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Date : 20210526


Dossier : IMM‑6817‑19

Référence : 2021 CF 487

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 mai 2021

En présence de monsieur le juge Bell

ENTRE :

JBL

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe le 29 avril 2021

I. Nature de l’affaire

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire déposée par JBL (le demandeur) en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés LC 2001, c 27 [la LIPR] à l’encontre d’une décision datée du 2 octobre 2019 par laquelle la représentante du ministre (la décideuse) a déclaré le demandeur interdit de territoire pour grande criminalité en application de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR au motif qu’il constituait un danger pour le public. Cette conclusion autorise, aux termes de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR, le refoulement du demandeur vers son pays d’origine, le Libéria, sous réserve, bien entendu, d’une évaluation du risque, dans le cadre de laquelle on doit notamment tenir compte de considérations d’ordre humanitaire.

[2] La seule question à trancher est celle de savoir si l’évaluation du danger répond au critère de la décision raisonnable énoncé dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (voir également Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9; Makomena c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 894 au para 25 [Makomena], et Nagalingam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 153 au para 32 [Nagalingam]). La conclusion de la décideuse appelle un niveau élevé de retenue.

[3] Pour les motifs exposés ci‑après, je fais droit à la demande de contrôle judiciaire.

II. Les faits

[4] Le demandeur est un citoyen du Libéria, né à Monrovia le 1er septembre 1960.

[5] Il a fui le Libéria pour le Nigeria durant la décennie 1980 lorsqu’a éclaté la première guerre civile libérienne. Il est resté au Nigeria durant environ deux (2) ans. Il s’est alors rendu en Israël, où il est resté durant quatre (4) ans. Le 16 février 1993, il est entré au Canada, où il a présenté une demande d’asile à l’Aéroport international Mirabel de Montréal. Le Canada a accordé au demandeur le statut de réfugié au sens de la Convention le 23 août 1993. Il a rencontré son épouse en 1995 et ils se sont mariés en 1997. Ensemble, ils ont eu quatre (4) enfants, nés entre 1996 et 2004. À la date de la conclusion de la décideuse, les enfants étaient âgés respectivement de 23, 21, 16 et 15 ans.

[6] Le 10 septembre 2012, le demandeur a été arrêté et inculpé de huit infractions d’agressions sexuelles répétées et de contacts sexuels sur sa fille aînée. Les agressions sexuelles ont commencé en 2006, lorsque sa fille était âgée de neuf (9) ans et se sont poursuivies jusqu’à ses 15 ans. Le demandeur a été libéré sous caution en septembre 2012 et il est resté en liberté sous caution jusqu’à ce qu’il soit finalement déclaré coupable en mars 2015. La Cour ne dispose d’aucune preuve portant qu’il a transgressé ses conditions de liberté sous caution durant la période allant de septembre 2012 à mars 2015.

[7] Le demandeur a plaidé non coupable à tous les chefs d’accusation. Le 27 mars 2015, il a été déclaré coupable des infractions suivantes :

  1. inceste (2 chefs), aux termes du paragraphe 155(2) du Code criminel, LRC 1985, c C‑46 [le Code criminel];

  2. contacts sexuels (2 chefs), aux termes de l’alinéa 151a) du Code criminel;

  3. invitation à des contacts sexuels (2 chefs), aux termes de l’alinéa 152a) du Code criminel;

  4. exploitation sexuelle, aux termes de l’alinéa 153(1)a) du Code criminel;

  5. exploitation sexuelle, aux termes de l’alinéa 153(1)b) du Code criminel.

[8] Après avoir été déclaré coupable, le demandeur a été mis en liberté sur la foi de son propre engagement, dont l’une des conditions était qu’il devait s’abstenir de communiquer avec son épouse et ses quatre enfants. Le lendemain, il a été trouvé chez lui en la présence de deux de ses enfants, dont la victime des infractions susmentionnées. Il a été arrêté puis plus tard a plaidé coupable de manquement à son engagement, aux termes du paragraphe 145(3) du Code criminel.

