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Date : 20000413


Dossier : T-2410-98




ENTRE :


INHESION INDUSTRIAL CO. LTD.


Demanderesse


- et -


ANGLO CANADIAN MERCANTILE CO. LTD.


Défenderesse



MOTIFS DE L'ORDONNANCE


Le juge O"KEEFE


[1]          La présente audition concernait une requête pour obtenir un jugement sommaire présentée par la demanderesse Inhesion Industrial Co. Ltd. (Inhesion). La défenderesse Anglo soutient pour sa part que les parties ont réglé le litige et conséquemment, qu'une ordonnance devrait être prononcée pour qu'un jugement sommaire soit rendu en sa faveur. Les questions relatives à la radiation de l'affidavit en réponse d'Aric Chang et de l'affidavit de Charles A. Bertrand n'ont pas été soulevées devant moi.


CONTEXTE

[2] L'action sous-jacente en l'espèce se rapporte à une violation de droit d'auteur. Inhesion y allègue qu'Anglo a reproduit une oeuvre artistique particulière, à savoir le dessin d'un poinsettia (le Motif poinsettia), créé et apposé sur une gamme de pièces de vaisselle vendues par Inhesion. La déclaration produite le 21 décembre 1998 demandait :

     (1)          une déclaration selon laquelle Anglo a violé le droit d'auteur d'Inhesion sur le Motif poinsettia;
     (2)          une injonction;
     (3)          des dommages-intérêts et une reddition de compte;
     (4)          des dommages-intérêts exemplaires et punitifs;
     (5)          une ordonnance prescrivant à la défenderesse de faire remise sous serment.

[3]      Inhesion est une société de Hong Kong qui se spécialise dans la fabrication, l'exportation et la vente de fine porcelaine de Chine, plus particulièrement de vaisselle. Différents dessins artistiques sont apposés sur la porcelaine. Selon la preuve produite à l'appui de la requête en jugement sommaire, Inhesion élabore chaque année environ 100 nouveaux motifs destinés à être appliqués sur de la vaisselle. Les dessins sont créés par des employés d'Inhesion ou de Concord Ceramics Shenzhen Limited (Concord), sa filiale en propriété exclusive, et par quelques fournisseurs indépendants qui font des dessins pour la demanderesse. Selon Inhesion, le dessous de sa vaisselle porte sa marque de commerce " Sunflower & Design " ainsi qu'une indication selon laquelle le produit provient de Chine.

[4] Dans son dossier de requête, Inhesion déclare que le 8 décembre 1990, dans l'exercice normal de son emploi auprès de Concord, Tsai Min Jen, un résident de la Chine, a créé le Motif poinsettia. Le droit d'auteur sur le Motif poinsettia aurait été cédé par Concord à Inhesion le 5 août 1998.

[5] Inhesion exporte ses produits et les vend dans des grands magasins. L'un de ses clients est Canadian Tire Limited (Canadian Tire). Inhesion vend plus particulièrement son Motif poinsettia à Canadian Tire pour mise en vente au Canada avant et durant la période des Fêtes. Depuis 1993, le Motif poinsettia a été vendu au Canada pendant la période des Fêtes exclusivement par Canadian Tire. Avec des ventes en augmentation chaque année, le Motif poinsettia était un produit très recherché. Devant la popularité croissante de ce dessin, de nouveaux produits, comme une saucière, un beurrier et un plat à gâteau, se sont ajoutés à la gamme de produits originale.

[6] En janvier 1998, Canadian Tire a demandé une baisse de prix à Inhesion pour la vaisselle portant le Motif poinsettia qui serait achetée pour la période des Fêtes de 1998. Inhesion a refusé de consentir cette baisse de prix. Canadian Tire a alors informé Inhesion qu'elle ne lui achèterait aucune vaisselle pour la période des Fêtes de 1998 mais qu'elle chercherait plutôt un nouveau motif auprès d'un autre fabricant.

[7] En mai 1998, Inhesion a appris qu'une usine de Chine avec qui elle faisait parfois affaires pour la production de vaisselle, fabriquait de la vaisselle pour une tierce partie; cette vaisselle arborait un motif qui était une reproduction exacte du Motif poinsettia d'Inhesion. Après une enquête plus poussée, Inhesion a appris que cette vaisselle particulière était fabriquée à la demande d'Anglo pour revente à Canadian Tire. Anglo est une importante société d'importation et de distribution de vaisselle et de verrerie au Canada.

