, notamment la FPI, y compris la gestion des effets indésirables des thérapies médicamenteuses; (ii) le développement de traitements, y compris la participation à des essais cliniques de thérapies pour la FPI.

[42] Les mandats du Dr McIvor comprennent, en termes généraux, ses opinions sur l’interprétation des revendications invoquées, la validité et la non‑violation des brevets 654 et 997.

[43] Dans l’ensemble, le Dr McIvor a été un témoin crédible, bien que son témoignage ait apprécié en tenant compte des incohérences et des exagérations soulevées. À titre d’exemple, il a reconnu au cours du contre‑interrogatoire qu’il n’avait aucune connaissance personnelle du nombre de patients atteints de FPI traités à la clinique PI, bien qu’il ait émis une hypothèse à cet effet. Compte tenu de la rareté relative de la FPI en tant que maladie pulmonaire chronique, je ne pense pas que la pratique et la recherche actuelles du Dr McIvor, qui se concentrent sur des domaines autres que la FPI, aient une incidence négative sur le poids de son opinion, sauf dans les cas spécifiquement indiqués ci‑dessous.

VI. Les témoins de faits

A. Les témoins de Roche

(1) Robert James Aleksandr Baker

[44] M. Baker est un stagiaire en droit chez les avocats de Roche. Il lui a été demandé d’entreprendre deux tâches impliquant le compte du nombre de patients qui avaient été enregistrés comme ayant eu des réactions de photosensibilité ou des éruptions cutanées dans le cadre des essais cliniques CAPACITY d’InterMune. Pour réaliser ces tâches, il a développé une application avec Python. Pour les motifs exposés ci‑dessous, aucun poids ne peut être accordé à cette preuve.

(2) Dr Williamson Bradford

[45] Le Dr Bradford est l’inventeur désigné du brevet 654 et un co‑inventeur du brevet 997. Le Dr Bradford est titulaire d’un doctorat en médecine de l’Université de Caroline du Nord et d’un doctorat en épidémiologie de l’École de santé publique de Berkeley. Il s’est joint à InterMune vers 2001 pour diriger le programme de FPI et il possède une expérience antérieure dans l’industrie du développement de médicaments. Le Dr Bradford et son équipe étaient responsables de la conception des études CAPACITY, deux études de phase III de la pirfénidone pour traiter la FPI. Le Dr Bradford a témoigné au sujet du programme de FPI d’InterMune, y compris son travail sur la pirfénidone ainsi que la ligne de conduite qui a mené aux inventions des brevets 654 et 997.

[46] Le Dr Bradford a été un témoin difficile. Bien que son souvenir des documents présentés lors de l’interrogatoire principal soit demeuré relativement intact, le Dr Bradford a affirmé avoir une mémoire imparfaite en ce qui concerne les documents présentés en contre‑interrogatoire. Il a parfois fait de l’obstruction et a tenté d’anticiper la voie suivie par l’avocat dans ses questions au cours du contre‑interrogatoire, ce qui l’a rendu évasif et l’a empêché de répondre à des questions simples. La Cour a dû lui rappeler que son rôle était de répondre aux questions posées par l’avocat au mieux de ses capacités. Le Dr Bradford n’a pas reconnu les brevets 654 et 997 en cause, à l’égard desquels il est un inventeur désigné. Dans l’ensemble, on ne peut accorder qu’un poids limité à son témoignage.

B. Les témoins de Sandoz

(1) Kim Ly

[47] Mme Ly est parajuriste chez les avocats de Sandoz. Son affidavit présentait diverses pages Web de clinicaltrials.gov et www.internetarchive.com (Internet Archive/Wayback Machine), dans le but de démontrer comment certains renseignements ont été obtenus sur ces sites Web concernant l’inscription d’une étude de phase III sur la pirfénidone chez les patients atteints de FPI, commanditée par InterMune. Le témoignage de Mme Ly est irrecevable dans la présente procédure pour les motifs indiqués ci‑dessous.

VII. Les questions relatives à la preuve

[48] Les parties cherchent à introduire de la preuve provenant des cabinets de leurs avocats respectifs. Elles soutiennent chacune qu’une telle preuve est admissible dans le cas de questions non controversées ou objectives. Cependant, la preuve que les parties cherchent à introduire en l’espèce, par l’intermédiaire de leurs cabinets d’avocats respectifs, porte sur la valeur probante de l’art antérieur. Les éléments de preuve présentés par Mme Ly et M. Baker ne satisfont pas aux exigences de la règle de la meilleure preuve et, sur la base des motifs ci‑dessous, sont respectivement irrecevables ou ne doivent pas être pris en compte dans la présente affaire.

A. La preuve fournie par Mme Ly

[49] Au cours de l’instance, Roche s’est opposée à l’admissibilité de l’affidavit et du témoignage de Mme Ly. La preuve de Mme Ly a été présentée afin d’établir l’authenticité d’un imprimé, ClinicalTrials.gov 2006. ClinicalTrials.gov 2006 se présente comme une liste de sites Web pour une étude de phase III de la pirfénidone chez les patients atteints de FPI, commanditée par InterMune. Elle est intitulée « Safety and Efficacy of Pirfenidone in Patients With Idiopathic Pulmonary Fibrosis » (« Innocuité et efficacité de la pirfénidone chez les patients atteints de fibrose pulmonaire idiopathique »).

[50] Le Dr McIvor s’appuie sur l’imprimé de www.ClinicalTrials.gov 2006, qui, d’après ce qu’il comprend, aurait été affiché le 9 octobre 2006, en tant qu’art antérieur qui, selon lui, aurait fait partie de l’état de la technique. La preuve de Mme Ly visait à appuyer l’admissibilité de cet imprimé, en attestant la façon dont l’information avait été obtenue par l’entremise de www.clinicaltrials.gov et de www.internetarchive.com, en utilisant Wayback Machine.

[51] Sandoz soutient que l’affidavit et le témoignage de Mme Ly constituent une preuve objective, qui peut être soumise de façon appropriée par les avocats. Sandoz demande à la Cour de prendre note de la fiabilité générale alléguée de l’utilisation de Wayback Machine et de la preuve corroborante fournie par Mme Ly. En outre, l’expert de Roche, le Dr Kolb, a fourni une réponse concernant www.ClinicalTrials.gov 2006, ce qui rend toute préoccupation quant à l’admissibilité non pertinente.

[52] Bien que je prenne note de la jurisprudence laissant entendre que Wayback Machine est généralement fiable pour récupérer des informations indiquant l’état d’un site Web dans le passé, Sandoz n’a pas réussi à établir l’authenticité de l’imprimé en l’espèce, aux termes de l’article 31.1 de la Loi sur la preuve au Canada, LRC 1985, c C‑5. Mme Ly n’a jamais travaillé pour Internet Archive et n’a aucune expérience de l’archivage sur le Web. Elle a récupéré l’imprimé selon les instructions des avocats de Sandoz. Lors du contre‑interrogatoire, la preuve a démontré que l’information contenue dans l’imprimé avait été saisie à différents moments. Ainsi, la date du 9 octobre 2006 ne pouvait être établie. De plus, il n’a pas été possible de démontrer que l’art antérieur contenu dans l’imprimé était accessible au public à l’époque pertinente.

[53] En outre, Sandoz n’a pas satisfait aux exigences de la règle de la meilleure preuve prévue à l’article 31.2 de la Loi sur la preuve au Canada et à l’article 81 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106. Les affidavits des parajuristes ne répondent pas aux exigences de l’article 81. Aucune explication n’a été donnée quant à savoir pourquoi aucun témoin d’InterMune n’a été appelé à témoigner de ce fait en litige, au moment où la preuve a été produite et où les observations ont été entendues. Sandoz a tenté de soumettre un raisonnement après coup, ce qui n’est pas accepté par la Cour (ME2 Productions, Inc c M Untel, 2019 CF 214 aux para 120‑122).

[54] Je n’accepte pas l’argument de Sandoz selon lequel cette preuve est objective et qu’il est donc approprié de la soumettre par l’intermédiaire d’un avocat. L’affidavit et le témoignage de Mme Ly sont présentés pour établir l’authenticité de l’art antérieur. Pour les motifs exposés ci‑dessus, cette preuve est inadmissible.

[55] Enfin, bien que je trouve problématique le fait que le Dr Kolb ait abordé le site www.ClinicalTrials.gov 2006 dans son rapport d’expertise en réplique pour le brevet 654, j’accepte la position de Roche selon laquelle cela a été fait en supposant que la Cour pourrait conclure que le site www.ClinicalTrials.gov 2006 était disponible le 9 octobre 2006, comme l’indique l’imprimé.

B. La preuve fournie par M. Baker

[56] Sandoz s’est opposée à son tour à la preuve de M. Baker, un stagiaire en droit chez les avocats de Roche. M. Baker a témoigné au sujet d’un exercice de comptage qu’il avait entrepris en rapport avec des documents présentés en preuve. Plus précisément, l’exercice de comptage concernait le nombre de patients, dans le cadre des essais CAPACITY d’InterMune, qui avaient eu une réaction de photosensibilité ou une éruption cutanée. Les instructions relatives à ce compte avaient été initialement conçues par le Dr Kolb, à qui les avocats de Roche avaient demandé s’il était possible d’évaluer l’incidence des incidents thérapeutiques liés aux réactions de photosensibilité, avant le 18 décembre 2007, dans les groupes de traitement des deux études CAPACITY. Le Dr Kolb a utilisé les résultats générés à la suite de ce compte pour conclure que, [traduction] « par rapport à Raghu 1999 et Azuma 2005, qui ont signalé respectivement 24 p. 100 et 43,8 p. 100 d’éruptions en raison de la photosensibilité, l’incidence des réactions de photosensibilité (y compris les éruptions dues à la photosensibilité) dans les études CAPACITY a été considérablement réduite ».

[57] Roche fait valoir que l’affidavit de M. Baker se limite à des questions non controversées. M. Baker n’a pas interprété les documents en question, ne s’est pas appuyé sur du ouï‑dire et n’a pas porté de jugement. Le compte effectué par M. Baker a en outre été fait à partir de documents dont les parties avaient convenu qu’ils étaient authentiques et admissibles, et Sandoz a pu pleinement explorer les méthodes de M. Baker lors du contre‑interrogatoire.

[58] Je conclus qu’il ne faut accorder aucun poids au témoignage de M. Baker en raison des inexactitudes inhérentes à la méthode utilisée pour le compte. Au cours du contre‑interrogatoire, il est devenu évident que les différences dans la façon dont les réactions de photosensibilité étaient enregistrées, les fautes d’orthographe possibles dans les renseignements consignés et le fait que les réactions étaient attribuées ou non à la pirfénidone pouvaient créer des incohérences dans les comptes, tels qu’ils étaient effectués. Roche fait valoir que les comptes sont cohérents avec les résultats finaux communiqués après l’achèvement des essais CAPACITY, comme l’a souligné le Dr Kolb. Je ne suis pas convaincu que cela établisse la fiabilité de cette preuve dans ce cas.

[59] De plus, cette preuve est incompatible avec les exigences de la règle de la meilleure preuve disponible. Je ne puis conclure que cette preuve est « non controversée ». Elle n’a pas été correctement soumise par les avocats de Roche.

VIII. L’interprétation des revendications

[60] Notre Cour doit interpréter de façon téléologique les revendications des brevets 654 et 997, en définissant l’étendue du monopole du titulaire du brevet (Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67 aux para 43, 49 [Whirlpool]). Il s’agit d’une question de droit, qui précède l’examen des questions de contrefaçon et de validité (Whirlpool, précité, au para 49b)). Les principes suivants sous‑tendent également l’exercice d’interprétation des revendications (Tearlab Corporation c I‑MED Pharma Inc, 2019 CAF 179 aux para 30‑34; Whirlpool, aux para 31, 49‑55; Free World Trust c Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 aux para 44‑54 [Free World Trust]; Consolboard Inc c MacMillan Bloedel (Sask) Ltd, [1981] 1 RCS 504 à la p 520 [Consolboard]) :

  1. la teneur d’une revendication doit être interprétée de façon éclairée et en fonction de l’objet avec un esprit désireux de comprendre, comme la voit la personne versée dans l’art à la date pertinente, compte tenu des connaissances générales courantes;

  2. le respect de la teneur des revendications permet de les interpréter de la manière dont l’inventeur est présumé l’avoir voulu et d’une façon favorable à l’accomplissement de l’objet défini par l’inventeur, qui fait la promotion à la fois de l’équité et de la prévisibilité;

  3. l’ensemble du mémoire descriptif devrait être pris en compte afin de s’assurer de la nature de l’invention, et l’interprétation des revendications ne doit être ni indulgente ni dure, mais elle devrait plutôt être raisonnable et équitable tant pour le titulaire du brevet que pour le public;

  4. suivant une interprétation téléologique, il peut ressortir de la teneur des revendications que certains éléments de l’invention sont essentiels, alors que d’autres ne le sont pas. Les éléments essentiels et les éléments non essentiels sont déterminés en fonction des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art auquel le brevet se rapporte à la date pertinente.

[61] Les parties sont en désaccord sur deux aspects de l’interprétation des revendications : (i) la question de savoir si les revendications sont interprétées à dessein comme des revendications d’« utilisation » ou si elles sont correctement classées comme des revendications rédigées dans le style suisse, dans le style allemand et pour utilisation de produits; (ii) l’interprétation du terme [traduction] « incidence » dans les revendications 7 et 18 du brevet 654.

[62] La date pertinente pour l’interprétation des revendications est la date de publication, soit le 26 juin 2008, pour le brevet 654, et le 14 mai 2010, pour le brevet 997 (Whirlpool, aux para 53‑54).

A. La personne versée dans l’art

[63] Chaque brevet en cause est interprété du point de vue de la personne versée dans l’art, la personne fictive à laquelle se rapportent respectivement les brevets 654 et 997. Cette personne, bien qu’elle ne soit ni imaginative ni inventive, a un niveau ordinaire de compétences et de connaissances dans le domaine auquel le brevet se rapporte et un esprit désireux de comprendre la description qui lui est destinée (Free World Trust, précité, au para 44).

[64] Les parties et leurs experts ne s’entendent pas quant au degré de spécialisation de la personne versée dans l’art, sur le plan de la compréhension, ainsi qu’à son implication en rapport avec la FPI. Sandoz soutient que la personne versée dans l’art [traduction] « aurait pu participer à un essai clinique en tant que chercheuse sur le site, c’est‑à‑dire en exécutant un essai clinique conçu par d’éminents experts de la FPI ». Roche, cependant, demande à la Cour de favoriser la preuve du Dr Kolb voulant que, pendant la période de 2006 à 2008, le traitement de la FPI n’ait pas été aussi spécialisé qu’il l’est aujourd’hui, alors que la majorité des patients de l’époque auraient été vus par des pneumologues ou des internistes communautaires dans des régions éloignées.

[65] Les parties et leurs experts soulignent inutilement le caractère spécialisé de la personne versée dans l’art. Sur la base de la preuve, les experts ont convenu des qualifications de la personne versée dans l’art, selon ce qui suit :

  1. La personne versée dans l’art, en relation avec les brevets 654 et 997, est un médecin ayant une formation spécialisée dans le traitement des troubles respiratoires. Il peut s’agir de pneumologues ou d’internistes dans des régions éloignées. La personne versée dans l’art devrait en outre posséder plusieurs années d’expérience pratique dans le traitement des patients atteints de FPI dans un cadre clinique. Toutefois, compte tenu de la rareté de la FPI, cette expérience spécifique pourrait représenter une part relativement faible de la pratique de la personne versée dans l’art.

  2. Dans le cadre de son expérience de la FPI, la personne versée dans l’art serait en outre capable de gérer les effets secondaires potentiels des thérapies disponibles pour la FPI. Cela comprendrait la gestion de la toxicité hépatique induite par les médicaments.