[9] Le 7 août 2015, le demandeur a été condamné à six (6) ans d’emprisonnement, à purger de façon concurrente, pour chacune des infractions, et à un (1) jour d’emprisonnement pour le manquement à son engagement. Le juge qui a prononcé la peine a aussi rendu une ordonnance lui interdisant toute communication non surveillée avec ses enfants.

[10] Durant les premiers mois de son incarcération, le demandeur a continué de nier sa responsabilité à l’égard des infractions. Il a interjeté appel à la fois des déclarations de culpabilité et de la peine prononcée. Les appels ont été rejetés le 13 juillet 2016.

[11] Une opinion d’expert rédigée le 5 juin 2015 par le Dr Jonathan Gray, psychiatre au Programme de psychiatrie légale intégrée de l’hôpital Royal d’Ottawa, a conclu que le demandeur présentait un faible risque de récidive [traduction] « en matière sexuelle ou de violence ». En outre, il ressort de l’Évaluation spéciale des délinquants sexuels rédigée par le personnel de l’établissement de Joyceville que le demandeur faisait [traduction] « partie de la catégorie de délinquants présentant un faible risque d’être accusés et déclarés coupables d’une autre infraction sexuelle. Cette catégorie de risque théorique confirme que [le demandeur] n’est pas plus susceptible de récidiver sur le plan sexuel que les délinquants non sexuels ».

[12] Par lettre datée du 20 mars 2018, l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) a informé le demandeur qu’elle avait officiellement prié le ministre d’émettre l’opinion qu’il constituait un danger pour le public. Le demandeur, par l’entremise de son avocat, a présenté des observations le 4 juin et le 14 août 2018. Je signale ici qu’il est devenu admissible à une libération d’office le 7 août 2019. Le Service correctionnel du Canada ne s’est pas opposé à sa libération.

[13] Le 2 octobre 2019, la décideuse a communiqué sa conclusion. Selon elle, le demandeur constituait un danger pour le public au sens de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR. Elle a conclu, avec raison, que le demandeur était interdit de territoire pour grande criminalité, en application de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR. Elle a ensuite examiné le critère du « danger pour le public », énoncé dans la décision Williams c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] 2 CF 646, 212 NR 63 [Williams]. Appliquant ce critère, elle devait se prononcer de bonne foi sur la question de savoir si JBL était un possible récidiviste dont la présence au Canada constituait un risque inacceptable. Étant donné que tout délinquant peut récidiver, l’analyse porte essentiellement sur la question de savoir si la présence du demandeur au Canada constitue un risque inacceptable.

[14] La décideuse a relevé les efforts louables de réadaptation entrepris par le demandeur. Elle a évoqué les certificats qu’il avait obtenus après avoir suivi des cours durant son incarcération, le soutien qu’il reçoit de son épouse et de sa famille, les points favorables exposés dans une évaluation de comportement sexuel et un formulaire de décision portant recommandation du Service correctionnel du Canada. Elle a aussi reconnu que le risque de récidive du demandeur, mesuré en 2015, était faible. Puis elle a comparé ces facteurs favorables avec notamment la gravité des infractions commises, l’absence initiale de remords du demandeur et le fait qu’il avait plaidé non coupable, pour finalement conclure qu’il constituait un danger actuel et futur pour le public.

[15] Toutes les parties s’accordent pour dire que, en ce qui concerne la conclusion de la décideuse et le présent examen, le public au Canada, aux termes de l’alinéa 115(2)a), constitue les enfants du demandeur. Selon la preuve d’expert, acceptée semble‑t‑il par la décideuse, le demandeur n’est pas un pédophile.

III. Les observations des parties

A. La décideuse principale a‑t‑elle eu tort de conclure que le demandeur constituait un danger pour le public au sens de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR?

[16] Selon le demandeur, l’enquête prévue à l’alinéa 115(2)a) porte exclusivement sur le risque de récidive (Makomena au para 28). Selon lui, la décideuse n’a pas porté son attention sur son risque de récidive, accordant plutôt une importance disproportionnée au caractère moralement répugnant des infractions et au préjudice qui en a résulté pour la victime. Selon lui, la décideuse n’a pas considéré le danger actuel et futur qu’il constituait pour le public.