[8] À la suite de cette découverte, des représentants d'Inhesion ont pris contact avec Canadian Tire. M. Dykeman de Canadian Tire aurait reconnu que cette société achetait la vaisselle d'Anglo, que le dessin était délibérément reproduit à partir du Motif poinsettia d'Inhesion et qu'il en constituait la réplique exacte.

[9] Le 21 août 1998, Inhesion a envoyé une mise en demeure à Anglo l'avisant qu'elle revendiquait la propriété du droit d'auteur sur le Motif poinsettia. La mise en demeure exigeait qu'Anglo cesse toute activité se rapportant au Motif poinsettia. Anglo a refusé, a continué d'importer le produit au Canada et elle a vendu à Canadian Tire de la vaisselle portant le Motif poinsettia pour la période des Fêtes de 1998.

[10] Anglo avait fourni à Canadian Tire, pendant de nombreuses années, de la verrerie à motif de poinsettia ainsi que d'autres produits. Anglo a importé et distribué de la vaisselle et de la verrerie fines partout au Canada et dans d'autres pays durant un grand nombre d'années. Avant 1996, Libbey, un autre important fabricant de verrerie, avait fourni de la verrerie à Canadian Tire. Lorsque Canadian Tire lui a demandé de lui fournir de la vaisselle arborant le Motif poinsettia, Anglo aurait cru que Canadian Tire était titulaire des droits sur le Motif poinsettia.

[11] En décembre 1998, Inhesion a intenté contre Anglo son action en violation du droit d'auteur en vue d'obtenir des dommages-intérêts et une injonction.

[12] Des représentants d'Anglo, d'Inhesion et de Canadian Tire se sont rencontrés en janvier 1999 pour tenter de régler l'affaire, mais ce fut sans succès apparent. Inhesion a alors offert le même prix qu'Anglo et a reçu la commande de Canadian Tire pour la vaisselle " poinsettia " pour la période des Fêtes de 1999.

[13] Anglo prétend qu'Inhesion était au courant du fait qu'Anglo fabriquait la vaisselle " poinsettia " en mai 1998, mais qu'elle a attendu jusqu'au 21 août 1998 avant d'aviser pour la première fois Anglo qu'elle revendiquait la propriété du droit d'auteur sur le dessin " poinsettia ".

                            

[14] À titre de preuve à l'appui de la présente requête, la demanderesse a produit les affidavits d'Aric Chang. La défenderesse s'appuie pour sa part sur les affidavits de Charles A. Bertrand, président d'Anglo, et sur l'affidavit de Selim Moghrabi, l'ancien avocat d'Anglo.

QUESTIONS EN LITIGE

[15] Deux questions sont soulevées par les parties. Celles-ci concernent le bien-fondé et la pertinence de la requête en jugement sommaire ainsi que l'existence d'un règlement entre les parties.

[16] À l'audition de la présente requête, l'avocat de la demanderesse a demandé que la question du règlement soit examinée à l'instruction puisque des questions de crédibilité étaient en jeu. J'ai soulevé avec lui le point de savoir quel serait l'objet du litige si les parties en étaient arrivées à un règlement. La Cour a été informée que cela dépendrait des modalités du règlement, si règlement il y avait, ce qu'il niait. L'avocat de la défenderesse a soutenu que l'affaire était réglée et que cela mettait fin au litige. Après discussion, il y a eu accord pour poursuivre la requête en jugement sommaire.



LE DROIT

[17]      Les requêtes en jugement sommaire sont régies par les règles 213, 215 et 216 des Règles de la Cour fédérale (1998) :

213. Where available to plaintiff

(1) A plaintiff may, after the defendant has filed a defence, or earlier with leave of the Court, and at any time before the time and place for trial are fixed, bring a motion for summary judgment on all or part of the claim set out in the statement of claim.


(2) Where available to defendant - A defendant may, after serving and filing a defence and at any time before the time and place for trial are fixed, bring a motion for summary judgment dismissing all or part of the claim set out in the statement of claim.

215. Mere denial

A response to a motion for summary judgment shall not rest merely on allegations or denials of the pleadings of the moving party, but must set out specific facts showing that there is a genuine issue for trial.