  3. La personne versée dans l’art ne serait pas capable de concevoir des essais cliniques sur la FPI, mais elle aurait généralement eu connaissance de telles études, comme il est mentionné dans la section sur les connaissances générales courantes ci‑dessous.

[66] Les parties conviennent que les caractéristiques de la personne versée dans l’art sont les mêmes pour les deux brevets, 654 et 997.

B. Les connaissances générales courantes

[67] Les connaissances générales courantes dérivent d’une conception rationnelle de ce qui serait en fait connu par une personne adéquatement versée dans l’art, qui existerait réellement et qui ferait bien son travail (Eli Lilly and Company c Apotex Inc, 2009 CF 991 au para 97, conf par 2010 CAF 240, citant General Tire & Rubber Co v Firestone Tyre & Rubber Co, [1972] RPC 457 (CL R‑U) aux p 482‑483). Le Dr Kolb n’a pas contesté la description par le Dr McIvor des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art sur les aspects suivants, en relation avec les brevets 654 et 997, que j’accepte selon les motifs qui suivent.

[68] Les experts ont donné leur avis sur les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art en 2006, 2008 et 2010. Il n’y a eu aucun changement dans les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art en ce qui concerne cette période.

(1) Le traitement de la FPI : les brevets 654 et 997

[69] En 2006 et jusqu’en 2008, il y avait, parmi les connaissances générales courantes, le fait que la FPI était une maladie incurable qui entraînait une perte progressive de la fonction pulmonaire chez les patients. Cela se produisait généralement en quelques années, jusqu’à la mort ou une transplantation pulmonaire réussie. Aucun médicament n’avait une efficacité éprouvée, à l’époque, pour inverser ou ralentir la progression de la FPI. Cependant, pendant cette période, la polythérapie à base de prednisone et les traitements de soutien restaient la norme en matière de soins pour les patients atteints de FPI, bien qu’ils soient associés à des effets secondaires considérables.

[70] La pirfénidone était l’un des nombreux traitements de la FPI à l’étude. À l’époque pertinente, la pirfénidone n’était disponible que dans le cadre d’un essai clinique, et les résultats de son efficacité étaient prometteurs, mais non concluants. La personne versée dans l’art aurait été généralement au courant de tout essai clinique de phase III, planifié ou en cours, de médicaments expérimentaux pour la FPI et aurait été curieuse de connaître les principales conclusions des études publiées sur la FPI.

(2) La gestion des effets indésirables : les brevets 654 et 997

[71] À partir de 2006 et jusqu’en 2008, la personne versée dans l’art aurait su que les patients étaient surveillés pour détecter les effets indésirables (également appelés « effets secondaires » ou « incidents thérapeutiques ») pendant les essais cliniques de médicaments expérimentaux utilisés dans le traitement des maladies pulmonaires, y compris la FPI. Ces effets indésirables étaient généralement détectés avant la mise sur le marché d’un médicament et figuraient dans les études cliniques publiées ainsi que l’étiquetage du médicament.

[72] Les effets indésirables pouvaient permettre de déterminer la posologie standard d’un médicament, créant ainsi une limite supérieure dans la marge thérapeutique efficace ou l’« intervalle thérapeutique » d’un médicament ». Pour maximiser l’efficacité, la dose maximale tolérée (selon les essais cliniques) ou une dose similaire était souvent choisie.

[73] Les effets indésirables étaient gérés selon diverses stratégies, en fonction de leur type, par exemple, les troubles gastro‑intestinaux, les nausées, la fatigue, la somnolence, les étourdissements, les maux de tête et les éruptions dues à la photosensibilité. À l’exception de l’éruption cutanée due à la photosensibilité, ces effets indésirables étaient relativement courants.

[74] Des stratégies d’administration permettaient de réduire les effets indésirables courants. Cependant, un équilibre était établi entre ces stratégies et les considérations relatives à l’observance du traitement par le patient. Ces stratégies comprenaient : (i) l’administration de plus petites doses plus fréquemment (mais 4 doses ou plus par jour, ce n’était pas pratique pour le patient); (ii) l’administration d’une faible dose au début et l’augmentation progressive jusqu’à la dose cible (c’est‑à‑dire « l’augmentation posologique » pour développer la tolérance et réduire la probabilité de troubles gastro‑intestinaux et de nausées); (iii) la réduction de la dose; iv) l’administration de la dose avec de la nourriture (mais il ne s’agissait pas d’une stratégie applicable de manière uniforme). La photosensibilité était un effet indésirable moins courant du médicament; il était géré en recommandant aux patients d’éviter l’exposition prolongée au soleil et de s’en protéger.

(3) La toxicité hépatique induite par les médicaments : le brevet 997

[75] Les connaissances générales courantes en 2006 et jusqu’en 2008 s’appliquent également en 2010, relativement au brevet 997. En plus de ce qui précède, et particulièrement en ce qui concerne le brevet 997, en 2008 et jusqu’en 2010, la personne versée dans l’art aurait été au courant du risque de toxicité hépatique induite par la pirfénidone. Des élévations des biomarqueurs hépatiques peuvent indiquer une lésion du foie. Ces biomarqueurs comprennent notamment l’alanine transaminase [l’ALT] et/ou l’aspartate transaminase [l’AST] et la bilirubine.

[76] Les patients participant aux essais cliniques étaient surveillés pour repérer la présence de symptômes de lésions hépatiques et étaient régulièrement soumis à des tests pour détecter des élévations des biomarqueurs hépatiques. Si un patient présentait des symptômes de dysfonctionnement hépatique, comme une jaunisse ou une hépatite, il était également soumis à des tests de détection de l’élévation des biomarqueurs hépatiques. La personne versée dans l’art aurait de l’expérience dans le suivi des patients et le traitement de la toxicité hépatique induite par les médicaments, au moyen de systèmes de classification des élévations des biomarqueurs hépatiques.

[77] Ces systèmes de classification évaluent souvent les élévations des biomarqueurs hépatiques sur une échelle à cinq points, comprenant les grades suivants : (0) normal, (1) léger, (2) modéré, (3) grave, (4) potentiellement mortel et (5) mortel. Les désignations de grade ont été établies en déterminant si les niveaux de biomarqueurs hépatiques d’un patient se situaient dans la « limite supérieure de la normale » [la LSN] ou dans certains multiples de la LSN.

[78] Si un patient présentait une élévation des taux d’ALT et/ou d’AST, la personne versée dans l’art aurait généralement choisi parmi les stratégies suivantes, seules ou combinées : (i) poursuivre le traitement à la même dose (et surveiller le patient); (ii) réduire la dose (et surveiller le patient); (iii) arrêter temporairement le médicament et le reprendre lorsque le biomarqueur est revenu à la normale (c’est‑à‑dire reprise du traitement après un arrêt du médicament); (iv) arrêter définitivement le médicament. Pour déterminer le choix à faire, il a fallu établir un équilibre entre la toxicité éventuelle du traitement (pour laquelle les biomarqueurs fourniraient une estimation du degré de risque) et les avantages du médicament.

(4) L’art antérieur

[79] Les experts s’accordent à dire que deux des antériorités clés référencées faisaient partie des connaissances générales courantes à l’époque pertinente en rapport avec les deux brevets, 654 et 997; Raghu 1999 et Azuma 2005, qui sont examinés ci‑dessous.

C. L’interprétation des revendications invoquées

(1) Le brevet 654

[80] En ce qui concerne le brevet 654, Roche a initialement allégué la contrefaçon ou l’incitation à la contrefaçon relativement aux revendications invoquées 1, 3, 5, 7 à 8, 10, 12 et 14 à 32 (avec quelques divergences dans les revendications en cause entre les actions T‑896‑19 et T‑897‑19). Cependant, en fin de compte, les revendications invoquées pour le brevet 654 ont été réduites aux revendications indépendantes 1, 3, 5, 8, 10 et 12 et aux revendications dépendantes 7 et 14 à 18.

[81] Le Dr Kolb et le Dr McIvor s’entendent pour dire que les revendications invoquées pour le brevet 654 portent sur une méthode permettant de fournir de la pirfénidone, un composé connu, pour le traitement de la FPI chez un patient. Les revendications indépendantes 1, 3, 5, 8, 10 et 12 invoquées pour le brevet 654 concernent largement un schéma d’augmentation posologique de pirfénidone. Les revendications invoquées pour le brevet 654 peuvent être divisées en deux sous‑ensembles, dont celles qui spécifient certaines limitations (les revendications 1, 3 et 5) et celles qui ne le font pas (les revendications 8, 10 et 12). Elles sont reproduites à titre de référence :

[traduction]

1. Administration de la pirfénidone avec de la nourriture pour le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique à un patient qui en a besoin, à une première dose quotidienne orale de 801 mg sous forme d’une capsule contenant 267 mg de pirfénidone trois fois par jour pendant sept jours, suivie d’une deuxième dose quotidienne orale de 1 602 mg sous forme de deux capsules contenant chacune 267 mg de pirfénidone trois fois par jour pendant sept jours supplémentaires, suivie d’une troisième dose quotidienne orale de 2 403 mg sous forme de trois capsules contenant chacune 267 mg de pirfénidone trois fois par jour.

[…]

3. Utilisation de la pirfénidone dans la fabrication d’un médicament pour le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique chez un patient qui en a besoin, en association avec de la nourriture, dans lequel le médicament est administré à une première dose quotidienne orale de 801 mg sous forme d’une capsule contenant 267 mg de pirfénidone trois fois par jour pendant sept jours, suivie d’une deuxième dose quotidienne orale de 1 602 mg sous forme de deux capsules contenant chacune 267 mg de pirfénidone trois fois par jour pendant sept jours supplémentaires, suivie d’une troisième dose quotidienne orale de 2 403 mg sous forme de trois capsules contenant chacune 267 mg de pirfénidone trois fois par jour.

[…]

5. La pirfénidone à administrer pour le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique à un patient qui en a besoin, en association avec de la nourriture, à une première dose quotidienne orale de 801 mg sous forme d’une capsule contenant 267 mg de pirfénidone trois fois par jour pendant sept jours, suivie d’une deuxième dose quotidienne orale de 1 602 mg sous forme de deux capsules contenant chacune 267 mg de pirfénidone trois fois par jour pendant sept jours supplémentaires, suivie d’une troisième dose quotidienne orale de 2 403 mg sous forme de trois capsules contenant chacune 267 mg de pirfénidone trois fois par jour.

[…]

8. Administration de la pirfénidone pour le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique à un patient qui en a besoin, à une première dose quotidienne orale de 801 mg de pirfénidone pendant sept jours, suivie d’une deuxième dose quotidienne orale de 1 602 mg de pirfénidone pendant sept jours supplémentaires, suivie d’une troisième dose quotidienne orale de 2 403 mg de pirfénidone.

[…]

10. Utilisation de la pirfénidone dans la fabrication d’un médicament pour le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique chez un patient qui en a besoin, dans lequel le médicament est administré à une première dose quotidienne orale de 801 mg de pirfénidone pendant sept jours, suivie d’une deuxième dose quotidienne orale de 1 602 mg de pirfénidone pendant sept jours supplémentaires, suivie d’une troisième dose quotidienne orale de 2 403 mg de pirfénidone.

[…]

12. La pirfénidone à administrer pour le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique à un patient qui en a besoin, à une première dose quotidienne orale de 801 mg de pirfénidone pendant sept jours, suivie d’une deuxième dose quotidienne orale de 1 602 mg de pirfénidone pendant sept jours supplémentaires, suivie d’une troisième dose quotidienne orale de 2 403 mg de pirfénidone.

[82] Les revendications dépendantes invoquées pour le brevet 654 ajoutent des restrictions supplémentaires liées au schéma d’augmentation posologique de la pirfénidone. Les revendications 7 et 18 concernent les [traduction] « effets indésirables liés à une réaction de photosensibilisation ». La revendication 7 est reproduite à titre de référence :

[traduction]

7. L’utilisation décrite dans l’une des revendications 1 à 4 ou l’utilisation de la pirfénidone décrite dans l’une des revendications 5 et 6, qui réduit l’incidence des effets indésirables liés à une réaction de photosensibilisation.

[83] Le Dr Kolb et le Dr McIvor conviennent qu’à la date de publication du 26 juin 2008, les revendications dépendantes invoquées pour le brevet 654 portaient toutes sur le schéma d’augmentation posologique suivant :

  1. Une première dose quotidienne orale de 801 mg de pirfénidone pendant sept jours;

  2. suivie d’une deuxième dose quotidienne orale de 1 602 mg de pirfénidone pendant sept jours supplémentaires;

  3. suivie d’une troisième dose quotidienne orale de 2 403 mg de pirfénidone.

[84] Les revendications indépendantes 1, 3 et 5 précisent les restrictions supplémentaires relatives à l’administration de la pirfénidone avec de la nourriture et des capsules contenant 267 mg de pirfénidone, trois fois par jour. Les revendications indépendantes 8, 10 et 12 se rapportent aux doses orales en général et ne précisent pas la concentration de la capsule ou l’administration en association avec de la nourriture.

[85] La revendication dépendante 14 stipule que la pirfénidone doit être administrée avec de la nourriture; la revendication dépendante 15 ajoute la restriction selon laquelle la dose quotidienne totale est prise par le patient en doses multiples; la revendication dépendante 16 ajoute que la dose quotidienne totale est prise en trois doses fractionnées; la revendication dépendante 17 ajoute la restriction selon laquelle la pirfénidone est prise sous forme de capsule.

[86] Les revendications 7 et 18 prévoient en outre une réduction de [traduction] « l’incidence des effets indésirables liés à une réaction de photosensibilisation ». Le Dr Kolb et le Dr McIvor sont en désaccord sur le comparateur approprié en ce qui concerne la réduction de [traduction] l’« incidence » de cet effet indésirable. Le Dr McIvor propose que la réduction se fasse par une comparaison chez le même patient. Le Dr Kolb est d’avis que la personne versée dans l’art comprendrait que le mot [traduction] « incidence » se rapporte à une comparaison à l’échelle de la population.

[87] Je conclus que, selon la preuve, le terme [traduction] « incidence » est compris comme désignant le nombre de nouveaux cas au sein d’une population. Ainsi, la personne versée dans l’art comprendrait la réduction de [traduction] l’« incidence » comme désignant une réduction des incidents thérapeutiques causés par la réaction de photosensibilité à l’échelle de la population.

(2) Le brevet 997

[88] La revendication invoquée pour le brevet 997 est la revendication 11. La revendication 11 dépend de la revendication 10, qui dépend à son tour des revendications 1 à 9. Le brevet 997 porte de façon générale sur le traitement à base de pirfénidone et les anomalies de la fonction hépatique. Les revendications 11 et 10 sont les suivantes :

[traduction]

11. La pirfénidone ou l’utilisation de la revendication 10, selon laquelle l’anomalie de grade 2 est un taux anormal d’alanine transaminase et/ou d’aspartate transaminase correspondant à plus de 2,5 fois et à au plus 5 fois la limite supérieure de la normale, après l’administration de la pirfénidone.

10. La pirfénidone ou l’utilisation de l’une des revendications 1 à 9, selon lesquelles le ou les biomarqueurs de la fonction hépatique sont l’alanine transaminase et/ou l’aspartate transaminase.

[89] Les revendications 1 à 6 sont des revendications indépendantes et ont été reproduites ci‑dessous :

[traduction]

1. La pirfénidone à administrer à raison de 2 403 mg/jour pour le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) à un patient qui a présenté une anomalie de grade 2 dans un ou plusieurs biomarqueurs de la fonction hépatique après l’administration de pirfénidone à une dose de 2 400 ou 2 403 mg/jour.

2. La pirfénidone à administrer à raison de 2 400 mg/jour pour le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) à un patient qui a présenté une anomalie de grade 2 dans un ou plusieurs biomarqueurs de la fonction hépatique après l’administration de pirfénidone à une dose de 2 400 ou 2 403 mg/jour.

