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Date : 20210507


Dossier : IMM‑2799‑20

Référence : 2021 CF 412

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 7 mai 2021

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

LATIESHA FAISAL

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse, Mme Latiesha Faisal, est une citoyenne du Pakistan qui étudie actuellement aux États‑Unis. La famille de Mme Faisal a immigré au Canada en 2003, quand elle avait deux ans. La famille est retournée au Pakistan en 2004 pour aider à prendre soin du grand‑père malade de Mme Faisal. La famille réside au Qatar depuis au moins 2008. Hormis une brève visite en 2006, Mme Faisal n’a pas passé de temps au Canada depuis 2004.

[2] En février 2019, à l’âge de 18 ans, Mme Faisal a demandé un titre de voyage de résident permanent. Le titre de voyage a été refusé. L’agent des visas a conclu qu’elle n’avait passé aucun jour au Canada pendant les cinq années précédentes et qu’elle ne satisfaisait pas à l’exigence de présence effective d’au moins 730 jours pendant cette période. L’agent des visas a en outre conclu que les circonstances ne justifiaient pas que Mme Faisal conserve son statut de résident permanent pour des motifs d’ordre humanitaire.

[3] Mme Faisal a interjeté appel de la conclusion de l’agent selon laquelle il n’y avait pas de motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales. Elle n’a pas contesté la décision de l’agent concernant la résidence.

[4] Le 9 juin 2020, la Section d’appel de l’immigration [la SAI] a rejeté l’appel. Mme Faisal sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision défavorable de la SAI suivant l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [la LIPR], LC 2001, c 27. Elle soutient d’abord que la demande doit être accueillie, car aucune transcription de l’audience de la SAI n’est disponible, ce qui rend le processus de contrôle judiciaire inéquitable. Elle soutient en outre que le traitement des éléments de preuve par la SAI était déraisonnable et que la décision s’écarte déraisonnablement d’une décision antérieure où, dans le cas de l’appel de sa sœur où les faits étaient similaires, la SAI a conclu qu’il y avait des motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales.

[5] Comme il est expliqué plus en détail ci‑dessous, j’estime que le traitement et l’examen des éléments de preuve par la SAI étaient raisonnables, qu’en l’espèce, les différentes décisions de la SAI concernant des faits similaires ne minent pas le caractère raisonnable de la décision et que l’absence d’une transcription n’équivaut pas à un manquement à la justice naturelle dans ces circonstances particulières.

II. Décision faisant l’objet du contrôle

[6] En rejetant l’appel, la SAI a dressé une liste non exhaustive de facteurs d’ordre humanitaire et a tiré les conclusions suivantes à l’égard de chacun :

  1. Importance du manquement : Le manquement à l’obligation de résidence en l’espèce était absolu, et les motifs d’ordre humanitaire doivent être proportionnels pour justifier la prise de mesures spéciales;

  2. Motifs du départ du Canada et motifs du séjour prolongé à l’étranger : Comme Mme Faisal a quitté le Canada à la demande de ses parents, il s’agissait d’un facteur neutre dans l’examen de la question liée aux mesures spéciales;

  3. Établissement et attaches de l’appelante au Canada : L’absence d’attaches et d’établissement sur les plans matériel ou social a nui au bien‑fondé de sa demande de mesures spéciales. Les projets d’avenir de sa sœur pour venir au Canada ne démontraient pas d’attaches ou d’établissement au Canada;

  4. Attaches de l’appelante dans le pays étranger : Les attaches de Mme Faisal au Pakistan, au Qatar et aux États‑Unis étaient plus fortes que celles qu’elle avait au Canada;

  5. Difficultés pour l’appelante ou la famille si l’appel est rejeté : Mme Faisal n’avait pas démontré que les difficultés rencontrées par les femmes au Pakistan la toucheraient particulièrement. La SAI n’a pas reconnu que Mme Faisal n’avait pas appris l’ourdou dans le cadre de ses interactions avec sa famille et a conclu qu’elle pourrait probablement aller au Qatar si elle le souhaitait ou poursuivre ses études aux États‑Unis. Les difficultés auxquelles elle serait confrontée au Pakistan ne justifiaient pas la prise de mesures spéciales;