216. Where no genuine issue for trial

(1) Where on a motion for summary judgment the Court is satisfied that there is no genuine issue for trial with respect to a claim or defence, the Court shall grant summary judgment accordingly.


(2) Genuine issue of amount or question of law - Where on a motion for summary judgment the Court is satisfied that the only genuine issue is

(a)      the amount to which the moving party is entitled, the Court may order a trial of that issue or grant summary judgment with a reference under rule 153 to determine the amount; or

(b)      a question of law, the Court may determine the question and grant summary judgment accordingly.



(3) Summary judgment - Where on a motion for summary judgment the Court decides that there is a genuine issue with respect to a claim or defence, the Court may nevertheless grant summary judgment in favour of any party, either on an issue or generally, if the Court is able on the whole of the evidence to find the facts necessary to decide the questions of fact and law.



(4) Where motion dismissed - Where a motion for summary judgment is dismissed in whole or in part, the Court may order the action, or the issues in the action not disposed of by summary judgment, to proceed to trial in the usual way or order that the action be conducted as a specially managed proceeding.

213. Requête du demandeur

(1) Le demandeur peut, après le dépôt de la défense du défendeur " ou avant si la Cour l"autorise " et avant que l"heure, la date et le lieu de l"instruction soient fixés, présenter une requête pour obtenir un jugement sommaire sur tout ou partie de la réclamation contenue dans la déclaration.

(2) Requête du défendeur - Le défendeur peut, après avoir signifié et déposé sa défense et avant que l"heure, la date et le lieu de l"instruction soient fixés, présenter une requête pour obtenir un jugement sommaire rejetant tout ou partie de la réclamation contenue dans la déclaration.

215. Réponse suffisante

La réponse à une requête en jugement sommaire ne peut être fondée uniquement sur les allégations ou les dénégations contenues dans les actes de procédure déposés par le requérant. Elle doit plutôt énoncer les faits précis démontrant l"existence d"une véritable question litigieuse.

216. Absence de véritable question litigieuse

(1) Lorsque, par suite d"une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue qu"il n"existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense, elle rend un jugement sommaire en conséquence.

(2) Somme d"argent ou point de droit - Lorsque, par suite d"une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue que la seule véritable question litigieuse est :

a)      le montant auquel le requérant a droit, elle peut ordonner l"instruction de la question ou rendre un jugement sommaire assorti d"un renvoi pour détermination du montant conformément à la règle 153;

b)      un point de droit, elle peut statuer sur celui-ci et rendre un jugement sommaire en conséquence.

(3) Jugement de la Cour - Lorsque, par suite d"une requête en jugement sommaire, la Cour conclut qu"il existe une véritable question litigieuse à l"égard d"une déclaration ou d"une défense, elle peut néanmoins rendre un jugement sommaire en faveur d"une partie, soit sur une question particulière, soit de façon générale, si elle parvient à partir de l"ensemble de la preuve à dégager les faits nécessaires pour trancher les questions de fait et de droit.

(4) Rejet de la requête - Lorsque la requête en jugement sommaire est rejetée en tout ou en partie, la Cour peut ordonner que l"action ou les questions litigieuses qui ne sont pas tranchées par le jugement sommaire soient instruites de la manière habituelle ou elle peut ordonner la tenue d"une instance à gestion spéciale.

[18] Il existe de nombreux précédents jurisprudentiels sur ces règles. Un sommaire utile du droit applicable se trouve aux pages 859 et 860 de la décision Granville Shipping Co. c. Pegasus Lines Ltd., [1996] 2 C.F. 853 (C.F. 1re inst.), où les principes généraux ont été résumés de la façon suivante par le juge Tremblay-Lamer (les références sont omises) :