3. Utilisation de la pirfénidone à une dose de 2 403 mg/jour dans la fabrication d’un médicament pour le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) chez un patient qui a présenté une anomalie de grade 2 dans un ou plusieurs biomarqueurs de la fonction hépatique après l’administration de pirfénidone à une dose de 2 400 ou de 2 403 mg/jour.

4. Utilisation de la pirfénidone à une dose de 2 400 mg/jour dans la fabrication d’un médicament pour le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) chez un patient qui a présenté une anomalie de grade 2 dans un ou plusieurs biomarqueurs de la fonction hépatique après l’administration de pirfénidone à une dose de 2 400 ou de 2 403 mg/jour.

5. Utilisation de la pirfénidone à une dose de 2 403 mg/jour pour le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) chez un patient qui a présenté une anomalie de grade 2 dans un ou plusieurs biomarqueurs de la fonction hépatique après l’administration de pirfénidone à une dose de 2 400 ou 2 403 mg/jour.

6. Utilisation de la pirfénidone à une dose de 2 400 mg/jour pour le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) chez un patient qui a présenté une anomalie de grade 2 dans un ou plusieurs biomarqueurs de la fonction hépatique après l’administration de pirfénidone à une dose de 2 400 ou 2 403 mg/jour.

[90] Les revendications 1, 3 et 5 portent sur une dose de 2 403 mg/jour, tandis que les revendications 2, 4 et 6 portent sur une dose de 2 400 mg/jour. Les revendications dépendantes 7 à 9 précisent en outre ce qui suit :

[traduction]

7. La pirfénidone ou l’utilisation de l’une des revendications 1 à 6, après l’interruption de l’administration de la pirfénidone jusqu’à ce que le ou les biomarqueurs de la fonction hépatique se situent dans les limites normales.

8. La pirfénidone ou l’utilisation de la revendication 7, selon laquelle l’interruption est d’environ une semaine.

9. La pirfénidone ou l’utilisation de l’une des revendications 1 à 8, selon lesquelles la dose est fractionnée pour une administration trois fois par jour avec de la nourriture.

[91] Roche fait valoir qu’en fin de compte, la revendication 11 invoquée est dépendante des revendications 1, 3 et 5. Dans l’ensemble, le Dr Kolb et le Dr McIvor conviennent que la personne versée dans l’art comprendrait la revendication 11 invoquée pour le brevet 997, en date du 14 mai 2010, et en tant que dépendante des revendications 10, 1, 3 ou 5, comme se rapportant à la pirfénidone et à son utilisation pour le traitement de la FPI à une dose quotidienne totale de 2 403 mg/jour chez un patient qui a présenté des taux d’ALT et/ou d’AST correspondant à plus de 2,5 fois et à au plus 5 fois la limite supérieure de la normale (c’est‑à‑dire grade 2), après administration de pirfénidone à une dose quotidienne totale de 2 400 mg ou 2 403 mg/jour. Les revendications 2, 4 et 6 traitent de l’utilisation de la pirfénidone à 2 400 mg/jour, avec ces mêmes limitations. La différence est insignifiante et les revendications peuvent être interprétées de la même manière.

[92] En fonction de la revendication 7, la personne versée dans l’art comprendrait également que le patient a interrompu le traitement à la pirfénidone jusqu’à ce que les taux d’ALT et/ou d’AST soient dans les limites normales. La revendication 8 précise que l’interruption prévue dans la revendication 7 correspond à environ 1 semaine. En outre, en fonction de la revendication 9, la personne versée dans l’art comprendrait également que la dose quotidienne totale est divisée en trois doses et prise avec de la nourriture.

[93] Le mémoire descriptif du brevet 997 fait également référence à 6 exemples. Les exemples 2 à 5 décrivent des administrations possibles de pirfénidone à des patients présentant une élévation de grade 2 suite à des tests de la fonction hépatique. Les objets des exemples comprennent ce qui suit :

  1. L’exemple 1 fournit le schéma posologique de la pirfénidone;

  2. L’exemple 2 enseigne de réduire la dose de pirfénidone à une capsule de 267 mg, trois fois par jour;

  3. L’exemple 3 enseigne d’arrêter temporairement la pirfénidone;

  4. L’exemple 4 enseigne de réduire la dose de pirfénidone à une capsule de 267 mg, trois fois par jour;

  5. L’exemple 5 indique que la dose n’a pas été réduite de 2 403 mg/jour (c’est‑à‑dire la dose cible complète);

  6. L’exemple 6 indique que le traitement à la pirfénidone pouvait être poursuivi, la dose pouvait de nouveau être augmentée ou évaluée jusqu’à la dose cible.

(3) Les éléments essentiels des revendications

[94] Un élément de revendication est non essentiel lorsqu’une personne versée dans l’art comprendrait que son omission ou sa substitution n’a aucun effet sur le fonctionnement de l’invention (Free World Trust, au para 55; Corlac Inc c Weatherford Canada Ltd, 2011 CAF 228 aux para 26‑27 [Corlac], autorisation de pourvoi à la CSC refusée 34459 (29 mars 2012)). Tous les éléments des revendications invoquées pour les brevets 654 et 997 sont essentiels. Il existe une présomption quant à la nature essentielle des éléments de revendication, laquelle n’a pas été réfutée en l’espèce.

(4) La structure des revendications invoquées pour les brevets 654 et 997

[95] Roche fait valoir que les revendications invoquées pour le brevet 654 peuvent être classées en trois types de revendications distincts :

  1. Les revendications 1 et 8 (et les revendications 7, 14 à 18 lorsqu’elles en dépendent) rédigées dans le « style allemand » : [traduction] « Utilisation de la pirfénidone […] pour le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique […] »;

  2. Les revendications 3 et 10 (et les revendications 7, 14 à 18 lorsqu’elles en dépendent) rédigées dans le « style suisse » : [traduction] « Utilisation de la pirfénidone dans la fabrication d’un médicament pour le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique […] »;

  3. Les revendications 5 et 12 (et les revendications 7, 14 à 18 lorsqu’elles en dépendent) pour « utilisation de produits » : [traduction] « Pirfénidone pour utilisation dans le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique […] »

[96] Roche allègue également une distinction similaire dans la structure des revendications en ce qui concerne le brevet 997, notamment les revendications 1, 7 et 9 pour utilisation de produits, la revendication 3 rédigée dans le style suisse et la revendication 5 rédigée dans le style allemand. Sandoz fait valoir que les revendications rédigées dans le style suisse ne s’appliquent pas au Canada et qu’elles doivent être interprétées comme des revendications d’« utilisation », où l’invention alléguée réside dans l’utilisation, et non dans la fabrication ou la composition du médicament.

[97] L’approche de Roche vise à conclure que la forme de la revendication prime sur le fond. Ce faisant, elle éclipse l’approche appropriée de l’interprétation des revendications. Comme on l’a vu plus haut, l’exercice d’interprétation des revendications met l’accent sur une interprétation téléologique. Dans la présente affaire, les revendications invoquées pour les brevets 654 et 997 ont été correctement interprétées comme des revendications d’utilisation, tel qu’il a déjà été mentionné. Les deux experts ont convenu que la personne versée dans l’art comprendrait le schéma d’augmentation posologique indiqué dans le brevet 654. Le Dr Kolb a déclaré dans son témoignage qu’un élément essentiel de toutes les revendications invoquées pour le brevet 654 était l’utilisation de la pirfénidone à une première dose quotidienne orale de 801 mg pendant sept jours, suivie d’une deuxième dose quotidienne orale de 1 602 mg pendant sept jours supplémentaires, suivie d’une troisième dose quotidienne orale de 2 403 mg. Selon l’interprétation donnée ci‑dessus, le brevet 997 vise une méthode de traitement par la pirfénidone pour les patients atteints de FPI ayant présenté des taux élevés d’ALT et/ou d’AST. L’invention alléguée en l’espèce réside dans l’utilisation de la pirfénidone, que ce soit dans le contexte du brevet 654 ou du brevet 997, et non dans la fabrication ou la composition de la pirfénidone, un composé connu.

[98] En outre, si un aspect de l’invention avait résidé dans la fabrication d’un médicament, il aurait déjà été divulgué et revendiqué dans le brevet canadien antérieur no 2631646 [le brevet 646]. La demande pour le brevet 646 a été déposée le 29 novembre 2006 et publié le 7 juin 2007. Le brevet 646 divulgue et revendique l’administration de pirfénidone avec de la nourriture, à une dose de 800 ou 801 mg/jour, trois fois par jour, pour réduire les étourdissements. Il revendique également l’utilisation de la pirfénidone (ou de ses sels) dans la fabrication d’un médicament pour traiter la FPI en général, et spécifiquement pour réduire les étourdissements.

[99] Par exemple, la revendication 5 du brevet 646 précise :

[traduction]

5. Utilisation de la pirfénidone, ou de ses sels, dans la fabrication d’un médicament à administrer avec de la nourriture pour le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique et pour réduire l’incidence des étourdissements chez un patient, à une dose de 800 mg de pirfénidone, le médicament étant destiné à être administré au patient trois fois par jour.

[100] Néanmoins, j’examinerai les arguments des parties, ainsi que les sources juridiques faisant autorité qu’elles invoquent, de manière plus détaillée ci‑dessous, compte tenu de la variabilité du traitement judiciaire des revendications rédigées dans le style suisse.

[101] Les revendications rédigées dans le style suisse ont une structure reconnue. Il existe plusieurs « structures » de revendications reconnues en droit canadien qui pourraient viser la nouvelle utilisation d’un médicament connu, y compris les revendications rédigées dans le style suisse, sous la forme suivante : [traduction] « L’utilisation d’[un ancien composé] dans la fabrication d’un médicament destiné au traitement d’[un nouveau trouble] » (Eli Lilly Canada Inc c Apotex Inc, 2008 CF 142 aux para 18, 20, 22, 23 [Eli Lilly], conf par 2009 CAF 97). Les revendications rédigées dans le style suisse indiquent « une nouvelle utilisation d’un ancien médicament en qualifiant la fabrication d’un comprimé pour une nouvelle utilisation […] » (Eli Lilly, précitée, au para 20). En l’espèce, il ne s’agit pas d’une nouvelle utilisation au sens du traitement de la FPI, mais plutôt d’un schéma d’augmentation posologique pour traiter la FPI.

[102] Cela ne signifie pas qu’une revendication rédigée dans le style suisse bénéficie automatiquement d’une interprétation littérale. Les revendications de brevet peuvent viser un nouveau produit, une nouvelle méthode et/ou une nouvelle utilisation. Une revendication rédigée dans le style suisse ne peut pas viser un nouveau produit destiné à être utilisé dans un médicament si, en fait, ce produit utilisé dans un médicament n’est plus nouveau.

[103] Les brevets 654 et 997 ne divulguent pas une composition ou un autre produit destiné à être utilisé dans un médicament qui permet la nouvelle utilisation de la pirfénidone en question — le schéma d’augmentation posologique. Les circonstances de la présente affaire se distinguent donc de celles de l’affaire Janssen Inc c Teva Canada Ltd, 2020 CF 593 [Janssen], où le « médicament » mentionné dans les revendications rédigées dans le style suisse était adapté à la préparation retard de palmitate de palipéridone (Janssen, précitée, aux para 161‑163). Le médicament était donc adapté à une administration selon le schéma posologique revendiqué. Dans l’affaire Corporation de soins de la santé Hospira c Kennedy Trust for Rheumatology Research, 2018 CF 259 [Hospira CF], le brevet en question revendiquait une association d’éléments menant à une meilleure efficacité et à une plus longue durée de réponse (Hospira CF, précitée, aux para 150, 155, inf pour d’autres motifs, 2020 CAF 30 [Hospira CAF]). La Cour fédérale a établi une distinction entre l’invention dans l’affaire Hospira CF et un schéma posologique conduisant à une efficacité accrue sur cette base, lorsqu’elle a examiné la question de savoir si le brevet en question revendiquait une méthode de traitement médical. Pour les motifs déjà énoncés, dans la présente affaire, il n’y a rien de nouveau dans la fabrication ou la composition de la pirfénidone pour traiter la FPI, mais seulement un nouveau schéma posologique de la pirfénidone pour utilisation dans le traitement de la FPI.

[104] En raison de l’exercice d’interprétation des revendications spécifique au contexte, je ne m’appuie pas particulièrement sur la jurisprudence invoquée par Sandoz, sauf dans la mesure où elle donne à entendre que les revendications de style suisse peuvent être interprétées comme des revendications d’utilisation lorsque les circonstances le justifient. Je fais expressément remarquer que ces décisions ont été rendues avant les modifications apportées au Règlement en septembre 2017, qui ont converti les procédures sommaires d’interdiction au titre du Règlement en actions complètes visant à déterminer la validité et la contrefaçon. L’examen de la Cour fédérale dont il est question ci‑dessous a eu lieu dans divers contextes sous le régime de l’ancien règlement.

[105] À titre d’exemple, dans l’affaire Merck & Co, Inc c Pharmascience Inc, 2010 CF 510 au para 99 [Pharmascience], la Cour fédérale a jugé que la défenderesse Pharmascience était liée par l’interprétation de la revendication 5 (une revendication de style suisse) qu’elle avait faite dans son avis d’allégation, dans lequel Pharmascience « a[vait] précisé que le brevet 457, y compris la revendication 5, ne visait pas la préparation d’un comprimé; elle a[vait] pris la position qu’il visait une posologie particulière » (Pharmascience, précitée, aux para 95, 97, 99). La revendication 5 dans cette affaire a donc été interprétée comme visant l’utilisation du finastéride administré par voie orale dans une posologie particulière pour le traitement de la calvitie chez l’homme (Pharmascience, au para 99).

[106] Dans le cadre de la conclusion de la Cour selon laquelle les revendications en question divulguaient une méthode de traitement médical, dans l’affaire Novartis Pharmaceuticals Canada Inc c Cobalt Pharmaceuticals Co, 2013 CF 985 [Novartis], la Cour fédérale a déclaré (Novartis, précitée, au para 101, conf par 2014 CAF 17) :

[101] […] [L]a présente Cour devrait ne pas tenir compte de la nature artificielle d’une revendication de type suisse et se pencher sur l’objet véritable de la revendication. En l’espèce, l’invention est, comme il a déjà été mentionné, la reconnaissance que le zolédronate peut être administré peu fréquemment, par exemple à raison de 5 mg par injection une fois par année, et offrir un traitement efficace contre l’ostéoporose. […]

[107] Cette jurisprudence antérieure, bien qu’elle soit factuellement distincte de la présente affaire, appuie une approche de l’interprétation des revendications qui privilégie le fond sur la forme. La question de la contrefaçon des revendications invoquées pour les brevets 654 et 997, interprétées ici comme des revendications d’utilisation, sera examinée ci‑dessous.

IX. La contrefaçon

A. La contrefaçon directe

[108] Roche prétend qu’il y a contrefaçon directe des revendications invoquées de style suisse et d’utilisation pour les brevets 654 et 997. La position de Sandoz est qu’elle ne contrefera pas directement les revendications invoquées pour les brevets 654 et 997, car elle n’utilise pas et n’utilisera pas les produits Sandoz dans le traitement de la FPI.

[109] Selon l’interprétation téléologique des revendications de style suisse et d’utilisation de produits comme des revendications d’utilisation, et du fait que les éléments essentiels des revendications ont été identifiés, Sandoz ne contrefera pas directement les revendications invoquées pour les brevets 654 et 997, en ce qu’elle n’utilise pas la pirfénidone dans le traitement de la FPI, comme l’indiquent les revendications invoquées pour les brevets 654 et 997.