  6. Circonstances uniques ou particulières : En abordant des circonstances particulières, la SAI a refusé de suivre le raisonnement qu’elle avait adopté dans l’affaire de la sœur de Mme Faisal (Faisal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CanLII 130873 (CA CISR) [affaire Faisal]). Dans l’affaire Faisal¸ comme en l’espèce, le décideur a conclu que les motifs du départ du Canada et ceux du séjour à l’étranger étaient des facteurs neutres, qu’il n’y avait pas d’établissement au Canada, que les liens au Pakistan étaient plus forts que ceux au Canada et qu’il n’y avait aucun élément de preuve à l’appui d’une conclusion relative à l’existence de difficultés associées à la perte éventuelle du statut de résident permanent (affaire Faisal au para 27). Des mesures spéciales ont été accordées dans l’affaire Faisal au motif que « la situation de l’appelante [était] inédite et qu’elle [avait] dû répondre des décisions sur lesquelles elle n’avait aucune emprise ». Beaucoup d’importance a été accordée au fait qu’elle a été gardée à l’extérieur du Canada alors qu’elle était mineure et à sa tentative de revenir au Canada dès qu’elle en a eu la possibilité (affaire Faisal au para 28). La SAI a refusé d’adopter le même raisonnement que dans l’affaire Faisal pour les raisons suivantes :

  • (i) De l’avis de la SAI, la situation n’était pas inédite. Elle a cité de nombreux exemples d’affaires dont la SAI et la Cour ont été saisies et où un manquement à l’obligation de résidence découlant du choix d’un parent de quitter le Canada était en cause.

  • (ii) Ayant conclu que la situation n’était ni inédite ni unique, la SAI s’est concentrée sur la question de savoir si des circonstances particulières justifiaient que soient accordées les mesures exceptionnelles demandées. La SAI a examiné la question de savoir si les parents de Mme Faisal avaient agi raisonnablement et dans son intérêt supérieur en général lorsqu’elle était mineure. La SAI a noté que les éléments de preuve ne démontraient pas que ses parents, en particulier son père, avaient agi de manière déraisonnable ou contraire à son intérêt supérieur en général lorsque la famille a quitté le Canada. Les éléments de preuve donnaient plutôt à penser que les décisions prises étaient probablement dans son intérêt supérieur, la SAI attirant l’attention sur la situation de Mme Faisal, notamment sa vie aisée avec sa famille au Qatar et ses possibilités de poursuivre un niveau d’éducation élevé.

  • (iii) La SAI a jugé que le fait de conclure que des mesures spéciales étaient justifiées en fonction d’un seul facteur, soit que les parents ont fait des choix au nom de leurs enfants mineurs, aurait pour effet de priver la SAI de sa compétence discrétionnaire à l’égard de la prise de mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire.

III. Questions en litige et norme de contrôle

[7] La demande soulève les trois questions suivantes :

  1. L’absence de transcription ou d’enregistrement de l’audience de la SAI empêche‑t‑elle la Cour de trancher une question soulevée dans la demande de contrôle judiciaire?

  2. La SAI a‑t‑elle examiné et évalué de manière déraisonnable les éléments de preuve relatifs au départ de la demanderesse du Canada, à ses attaches au Canada ou à ses difficultés en cas de perte de statut?

  3. La SAI a‑t‑elle commis une erreur en s’écartant d’une décision administrative antérieure rendue sur des faits similaires?

[8] Lors de l’évaluation de la première question, aucune norme de contrôle ne s’applique. Je dois plutôt établir si, en l’absence d’un enregistrement ou d’une transcription, je peux statuer sur les questions soulevées dans la demande (Agbon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 356, au para 3 [décision Agbon]).

[9] Les décisions de la SAI en ce qui a trait aux facteurs ayant une incidence sur la prise de mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire et ses conclusions finales sont susceptibles de révision selon la norme de la décision raisonnable (Yu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1028, au para 8). Une décision est raisonnable si elle est « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et […] justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, au para 85 [arrêt Vavilov]). De même, la question de savoir si le fait qu’un décideur s’écarte d’une décision administrative antérieure constitue une erreur justifiant une intervention par contrôle judiciaire doit être examinée au moment d’évaluer si la décision est raisonnable. Lorsqu’un décideur s’écarte d’une pratique de longue date ou d’une jurisprudence interne constante, c’est sur ses épaules que repose le fardeau d’expliquer cet écart dans ses motifs (arrêt Vavilov, au para 131).