[17] Le demandeur affirme que la décideuse n’a pas fait cas de l’évaluation criminologique d’expert versée au dossier, notamment celle du Dr Gray. Il reconnaît que la décideuse n’était pas tenue d’accepter le témoignage d’expert, mais qu’elle aurait dû l’écarter expressément, ou expliquer pourquoi, selon elle, ce témoignage n’était pas convaincant. Il soutient qu’elle n’avait pas le droit de ne pas en faire cas (Soe c Canada (MSPPC), 2018 CF 557, 293 ACWS (3d) 600 au para 99 [Soe]; Makomena au para 25, et Ahmed c Canada (MSPPC), 2020 CF 507, 318 ACWS (3d) 303 au para 24).

[18] Le demandeur affirme que ses infractions criminelles antérieures ne permettent pas, à elles seules, d’affirmer qu’il récidivera. Il soutient notamment que l’âge des enfants à la date de la décision aurait dû être pris en compte dans l’évaluation du risque qu’il commette à nouveau des actes incestueux. Il prétend aussi que la décideuse a accordé un poids démesuré au fait qu’il avait plaidé non coupable et qu’il avait subi un procès. Il soutient que cela aurait dû être un facteur neutre (Nash c R, 2009 NBCA 7, [2009] AN‑B no 17 au para 47, et R c Watt, 2015 BCPC 343, [2015] BCJ no 2661 au para 15).

[19] Selon le défendeur, il est bien établi en droit que le décideur est présumé avoir tenu compte de toute la preuve documentaire, à moins que le contraire ne soit démontré (Florea c Canada (MCI), [1993] ACF no 598 (CAF). Il soutient que la conclusion de la décideuse était fondée sur l’intégralité du dossier dont elle disposait. La décideuse n’a pas explicitement fait état du rapport du Dr Gray; toutefois, il est évident qu’elle l’a pris en compte, puisqu’elle a reconnu que le risque de récidive du demandeur est faible. Selon le défendeur, elle a raisonnablement conclu que la preuve favorable au demandeur ne suffisait pas à atténuer le risque posé par le demandeur.

[20] Le défendeur relève que les rapports d’expert cités par JBL ont été rédigés en 2015, soit peu après la déclaration de culpabilité prononcée contre lui et plusieurs années avant sa libération. Aucun d’eux ne portait sur le risque de récidive au moment de sa libération en 2018. D’ailleurs, ces rapports n’avaient pas pour objet d’évaluer ce risque. Ils intéressaient plutôt la détermination de la peine, le traitement possible du demandeur et le niveau de sécurité qui lui serait attribué durant son incarcération. Le défendeur affirme que le JBL demande essentiellement à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve.

[21] Le défendeur reconnaît en toute franchise que la décideuse a accordé beaucoup de poids au plaidoyer de « non‑culpabilité » du demandeur et à son insistance à subir un procès. Selon lui, elle avait raison de le faire et il fait remarquer que la Cour d’appel fédérale a fait une mise en garde contre l’application directe des principes du droit criminel dans le contexte de l’immigration (Nagalingam au para 67).

IV. Analyse

[22] La question qui doit être tranchée en l’espèce n’est pas de savoir si le demandeur devrait rester au Canada. Ce n’est d’ailleurs pas la question à laquelle la décideuse devait répondre. La question, d’après la jurisprudence, est de savoir si, pour l’avenir, le demandeur constitue un risque inacceptable pour le public au Canada. Comme indiqué ci‑dessus, le groupe de personnes par rapport auquel le risque doit être mesuré est reconnu par les parties comme étant la famille immédiate du demandeur.

[23] La décideuse a relevé le bon critère à appliquer pour savoir si le demandeur constitue un danger pour le public au sens de l’alinéa 115(2)a). La détermination du poids qu’il convenait d’accorder à la preuve d’expert relève du pouvoir discrétionnaire de la décideuse. La Cour doit s’abstenir d’apprécier à nouveau cette preuve. Cependant, la décideuse doit donner une raison valide d’écarter une opinion d’expert ou de ne pas en tenir compte (Soe au para 99).