[110] Roche s’appuie sur plusieurs affaires pour affirmer que les tribunaux ont conclu à la contrefaçon directe des revendications d’utilisation de produits et de style suisse (Hospira CF; Janssen; AB Hassle c Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), 2001 CFPI 1264 [AB Hassle CF], conf par 2002 CAF 421 [AB Hassle CAF]). Les affaires Hospira CF et Janssen se distinguent de la présente affaire pour les raisons déjà mentionnées, car le médicament ou la composition pharmaceutique dans ces affaires appuyait en fait la nouvelle utilisation du médicament en question. J’estime que l’approche de la Cour dans AB Hassle CF ne s’applique pas en l’espèce. En tant que revendications d’utilisation, les revendications invoquées pour les brevets 654 et 997 ne permettent pas de conclure à une contrefaçon directe.

B. L’incitation à la contrefaçon

[111] Roche prétend également que Sandoz incitera les médecins, les pharmaciens et les patients à contrefaire les revendications invoquées pour les brevets 654 et 997, au moyen des MP Sandoz, de l’emballage (y compris la notice d’accompagnement du produit) et de l’étiquetage. Roche est d’avis qu’il existe plusieurs mécanismes par lesquels Sandoz incitera sciemment à la contrefaçon des revendications invoquées pour les brevets 654 et 997, notamment :

  1. Les documents Sandoz (y compris les MP Sandoz) seront disponibles pour les médecins, les pharmaciens et les patients. Ils seront accessibles sur une page Web dédiée et distribués par l’entremise du PSP de Sandoz;

  2. Les patients seront inscrits au PSP de Sandoz par l’intermédiaire de leur professionnel de la santé;

  3. Les produits Sandoz seront financés dans le cadre du Programme d’accès exceptionnel, car Sandoz prévoit qu’ils seront inscrits sur les listes de médicaments similaires à l’ESBRIET et interchangeables avec celui‑ci, et que les produits Sandoz seront les moins chers.

  4. Sandoz s’attend à ce que son service d’information médicale réponde aux questions en se référant aux MP Sandoz. Les documents Sandoz dirigent également les professionnels de la santé et les patients vers la ligne MedInfo de Sandoz.

[112] Sandoz fait valoir que le critère à trois volets pour l’incitation à la contrefaçon n’a pas été rempli en l’espèce. Les pharmaciens et les médecins n’utiliseront pas personnellement la pirfénidone dans le traitement des patients atteints de la FPI. Il n’y a pas non plus de preuve qu’il y aura une contrefaçon directe par les patients, étant donné la nature individualisée de la posologie. Enfin, Sandoz affirme qu’elle ne possédait pas l’influence et les connaissances requises pour inciter les médecins, les pharmaciens et les patients à contrefaire les brevets 654 et 997.

[113] Le critère à trois volets pour l’incitation à la contrefaçon est énoncé au paragraphe 162 de l’arrêt Corlac, précité :

  1. L’acte de contrefaçon doit avoir été exécuté par le contrefacteur direct;

  2. L’exécution de l’acte de contrefaçon doit avoir été influencée par les agissements de l’incitateur prétendu, de sorte que, sans cette influence, la contrefaçon directe n’aurait pas eu lieu;

  3. L’influence doit avoir été exercée sciemment par l’incitateur; autrement dit l’incitateur doit savoir que son influence entraînera l’exécution de l’acte de contrefaçon.

[114] Pour les motifs exposés ci‑dessous, je conclus que l’incitation à la contrefaçon a été établie pour certaines des revendications invoquées pour le brevet 654, mais pas pour la revendication invoquée pour le brevet 997, sur la base du critère à trois volets énoncé dans Corlac ainsi que de la preuve.

[115] À titre préliminaire, Sandoz a soulevé des préoccupations au sujet d’incohérences alléguées dans la preuve présentée par Roche ainsi que de la pertinence de cette preuve. Plus précisément, Sandoz fait valoir que les éléments de preuve des docteurs Kolb et Zlydennyy sont contradictoires quant à leurs opinions sur la question de savoir si la pirfénidone est ou sera distribuée par des pharmacies spécialisées ou communautaires. En outre, Sandoz affirme que les tribunaux devraient refuser d’accorder du poids à des déclarations générales sur la pratique des médecins et des pharmaciens, quand aucune étude indépendante ni aucune enquête correctement menée n’a été présentée.

[116] Les experts de Roche ont abordé une variété de moyens par lesquels les produits Sandoz pouvaient être prescrits par des médecins, délivrés par des pharmaciens et utilisés par des patients en conformité avec les revendications invoquées pour les brevets 654 et 997. J’estime que cette preuve ne comporte pas d’incohérences intrinsèques, mais plutôt qu’elle reflète la complexité inhérente à la prescription et à la délivrance de la pirfénidone en l’espèce.

[117] La preuve a révélé que les médecins et les pharmaciens exerçaient divers degrés de contrôle sur la délivrance effective des produits Sandoz à un patient, en fonction des pratiques de prescription individuelle du médecin, des listes de médicaments et des désignations d’interchangeabilité, des politiques et programmes provinciaux de substitution ou d’interchangeabilité, de l’existence d’un PSP de Sandoz et de facteurs propres au patient. En ce qui concerne, spécifiquement, la préoccupation relative aux pharmacies spécialisées et communautaires, j’accepte la position de Roche selon laquelle les deux voies de distribution de la pirfénidone peuvent être disponibles, bien qu’actuellement, les pharmacies spécialisées soient plus susceptibles de distribuer la pirfénidone.

[118] De plus, je ne puis conclure que les avis d’experts équivalent à des déclarations générales sur la pratique des médecins et des pharmaciens, qui n’ont pas de base factuelle en l’espèce (AB Hassle CAF, précité, au para 45). Néanmoins, j’aborderai les préoccupations spécifiques concernant la preuve au fur et à mesure qu’elles se présenteront dans mes motifs ci‑dessous.

(1) L’acte de contrefaçon par le contrefacteur direct

[119] Sandoz fait valoir qu’un médecin ne contrôle pas quel produit de pirfénidone sera utilisé lorsqu’il rédige une ordonnance (à part le fait d’écrire « aucune substitution » sur une ordonnance). En outre, un pharmacien délivrera le médicament conformément à l’ordonnance du médecin, et il n’y a aucun moyen de savoir si un patient prendra les produits Sandoz en conformité avec les revendications invoquées pour les brevets 654 et 997.

[120] Malgré la vaste étendue de la preuve, il a néanmoins été établi, selon la prépondérance des probabilités, que des actes de contrefaçon directe se produiront, lorsque les produits Sandoz seront prescrits par des médecins, délivrés par des pharmaciens et utilisés par des patients en conformité avec les revendications invoquées pour les brevets 654 et 997 (Bayer Inc c Pharmaceutical Partners of Canada Inc, 2015 CF 797 au para 47 [Bayer CF], conf par 2016 CAF 13; Hospira CAF, précité, au para 40).

[121] En ce qui concerne les médecins, la dose d’initiation par défaut et le calendrier des doses de pirfénidone prescrites par les médecins sont ceux qui figurent dans les MP Sandoz et qui se reflètent dans le brevet 654. Le Dr Kolb a exprimé l’opinion que le calendrier de titrage de dose, revendiqué dans le brevet 654, était le calendrier [traduction] « par défaut » pour l’initiation du traitement par l’ESBRIET. Le Dr McIvor a ajouté que, si un ou de multiples produits génériques de la pirfénidone devenaient disponibles, les médecins continueraient de prescrire le même schéma d’augmentation posologique que celui utilisé pour l’ESBRIET.

[122] De même, en ce qui concerne le brevet 997, le Dr Kolb a déclaré que les médecins surveilleraient les patients pour déceler les anomalies de la fonction hépatique et prescriraient l’utilisation des produits Sandoz conformément à la revendication invoquée pour le brevet 997. Les médecins prescrivent actuellement l’ESBRIET à une dose de 2 403 mg/jour, trois fois par jour, avec de la nourriture, lorsque le patient a présenté une élévation de grade 2 des biomarqueurs hépatiques, y compris l’ALT ou l’AST.

[123] J’accepte l’observation de Sandoz selon laquelle ce ne sera pas le traitement prescrit dans tous les cas. Cependant, au moins dans certains cas, la preuve du Dr Kolb soutient la position selon laquelle, d’après la prépondérance des probabilités, les médecins prescriront l’utilisation des produits Sandoz conformément à la revendication du brevet 997, et les patients utiliseront les produits Sandoz conformément à leur ordonnance.

(2) L’influence

[124] La position de Sandoz est que les médecins ne consulteront pas les MP Sandoz et que, même s’ils le font, aucune directive spécifique à suivre par un médecin n’est fournie. Il s’agit prétendument d’un cas où des résultats tant contrefaisants que non contrefaisants peuvent découler du respect des instructions contenues dans les MP Sandoz, et une telle responsabilité partielle pour la contrefaçon n’est pas suffisante.

[125] Pour établir l’influence selon le deuxième volet du critère relatif à l’incitation à la contrefaçon, Sandoz doit activement « faire quelque chose » qui mène à la contrefaçon (Bayer CF, précitée, au para 31) :

[31] S’agissant du deuxième volet du critère relatif à l’incitation à la contrefaçon, l’incitateur doit exercer une influence suffisante sur le contrefacteur direct, de telle sorte que la contrefaçon n’aurait pas eu lieu sans l’incitation; une responsabilité partielle n’est pas suffisante (Apotex Inc. c Nycomed Canada Inc., 2011 CF 1441, conf. par 2012 CAF 195, au paragraphe 20; MacLennan c Products Gilbert Inc., 2008 CAF 35, au paragraphe 38 [MacLennan]; Slater Steel, au paragraphe 41). L’incitateur doit activement faire quelque chose qui amène le contrefacteur direct à commettre la contrefaçon. Dans le contexte d’une instance relative à un AC, la compagnie générique doit faire plus que simplement vendre un produit utilisé par un tiers pour commettre un acte de contrefaçon directe. Par ailleurs, même la connaissance du fait que le produit servira probablement à la contrefaçon directe d’un brevet ne suffit pas pour remplir le critère (AB Hassle c Canada, 2002 CAF 421, au paragraphe 56; Aventis Pharma Inc. c Apotex Inc., 2006 CAF 357, aux paragraphes 17 et 18; Aventis Pharma Inc. c Apotex Inc., 2005 CF 1461, au paragraphe 32). Il ne suffit pas non plus d’alléguer qu’une compagnie de médicaments génériques, par l’entremise de sa monographie de produit, son site Web et ses stratégies de marketing, peut être partiellement responsable de la contrefaçon directe commise par les médecins, les pharmaciens et les patients (Apotex Inc. c Nycomed Canada Inc., 2011 CF 1441, conf. par 2012 CAF 195, aux paragraphes 2, 19 et 20).

[126] Les parties sont en désaccord sur deux aspects essentiels de la capacité de Sandoz à exercer une influence sur les pratiques de prescription d’un médecin. Premièrement, il s’agit de savoir si les MP Sandoz favorisent la contrefaçon en conformité avec les revendications invoquées pour les brevets 654 et 997. Deuxièmement, il s’agit de savoir si les médecins consulteront les MP Sandoz.

a) Les instructions contenues dans les MP Sandoz

[127] Les MP Sandoz désignent collectivement les monographies de produit se rapportant aux capsules Sandoz et aux comprimés Sandoz. Elles sont identiques à tous égards importants et ont été examinées ensemble par les parties.

[128] Les MP Sandoz recommandent que les produits Sandoz, y compris la capsule de 267 mg de pirfénidone, soient prescrit à une dose d’initiation correspondant à la dose quotidienne totale de 801 mg pendant les sept premiers jours, de 1 602 mg pendant les sept jours suivants et de 2 403 mg à partir du 15e jour, en trois doses fractionnées (doses infraquotidiennes) avec de la nourriture. Les MP Sandoz précisent que [traduction] « la dose doit être titrée jusqu’à la dose quotidienne recommandée de 2 403 mg/jour sur une période de 14 jours pour améliorer la tolérabilité ».

[129] Ces recommandations dans les MP Sandoz constituent une orientation claire, selon laquelle le fait de suivre les MP Sandoz entraînera inévitablement un acte de contrefaçon du schéma d’augmentation posologique dans les revendications 1, 3, 5, 8, 10 et 12 invoquées pour le brevet 654. La clé réside dans l’acte induit par les MP Sandoz (Apotex Inc v Janssen Inc, 2021 FCA 45 au para 55).

[130] Les MP Sandoz prescrivent également l’administration de capsules de 267 mg de pirfénidone, trois fois par jour, avec de la nourriture, ce qui influence la contrefaçon directe de ces autres éléments essentiels contenus dans les revendications 1, 3 et 5 ainsi que dans les revendications dépendantes 14, 15, 16 et 17. Cela ressort clairement des sections des MP Sandoz intitulées « Posologie recommandée et ajustement posologique ».

[131] Sur la base du témoignage du Dr Kolb, Roche est d’avis que la référence à [traduction] « l’amélioration de la tolérabilité » dans les MP Sandoz inclut la réduction de l’incidence des réactions indésirables liées à la photosensibilité, et qu’il n’est pas nécessaire que les MP spécifient explicitement la photosensibilité dans cette phrase. Sandoz est d’avis que, sous le titre « Ajustements posologiques », les MP Sandoz indiquent que la dose peut être réduite, interrompue et augmentée à nouveau, en fonction des réactions de photosensibilité. Les MP Sandoz n’indiquent pas que le schéma d’augmentation posologique réduit l’incidence de la photosensibilité. Je suis d’accord. Les MP Sandoz ne ciblent pas une réduction de la photosensibilité. Les MP Sandoz n’influencent pas la contrefaçon des revendications 7 et 18 du brevet 654.

[132] Les MP Sandoz établissent également la procédure recommandée en cas d’élévation des taux d’ALT et/ou d’AST de grade 2 :

Dans l’éventualité d’une élévation des taux d’ALT et/ou d’AST de grade 2, soit de > 3 à < 5 fois la LSN, sans hyperbilirubinémie après la mise en route du traitement par Sandoz Pirfenidone Capsules ou à n’importe quel moment durant le traitement à la dose recommandée de 2 403 mg/jour, on doit cesser l’administration de toute substance médicinale qui pourrait être source de confusion, exclure la possibilité d’autres causes et surveiller le patient de près. Le traitement par Sandoz Pirfenidone Capsules peut être poursuivi à la dose recommandée de 2 403 mg/jour ou à une dose moindre ou être interrompu temporairement, selon l’état clinique du patient. Une fois les taux d’ALT et d’AST normalisés, il est possible d’augmenter progressivement la dose du traitement par Sandoz Pirfenidone Capsules jusqu’à l’obtention de la dose quotidienne recommandée et de poursuivre le traitement, pour autant qu’il soit bien toléré, mais on doit alors surveiller le patient de près.

[133] L’extrait ci‑dessus ne constitue pas une instruction d’utiliser les produits Sandoz conformément à la revendication 11 invoquée pour le brevet 997. Les MP Sandoz ne prescrivent pas l’utilisation de pirfénidone à une dose quotidienne totale de 2 403 mg/jour chez un patient qui a présenté des élévations de taux d’ALT et/ou d’AST de grade 2, suivant l’administration de pirfénidone. Au contraire, selon le sens clair du document, il propose diverses options cliniquement appropriées, parmi lesquelles la réduction et l’arrêt de la pirfénidone, qui peuvent être justifiés. Les MP Sandoz n’influencent pas la contrefaçon de la revendication 11.

[134] Suivre les MP Sandoz en ce qui concerne les élévations des taux d’AST et/ou d’ALT d’un patient n’aboutira pas inévitablement à un résultat contrefaisant. Comme dans les circonstances de l’affaire Bayer CF, les MP Sandoz présentent en l’espèce des options qui, à mon avis, ne constituent pas une instruction ou une directive (Bayer CF, aux para 61, 64).

b) La consultation des MP Sandoz

[135] Sandoz fait valoir que les médecins qui prescrivent de la pirfénidone n’auront pas besoin de consulter les MP Sandoz, en tant que spécialistes qui ont l’expérience ou la connaissance de la prescription de la pirfénidone et qui ont plusieurs années d’expérience pratique dans le traitement des patients atteints de FPI.

