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Date : 20050127

Dossier : T-2022-89

Référence : 2005 CF 136

Ottawa (Ontario), le 27 janvier 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MAX M. TEITELBAUM

ENTRE :

LE CHEF VICTOR BUFFALO, agissant en son propre nom et au nom des autres membres de la nation et bande indienne de Samson,

et la BANDE ET NATION INDIENNE DE SAMSON

demandeurs

- et -

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD

et LE MINISTRE DES FINANCES

défendeurs

- et -

LE CHEF JEROME MORIN, agissant en son propre nom ainsi qu'au nom de tous les MEMBRES DE LA BANDE DES INDIENS ENOCH ET DES RÉSIDENTS DE LA RÉSERVE No 135 DE STONY PLAIN

intervenants

- et -

EMILY STOYKA et SARA SCHUG

intervenantes


MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

[1]                Le procès de la présente action a été long et complexe. Une partie du redressement que visent à obtenir les demandeurs de la Nation crie de Samson comprend notamment ce qui suit et qui se trouve dans leur déclaration modifiée no 4 :

[traduction]

[...]

2.              Un jugement déclarant que la défenderesse, Sa Majesté, est en situation de conflit d'intérêts, qu'elle a illégalement tiré avantage des sommes qui lui avaient été confiées et qu'elle est susceptible d'être destituée immédiatement de sa charge de fiduciaire des sommes appartenant aux demandeurs.

[...]

6.              Un jugement déclarant que les sommes en fiducie confiées aux défendeurs pour la bande demanderesse doivent être transférées sans délai sous la propriété, la gestion et le contrôle de la bande demanderesse.

7.              Une injonction obligeant les ministres défendeurs à payer et à transférer immédiatement à la bande demanderesse ces sommes en fiducie d'un montant d'environ 400 millions de dollars.

8.              Subsidiairement, la nomination de la Peace Hills Trust Company à titre de fiduciaire des sommes appartenant aux demandeurs et actuellement confiées à Sa Majesté.


[2]                Samson prétend, en se basant tant sur son droit inhérent à l'autodétermination que sur ses droits en application du Traité no 6, qu'elle a le droit de contrôler ses deniers versés aux comptes de capital, lesquels sont actuellement détenus par la Couronne. Samson allègue, notamment, que la Couronne s'est illégalement prêté les sommes en fiducie à son propre avantage et qu'elle n'a pas obtenu un taux de rendement compatible avec les pratiques prudentes en matière de placement. Samson prétend que la Couronne a échoué lamentablement en tant que fiduciaire et qu'elle a n'a pas rempli son obligation d'administrer correctement les fonds en fiducie dans le meilleur intérêt des membres, présents et futurs, de la Nation crie de Samson. Par conséquent, Samson désire que la Couronne soit relevée de ses fonctions de fiduciaire.

[3]                La Couronne a, tout au long du présent litige et même avant qu'il ne débute, constamment nié les allégations de Samson relativement au non-respect du traité et de ses obligations fiduciaires. La Couronne prétend que la loi exige qu'elle détienne ces sommes dans le Trésor, qu'un taux de rendement raisonnable a été obtenu et qu'elle n'a tiré aucun avantage au regard de ces sommes.

[4]                Au cours des années, il y a eu différentes discussions et tentatives pour transférer une partie ou la totalité de ces sommes. Toutefois, comme cet aspect du litige l'indique clairement, ces initiatives n'ont rien donné. Il n'est pas nécessaire, à cette étape-ci, que je procède à un examen détaillé de cette histoire. Qu'il suffise cependant de dire que, au cours des conclusions finales, Samson a convenu qu'elle respecterait toutes les conditions que la Cour estimerait appropriées afin d'obtenir le transfert qu'elle désire. La Couronne, pour sa part, s'est déclarée disposée à transférer le contrôle, sous réserve que la Cour énonce certaines conditions et qu'elle déclare que le ministre des Affaires indiennes et du Nord dispose de l'assise juridique pour effectuer un tel transfert.

[5]                Le montant d'argent en cause en l'espèce est élevé : environ 360 millions de dollars. Un transfert de contrôle pur et simple serait inapproprié à cette étape-ci et dans ces circonstances, s'il n'était pas accompagné de conditions. Par conséquent, et après avoir entendu les avocats des parties sur ce point, plusieurs conditions doivent être remplies par Samson avant que le transfert ait lieu.

[6]                Samson doit préparer et signer une convention de fiducie contenant des dispositions satisfaisantes pour la Cour. La convention nommera un fiduciaire ou un conseil de fiducie externe, indépendant de Samson, lequel détiendra l'argent. Elle contiendra des dispositions traitant d'un plan financier détaillé, lequel exposera à son tour les politiques de placement et de dépense des fonds. La convention de fiducie établira les conditions nécessaires au versement des revenus et aux prélèvements sur le capital. La convention contiendra des dispositions concernant la sélection et la destitution des directeurs des placements et des fiduciaires. Elle établira des processus pour la surveillance et l'examen du rendement des fonds et de la politique de placement, de même que pour la communication de rapports aux membres de la Nation crie de Samson. Les futurs deniers versés aux comptes de capital de la Couronne au profit de Samson seront transférés à la fiducie, conformément aux arrangements qui seront convenus entre Samson et la Couronne ou, à défaut d'une telle entente, qui seront déterminés par la Cour.


[7]                Samson doit également exonérer la Couronne de toute responsabilité future concernant les deniers (actuels ou futurs) versés aux comptes de capital ou pour leur dépôt en garde, leur gestion, la conservation du capital et le taux de rendement, une fois que les fonds sont transférés à la fiducie, une telle exonération étant applicable et demeurant valide sans égard au fait que des articles de la Loi sur les Indiens soient subséquemment déclarés inconstitutionnels.