1. ces dispositions ont pour but d'autoriser la Cour à se prononcer par voie sommaire sur les affaires qu'elle n'estime pas nécessaire d'instruire parce qu'elles ne soulèvent aucune question sérieuse à instruire (Old Fish Market Restaurants Ltd. c. 1000357 Ontario Inc. et al.2);
2. il n'existe pas de critère absolu (Feoso Oil Ltd. c. Sarla (Le)3), mais le juge Stone, J.C.A. semble avoir fait siens les motifs prononcés par le juge Henry dans le jugement Pizza Pizza Ltd. c. Gillespie4. Il ne s'agit pas de savoir si une partie a des chances d'obtenir gain de cause au procès, mais plutôt de déterminer si le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d'être examinée par le juge des faits dans le cadre d'un éventuel procès;
3. chaque affaire devrait être interprétée dans le contexte qui est le sien (Blyth5 et Feoso6);
4. les règles de pratique provinciale (spécialement la Règle 20 des Règles de procédure civile de l'Ontario [R.R.O. 1990, Règl. 194]) peuvent faciliter l'interprétation (Feoso7 et Collie8);
5. saisie d'une requête en jugement sommaire, notre Cour peut trancher des questions de fait et des questions de droit si les éléments portés à sa connaissance lui permettent de le faire (ce principe est plus large que celui qui est posé à la Règle 20 des Règles de procédure civile de l'Ontario) (Patrick9);
6. le tribunal ne peut pas rendre le jugement sommaire demandé si l'ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour lui permettre de trancher les questions de faits ou s'il estime injuste de trancher ces questions dans le cadre de la requête en jugement sommaire (Pallman10 et Sears11);
7. lorsqu'une question sérieuse est soulevée au sujet de la crédibilité, le tribunal devrait instruire l'affaire, parce que les parties devraient être contre-interrogées devant le juge du procès (Forde12 et Sears13). L'existence d'une apparente contradiction de preuves n'empêche pas en soi le tribunal de prononcer un jugement sommaire; le tribunal doit " se pencher de près " sur le fond de l'affaire et décider s'il y a des questions de crédibilité à trancher (Stokes14 ).

[19] Dans le cadre d'une requête en jugement sommaire, chaque partie doit produire sa meilleure preuve. Bien entendu, la requérante doit présenter une preuve qu'elle croit susceptible de convaincre la Cour qu'il est opportun de rendre un jugement sommaire en sa faveur. Cependant, l'intimée doit elle aussi mettre de l'avant sa meilleure preuve. Cette question a été examinée par le juge Evans dans la décision F. von Langsdorff Licensing Limited c. S.F. Concrete Technology, Inc. (8 avril 1999), dossier T-335-97 (C.F. 1re inst.) :

En conséquence, l'intimé doit s'acquitter du fardeau de la preuve consistant à démontrer qu'il y a une question sérieuse à juger (Feoso Oil Ltd. c. Sarla (Le), [1995] 3 C.F. 68, aux pages 81 et 82 (C.A.F.)). Cet état de fait n'enlève rien au principe que le requérant a la charge ultime d'établir les faits nécessaires pour obtenir un jugement sommaire (Succession Ruhl c. Mannesmann Kienzle GmbH, (1997), 80 C.P.R. (3d) 190, à la page 200 (C.F. 1re inst.) et Kirkbi AG. c. Ritvik Holdings Inc. (C.F. 1re inst., T-2799-96, 23 juin 1998)). Les deux parties doivent donc " présenter leurs meilleurs arguments " pour permettre au juge saisi de la requête de déterminer s'il existe une question litigieuse qui mérite d'être instruite (Pizza Pizza Ltd. c. Gillespie, (1990), 33 C.P.R. (3d) 519, aux pages 529 et 530 (Cour Ont., Div. gén.).

ANALYSE ET CONCLUSION

QUESTION 1 : Convient-il de rendre le jugement sommaire demandé par la demanderesse ?

[20] Il est reconnu que les règles sur le jugement sommaire ont été interprétées libéralement par cette Cour. L'intimée doit s'acquitter du fardeau de la preuve consistant à démontrer qu'il y a une question sérieuse à juger et la requérante a la charge ultime d'établir les faits nécessaires pour obtenir un jugement sommaire. Si, après avoir examiné l'ensemble de la preuve, les faits nécessaires ne peuvent être établis, un jugement sommaire ne peut être rendu.

[21] Inhesion s'est appuyée sur les affidavits d'Aric Chang pour soutenir sa demande. Le premier affidavit d'Aric Chang énonce que l'auteur du Motif poinsettia était Tsai Min Jen, qui a créé le motif le 8 décembre 1990 dans l'exercice normal de son emploi auprès de Concord, la filiale d'Inhesion. Dans ce premier affidavit, Aric Chang déclare aussi que le droit d'auteur sur le Motif poinsettia a par la suite été cédé à Inhesion par Concord le 5 août 1998.