[136] Sur la base de la preuve, je conclus qu’au moins dans certains cas, les médecins consulteront les MP Sandoz en ce qui concerne les instructions de dosage, qui reflètent le schéma posologique dans les revendications invoquées pour le brevet 654.

[137] J’accepte la preuve du Dr Kolb que certains médecins prescriront les produits Sandoz par l’entremise du PSP de Sandoz. L’opinion du Dr McIvor est d’une aide limitée à cet égard, puisqu’il a admis dans son témoignage que son opinion ne tenait pas compte de l’existence d’un PSP pour un médicament générique.

[138] Comme il a déjà été mentionné, le PSP de Sandoz offrira des services complémentaires aux patients qui prennent les produits Sandoz. Cela comprend une orientation en matière de remboursement, une aide financière, un soutien clinique, un soutien éducatif et une coordination pour les patients, lesquels seront inscrits par l’intermédiaire de leur professionnel de la santé. Comme il a déjà été mentionné, les documents Sandoz, y compris les MP Sandoz, seront distribués aux médecins, aux pharmaciens et aux patients au moyen du PSP.

[139] Compte tenu de la rareté de la FPI, je ne pense pas que tous les médecins prescripteurs possèdent ce niveau de [traduction] « connaissances spécialisées » proposé par le Dr McIvor. En fait, le Dr Kolb a déclaré dans son témoignage que des médecins ayant moins d’expérience dans le traitement des patients atteints de FPI communiquent avec lui pour obtenir des conseils sur la posologie, ce qui indique que certains médecins prescripteurs ne sont pas familiers avec le schéma posologique par défaut. Le Dr McIvor a déclaré que la FPI était une maladie rare et que les patients atteints de FPI représentaient environ un pour cent de ses patients, ce qui indique également que ce ne sont pas tous les médecins prescripteurs qui sont suffisamment familiers avec le schéma posologique par défaut.

[140] La preuve du Dr Kolb concernant les médecins prescripteurs qui sont moins familiers avec le traitement de la FPI s’est limitée à la conviction qu’ils examineraient les MP Sandoz. Cependant, l’ensemble de la preuve établit néanmoins que Sandoz offre un PSP complet qui vise à fournir les documents Sandoz (y compris les MP Sandoz) aux médecins, aux pharmaciens et aux patients. Dans de tels cas, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, qu’au moins certains des médecins, pharmaciens et patients participant au PSP se référeraient directement à ces documents.

[141] Pour les motifs susmentionnés, je n’ai plus besoin d’examiner la question de savoir si les médecins consulteraient les MP Sandoz en rapport avec les anomalies des biomarqueurs hépatiques. Les MP Sandoz ne prescrivent pas aux médecins de contrefaire le brevet 997.

(3) Les connaissances

[142] Sandoz fait également valoir que Santé Canada exige qu’elle inclue dans ses MP les mêmes énoncés concernant l’indication approuvée, la même mise en garde contre les réactions de photosensibilité et les éruptions cutanées ainsi que le même schéma d’augmentation posologique que ceux décrits dans la MP d’ESBRIET, une fois la bioéquivalence établie avec l’ESBRIET, comme le produit de référence canadien. Cet argument n’est pas fondé. L’intention de la défenderesse n’est pas pertinente pour conclure à la contrefaçon. La question est de savoir [TRADUCTION] « ce que le défendeur fait, et non ce qu’il entend faire » (Monsanto Canada Inc c Schmeiser, 2004 CSC 34 au para 49). Sandoz sait que ses actions, y compris en ce qui concerne le PSP, résulteront en l’utilisation de la pirfénidone pour traiter la FPI en employant le schéma d’augmentation posologique, et ce, en conformité avec les revendications invoquées pour le brevet 654.

X. La validité

A. L’anticipation des revendications du brevet 654

[143] Sandoz prétend avoir anticipé les revendications invoquées pour le brevet 654 en se fondant sur Raghu 1999. Raghu 1999 décrit une étude ouverte à titre humanitaire, menée dans un seul centre, auprès de 54 patients en phase terminale atteints de FPI avancée.

[144] Raghu 1999 ne divulgue pas l’objet des revendications invoquées pour le brevet 654, et Sandoz n’a pas réussi à établir l’anticipation sur la base de cet art antérieur. Lorsqu’une seule antériorité divulgue et rend possible l’invention revendiquée, les revendications du brevet sont dites anticipées et invalides (Apotex Inc c Sanofi‑Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61 aux para 25‑27 [Sanofi‑Synthelabo]; Loi sur les brevets, LRC 1985, c P‑4, art 28.2; Hospira CAF, au para 66).

[145] Je ne puis conclure que l’exigence de divulgation de l’anticipation soit satisfaite, en raison des écarts entre Raghu 1999 et l’objet des revendications invoquées pour le brevet 654, tels qu’ils ont été identifiés par le Dr McIvor : (i) la dose de pirfénidone dans Raghu 1999 est basée sur le poids et varie d’un patient à l’autre; (ii) Raghu 1999 ne décrit pas exactement comment les doses des patients ont été augmentées sur 15 jours; (iii) Raghu 1999 n’indique pas quelle forme posologique de pirfénidone a été prise; (iv) la photosensibilité est décrite comme étant ressentie par 24 p. 100 des patients. Aucune réduction de la photosensibilité n’est décrite.

[146] Sandoz tente de combler ces lacunes. Bien qu’il ne soit pas nécessaire que l’art prétendument anticipé décrive exactement l’invention revendiquée, il est plus approprié d’examiner les observations de Sandoz dans le cadre de sa contestation fondée sur l’évidence. Raghu 1999 ne décrit pas le schéma d’augmentation posologique, l’objet même du brevet 654. Cette lacune n’est pas comblée par les connaissances générales courantes. La personne versée dans l’art, en lisant le Raghu 1999, ne comprendrait pas le schéma d’augmentation posologique qui sous‑tend toutes les revendications invoquées pour le brevet 654 (Laboratoires Abbott c Canada (Santé), 2008 CF 1359 au para 75, conf par 2009 CAF 94).

[147] D’après les faits qui m’ont été présentés, Sandoz n’a pas établi la divulgation antérieure de l’objet des revendications invoquées pour le brevet 654. Étant donné ma conclusion à cet égard, je n’ai pas besoin d’examiner le caractère réalisable.

B. L’allégation de double brevet du brevet 997

[148] Sandoz fait également valoir que l’objet couvert par la revendication invoquée pour le brevet 997 soit coïncide avec le brevet 646 et les connaissances générales courantes, soit n’en est pas [traduction] « un élément brevetable distinct » (Loi sur les brevets, art 36(1)). Sandoz fait valoir que, compte tenu du brevet 646, InterMune aurait acquis un monopole sur la même dose quotidienne de pirfénidone que le brevet 997 pour le traitement des patients atteints de FPI. La seule différence entre les brevets 646 et 997 est que le brevet 646 vise à réduire les étourdissements, tandis que le brevet 997 vise à maximiser la dose de pirfénidone à la suite d’un incident thérapeutique relativement à la fonction hépatique, une différence qui aurait été prétendument évidente pour la personne versée dans l’art.

[149] Roche est d’avis que le brevet 646 n’enseigne pas la poursuite ou la reprise du traitement par la pirfénidone à une dose de 2 400 ou 2 403 mg/jour chez les patients qui ont présenté une anomalie de grade 2 dans un ou plusieurs biomarqueurs de la fonction hépatique après l’administration de pirfénidone à cette dose. Comme l’a déclaré le Dr Kolb dans son rapport en réplique relativement à la validité pour le brevet 997, [traduction] « [a]ucune des revendications pour le brevet 646 ne mentionne les taux d’ALT ou d’AST, ou ne concerne un patient atteint d’une FPI ayant présenté une élévation ou une anomalie de l’un des biomarqueurs de la fonction hépatique, ou une toxicité hépatique ».

[150] Les revendications 1, 3 et 5 du brevet 646 ont été reproduites à titre de référence :

[traduction]

1. La pirfénidone, ou ses sels, à administrer avec de la nourriture pour le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique et pour réduire l’incidence des étourdissements chez un patient, à une dose de 801 mg de pirfénidone trois fois par jour.

[…]

3. Administration de la pirfénidone, ou de ses sels, avec de la nourriture pour le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique et pour réduire l’incidence des étourdissements chez un patient, à une dose de 801 mg de pirfénidone trois fois par jour.

[…]

5. Utilisation de la pirfénidone, ou de ses sels, dans la fabrication d’un médicament à administrer avec de la nourriture pour le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique et pour réduire l’incidence des étourdissements chez un patient, à une dose de 800 mg de pirfénidone, le médicament étant destiné à être administré au patient trois fois par jour.

[151] Les revendications des deux brevets ne sont pas identiques ou ne coïncident pas en l’espèce. Cependant, les brevets 646 et 997 ne se chevauchent pas simplement (Hospira CAF, aux para 96, 99). En ce qui concerne le double brevet relatif à une évidence, la question pour notre Cour est de savoir s’il y a de la « nouveauté » ou de l’« ingéniosité » dans le passage du premier brevet au second (Whirlpool, aux para 63‑67; Bristol‑Myers Squibb Canada Co c Pharmascience Inc, 2021 CF 1 au para 91, citant Mylan Pharmaceuticals ULC c Eli Lilly Canada Inc, 2016 CAF 119 au para 28 [Mylan 2016]). La justification de principe est de « prévenir le renouvellement à perpétuité d’un brevet existant par l’intermédiaire de ce qui serait par ailleurs un brevet valide, mais qui en fait n’est qu’un prolongement d’un brevet existant » (Mylan 2016, précité, au para 28).

[152] Le brevet 646 préconise la même dose quotidienne de pirfénidone, soit 2 403 mg/jour, que le brevet 997 pour le traitement des patients atteints de FPI. Il préconise également la même posologie de pirfénidone administrée en doses fractionnées, trois fois par jour avec de la nourriture. À la lumière des connaissances générales courantes, la personne versée dans l’art saurait que la pirfénidone est métabolisée par le foie et connaîtrait les systèmes de classification des biomarqueurs hépatiques, notamment l’ALT et l’AST, ainsi que les stratégies de gestion des effets indésirables associés aux élévations de ces biomarqueurs. La personne versée dans l’art devrait choisir parmi les quatre stratégies de gestion des élévations des taux d’ALT et/ou d’AST.

[153] Par conséquent, à la lumière des connaissances générales courantes, à la date de priorité du 10 novembre 2008, il n’y a pas d’invention dans le fait de continuer ou de reprendre le traitement pour un patient atteint de FPI avec 2 403 mg/jour de pirfénidone à la suite d’une anomalie de grade 2 au niveau des taux d’ALT ou d’AST. La revendication invoquée pour le brevet 997 n’est pas un élément brevetable distinct de celle du brevet 646, et est invalide pour cause de double brevet relatif à une évidence.

C. L’évidence des brevets 654 et 997

[154] Le critère relatif à l’évidence est énoncé à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. Cette contestation fondée sur l’inventivité exige une attention particulière, surtout si l’on considère que la sagesse rétrospective est parfaite (Bridgeview Manufacturing Inc c 931409 Alberta Ltd (Central Alberta Hay Centre), 2010 CAF 188 aux para 50‑51, autorisation de pourvoi à la CSC refusée 33885 (14 avril 2011)). Le cadre de l’évidence a été adopté à partir des arrêts Windsurfing et Pozzoli, et reformulé dans l’arrêt Sanofi‑Synthelabo, précité, au para 67 :

[67] Lors de l’examen relatif à l’évidence, il y a lieu de suivre la démarche à quatre volets d’abord énoncée par le lord juge Oliver dans l’arrêt Windsurfing International Inc. c. Tabur Marine (Great Britain) Ltd., [1985] R.P.C. 59 (C.A.). La démarche devrait assurer davantage de rationalité, d’objectivité et de clarté. Le lord juge Jacob l’a récemment reformulée dans l’arrêt Pozzoli SPA c. BDMO SA, [2007] F.S.R. 37 (p. 872), [2007] EWCA Civ 588, par. 23 :

[traduction] Par conséquent, je reformulerais ainsi la démarche préconisée dans l’arrêt Windsurfing :

(1) a) Identifier la « personne versée dans l’art ».

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité?

[155] Dans le cadre du quatrième critère, la question de savoir s’il y aurait eu un « essai allant de soi » peut être examinée dans des circonstances où les progrès sont souvent le fruit de l’expérimentation, dont l’appréciation implique la prise en compte de la liste non exhaustive suivante de facteurs (Sanofi‑Synthelabo, aux para 67‑69) :

(1) Est‑il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe‑t‑il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

(2) Quels efforts — leur nature et leur ampleur — sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont‑ils courants ou l’expérimentation est‑elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

(3) L’art antérieur fournit‑il un motif de rechercher la solution au problème qui sous‑tend le brevet?

[156] La date pertinente pour l’évidence en ce qui concerne le brevet 654 est le 18 décembre 2006. La date pertinente à l’égard du brevet 997 est le 10 novembre 2008. Les brevets 654 et 997 sont présumés valides, et Sandoz a le fardeau d’établir l’évidence selon la prépondérance des probabilités (Loi sur les brevets, art 43(2)).

[157] La personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes sont identifiées et décrites ci‑dessus. Je commencerai donc la présente analyse par le deuxième volet de l’examen relatif à l’évidence, l’idée originale des revendications invoquées pour le brevet 654.

(1) Le brevet 654

a) L’idée originale

[158] Je conclus que l’idée originale est l’objet des revendications invoquées pour le brevet 654 (Apotex Inc v Shire LLC, 2021 FCA 52 [Shire] au para 67). Les deux experts ont convenu que l’objet du brevet 654 était un schéma posologique pour diminuer les effets indésirables et améliorer la tolérabilité de l’administration de la pirfénidone.

b) La différence entre l’état de la technique et l’idée originale

[159] Sandoz est d’avis qu’il n’y a pas de différence entre l’état de la technique (en particulier Raghu 1999) et l’idée originale des revendications invoquées pour le brevet 654. Cependant, Sandoz n’a pas été en mesure d’indiquer une pièce d’antériorité qui divulgue l’idée originale du schéma d’augmentation posologique, qui se trouve dans les revendications invoquées pour le brevet 654. C’est la seule différence avancée par Roche et identifiée par le Dr Kolb, décrite ainsi :

  1. une première dose orale quotidienne de 801 mg pendant sept jours;

  2. suivie d’une deuxième dose orale quotidienne de 1 602 mg pendant sept jours supplémentaires;

  3. suivie d’une troisième dose orale quotidienne de 2 403 mg/jour.

[160] La question est de savoir si ces différences seraient néanmoins évidentes pour la personne versée dans l’art, doté des connaissances générales courantes à la date pertinente, pour conclure que les revendications invoquées sont ou ne sont pas évidentes.

[161] Les connaissances générales courantes sont énoncées ci‑dessus. Elles comprennent deux des pièces d’antériorité, Raghu 1999 et Azuma 2005. Raghu 1999 a été décrit précédemment. Azuma 2005 est examiné dans le mémoire descriptif du brevet 654 et fait état d’un essai randomisé, à double insu et contrôlé par placebo, auprès de 107 patients atteints de FPI au Japon. Azuma 2005 divulgue un calendrier de titrage de dose en trois étapes en ce qui concerne la pirfénidone : les patients ont reçu 600 mg/jour (200 mg, trois fois par jour) pendant deux jours, suivis de 1 200 mg/jour (400 mg, trois fois par jour) pendant deux jours, puis de la dose d’entretien de 1 800 mg/jour (600 mg, trois fois par jour) pendant trois jours.