[24] Je suis persuadé que, en l’occurrence, sa conclusion ne satisfait pas au critère de la décision raisonnable, et ce, pour les motifs exposés ci‑après.

[25] D’abord, la conclusion à laquelle elle est arrivée en application de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR donne le nom du demandeur, puis indique sa date de naissance comme étant le 1er septembre 1969. Sa date de naissance est en réalité le 1er septembre 1960. La conclusion de la décideuse porte la date du 2 octobre 2019. Elle ne comporte aucun rectificatif indiquant que la mauvaise date est le résultat d’une faute de frappe. En fait, dans la demande d’opinion faite par l’Agence des services frontaliers du Canada, celle‑ci indique elle aussi le 1er septembre 1969 comme date de naissance du demandeur. La Cour n’est pas en état de savoir si la conclusion de la décideuse aurait été différente si elle avait su que le demandeur était âgé de 60 ans plutôt que 51 quand elle l’a rédigée. Je ne dispose d’aucune donnée sur la propension d’un homme de 60 ans à commettre de tels délits par rapport à un homme de 51 ans, mais l’âge véritable serait, d’après moi, un élément qu’un décideur devrait connaître, et un élément dont il ou elle devrait tenir compte au cours du processus délibératif. Une différence d’âge de neuf ans peut aussi avoir son importance pour la question du risque au moment du retour dans le pays d’origine.

[26] Deuxièmement, les parties ont présenté des observations sur la désignation du « public » au Canada aux fins des infractions commises par le demandeur. Le défendeur a plaidé avec brio que le public au Canada est la famille immédiate du demandeur. Je souscris à son point de vue, comme je l’ai mentionné précédemment. Cela étant, il incombait à la décideuse de considérer le groupe de victimes potentielles à la date de la rédaction de sa conclusion. À cette date, la personne la plus jeune du groupe était âgée de 15 ans. Selon la preuve, la victime était âgée de 15 ans quand les actes incestueux ont cessé en 2013, étant entendu qu’ils avaient commencé quand elle avait neuf ans. La décideuse n’a pas tenu compte de l’âge des personnes faisant partie du groupe de victimes potentielles quand elle est arrivée à sa conclusion que le demandeur constituait un risque inacceptable pour le public au Canada.

[27] Peut‑être l’âge des personnes faisant partie du groupe de victimes potentielles aurait‑il milité en faveur de la conclusion à laquelle est finalement arrivée la décideuse. Cependant, encore une fois, il s’agit là de quelque chose qui aurait dû faire partie de son analyse quand elle s’est penchée sur la possibilité de récidive.

[28] Troisièmement, la décideuse a énoncé ce qui suit :

[traduction]

J’accorde un poids important au fait qu’il a plaidé « non coupable », ce qui a obligé sa fille à témoigner au procès, une expérience qui, selon cette dernière, lui a donné l’impression d’être victime une deuxième fois.

[29] Malheureusement, sans la preuve de l’incidence d’un plaidoyer de « non‑culpabilité » sur le risque de récidive, cette remarque de la décideuse est à la fois totalement hors de propos et tout à fait préjudiciable. Elle a reconnu son caractère tout à fait préjudiciable en lui accordant un poids « important ». La décideuse devait s’en tenir au risque de récidive, et non infliger au demandeur une peine additionnelle pour des actes criminels antérieurs.

[30] Je reconnais que les principes du droit criminel ne devraient pas nécessairement être transposés dans les affaires intéressant le droit de l’immigration et la politique d’immigration. Toutefois, c’est précisément ce que le législateur a fait en promulguant l’article 36 de la LIPR (voir les articles 55, 58, 64, 77, 101, 113 et 115, qui traitent de la grande criminalité). Je suis d’avis qu’un plaidoyer de non‑culpabilité devrait, s’il mérite un tant soit peu d’être mentionné, être considéré comme un facteur neutre dans le cas présent (voir Nash c R, 2009 NBCA 7 au para 47). Cette conclusion souffrira naturellement une exception s’il apparaît qu’un plaidoyer de non‑culpabilité, eu égard aux circonstances de l’acte criminel et à la situation du prévenu, notamment son profil criminologique, ses tests psychologiques et autres facteurs, fait planer la crainte une récidive.