IV. Analyse

A. L’absence de transcription ou d’enregistrement de l’audience de la Section d’appel de l’immigration n’empêche pas la Cour de trancher une question soulevée dans la demande de contrôle judiciaire

[10] Mme Faisal soutient que, en l’absence d’une transcription, je ne suis pas en mesure de déterminer sur quels éléments de preuve la SAI s’est appuyée pour conclure que ses parents, en particulier son père, avaient probablement agi raisonnablement et dans son intérêt supérieur en général au moment de quitter le Canada. Elle soutient en outre que, sans enregistrement ou transcription, elle est incapable de démontrer que la preuve présentée à la SAI était incompatible avec les conclusions qu’elle a tirées sur les questions de son établissement et de ses attaches au Canada, de ses attaches dans les pays étrangers et des difficultés résultant d’une perte de son statut.

[11] La simple absence de transcription ou d’enregistrement ne constitue pas un manquement aux principes de justice naturelle (décision Agbon, au para 3). Cependant, lorsque l’absence d’une transcription ou d’un enregistrement soulève une possibilité sérieuse qu’un demandeur soit privé du droit à un contrôle judiciaire de la décision, alors la décision doit être annulée (Donald J.M. Brown et l’honorable John M. Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada (Toronto, Thomson Reuters, 2019) (feuillets mobiles, mis à jour en 2020, version no 4), au sujet 10:1700; voir également Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301 c Montréal (Ville), [1997] 1 RCS 793, au para 81).

[12] Dans la décision Huszar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 284 [décision Huzar], le juge Peter Annis donne un aperçu exhaustif du droit relatif à l’absence de transcription ou d’audience et l’incidence sur le contrôle judiciaire (para 17 à 28). Il incombe au demandeur de démontrer que la Cour ne peut pas examiner la décision contestée sans une transcription ou un enregistrement (décision Huszar, au para 19, citant la décision Agbon, au para 3).

[13] Mme Faisal ne s’est pas acquittée de ce fardeau en l’espèce. Avant tout, je note que, bien qu’un enregistrement ou une transcription ne soit pas disponible, la SAI résume effectivement le témoignage de vive voix de Mme Faisal aux paragraphes 14 à 22 de la décision (voir également le paragraphe 34). Le résumé de la preuve de la SAI est conforme au dossier documentaire et n’est pas sérieusement contesté par Mme Faisal dans l’affidavit détaillé qu’elle a déposé à l’appui de la présente demande. La SAI relève effectivement une incohérence entre le témoignage de Mme Faisal et le dossier documentaire en ce qui concerne la question de savoir si la famille a déménagé du Pakistan au Qatar en 2006 ou en 2008. Cette question de fait est peu pertinente en ce qui a trait aux questions soulevées dans la demande et est abordée par Mme Faisal dans son affidavit.

[14] Mme Faisal affirme que l’enregistrement ou la transcription est nécessaire parce qu’il n’y a aucun élément de preuve au dossier pour appuyer les constatations de la SAI. Ces constatations comprennent les conclusions de la SAI selon lesquelles (1) la décision de son père de la retirer du Canada alors qu’elle était enfant était dans son intérêt supérieur en général et (2) les difficultés qu’elle subirait si elle devait retourner au Pakistan ne suffisent pas à justifier la prise de mesures spéciales. Cette simple affirmation n’est tout simplement pas cohérente avec les motifs. Dans les deux cas, la SAI expose en détail les éléments de preuve sur lesquels elle s’appuie pour étayer ses conclusions. Ces éléments de preuve sont faciles à repérer dans le dossier dont je dispose.

[15] Mme Faisal n’a pas démontré que l’absence de transcription ou d’enregistrement de l’audience de la SAI soulève une possibilité sérieuse qu’elle soit privée du droit au contrôle judiciaire.