[162] Sandoz cherche également à s’appuyer sur plusieurs pièces d’antériorité non liées à la FPI concernant la pirfénidone. Bowen 2003 est un essai pilote de phase précoce de la pirfénidone mené auprès de patients atteints de sclérose en plaques. Bowen 2003 décrit une période d’augmentation de la dose de dix jours jusqu’à 2 400 mg/jour. Babovic‑Vuksanovic 2006 est un essai ouvert de phase II de la pirfénidone orale mené auprès de 24 patients atteints de neurofibromatose de type 1. Il décrit un schéma d’augmentation posologique de trois semaines, au cours duquel les patients ont été soumis à une dose quotidienne totale de 2 400 mg/jour, en commençant par une dose de 400 mg deux fois par jour.

[163] Les observations des parties sur l’évidence des différences entre l’art antérieur et les revendications invoquées dépassent la portée des différences réelles énoncées ci‑dessus. La question est de savoir si le schéma d’augmentation posologique lui‑même serait évident pour la personne versée dans l’art à la date pertinente. À cet égard, il n’y a aucun doute quant à l’évidence du nombre de doses quotidiennes, de l’administration de la pirfénidone avec de la nourriture, ou de l’administration orale de capsules de pirfénidone et de la réduction de l’effet indésirable de photosensibilité, sur la base de la preuve dont dispose la Cour.

[164] Sandoz est d’avis qu’un schéma d’augmentation posologique sur une période de deux semaines jusqu’à une dose cible quotidienne fixe de 2 400 mg aurait été évident à la lumière des connaissances générales courantes et de l’état de la technique au 18 décembre 2006. Bowen 2003, Azuma 2005 ainsi que Babovic‑Vuksanovic 2006 ont divulgué l’utilisation d’une dose quotidienne fixe de pirfénidone, et la détermination de la dose appropriée pour un patient relevait des connaissances et des compétences de la personne versée dans l’art. En outre, d’après les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art, l’augmentation progressive jusqu’à une dose cible aiderait à la tolérabilité du médicament en ce qui concerne certains effets indésirables. Les périodes d’augmentation dans Raghu 1999 (15 jours), Bowen 2003 (10 jours) et Babovic‑Vuksanovic 2006 (3 semaines) ont toutes été décrites comme bien tolérées. Il aurait donc été évident d’administrer la pirfénidone pendant une période de deux semaines où la dose cible était augmentée chaque semaine.

[165] Selon Roche, Sandoz propose une [traduction] « mosaïque invraisemblable d’antériorités », étant donné que la dose quotidienne cible de 2 400 mg de pirfénidone administrée dans les pièces d’antériorité non liées à la FPI n’aurait aucune pertinence pour le traitement de la FPI. Azuma 2005 aurait été le point de départ pour l’examen d’une dose fixe de pirfénidone, et rien n’indiquait dans cette étude qu’une dose plus élevée de pirfénidone était plus souhaitable ou même que l’efficacité de la pirfénidone dépendait de la dose. En outre, la combinaison des éléments revendiqués n’aurait pas été évidente.

[166] La meilleure façon de répondre à la question de savoir si les différences constituent des étapes qui auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art est d’appliquer le critère « essai allant de soi » dans des cas comme celui‑ci, où des progrès dans l’art ont été le fruit de l’expérimentation (Sanofi‑Synthelabo, aux para 67‑69). Sur la base des motifs ci‑dessous, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, le schéma d’augmentation posologique divulgué dans les revendications invoquées pour le brevet 654 aurait été un essai allant de soi.

(i) La mosaïque invraisemblable d’antériorités

[167] Sandoz est d’avis que la personne versée dans l’art aurait examiné des pièces non liées à la FPI, sur la base du fait que les brevets 654 et 997 font référence à des études non liées à la FPI, que les pneumologues seraient au courant de certaines maladies non liées à la FPI, que la brochure d’InterMune destinée aux chercheurs a été distribuée aux chercheurs cliniciens dans le cadre des études CAPACITY et contenait une liste d’études cliniques non liées à la FPI comme information pertinente pour les chercheurs, et que la comparaison du profil d’innocuité d’un médicament dans différents états pathologiques n’est pas déraisonnable — [traduction] « plus il y a de données en matière d’innocuité, mieux c’est ».

[168] La personne versée dans l’art aurait été curieuse au sujet des résultats d’études publiées sur la FPI, mais je ne puis conclure qu’il a été établi que la personne versée dans l’art consulterait des pièces non liées à la FPI pour obtenir des renseignements sur la posologie. La personne versée dans l’art, identifiée et décrite ci‑dessus, n’aurait pas cherché des pièces non liées à la FPI concernant ce qui constituait un médicament expérimental à l’époque. Ces pièces d’antériorité non liées à la FPI, bien qu’elles fassent partie de l’état de la technique, ne sont donc pas pertinentes pour le reste de l’analyse (Ciba Specialty Chemicals Water Treatments Limited’s c SNF Inc, 2017 CAF 225 aux para 56, 60, autorisation de pourvoi à la CSC refusée 37915 (14 juin 2018); Hospira CAF, au para 86, Loi sur les brevets, art 28.3).

(ii) Est‑il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe‑t‑il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

[169] Roche soutient qu’il existe une variété de calendriers d’augmentation posologique examinés dans l’état de la technique et que l’établissement d’un schéma posologique particulier nécessite la prise en compte de plusieurs paramètres. Le Dr Kolb est d’avis que ces facteurs comprennent : la dose initiale et la période de la dose initiale; la ou les doses intermédiaires, s’il y a lieu, ainsi que la ou les périodes de la ou des doses intermédiaires; la dose quotidienne maximale; la durée totale de l’augmentation; le fait que la posologie soit basée sur le poids ou fixe. Le Dr Kolb affirme que la personne versée dans l’art aurait donc à choisir parmi un grand nombre de solutions imprévisibles.

[170] Je conclus que, dans sa preuve, le Dr Kolb exagère et complique à l’excès les considérations en jeu. Il était plus ou moins évident que le schéma d’augmentation posologique du brevet 654 devait être utilisé à la lumière des connaissances générales courantes.

[171] Les connaissances générales courantes comprenaient le fait que les stratégies d’administration des médicaments avaient un impact sur la probabilité d’effets indésirables. Les Drs Kolb et McIvor ont convenu que de telles stratégies incluaient des doses plus fréquentes ainsi que le fait de commencer à une faible dose et d’augmenter graduellement jusqu’à la dose cible avec le temps. L’art antérieur, tout en proposant différents délais, énonçait de telles périodes d’augmentation, dont 15 jours dans Raghu 1999. Azuma 2005 a divulgué un calendrier de titrage de dose, où les augmentations de dose se faisaient par tiers de la dose cible (600 mg/jour, 1 200 mg/jour et 1 800 mg/jour).

[172] Azuma a divulgué une dose cible quotidienne fixe de 1 800 mg/jour. J’accepte la preuve du Dr McIvor selon laquelle le dosage fixe aurait été considéré comme moins compliqué que le dosage basé sur le poids.

[173] Sur la base de Raghu 1999, il était en outre dans les compétences et les connaissances de la personne versée dans l’art d’extrapoler une dose quotidienne maximale de 2 400 mg/jour de pirfénidone, pour un patient pesant 60 kg. Roche fait valoir que l’extrapolation utilisée par le Dr McIvor pour arriver à une dose quotidienne maximale fixe de 2 400 mg n’est pas expliquée et qu’il s’agit d’un exemple de sagesse rétrospective. Azuma 2005 indique que la gamme de doses tolérées chez les patients atteints de FPI aux États‑Unis n’est pas claire, et Azuma 2005 lui‑même a fixé un plafond supérieur de 1 800 mg/jour. Je ne suis pas d’accord. Ces variations ne sont pas inventives, alors que Raghu 1999 et Azuma 2005 font partie des connaissances générales courantes et que les différences en question constituent une variation dans l’augmentation posologique, dont les paramètres ont déjà été exposés dans l’état de la technique (Janssen Inc c Mylan Pharmaceuticals ULC, 2010 CF 1123 [Mylan 2010] au para 16).

[174] Je conclus qu’en l’espèce, il est plus ou moins évident que ce qui est essayé devrait fonctionner lorsque : (i) la personne versée dans l’art sait que la pirfénidone est un médicament expérimental prometteur pour le traitement des patients atteints de FPI; (ii) des études antérieures ont envisagé différents schémas d’augmentation posologique; (iii) la personne versée dans l’art sait également qu’un lent titrage de dose peut améliorer la tolérabilité de l’administration du médicament.

(iii) Quels efforts — leur nature et leur ampleur — sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont‑ils courants ou l’expérimentation est‑elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

[175] Roche est d’avis que la personne versée dans l’art aurait exigé un essai clinique enregistré pour, en date du 18 décembre 2006, utiliser la pirfénidone chez les patients atteints de FPI. De plus, selon les connaissances générales courantes, la personne versée dans l’art ne pouvait pas concevoir de tels essais. Roche fait valoir qu’il faudrait privilégier la preuve du Dr Kolb, selon laquelle tester le schéma d’augmentation posologique revendiqué au moyen des essais CAPACITY d’InterMune a nécessité des efforts considérables.

[176] Je conclus que la personne versée dans l’art aurait atteint l’objet des revendications invoquées pour le brevet 654 en effectuant un travail de routine, et non une expérience prolongée ou ardue (Hospira CAF, au para 94) :

[94] Au paragraphe 227 des motifs, le juge mentionne que la personne versée dans l’art n’avait pas les compétences nécessaires pour concevoir et mener les essais décrits aux exemples 1 à 3 du brevet 630. Il y a deux problèmes avec cet énoncé en tant que fondement pour rejeter l’essai allant de soi. D’abord, cela suppose que les résultats fournis par ces essais faisaient partie de l’invention revendiquée. Comme il a été indiqué précédemment, l’invention revendiquée, pour n’importe quelle revendication en cause, est définie par ses éléments essentiels, qui ne prévoient pas d’expériences ou de résultats donnés. Le deuxième problème est qu’obtenir l’invention revendiquée n’exige pas que la personne versée dans l’art soit capable de concevoir ou de mener les essais précis décrits au brevet 630. Il suffit que la personne versée dans l’art administre conjointement un anticorps anti TNF α et du MTX tel qu’il est revendiqué et qu’elle observe les résultats; il ne serait pas nécessaire qu’une expérience de cette nature soit jugée valable auprès des organismes de réglementation.

[177] À l’époque pertinente, je note qu’il y avait des incertitudes et un manque de consensus quant à l’efficacité de la pirfénidone dans le traitement de la FPI, une molécule qui constituait une thérapie « prometteuse ». Toutefois, les différences en cause ont trait spécifiquement au régime d’augmentation de la dose et, à cet égard, je ne puis conclure que l’essai d’un schéma d’augmentation posologique particulier est prolongé ou ardu. Dans cette mesure, la preuve du Dr McIvor est préférable. À la lumière des enseignements découlant de l’état de la technique, je conclus qu’il aurait été naturel d’incorporer le schéma d’augmentation posologique revendiqué dans des travaux ou des expériences de routine.

(iv) L’art antérieur fournit‑il un motif de rechercher la solution au problème qui sous‑tend le brevet?

[178] La preuve établit qu’il y avait un motif spécifique pour poursuivre le schéma d’augmentation posologique à l’époque pertinente. Le Dr Kolb est d’avis que la personne versée dans l’art se serait concentrée sur la prestation de la norme de soins disponible aux patients et que le médecin ordinaire n’aurait pas été motivé à rendre une thérapie potentiellement efficace aussi tolérable que possible.

[179] Cependant, comme cela figure dans les connaissances générales courantes, la personne versée dans l’art était consciente à l’époque pertinente que la norme de soins pour les patients atteints de FPI — thérapie combinée à base de prednisone et traitements de soutien — était associée à des effets secondaires considérables. La personne versée dans l’art savait en outre que la pirfénidone était l’un des nombreux traitements de la FPI faisant l’objet de recherches et elle aurait été curieuse de connaître les principales conclusions relatives aux résultats des études publiées sur la FPI. Comme l’a déclaré le Dr Kolb dans son témoignage de vive voix, la pirfendione était un médicament expérimental prometteur dans le traitement de la FPI. Les conclusions « prometteuses » de l’art antérieur ont fourni un motif pour trouver la solution qui sous‑tend le brevet.

[180] L’invention revendiquée du brevet 654 aurait été évidente à partir du 18 décembre 2006.

[181] Comme il a déjà été mentionné, je ne puis conclure que le comportement réel de l’inventeur désigné, le Dr Bradford, a un impact sur ma décision, et je n’ai pas besoin de m’étendre sur les études supplémentaires citées par Sandoz à cet égard.

(2) Le brevet 997

a) L’idée originale

[182] Je conclus que l’idée originale est l’objet de la revendication invoquée pour le brevet 997. Les experts ont considéré que cet objet était qu’un patient qui a présenté une anomalie hépatique de grade 2 peut toujours recevoir la dose complète de pirfénidone (Shire, précité, au para 67).

b) Les connaissances générales courantes et l’état de la technique

[183] Comme il a déjà été mentionné, les connaissances générales courantes comprennent Raghu 1999 et Azuma 2005. Sandoz s’appuie en outre sur Bowen 2003, dont il a été question plus haut. De plus, Sandoz s’appuie spécifiquement sur les pièces d’antériorité suivantes : lignes directrices de 2007 de la FDA à l’intention de l’industrie, l’étiquette de Pirespa 2008 et Walker&Margolin 2001.

[184] Walker&Margolin 2001 et Bowen 2003 révèlent que la pirfénidone est métabolisée par le foie, ce qui est une information faisant déjà partie des connaissances générales courantes.

[185] Les lignes directrices de 2007 de la FDA à l’intention de l’industrie sont mentionnées dans la section [traduction] « Contexte » du brevet 997, au paragraphe [0009]. Elles visent à aider l’industrie pharmaceutique et les autres chercheurs qui mettent au point de nouveaux médicaments à évaluer le risque qu’un médicament expérimental provoque des lésions hépatiques graves. Elles ont révélé que le traitement devait être suspendu si les taux d’ALT ou d’AST étaient supérieurs à trois fois la LSN (révélateurs d’un grade 2) et s’accompagnaient de symptômes ou d’autres tests anormaux (p. ex. bilirubine).

[186] L’étiquette de Pirespa 2008 est une traduction de l’étiquette de produit pour la pirfénidone approuvée au Japon en 2008 (Pirespa® Comprimé 200 mg, Shionogi & Co., Ltd., préparé en octobre 2008). Elle contient l’information posologique concernant le produit [traduction] « Pirfenidone comprimés » et la consigne d’interrompre l’administration de pirfénidone en cas d’anomalie, y compris les élévations clairement établies des taux d’AST et d’ALT. Elle indique plus particulièrement que [traduction] « si les effets indésirables suivants apparaissent, les mesures thérapeutiques appropriées comme la réduction de la dose ou l’arrêt de l’administration doivent être appliquées si nécessaire » et contient sous [traduction] « Fonction hépatique », entre autres, une élévation des taux d’AST et d’ALT.

c) La différence entre l’état de la technique et la revendication invoquée pour le brevet 997

[187] Sandoz fait valoir qu’il n’y avait aucune différence entre l’état de la technique (qui divulguait la réduction de la dose et la reprise du traitement jusqu’à la pleine dose de pirfénidone, en réponse à un incident thérapeutique de grade 2) et l’objet de la revendication invoquée pour le brevet 997, qui faisait partie des connaissances générales courantes et de l’état de la technique.

[188] Cependant, le Dr McIvor est d’avis que [traduction] « […] les publications dans l’état de la technique à cette époque‑là n’enseignent pas spécifiquement la poursuite ou la reprise du traitement avec cette dose chez les patients qui ont présenté une anomalie de grade 2 dans un ou plusieurs biomarqueurs de la fonction hépatique après l’administration de pirfénidone à une dose de 2 400 ou 2 403 mg/jour ». J’accepte le fait qu’il existe une différence entre l’état de la technique et la revendication invoquée pour le brevet 997, dans la mesure où cet enseignement spécifique n’est pas divulgué dans l’état de la technique.

