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     Date: 20000912

     Dossier : IMM-1388-99



OTTAWA, ONTARIO, LE 12e JOUR DE SEPTEMBRE 2000

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE PELLETIER


ENTRE :

     VALENTIN STOICA

     Demandeur

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     Défendeur



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE



[1]      Valentin Stoica est un ressortissant de la Roumanie qui allègue qu'il est victime de persécution en raison de ses opinions politiques imputées et en raison de son appartenance à un groupe social particulier, soit les personnes affligées de maladie mentale. La Section du statut de réfugié ( « Section du statut » ) de la Commission de l'Immigration et du Statut de réfugié rejeta sa réclamation de statut de réfugié et en plus, conclut à l'absence d'un minimum de fondement pour sa réclamation.

[2]      Les faits essentiels sont résumés par la Section du statut en deux paragraphes:

         Monsieur Stoica est né en Roumanie le 24 septembre 1961. Les événements allégués par le revendicateur se seraient déroulés à partir de 1978 jusqu'à son départ de la Roumanie en mars 1997. Il aurait été harcelé, menacé et agressé par les membres de la Securitate et du SRI, soit le Service roumain d'information afin qu'il accepte d'être un informateur de cette organisation dans son milieu de travail. Suite à son refus de se soumettre, il aurait été battu à de nombreuses reprises par les gens du SRI qui l'auraient forcé à signer des dénonciations calomnieuses. Le revendicateur aurait aussi été menacé par la police d'être emprisonné pour trois ans, après avoir été accusé de calomnie.
         Ne pouvant plus supporter cette situation, il a quitté la Roumanie en mars 1997 pour se rendre en Italie où il est demeuré jusqu'à la fin avril 1998. Il est arrivé au Canada le 15 mai 1998 et il a demandé le statut de réfugié le même jour.

[3]      Le demandeur allégua être persécuté à cause de ses opinions politiques imputées et de son appartenance à un groupe social particulier, soit les personnes souffrant de maladie mentale. La Section du statut conclut à l'absence de persécution à cause de deux faits. Le demandeur prétendait que les services de sécurité lui en voulait, ce qui paraissait invraisemblable à la Section du statut étant donné que le demandeur soit demeuré au même emploi pendant 18 ans. De plus, aucun de ses collègues de travail ne semble avoir été gêné par de fausses accusations que le demandeur allègue avoir signées afin d'éviter de se faire battre. L'appréciation de la preuve est au coeur de la compétence de la Section du statut, et en jaugeant la crédibilité du demandeur, la Section du statut peut se fonder sur les invraisemblances autant que les contradictions.

     Aguebor v. Canada (MEI) (1994), 160 N.R. 315 (C.A.F.)

[4]      La Cour ne mettra pas de côté l'appréciation de crédibilité de la Section du statut, à moins qu'il n'y ait erreur manifeste de sa part. Le fait qu'une conclusion contraire ne serait pas plus déraisonnable que celle de la Section du statut n'aide pas le demandeur. Le fait que la Cour doute de la décision de la Section sur un point ou l'autre n'autorise pas celle-ci de substituer son opinion pour celle de la Section de statut.

[5]      En traitant de la crainte subjective du demandeur, la Section du statut semble dire deux choses contradictoires. Voici les trois paragraphes pertinents:

         Enfin, bien que son état de santé puisse l'amener à avoir une crainte subjective de persécution dans son pays, le tribunal est cependant d'avis que cette crainte n'a pas de fondements objectifs.
         De plus, il est demeuré en Italie pendant plus d'un an sans revendiquer le statut de réfugié dans ce pays, prétextant qu'il aurait consulté un avocat qui lui aurait dit que l'Italie n'accordait plus l'asile politique et qu'il devait aller au Canada.
         Le tribunal a rejeté ces explications et nous estimons que son comportement n'est pas compatible avec celui d'une personne qui dit craindre les autorités de son pays et qui cherche la protection internationale.

[6]      La Section du statut semble admettre au départ que le demandeur aurait une crainte subjective de persécution dans son pays, quoiqu'elle n'ait pas de fondement objectif. La Section du statut touche ensuite sur le séjour du demandeur en Italie et rejette son explication du fait qu'il n'a pas revendiqué le statut de réfugié en Italie. À partir de cela, elle conclut que le demandeur n'a pas de crainte subjective de persécution dans son pays. La Section semble dire deux choses contradictoires. En un premier temps, elle admet que le demandeur a une crainte subjective de persécution dans son pays, mais cette crainte est le produit de sa maladie et n'a pas de fondement objectif. Dans un deuxième temps, la Section du statut semble dire que le demandeur n'a pas de crainte subjective parce qu'il n'a pas fait de demande de statut de réfugié en Italie pendant son séjour d'un an. Cette dernière conclusion repose sur la supposition qu'une personne avec une véritable crainte de persécution fera tout en son possible pour s'assurer une place de sécurité et en particulier, réclamer le statut de réfugié aussitôt qu'une opportunité se présente. Sauf pour l'influence de la maladie sur le raisonnement du demandeur, ce n'est pas une supposition déraisonnable. Mais le lecteur pourrait s'interroger si la Section du statut accepte ou non que le demandeur ait une crainte subjective de persécution dans son pays.

[7]      Ceci est important dans le contexte de la conclusion de la Section du statut, à savoir que la demande du demandeur n'avait pas un minimum de fondement. Si le demandeur avait une crainte subjective sans fondement objectif de persécution, ce serait quand même un élément de preuve sur laquelle la Section du statut pourrait se fonder pour lui accorder le statut de réfugié. Ça ne serait pas suffisant mais il y aurait à ce moment-là un élément de preuve crédible ou digne de foi à l'appui de sa demande. Si le demandeur n'a ni crainte subjective, ni de fondement objectif pour une telle crainte, alors la conclusion d'absence de minimum de fondement pourrait être justifiée.

[8]      Vu la conclusion de la Section du statut, il faut croire que celle-ci rejetait la possibilité d'une crainte subjective découlant de la maladie du demandeur. La supposition qu'un individu avec une crainte authentique de persécution profitera de la première opportunité pour revendiquer le statut de réfugié ne dépend pas du bien-fondé ou de la source de la crainte. Vu que le demandeur n'a pas profité de l'opportunité que lui présentait son séjour en Italie, la conclusion s'impose qu'il n'avait pas de crainte subjective de persécution. En conséquence, le rejet de la demande de Statut de réfugié et la conclusion d'absence de minimum de fondement ne sont pas déraisonnables.

     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                     « J.D. Denis Pelletier »

     Juge

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