B. Le traitement et l’évaluation des éléments de preuve par la SAR étaient raisonnables

[16] Selon Mme Faisal, la preuve établit que, en 2003, elle s’est opposée au retour au Pakistan avec sa famille et qu’elle a quitté le Canada contre son gré. Elle soutient que, face à cet élément de preuve, il était déraisonnable pour la SAI d’accorder un poids neutre aux motifs de son départ du Canada. Elle soutient que la SAI était tenue de prendre en considération cet élément de preuve; l’élément de preuve qu’elle soumet contredit la conclusion selon laquelle son père a agi raisonnablement et dans son intérêt supérieur en général.

[17] Mme Faisal soutient en outre que la SAI a évalué de manière déraisonnable ses attaches au Canada. Elle attire l’attention sur l’élément de preuve selon lequel sa sœur, une résidente permanente, avait l’intention de s’établir au Canada en juin 2020 et sur l’élément de preuve au dossier faisant référence à une tante au Canada. Mme Faisal soutient que sa sœur est effectivement entrée au Canada le 15 juin 2020, après la décision rendue par la SAI, et soutient que ce fait nouveau devrait être pris en considération dans l’évaluation du caractère raisonnable de l’évaluation de la SAI.

[18] Enfin, Mme Faisal soutient que, dans l’évaluation du facteur relatif aux difficultés, la SAI n’a pas tenu compte de ce qui suit : (1) la preuve de sa capacité limitée à communiquer en ourdou; (2) la situation sur le plan de l’ordre public au Pakistan; (3) l’environnement dangereux auquel sont exposées les femmes au Pakistan; (4) les possibilités d’emploi limitées au Qatar; (5) les incertitudes liées au travail de son père au Qatar.

[19] Je ne suis pas convaincu par ces arguments.

[20] Il était raisonnablement loisible à la SAI d’accorder un poids neutre aux motifs du départ et de l’absence du Canada de Mme Faisal. La SAI a reconnu l’impuissance de Mme Faisal en 2003, mais a raisonnablement conclu que la décision relative au départ de la famille du Canada cette année‑là était une décision prise dans l’intérêt supérieur de Mme Faisal en général. La SAI s’est penchée sur cette question de l’intérêt supérieur en tenant compte du facteur relatif aux circonstances particulières. La SAI expose en détail la nature de l’évaluation de l’intérêt supérieur qu’elle a entreprise et renvoie aux éléments de preuve sur lesquels elle s’est appuyée pour étayer la conclusion selon laquelle, en décidant de quitter le Canada, le père de Mme Faisal croyait probablement que la décision était dans l’intérêt supérieur en général de celle‑ci. Cette décision n’était pas déraisonnable et repose sur une chaîne d’analyse logique, transparente et justifiée.

[21] Le fait d’accorder un poids neutre aux motifs de départ est également conforme au principe reflété dans la jurisprudence selon lequel une demande de mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire ne saurait être renforcée ou minée simplement en raison de décisions parentales antérieures (Lai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1359, au para 26; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Ma, 2017 CF 886, aux para 22 et 23). Cette approche est également conforme aux décisions antérieures de la SAI, y compris la décision rendue dans le cas de la sœur de Mme Faisal (affaire Faisal, au para 16).

[22] Lorsqu’elle a examiné les attaches au Canada, la SAI a abordé les observations qui lui ont été présentées en fonction des circonstances telles qu’elles existaient à ce moment‑là. La SAI a accepté le témoignage de Mme Faisal selon lequel sa sœur avait l’intention de déménager au Canada, mais a raisonnablement conclu qu’une arrivée prévue au Canada ne démontrait pas une attache actuelle au Canada. Le fait que la sœur de Mme Faisal ait par la suite obtenu le droit d’établissement au Canada est un nouvel élément de preuve en matière de contrôle judiciaire. Aucune observation n’a été présentée selon laquelle cet élément de preuve relèverait de l’une des exceptions limitées relativement à l’admission de nouveaux éléments de preuve dans le cadre d’un contrôle judiciaire (Kharlan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 678, au para 19). Je n’ai pas tenu compte de ce facteur.