[189] Roche affirme que ces différences n’étaient pas évidentes. Il n’y avait pas de motivation spécifique à trouver la solution permettant de traiter un sous‑ensemble spécifique de patients atteints de FPI qui présentaient des signes de toxicité hépatique induite par le traitement à la pirfénidone. Il y avait peu ou pas d’indications dans l’état de la technique sur les anomalies hépatiques liées à la pirfénidone, jusqu’à l’étiquette de Pirespa 2008, qui était une indication claire d’arrêter le traitement. En outre, Roche est d’avis que le Dr McIvor exagère les avantages de la poursuite du traitement par la pirfénidone et fait fi du risque de lésions hépatiques. Roche avance que l’opinion du Dr Kolb devrait être privilégiée, à savoir qu’il n’y avait pas d’avantage évident à poursuivre le traitement par la pirfénidone, y compris à une dose de 2 403 mg/jour.

[190] Comme il a été indiqué précédemment, la personne versée dans l’art possédait déjà les connaissances générales courantes requises associées à la gestion de la toxicité hépatique induite par les médicaments. À la lumière des connaissances générales courantes, il aurait été évident de poursuivre le traitement, ou de reprendre la pirfénidone après son arrêt, selon la dose cible complète, en tenant compte particulièrement des stratégies de gestion divulguées dans les connaissances générales courantes.

[191] Le Dr Kolb a déclaré dans son témoignage que le brevet 997 n’enseignait rien à la personne versée dans l’art, il fournit des options et [traduction] « les revendications donnent toutes les options au médecin qui utiliserait alors son expérience avec l’ensemble du contexte pour suivre la démarche appropriée ».

[192] Mes conclusions ne reposent pas sur l’exemple de l’« isoniazide » proposé par le Dr McIvor, qui est un autre médicament connu pour présenter une toxicité hépatique.

[193] La revendication invoquée pour le brevet 997 est évidente à la lumière des connaissances générales courantes convenues par les parties et des admissions du Dr Kolb, en date du 10 novembre 2008.

D. Les compétences et le jugement/la brevetabilité des brevets 654 et 997

[194] Sandoz fait également valoir que les revendications invoquées pour les brevets 654 et 997 ne portent pas sur un objet brevetable, comme le prévoit l’article 2 de la Loi sur les brevets. Les revendications invoquées portent prétendument sur la façon de traiter un patient et nécessitent l’exercice des compétences et du jugement d’un médecin. Roche est d’avis que les revendications invoquées pour les brevets 654 et 997 portent sur des doses fixes et n’interfèrent pas avec le jugement d’un médecin ni ne le limitent — la façon et le moment d’utiliser les doses revendiquées sont laissés à la discrétion du médecin.

[195] Les revendications de brevet sont invalides lorsqu’elles empêchent ou restreignent l’application, par les médecins, de leurs compétences et de leur jugement. Les revendications de brevets portant sur des méthodes de traitement médical sont interdites au Canada et ne sont pas brevetables au titre de l’article 2 de la Loi sur les brevets (Tennessee Eastman Co et al c Commissaire des Brevets (1972), [1974] RCS 111). Comme je l’ai déjà mentionné dans la décision Janssen, il existe des incohérences dans le droit canadien sur ce qui constitue une méthode de traitement médical, ce qui a été souligné par des juges de la présente Cour et de la Cour d’appel fédérale (Janssen, au para 143; voir aussi Hospira CF, au para 141). Cependant, la question cruciale qui demeure est de savoir si les revendications invoquées pour les brevets 654 et 997 empiètent sur les compétences et le jugement des médecins (Hospira CF, au para 146; AbbVie Biotechnology Ltd c Canada (Procureur général), 2014 CF 1251 au para 119 [AbbVie]). Sur la base de la preuve et de la jurisprudence existante, les brevets 654 et 997 divulguent des méthodes de traitement médical non brevetables et sont invalides sur cette base.

[196] En général, les revendications portant sur des dosages et des intervalles d’administration fixes permettent de conclure que les revendications en question concernent un produit vendable (Hospira CAF, au para 53). Par exemple, dans Pharmascience, la Cour fédérale a déclaré (Pharmascience, au para 114) :

[114] […] Toutefois, il faut distinguer des revendications fondées sur les compétences et le jugement d’un praticien de la médecine et celles qui visent un produit vendable, qu’il s’agisse d’un scalpel, d’un appareil de radiologie ou d’un comprimé de 1 mg, qui sera utilisé ou prescrit par ce praticien. En l’espèce, nous avons un comprimé pris en dose de 1,0 mg par jour. La compétence ou le jugement ne jouent pas. Il s’agit d’un produit vendable, et non d’une méthode de traitement médical.

[197] Des dosages fixes ou une fréquence d’administration fixe ne restreignent pas, n’interfèrent pas avec, ou n’impliquent pas la compétence ou le jugement professionnel, à moins qu’il n’y ait des éléments de preuve pour contredire le dosage revendiqué (AbbVie, précitée, au para 114). Une telle preuve existe en l’espèce.

[198] La présente affaire se distingue de Hospira CF et de Biogen Canada Inc c Taro Pharmaceuticals, 2020 CF 621 [Biogen], en ce que les revendications de style suisse ont été interprétées comme des revendications d’utilisation. Dans la décision Hospira CF, la Cour fédérale a distingué l’invention dans l’affaire qui lui était soumise (une combinaison d’éléments connus menant à une efficacité accrue) du schéma posologique menant à une efficacité accrue dans l’affaire Mylan 2010, précitée. Il a été conclu que le brevet en question dans Hospira CF divulguait un produit vendable — visant la composition d’un médicament ou d’un produit pharmaceutique (Hospira CF, aux para 150, 155).

[199] Dans la décision Biogen, la Cour fédérale a suivi l’approche adoptée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Hospira CAF et a conclu que les revendications invoquées étaient limitées à des dosages et des intervalles d’administration fixes et n’étaient pas invalides en tant que méthodes de traitement médical (Biogen précitée, aux para 211‑212). En outre, la Cour fédérale a indiqué qu’elle « ne [voyait] pas en quoi ces revendications pourraient empêcher des professionnels de la médecine d’exercer leur talent et leur jugement », puisque les revendications de style suisse n’ont pas été considérées comme englobant plus que les activités d’un fabricant de produits pharmaceutiques (Biogen, au para 213).

[200] Bien que dans l’arrêt Hospira CAF, la Cour d’appel fédérale ait confirmé la décision de la Cour fédérale selon laquelle aucune des revendications en cause n’était invalide en tant que méthode de traitement médical, elle l’a fait en se fondant sur le fait que le dossier était insuffisant pour démontrer que le juge de la Cour fédérale avait commis une erreur dans cette conclusion (Hospira CAF, au para 56). La Cour d’appel fédérale a déclaré au paragraphe 52 :

[52] Cet état de la jurisprudence présente une simplicité attirante. Toutefois, il ne me paraît pas évident que les décisions de la Cour suprême du Canada qui constituent le fondement du principe voulant que les méthodes de traitement médical ne soient pas brevetables justifient de faire une distinction entre une posologie (ou une fréquence) fixe et une gamme de posologies (ou de fréquences). Il semblerait qu’un professionnel de la santé serait limité dans l’exercice de sa compétence dans l’un ou l’autre des cas. Aussi, on pourrait soutenir qu’un médicament n’est pas moins vendable simplement parce que sa posologie ou sa fréquence d’administration n’est pas fixe.

[201] Bien que la ligne de démarcation entre des dosages fixes et une gamme de dosages ne fournisse pas nécessairement une orientation claire lors de la détermination de la brevetabilité, une gamme de dosages a été plus facilement considérée comme constituant une méthode de traitement médical (Bayer Inc c Cobalt Pharmaceuticals Company, 2013 CF 1061 au para 162, conf par 2015 CAF 116) :

[162] […] Toutes les revendications en litige sont des revendications d’utilisation et non des revendications de produit. Toutes les revendications, sauf la revendication 8, revendiquent l’utilisation d’un contraceptif à base d’un médicament constitué de deux éléments dont chacun est sélectionné à partir d’un choix de composants, dont chacun doit être administré à une dose se situant dans un intervalle de doses. Les revendications 1, 2, 6 et 7 ne peuvent faire l’objet d’un brevet canadien, parce qu’elles ne revendiquent pas un produit vendable; elles offrent à ceux qui prescrivent ou fournissent des contraceptifs le choix entre une foule de composants et d’intervalles de doses. Seule la revendication 8 survit, car elle vise une seule dose de chacun des deux composés.

[202] Cela dit, la présence de doses fixes n’est pas la fin de l’analyse. Dans AbbVie, la Cour fédérale s’est penchée spécifiquement sur la question de savoir si la dose fixe d’« Humira » selon une fréquence précise (aux deux semaines) exigeait néanmoins l’exercice des compétences et du jugement d’un médecin (AbbVie, au paragraphe 10). Dans AbbVie, la Cour fédérale a conclu qu’il n’y aurait pas d’exercice des compétences et du jugement d’un médecin après avoir déterminé si l’utilisation revendiquée était appropriée pour un patient. La preuve avait établi que la dose revendiquée à des intervalles de deux semaines convenait à toutes les personnes auxquelles le médicament était administré (AbbVie, au para 121).

[203] L’affaire actuelle se rapproche davantage des faits identifiés dans l’affaire Mylan 2010, où le juge Barnes a déclaré ce qui suit :

Je retiens de la jurisprudence précitée qu’une revendication de brevet visant une méthode de traitement médical qui, de par sa nature, appartient à un domaine pour lequel on peut penser que la compétence ou le jugement du médecin est nécessaire n’est pas brevetable au Canada. Cela comprend l’administration d’un médicament lorsque le médecin, bien qu’il se fie à la recommandation de dosage du breveté, doit tout de même prêter attention au profil du patient et à la réaction de ce dernier au composé.

[…]

Les témoignages montrent clairement que les médecins prudents, comme le Dr Sadavoy, qui tentent de gérer l’administration de médicaments entraînant des effets secondaires lorsqu’ils traitent des patients âgés le font en tenant compte d’un certain nombre de facteurs individualisés. Contrairement aux témoignages par affidavit présentés par les témoins de Janssen, cela ne se limite pas aux conseils du fabricant en matière de posologie. Dans ce contexte, l’ajustement posologique revendiqué par Janssen ne peut être considéré que comme une recommandation destinée aux médecins. Une prise en charge efficace des patients peut exiger une surveillance individualisée continue et des ajustements de la posologie en parallèle.

(1) Le brevet 654

[204] Bien que les revendications invoquées pour le brevet 654 divulguent le schéma d’augmentation posologique par défaut pour la pirfénidone, la preuve a établi qu’il était toujours nécessaire que le médecin fasse preuve de compétence et de jugement, car le schéma d’augmentation posologique par défaut n’est pas approprié pour tous les patients qui prennent de la pirfénidone pour le traitement de la FPI. Il y a plusieurs effets indésirables anticipés et des caractéristiques individuelles des patients qui requièrent l’attention du médecin prescripteur.

[205] Les Drs McIvor et Kolb sont tous deux d’avis que le schéma d’augmentation posologique pour le brevet 654 ne serait pas tolérable pour tous les patients. Le Dr Kolb a indiqué que le schéma d’augmentation posologique par défaut sera tolérable pour la plupart des patients. Le Dr McIvor a fourni une estimation plus précise, indiquant qu’environ 50 p. 100 des patients qui reçoivent de la pirfénidone auront des problèmes de tolérabilité avec la pirfénidone.

[206] Deuxièmement, la pirfénidone est associée à des effets indésirables qui nécessitent une évaluation individuelle. Le Dr McIvor a déclaré dans son témoignage que [traduction] « de nombreuses personnes atteintes de FPI ont un reflux et des problèmes gastro‑intestinaux au départ ». En ce qui concerne, spécifiquement, le schéma d’augmentation posologique, dans le cadre des revendications invoquées pour le brevet 654, le Dr McIvor s’est dit d’avis qu’environ la moitié des patients sous pirfénidone avaient des problèmes de tolérabilité importants avec la pirfénidone. Les médecins sont tenus de gérer les effets indésirables de la pirfénidone, ce qui nécessite une évaluation individualisée.

[207] Troisièmement, des écarts par rapport au schéma d’augmentation posologique peuvent être justifiés à la lumière d’une variété de facteurs. Ceux‑ci comprennent les habitudes alimentaires, les nausées ressenties, l’évaluation des effets indésirables subis par le patient et de sa fragilité. Bien que le Dr Kolb soit d’avis que la plupart des médecins s’en tiendraient habituellement au schéma d’augmentation posologique, en raison, surtout, d’un manque d’expérience, certains appelleraient des experts et demanderaient de l’aide pour un écart approprié. Le Dr Kolb a émis l’opinion suivante : [traduction] « […] Je peux vous indiquer 20 façons différentes de procéder pour chaque patient […] »

[208] Il ne s’agit pas d’une situation où le schéma posologique convient à toutes les personnes auxquelles le médicament est administré (AbbVie, au para 121). Le schéma d’augmentation posologique revendiqué ne concerne donc pas un produit vendable et interfère indûment avec les compétences et le jugement d’un médecin. On s’attendrait à ce qu’un médecin réponde aux besoins individuels de son patient. Les revendications invoquées pour le brevet 654 sont donc invalides en tant que méthodes de traitement médical.

(2) Le brevet 997

[209] De même, la revendication invoquée pour le brevet 997 divulgue un traitement qui ne convient pas à tous les patients et qui exige une évaluation de la situation personnelle de chaque patient, y compris la consommation d’alcool et les comorbidités. Le Dr Kolb a déclaré dans son témoignage que le brevet 997 n’enseignait pas la nouvelle augmentation de la dose cible de pirfénidone pour tous les patients, et il a ajouté que le brevet 997 n’enseignait rien à la personne versée dans l’art; il ne faisait que présenter des options.

[210] Le Dr McIvor s’est dit d’avis que la gestion d’une anomalie de grade 2 dans un biomarqueur de la fonction hépatique était un exercice hautement individualisé, basé sur les caractéristiques personnelles du patient. Cela comprend la prise en compte de l’élévation du taux d’AST ou d’ALT, ou des deux, de l’ampleur de l’élévation par rapport aux valeurs de base, de la durée du traitement du patient par la pirfénidone, de l’évolution de la FPI chez le patient, de la présence d’autres effets indésirables, de l’âge du patient, des comorbidités et de la médication concomitante. Ainsi, les décisions en matière de traitement varieront d’un patient à l’autre.

[211] Le Dr McIvor est d’avis que la personne qualifiée évaluerait le patient sur le plan clinique pour prendre ses antécédents et déterminer s’il y a autre chose qui cause l’élévation des taux d’ALT et d’AST, comme l’ingestion d’alcool ou d’un autre médicament.

[212] Le médecin doit constamment exercer ses compétences et son jugement. Le mémoire descriptif du brevet 997 divulgue de multiples options (exemples 2 à 6) quant à la façon dont un médecin maintiendrait le traitement des patients à la dose la plus élevée possible de pirfénidone. Il n’indique pas quand les différentes stratégies de dosage seraient appropriées. Comme le démontre l’exemple 6 du mémoire descriptif du brevet, l’utilisation de la pirfénidone à une dose de 2 403 mg/jour ne convient pas à tous les patients atteints de FPI.

E. Les autres revendications d’invalidité

[213] À titre subsidiaire, Sandoz fait valoir que les brevets 654 et 997 sont invalides pour défaut d’utilité ou de prédiction valable, portée excessive des revendications, insuffisance et ambiguïté.