[31] En l’espèce, je suis d’avis que la conclusion de la décideuse est déraisonnable, sans égard à l’importance du poids qu’elle a accordée au plaidoyer de non‑culpabilité. Un décideur n’émet pas une opinion raisonnable, dans un contexte tel que celui dont il s’agit ici, sans préciser à tout le moins l’âge exact de l’abuseur potentiel et l’âge des personnes composant le groupe possible de victimes. Ces facteurs, auxquels s’ajoute le rejet apparent des éléments favorables au demandeur, font qu’il est impossible de comprendre les motifs qui ont conduit la décideuse à conclure que le demandeur avait de fortes chances de récidiver. Comme l’écrivait la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vavilov, « le contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable doit s’intéresser à la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision » (au para 83).

V. La question à certifier

[32] Le demandeur a proposé que soit certifiée la question suivante :

[traduction]
Quand il se demande si une personne constitue un danger pour le public au sens de l’alinéa 115(2)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, le décideur peut‑il, en droit, considérer comme circonstance aggravante dans son analyse la décision de l’intéressé d’exercer les droits que lui reconnaissent l’alinéa 11d) et (le cas échéant) l’alinéa 11f) de la Charte de subir un procès, ou le décideur peut‑il d’une autre manière en tirer une inférence défavorable?

[33] La Cour ne devrait certifier une question que dans les cas suivants. La question doit être déterminante pour l’issue de l’appel et transcender les intérêts des parties au litige, ainsi que soulever des enjeux de grande importance ou de portée générale. Elle doit aussi avoir été soulevée et examinée dans la décision de première instance, et elle doit découler de l’affaire, et non des motifs du juge (Xiong Lin Zhang c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2013 CAF 168 au para 9).

[34] Comme j’en ai déjà fait état, il pourra y avoir des cas où la preuve conduira un expert à estimer qu’un plaidoyer de non‑culpabilité suivi d’appels successifs laisse présager une possible récidive. Je ne fermerais pas la porte à l’idée qu’une preuve du genre puisse être prise en compte dans de futures opinions sur le danger que présente une personne. Si la Cour d’appel fédérale devait être invitée à fermer cette porte pour toutes les opinions à venir, je suis d’avis qu’une question devrait être certifiée dans un cas où il pourrait y avoir lieu de tenir compte du plaidoyer de non‑culpabilité. En ce qui concerne la présente affaire, je considère qu’il n’était pas nécessaire de s’attarder au plaidoyer de non‑culpabilité et que ce plaidoyer n’aurait pas dû être pris en compte par la décideuse.

[35] Je refuse donc de certifier une question pour examen par la Cour d’appel fédérale.

VI. Dispositif

[36] En fin de compte, j’accueille la demande de contrôle judiciaire et renvoie l’affaire pour nouvelle décision par un autre décideur. Je refuse de certifier une question pour examen par la Cour d’appel fédérale.

[37] Au vu des circonstances de la présente affaire, je considère qu’il est essentiel d’anonymiser son intitulé et je rendrai une ordonnance en ce sens, avec effet immédiat.

[38] Il n’a pas été réclamé de dépens dans la présente affaire, et il n’en est pas adjugé.

 


JUGEMENT rendu dans le dossier IMM‑6817‑19

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie, sans frais. L’affaire est renvoyée à un autre décideur pour nouvelle décision;

  2. L’intitulé de la cause sera anonymisé;

  3. Aucune question n’est certifiée pour examen par la Cour d’appel fédérale.

« B. Richard Bell »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑6817‑19

 

INTITULÉ :

JBL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Fredericton (NOUVEAU‑Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 29 AVril 2021

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE BELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 26 MAI 2021

 

COMPARUTIONS :

Anthony Navaneelan

 

POUR LE demandeur

 

Neeta Logsetty

 

POUR LE défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Anthony Navaneelan

Refugee Law Office

Toronto (Ontario)

 

POUR LE demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE défendeur

 

 

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