[23] La SAI n’aborde pas la présence d’une tante au Canada. Mme Faisal n’a pas présenté d’observation à la SAI à ce sujet. Il est fait référence à une tante dans les observations écrites dont dispose la SAI, mais elle est faite dans le contexte de la description d’un vague souvenir que Mme Faisal a d’un voyage à Kingston, en Ontario, alors qu’elle était jeune enfant. Plus précisément, selon l’observation, [traduction] « elle a également de vagues souvenirs de leur voyage à Kingston dans le but d’aller voir leur tante (l’amie de leur mère)… » (Non souligné dans l’original.) Il ne peut être reproché à la SAI de ne pas avoir abordé une question qui ne semble pas se poser selon les éléments de preuve et qui n’a pas été soulevée devant elle.

[24] Enfin, la SAI n’a pas fait fi des éléments de preuve relatifs aux difficultés; elle a expressément abordé ces éléments de preuve et la situation de Mme Faisal dans chacun des pays dans lesquels elle a des attaches.

[25] Mme Faisal désapprouve l’évaluation des éléments de preuve par la SAI et le poids qu’elle a accordé aux facteurs pris en considération. Cependant, ni le désaccord de Mme Faisal ni la possibilité d’une issue raisonnable différente ne rendent la décision déraisonnable. La décision de la SAI est raisonnable et elle est fondée sur une chaîne d’analyse logique, transparente et justifiée (arrêt Vavilov, au para 85).

C. La Section d’appel de l’immigration n’a pas commis d’erreur en s’écartant d’une décision administrative antérieure rendue sur des faits similaires

[26] Il est attendu d’un tribunal administratif qu’il évalue chaque demande d’asile qui lui est soumise au cas par cas (Budai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 313, au para 33). Ce faisant, le tribunal est correctement limité par ses décisions antérieures, mais surtout, il n’est pas lié par ses décisions antérieures (arrêt Vavilov, au para 131; Bakary c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1111, au para 10 [décision Bakary]). Un tribunal peut s’écarter d’une de ses décisions antérieures lorsqu’il justifie raisonnablement l’écart.

[27] En s’écartant de la décision antérieure dans l’affaire Faisal et en parvenant à un résultat différent en l’espèce, la SAI a exposé en détail sa justification. La SAI n’a pas souscrit à la conclusion dans l’affaire Faisal selon laquelle la situation présentée était inédite. Elle a expliqué pourquoi elle était de cet avis et a cité la jurisprudence de la Cour et des décisions antérieures de tribunaux qui étaient conformes à ce point de vue.

[28] La SAI a également exposé en détail sa justification pour conclure que la question directrice appropriée au moment d’évaluer l’existence de circonstances particulières ou exceptionnelles lorsqu’un enfant est touché par une décision d’un parent était la suivante : « les parents, au moment où ils ont quitté le Canada, ont‑ils agi raisonnablement et dans l’intérêt supérieur de l’appelant en général lorsqu’il était mineur? »

[29] Pour déterminer si des mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire sont justifiées au titre de l’article 67 de la LIPR, la SAI dispose d’un large pouvoir discrétionnaire. En l’absence d’un critère prescrit par les tribunaux pour l’évaluation des motifs d’ordre humanitaire individuels, le décideur est fondé à déterminer quels facteurs seront appliqués, quel poids leur sera accordé et comment ils seront évalués. Bien entendu, pour éviter d’intervenir dans le cadre d’un contrôle judiciaire, le décideur doit agir conformément aux directives et à l’orientation détaillées dans l’arrêt Vavilov. Je suis convaincu que la SAI l’a fait.

[30] La dérogation de la SAI à la décision antérieure dans l’affaire Faisal était raisonnablement justifiée, tout comme son approche de la question des circonstances uniques et particulières.

V. Conclusion

[31] La demande est rejetée. Les parties n’ont pas relevé de question de portée générale aux fins de certification, et aucune question n’est soulevée.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑2799‑20

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande est rejetée;

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Patrick Gleeson »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑2799‑20

 

INTITULÉ :

LATIESHA FAISAL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ZOOM DEPUIS Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 21 avril 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge GLEESON

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

le 7 mai 2021

 

COMPARUTIONS :

Nasir Maqsood

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Meva Motwani

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nasir Law Office

Mississauga (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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