(1) L’utilité ou la prédiction valable

[214] Comme il a déjà été mentionné, les mémoires descriptifs des brevets 654 et 997 ne comprennent pas de données ou de tests cliniques pour soutenir les inventions respectives revendiquées. Bien que cela soit inhabituel, je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que cela suffit à établir l’invalidité des brevets sur la base d’un manque d’utilité. La Cour suprême du Canada a établi que, bien que l’utilité de l’objet soit une condition de validité du brevet aux termes de l’article 2 de la Loi sur les brevets, « le breveté n’est pas tenu de divulguer l’utilité de l’invention pour satisfaire aux exigences énoncées à l’art. 2 » (AstraZeneca Inc c Apotex Inc, 2017 CSC 36 au para 58 [AstraZeneca]; Loi sur les brevets, art 2).

[215] L’utilité est déterminée par l’analyse suivante, selon laquelle les tribunaux doivent : (1) cerner l’objet de l’invention suivant le libellé du brevet; (2) se demander si cet objet est utile — c’est‑à‑dire, se demander s’il peut donner un résultat concret (AstraZeneca, précité, au para 54). Comme il a été mentionné ci‑dessus, et déterminé par les Drs Kolb et McIvor, l’objet du brevet 654 est un schéma posologique pour diminuer les effets indésirables et améliorer la tolérabilité de l’administration de la pirfénidone. En ce qui concerne le brevet 997, l’objet est qu’un patient qui a présenté une anomalie hépatique de grade 2 peut encore recevoir une dose complète de pirfénidone.

[216] Une seule utilisation liée à la nature de l’objet doit être établie par une démonstration ou une prédiction valable, à la date du dépôt (AstraZeneca, aux para 55, 56; Apotex Inc c Wellcome Foundation Ltd, 2002 CSC 77 au para 56). La démonstration de l’utilité peut se faire au moyen d’essais, mais il n’existe pas d’exigence distincte de divulguer l’utilité (Teva Canada Ltd c Pfizer Canada Inc, 2012 CSC 60 au para 40 [Teva]). J’ai donc conclu que les témoignages des docteurs Bradford et Kolb étaient utiles. La preuve du Dr McIvor était axée sur le contenu des divulgations mêmes de brevets, et elle est donc d’une utilité limitée pour contester le fait que l’utilité a été établie au moyen des études CAPACITY. Comme il a déjà été mentionné, il s’agissait de deux études de phase III de la pirfénidone dans le traitement de la FPI.

[217] Sur la base du témoignage du Dr Bradford et des deux études mondiales de phase III CAPACITY, une « parcelle » d’utilité a été établie pour les brevets 654 et 997 (AstraZeneca, au para 55). Bien que l’utilité doive être établie par une démonstration ou une prédiction valable, la perfection scientifique n’est pas requise (Apotex Inc v Janssen Inc, 2021 FCA 45 au para 49, citant AstraZeneca Canada Inc c Mylan Pharmaceuticals ULC, 2011 CF 1023 aux para 161‑166, conf par 2012 CAF 109 [Mylan 2011]).

[218] Le Dr Bradford et son équipe ont conçu deux études de phase III CAPACITY à l’échelle mondiale, PIPF‑004 et PIPF‑006, qui ont mené à l’approbation de la pirfénidone pour le traitement de la FPI au Canada. Les études CAPACITY ont été menées d’avril 2006 à novembre 2008. Le schéma d’augmentation posologique du brevet 654 a été testé dans les études CAPACITY. Un régime à dose plus faible de 1197 mg/jour a également été testé dans l’étude CAPACITY PIPF‑004. Le Dr Bradford a déclaré dans son témoignage que le développement d’une stratégie de gestion proposée pour les anomalies AST ou ALT de grade 2 faisait partie des protocoles de gestion des effets indésirables des études CAPACITY.

[219] J’accepte la preuve des Drs Kolb et Bradford selon laquelle, à la date de dépôt du brevet 654 (18 décembre 2007), les études avaient recruté des patients pendant un an et huit mois. Le Dr Bradford et InterMune ont été tenus au courant des résultats des études en cours, et un comité indépendant de surveillance des données a eu accès aux données sans insu. Le brevet 997 a été déposé le 9 novembre 2009. Je ne puis conclure que la preuve appuie l’affirmation de Sandoz selon laquelle les données n’étaient disponibles qu’après les dates de dépôt respectives des brevets 654 et 997.

[220] Sandoz conteste spécifiquement le fait que les essais CAPACITY aient pu démontrer une réduction de l’effet indésirable de photosensibilité par rapport au brevet 654. Il n’est pas nécessaire de trancher cette question, compte tenu du test d’utilité énoncé ci‑dessus. En outre, je ne puis conclure que, pour établir l’utilité du brevet 997, l’objet revendiqué devait être démontré pour tous les patients atteints de FPI. La norme de l’utilité est peu exigeante, et la perfection scientifique n’est pas requise. La norme requise n’équivaut pas aux normes réglementaires pour l’innocuité et l’efficacité du médicament (Mylan 2011, précitée, aux para 163, 165‑166).

[221] Par conséquent, selon la prépondérance des probabilités, Sandoz n’a pas établi l’invalidité sur la base d’un manque d’utilité.

La portée excessive des revendications

[222] La position de Sandoz est que les revendications invoquées pour les brevets 654 et 997 ont une portée excessive. Le droit relatif à la portée excessive concerne deux limites fondamentales à la portée du monopole d’un inventeur. Premièrement, le monopole ne peut pas excéder l’invention qui a été faite. Deuxièmement, le monopole ne peut pas excéder l’invention décrite dans le mémoire descriptif (Dow Chemical Company c NOVA Chemicals Corporation, 2014 CF 844 au para 198, conf par 2016 CAF 216, citant Pfizer Canada Inc c Canada (Santé), 2008 CF 11 aux para 45‑46).

[223] Je suis d’accord avec l’observation de Sandoz selon laquelle le brevet 654 ne divulgue aucun test pour l’affirmation selon laquelle le schéma d’augmentation posologique revendiqué était [traduction] « optimisé ». En outre, le brevet 997 ne distingue pas les patients pour lesquels la supposée invention serait appropriée.

[224] Cependant, il ne s’agit pas d’un cas où les revendications excèdent l’invention faite ou divulguée dans le mémoire descriptif. J’accepte la preuve du Dr Bradford selon laquelle des efforts de recherche ont été déployés en lien avec les essais CAPACITY. Il n’y a pas non plus de « déconnexion » entre la divulgation et les revendications dans les brevets 654 et 997, comme c’était le cas par exemple dans EIi Lilly. Dans l’affaire Eli Lilly, la divulgation limitait l’ostéoporose et la perte osseuse à celles sans produire les effets négatifs de l’œstrogénothérapie. Cette limitation n’était incluse que dans une seule des revendications en cause, ce qui a permis à la Cour fédérale de conclure que les autres revendications invoquées avaient une portée excessive (Eli Lilly, aux para 179‑182). Les revendications invoquées pour les brevets 654 et 997 n’ont donc pas une portée excessive.

(2) L’insuffisance

[225] Les mémoires descriptifs des brevets 654 et 997 satisfont aux exigences de suffisance, conformément au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets. Le mémoire descriptif, constitué des revendications et de la divulgation, doit être exact et complet, de sorte que le public puisse, en n’ayant que le mémoire descriptif, utiliser l’invention de la même façon que l’inventeur (Teva, précité, au para 70, citant Consolboard, précité, au para 520). « La divulgation qui n’est pas juste et entière, ou qui énonce une application ou une exploitation non fondée de l’invention, pourrait ne pas satisfaire aux exigences du par. 27(3) » de la Loi sur les brevets (AstraZeneca, au para 46).

[226] Cela dit, le manque de données dans le mémoire descriptif du brevet ne rend pas l’invention insuffisante (Bristol‑Myers Squibb Canada Co c Pharmasicence Inc, 2021 CF 1 au para 52, citant Pfizer Canada Inc c Canada (Santé), 2008 CAF 108 au para 56). Il existe une distinction entre la suffisance de la divulgation et la suffisance des données sous‑jacentes à l’invention. Je n’accepte donc pas les arguments de Sandoz selon lesquels le mémoire descriptif du brevet 654 est insuffisant en ce qu’il fait référence à un schéma d’augmentation posologique [traduction] « amélioré » et [traduction] « optimisé » dans le mémoire même, ni en ce qu’aucune donnée n’est évoquée pour appuyer la réduction revendiquée de l’effet indésirable lié à la photosensibilité. Dans aucun des cas, la personne versée dans l’art n’est incapable de pratiquer l’invention et d’en faire le même usage que l’inventeur.

[227] Je conclus que toute préoccupation concernant la suffisance du mémoire descriptif du brevet correspond à mon analyse et à mes conclusions dans la section sur les méthodes de traitement médical, ci‑dessus. Je ne puis conclure que les mémoires descriptifs des brevets 654 et 997 sont insuffisants, mais c’est en grande partie du fait que les compétences et le jugement d’un médecin le guideraient dans la mise en pratique des revendications invoquées pour les brevets 654 et 997.

[228] En ce qui concerne le brevet 997, la personne versée dans l’art peut s’appuyer sur les connaissances générales courantes pour comprendre le mémoire descriptif du brevet (Eli Lilly Canada Inc c Apotex Inc, 2018 CF 736 au para 125, citant Whirlpool, au para 53). Comme il a déjà été mentionné, la personne versée dans l’art est consciente du potentiel de la pirfénidone à présenter une toxicité hépatique induite par le médicament, comprend que les élévations de l’ALT et de l’AST peuvent être indicatives d’une lésion hépatique et choisirait parmi plusieurs stratégies connues de gestion des effets indésirables.

(3) L’ambiguïté

[229] Sandoz fait en outre valoir que les revendications 7 et 18 invoquées pour le brevet 654 sont invalides, parce qu’elles sont ambiguës, ce qui est contraire au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. L’ambiguïté du brevet 654 n’a pas été établie sur la base du fait que le terme [traduction] « incidence » n’est pas clair, compte tenu de l’interprétation que j’ai indiquée ci‑dessus (Pfizer Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2005 CF 1725 aux para 52‑53, conf par 2007 CAF 1). Je n’accepte pas l’argument de Sandoz selon lequel une incohérence interne est créée qui rend cet élément de la revendication dépourvu de sens.

XI. Conclusion

[230] En ce qui concerne la question de la contrefaçon, Sandoz ne contrefera pas directement les revendications 1, 3, 5, 7, 8, 10, 12 et 14 à 18 invoquées pour le brevet 654 ou la revendication 11 invoquée pour le brevet 997. Toutefois, Sandoz incitera à la contrefaçon des revendications 1, 3, 5, 8, 10, 12 et 14 à 17 invoquées pour le brevet 654.

[231] Concernant la question de la validité, les revendications invoquées pour les brevets 654 et 997 sont invalides pour cause d’évidence et en tant que méthodes de traitement médical. La revendication invoquée pour le brevet 997 est également invalide pour cause de double brevet relatif à une évidence.

[232] L’invalidité n’a pas été établie sur la base de l’anticipation ou de l’ambiguïté pour les revendications du brevet 654. L’invalidité des revendications invoquées pour les brevets 654 et 997 n’a pas été établie non plus sur la base de l’utilité, de la portée excessive des revendications ou de l’insuffisance.

XII. Les dépens

[233] Les dépens seront adjugés à Sandoz dans le cadre de la présente action. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur l’adjudication des dépens, elles disposeront d’un délai de 10 jours suivant le prononcé de la présente décision pour soumettre à la Cour des observations sur les dépens, d’une longueur maximale de cinq (5) pages.


XIII. Annexe A — Liste des pièces d’antériorité invoquées

  1. Azuma, A., et coll., « Double‑blind, Placebo‑controlled Trial of Pirfenidone in Patients with Idiopathic Pulmonary Fibrosis », American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine, 2005, 171, aux p 1040‑1047 (Azuma 2005).

  2. Babovic‑Vuksanovic, D., et coll., « Phase II trial of pirfenidone in adults with neurofibromatosis type 1 », Neurology, 2006, 67, aux p 1860‑1862 (Babovic‑Vuksanovic 2006).

  3. Bowen, J.D. et coll., « Open‑label study of pirfenidone in patients with progressive forms of multiple sclerosis », Multiple Sclerosis, 2003, 9, aux p 280‑283 (Bowen 2003).

  4. FDA Draft Guidance for Industry, Drug‑Induced Liver Injury: Premarketing Clinical Evaluation, octobre 2007 (les lignes directrices de 2007 de la FDA à l’intention de l’industrie).

  5. Nagai, S. et coll., « Open‑label Compassionate Use One Year‑treatment with Pirfenidone to Patients with Chronic Pulmonary Fibrosis », Internal Medicine, 2002, 41, aux p 1118‑1123 (Nagai 2002)

  6. Pirespa® Tablets 200 mg, Shionogi & Co., Ltd., préparé en octobre 2008 (1re version; traduction) (l’étiquette de Pirespa 2008).

  7. Raghu, G., et coll., « Treatment of Idiopathic Pulmonary Fibrosis with a New Antifibrotic Agent, Pirfenidone: Results of a Prospective, Open‑label Phase II Study », American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine, 1999, 159, aux p 1061‑1069 (Raghu 1999).

  8. Walker, J.E. et Margolin, S.B., « Pirfenidone for chronic and progressive multiple sclerosis », Multiple Sclerosis, 2001, 7, aux p 305‑312 (Walker&Margolin 2001).

 


JUDEMENT dans les dossiers T‑896‑19, T‑897‑19, T‑898‑19 et T‑899‑19

LA COUR STATUE que :

  1. Sandoz incitera à la contrefaçon des revendications 1, 3, 5, 8, 10, 12 et 14 à 17 invoquées pour le brevet 654;

  2. Sandoz ne contrefera pas les revendications 7 et 18 invoquées pour le brevet 654, ni n’incitera à la contrefaçon de ceux‑ci;

  3. Sandoz ne contrefera pas la revendication 11 invoquée pour le brevet 997, ni n’incitera à la contrefaçon de celle‑ci;

  4. Les actions sont rejetées pour les motifs prononcés dans le présent jugement;

  5. Les dépens de la présente action sont adjugés à Sandoz. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur l’attribution des dépens, elles disposeront d’un délai de dix (10) jours suivant le prononcé de la présente décision pour soumettre à la Cour des observations sur les dépens, d’une longueur maximale de cinq (5) pages.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B., juriste‑traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑896‑19

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

HOFFMANN‑LA ROCHE LIMITED ET AL c SANDOZ CANADA INC.

 

ET DOSSIER :

T‑897‑19

INTITULÉ DE LA CAUSE :

HOFFMANN‑LA ROCHE LIMITED ET AL c SANDOZ CANADA INC.

 

ET DOSSIER :

T‑898‑19

INTITULÉ DE LA CAUSE :

HOFFMANN‑LA ROCHE LIMITED ET AL c SANDOZ CANADA INC.

 

ET DOSSIER :

T‑899‑19

INTITULÉ DE LA CAUSE :

HOFFMANN‑LA ROCHE LIMITED ET AL c SANDOZ CANADA INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Tenue par vidéoconférence

 

DATES DE L’AUDIENCE :

DU 22 AU 26 février 2021, DU 1er AU 4 mars 2021 ET LE 22 mars 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

LE 12 mai 2021

 

COMPARUTIONS :

Yoon Kang

Nancy Pei

Lynn Ing

Ryan Evans

Brandon Heard

Katie Lee

Chen Li

 

Pour les demanderesses

HOFFMANN‑LA ROCHE LIMITED ET AL

 

Warren Sprigings

Carol Hitchman

Mingquan Zhang

Meghan Dureen

 

Pour la défenderesse

SANDOZ CANADA INC.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour les demanderesses

HOFFMANN‑LA ROCHE LIMITED ET AL

 

Sprigings Intellectual Property Law

Avocats

Etobicoke, Ontario

 

Pour la défenderesse

SANDOZ CANADA INC.

 

 

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