[8]                Samson doit également tenir un référendum visant à obtenir l'approbation des membres de la bande concernant ce transfert et les transferts futurs, en utilisant une procédure satisfaisante pour la Cour. De l'information doit être fournie aux votants potentiels pour leur permettre d'être bien renseignés et cela, au moyen de réunions publiques de la bande et de documents écrits expliquant les éléments fondamentaux de la fiducie, des plans financier et de placement ainsi que de l'exonération envisagée aux présentes. Le référendum sera ouvert à tous les membres admissibles au vote lors d'élections au sein de la bande; une majorité régulière de 50 p. cent plus un des votants constituera un résultat obligatoire.


[9]                Samson doit ensuite présenter au ministre une résolution du conseil de bande (la RCB) demandant le transfert, à l'exception d'une somme de 3 millions de dollars qui sera retenue afin de résoudre toute question non réglée. La convention de fiducie, l'exonération de responsabilité et les résultats du référendum seront annexés à la RCB. Vu ma conclusion selon laquelle le transfert et les transferts futurs sont au profit de la Nation crie de Samson, le ministre peut alors autoriser le transfert à la fiducie convenue des deniers actuels et futurs de Samson versés aux comptes de capital, conformément à l'alinéa 64(1)k) de la Loi sur les Indiens. Les avocats de la Couronne ont avisé la Cour qu'ils avaient reçu la confirmation que le ministre autorisera effectivement le transfert des deniers actuels versés aux comptes de capital, moyennant le respect des conditions établies aux présentes.

[10]            Je souligne qu'en exposant ces conditions pour le transfert, la Cour ne se prononce d'aucune façon sur les contestations et les arguments d'ordre constitutionnel de Samson concernant la Loi sur les Indiens, ses droits inhérents ou ses droits issus de traités. Cela sera abordé dans le jugement final de la Cour concernant les première et deuxième phases du présent procès.

                                        ORDONNANCE

[11]            LA COUR ORDONNE :

1.                   La Nation crie de Samson signe une convention de fiducie contenant des dispositions satisfaisantes pour la Cour, conformément aux motifs accompagnant la présente ordonnance.


2.          La Nation crie de Samson exonère la Couronne de toute responsabilité future concernant les deniers (actuels ou futurs) versés aux comptes de capital ou pour leur dépôt en garde, leur gestion, la conservation du capital et le taux de rendement, une fois que les fonds sont transférés à la fiducie convenue, une telle exonération étant applicable et demeurant valide sans égard au fait que des articles de la Loi sur les Indiens soient subséquemment déclarés inconstitutionnels.

3.          La Nation crie de Samson tient un référendum sur le transfert et l'exonération de responsabilité parmi les membres de la bande admissibles à voter, en utilisant une procédure satisfaisante pour la Cour et conformément aux conditions exposées dans les motifs accompagnant la présente ordonnance, une majorité régulière de 50 p. cent plus un des votants constituant un résultat obligatoire.

4.          Le chef et le conseil de la Nation crie de Samson présentent au ministre des Affaires indiennes et du Nord une résolution du conseil de bande contenant tous les éléments qui précèdent et demandant le transfert des deniers versés aux comptes de capital, à l'exception d'une somme de 3 millions de dollars qui devra être retenue afin de résoudre toute question non réglée.


5.          Sur réception par le ministre de cette résolution du conseil de bande, et vu l'indication selon laquelle le ministre a, par l'intermédiaire de ses avocats, confirmé à la Cour et à Samson qu'il autorisera le transfert des deniers actuels versés aux comptes de capital en fonction de la présente ordonnance, la Cour déclare que le transfert, et les transferts de deniers futurs versés aux comptes de capital, sont au profit de la Nation crie de Samson et que le ministre des Affaires indiennes et du Nord possède le pouvoir d'autoriser de tels transferts, conformément à l'alinéa 64(1)k) de la Loi sur les Indiens. La Cour déclare également qu'il est de toute façon opportun et indiqué que le ministre effectue ce transfert, et les transferts futurs des nouveaux deniers reçus et versés aux comptes de capital, même si cet alinéa ou d'autres dispositions de la Loi sur les Indiens sont subséquemment déclarés inconstitutionnels.

6.          Les futurs deniers versés aux comptes de capital de la Couronne au profit de Samson seront transférés à la fiducie, conformément aux arrangements qui seront convenus entre Samson et la Couronne ou, à défaut d'une telle entente, qui seront déterminés par la Cour.

                                                                         « Max M. Teitelbaum »              

Juge                     

Ottawa (Ontario)

Le 27 janvier 2005

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            T-2022-89

INTITULÉ :                                           LE CHEF VICTOR BUFFALO ET AL

c.

SA MAJESTÉ LA REINE ET AL

LIEU DE L'AUDIENCE :                              OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 21 JANVIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE TEITELBAUM

DATE DES MOTIFS :                                   LE 27 JANVIER 2005

COMPARUTIONS :

James O'Reilly                                         POUR LES DEMANDEURS

Ed Molstad, c.r.

Clarke Hunter                                          POUR LES DÉFENDEURS

Mary Comeau

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

O'Reilly & Associés                                 POUR LES DEMANDEURS

Montréal (Québec)

Parlee McLaws LLP

Edmonton (Alberta)

Macleod Dixon LLP                                POUR LES DÉFENDEURS

Calgary (Alberta)


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