[22] La prétendue cession de droit d'auteur de Concord à Inhesion a été annexée à l'affidavit d'Aric Chang comme pièce E. Cette cession a été attestée par des membres de la famille d'Aric Chang mais ce dernier ne se rappelle pas s'il était présent au moment de la signature. Il est généralement reconnu qu'un document ne devient pas pertinent ou admissible en preuve du simple fait qu'il est annexé à un affidavit. En général, les documents doivent être prouvés avant d'être admis en preuve. Il aurait été simple de voir à ce que la personne qui a été témoin de la signature de la cession fournisse un affidavit à cet effet.

                                    

[23] L'existence de la cession est essentielle pour les prétentions d'Inhesion. En l'absence de cession, le titulaire du droit d'auteur sur le Motif poinsettia (en supposant qu'un droit d'auteur subsiste) demeure Concord et non Inhesion. En contre-interrogatoire, Aric Chang a admis ce qui suit :

     (1)      Le 8 décembre 1990, il n'était pas à l'emploi d'Inhesion mais était étudiant à l'Université de Toronto. (Contre-interrogatoire d'Aric Chang , Q. 7, 15 à 17, dossier de requête d'Anglo, onglet 1, p. 4)
     (2)      M. Chang a déclaré qu'il ne s'agit pas de sa " branche d'activité ". Il n'était [TRADUCTION] " pas responsable du design et de la créativité ". (Contre-interrogatoire d'Aric Chang, Q. 142, dossier de requête d'Anglo, p. 21)
     (3)      M. Chang a reconnu ne pas avoir parlé à Tsai Min Jen; il ne sait pas quand il a quitté Concord, combien de temps il a été à l'emploi de Concord ou en quoi consistait son poste. (Contre-interrogatoire d'Aric Chang, Q. 214 à 225, dossier de requête d'Anglo, p. 32 et 33)
     (4)      M. Chang a déclaré ne pas savoir si Tsai Min Sen a créé un dessin de poinsettia en 1988, en 1989 ou en 1990, ou ce qui l'a inspiré pour créer ce dessin de poinsettia [TRADUCTION] " parce que, comme je vous l'ai dit, je n'intervenais pas dans cette fonction et, en 1990, je n'étais absolument pas à Inhesion ". (Contre-interrogatoire d'Aric Chang, Q. 228 à 230, dossier de requête d'Anglo, p. 34)
     (5)      M. Chang a admis ne pas savoir si Tsai Min Jen a copié le dessin de poinsettia de quelqu'un d'autre. (Contre-interrogatoire d'Aric Chang, Q. 231, dossier de requête d'Anglo, p. 34)
     (6)      M. Chang a déclaré ne pas savoir si quelqu'un a tenté de trouver Tsai Min Jen pour les fins du présent litige. (Contre-interrogatoire d'Aric Chang, Q. 232, dossier de requête d'Anglo, p. 34)
     (7)      M. Chang a témoigné qu'il n'a pas vraiment eu connaissance de la cession du droit d'auteur de Tsai Min Jen à Inhesion. (Contre-interrogatoire d'Aric Chang, Q. 135 et 136, dossier de requête d'Anglo, onglet 1, p. 20 et 21)

[24] La Cour est consciente qu'Aric Chang pouvait, dans son affidavit, relater des faits fondés sur ce qu'il savait et sur ce qu'il croyait être les faits (voir le paragraphe 81(1) des Règles de la Cour fédérale (1998)). Il doit toutefois, en ce faisant, dévoiler les motifs sur lesquels il s'appuie. J'ai lu attentivement le premier affidavit d'Aric Chang et tout ce que je peux trouver, c'est qu'il a déclaré par affidavit sur la base [TRADUCTION] " d'une connaissance personnelle et des dossiers d'affaire de la société demanderesse auxquels j'ai accès " (voir le dossier de requête de la demanderesse (jugement sommaire), onglet 2, p. 1, paragraphe 1). Par exemple, au sujet du paragraphe 6 de ce même affidavit, la Cour n'arrive pas à déterminer de quels dossiers ou de quelles personnes provient l'information reçue par M. Chang pour cette déclaration. Grâce au contre-interrogatoire de M. Chang, la Cour sait qu'il n'a pas parlé à Tsai Min Jen et que sa connaissance personnelle de la cession du droit d'auteur à Inhesion était limitée.

[25] Dans son argumentation à l'audience, l'avocat de la défenderesse Anglo a bien fait ressortir la portée des dispositions de la Loi sur le droit d'auteur, L.R.C. (1985), ch. C-42, en ce qui a trait aux présomptions. Les alinéas 34.1a) et b) prévoient qu'une oeuvre est présumée être protégée par le droit d'auteur si l'existence du droit d'auteur sur cette oeuvre est contestée par le défendeur :


34.1 (1) In any proceedings for infringement of copyright in which the defendant puts in issue either the existence of the copyright or the title of the plaintiff thereto,

(a) copyright shall be presumed, unless the contrary is proved, to subsist in the work, performer's performance, sound recording or communication signal, as the case may be; and

(b) the author, performer, maker or broadcaster, as the case may be, shall, unless the contrary is proved, be presumed to be the owner of the copyright.

34.1 (1) Dans toute procédure pour violation du droit d'auteur, si le défendeur conteste l'existence du droit d'auteur ou la qualité du demandeur_:

a) l'oeuvre, la prestation, l'enregistrement sonore ou le signal de communication, selon le cas, est, jusqu'à preuve contraire, présumé être protégé par le droit d'auteur;


b) l'auteur, l'artiste-interprète, le producteur ou le radiodiffuseur, selon le cas, est, jusqu'à preuve contraire, réputé être titulaire de ce droit d'auteur.


Comme une oeuvre est présumée être protégée par le droit d'auteur, l'originalité de l'oeuvre doit logiquement être présumée : Blue Crest Music Inc. c. Canusa Records Inc. (1975), 17 C.P.R. (2d) 149 (C.F. 1re inst.). L'application de ces dispositions ferait donc porter au défendeur, Anglo dans le cas présent, le fardeau de démontrer que l'oeuvre n'était pas originale ou qu'elle n'était pas protégée à bon droit par un droit d'auteur, et ainsi de suite. Cependant, dans une action pour violation du droit d'auteur, il n'y a pas de présomption selon laquelle un demandeur particulier est titulaire du droit d'auteur. Alors que le Motif poinsettia est, jusqu'à preuve contraire faite par Anglo, présumé être protégé par le droit d'auteur, il n'y a pas de présomption qu'Inhesion est titulaire du droit d'auteur de telle sorte que cette société aurait qualité pour poursuivre en violation de droit d'auteur.

[26] Vu l'état du dossier, je ne peux dégager les faits nécessaires pour décider de l'existence du droit d'auteur d'Inhesion sur le dessin " poinsettia ". Cependant, je ne peux pas davantage conclure qu'une telle cession n'a pas eu lieu. Je crois que toute décision à ce sujet soulève des questions de crédibilité. Par conséquent, un jugement sommaire ne peut être accordé. Je suis d'avis qu'il existe une véritable question litigieuse, à savoir si Inhesion est titulaire du droit d'auteur sur le Motif poinsettia.

                                        

[27] J'ai examiné l'argument soulevé par la défenderesse selon lequel le Motif poinsettia n'est pas protégé à bon droit par un droit d'auteur, mais qu'il serait plutôt protégé à bon droit par un enregistrement comme dessin industriel. J'ai envisagé de rendre une décision sur cette question. Les paragraphes 64(2) et (3) de la Loi sur le droit d'auteur prévoient :

64(2) Where copyright subsists in a design applied to a useful article or in an artistic work from which the design is derived and, by or under the authority of any person who owns the copyright in Canada or who owns the copyright elsewhere,

(a) the article is reproduced in a quantity of more than fifty, or

(b) where the article is a plate, engraving or cast, the article is used for producing more than fifty useful articles,

it shall not thereafter be an infringement of the copyright or the moral rights for anyone

(c) to reproduce the design of the article or a design not differing substantially from the design of the article by

(i) making the article, or

(ii) making a drawing or other reproduction in any material form of the article, or

(d) to do with an article, drawing or reproduction that is made as described in paragraph (c) anything that the owner of the copyright has the sole right to do with the design or artistic work in which the copyright subsists.

64(3) Subsection (2) does not apply in respect of the copyright or the moral rights in an artistic work in so far as the work is used as or for



(a) a graphic or photographic representation that is applied to the face of an article;

64(2) Ne constitue pas une violation du droit d'auteur ou des droits moraux sur un dessin appliqué à un objet utilitaire, ou sur une oeuvre artistique dont le dessin est tiré, ni le fait de reproduire ce dessin, ou un dessin qui n'en diffère pas sensiblement, en réalisant l'objet ou toute reproduction graphique ou matérielle de celui-ci, ni le fait d'accomplir avec un objet ainsi réalisé, ou sa reproduction, un acte réservé exclusivement au titulaire du droit, pourvu que l'objet, de par l'autorisation du titulaire " au Canada ou à l'étranger " remplisse l'une des conditions suivantes_:

a) être reproduit à plus de cinquante exemplaires;

b) s'agissant d'une planche, d'une gravure ou d'un moule, servir à la production de plus de cinquante objets utilitaires.











64(3) Le paragraphe (2) ne s'applique pas au droit d'auteur ou aux droits moraux sur une oeuvre artistique dans la mesure où elle est utilisée à l'une ou l'autre des fins suivantes_:

a) représentations graphiques ou photographiques appliquées sur un objet;


Compte tenu de la formulation de l'exception du paragraphe (3) sur les représentations graphiques appliquées sur un objet utilitaire, je doute du bien-fondé des observations de la défenderesse. Toutefois, l'application de ce paragraphe dépend de la conclusion que l'objet en cause est reproduit à plus de cinquante exemplaires de par l'autorisation du titulaire " au Canada ou à l'étranger " . Par conséquent, la propriété du droit d'auteur doit être tranchée avant qu'un défendeur puisse invoquer ce paragraphe. Compte tenu de ma décision sur la requête en jugement sommaire, j'estime préférable de laisser le soin de décider de cet argument au juge de l'instruction qui tranchera les questions se rapportant à la propriété du droit d'auteur. Décider de cette question à cette étape-ci de la poursuite équivaudrait à décider d'une question incertaine et je ne suis pas disposé à le faire.

                    





QUESTION 2 : Y a-t-il eu règlement de l'affaire par les parties ?

[28] À la fin de l'audition de la requête, j'ai avisé les parties que je réexaminerais la correspondance touchant le présumé règlement et que, si nécessaire, je permettrais aux avocats de faire valoir leurs vues sur la question de savoir si les négociations entre les parties avaient ou n'avaient pas abouti à un règlement.

[29] J'ai pris une décision sur la question de savoir si les divers éléments de la correspondance entre les parties et leurs appels téléphoniques avaient abouti à un règlement. Je suis d'avis que la question de savoir si oui ou non un règlement est intervenu devrait être tranchée par le juge de l'instruction. Ma conclusion se fonde sur l'existence de témoignages contradictoires sur ce qui s'est passé pendant les négociations du prétendu règlement et par conséquent, une question de crédibilité est en cause. Celle-ci peut être mieux appréciée par le juge de l'instruction qui aura l'avantage d'observer les témoins pendant leur témoignage. Il ne sera donc pas rendu de jugement sommaire en faveur de la défenderesse sur ce point.

CONCLUSION

[30] Les demandes pour obtenir un jugement sommaire sont rejetées.

                    

[31] La question de savoir si les parties sont parvenues à un règlement sera tranchée par le juge de l'instruction.

[32] Les dépens de la requête suivront les dépens de la cause.

                    

                                     " John A. O"Keefe "

                                                                          J.C.F.C.

Toronto (Ontario)

13 avril 2000



Traduction certifiée conforme


Nicole Michaud, LL.L



COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


NOMS DES AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :              T-2410-98
INTITULÉ :              INHESION INDUSTRIAL CO. LTD

                     et

                     ANGLO CANADIAN MERCANTILE CO. LTD

LIEU DE L'AUDITION :      TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDITION :      LE LUNDI 27 SEPTEMBRE 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE O'KEEFE

DATE :              LE JEUDI 13 AVRIL 2000

ONT COMPARU :

                 A. Kelly Gill et Dan MacKay

                         POUR LA DEMANDERESSE

                 M. Evans et M. Biernacki

                         POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

                 Gowling, Strathy & Henderson

                 4900 Commerce Court West

                 Boîte 438, Station Commerce Court

                 Toronto (Ontario)

                 M5L 1J3

                         POUR LA DEMANDERESSE

                 Smart & Biggar

                 438 University Avenue

                 Suite 1500, Boîte 111

                 Toronto (Ontario)

                 M5G 2K8

                         POUR LA DÉFENDERESSE

    

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