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Date : 20050304

Dossier : IMM-1984-04

Référence : 2005 CF 319

Ottawa (Ontario), le 4 mars 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

OSITA IKECHUKWU OBI

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]         Le demandeur, M. Osita Obi, est un citoyen du Nigéria qui prétend craindre avec raison dtre persécuté et dtre exposé au risque de traitements ou peines cruels et inusités du fait de son appartenance à un groupe social en tant que fils du grand prêtre de sa ville natale.


[2]         Le demandeur prétend que le rôle de chef lui est revenu à la mort de son père et qu'il ne voulait pas l'accepter parce qu'il est chrétien. Il allègue que sa collectivité a proféré des menaces de mort contre lui parce qu'il a refusé d'occuper le poste de chef, lequel est transmis traditionnellement au fils aîné. Il est arrivé au Canada le 14 décembre 2000 et a demandé l'asile. Dans une décision datée du 12 février 2004, un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Section de la protection des réfugiés) (la Commission) a décidé que le demandeur ntait ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger. Le demandeur demande maintenant le contrôle judiciaire de cette décision.

LA QUESTION EN LITIGE

[3]         Le demandeur soulève une seule question :

1)          La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de tous les éléments de preuve pertinents et en tirant en conséquence une conclusion défavorable concernant la crédibilité?

LA DÉCISION

[4]         La Commission a reconnu que le demandeur était un citoyen du Nigéria et qu'il devait succéder à son père au poste de chef. Elle n'a toutefois pas cru, à cause des incohérences et des invraisemblances contenues dans la preuve, que sa vie était menacée à cause de son refus de succéder à son père. Subsidiairement, elle a conclu que le demandeur pouvait obtenir une protection de ltat suffisante au Nigéria.


ANALYSE

[5]         La norme de contrôle qui s'applique à une conclusion concernant la crédibilité ou l'existence d'une protection de ltat suffisante est la décision manifestement déraisonnable. La Cour devrait donc intervenir seulement si la décision n'est pas étayée par la preuve.

[6]         La question de l'existence de la protection de ltat est déterminante en l'espèce. Par conséquent, je me dois d'examiner seulement la conclusion de la Commission selon laquelle la protection offerte par ltat était suffisante. Si cette conclusion n'est pas erronée, la décision sera maintenue, même si la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a examiné la prétention du demandeur selon laquelle sa vie était menacée à cause de son refus de succéder à son père.

[7]         Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a conclu qu'il pouvait se prévaloir de la protection de ltat parce qu'elle n'a pas compris la preuve qu'il a produite et qui démontrait que la police ne voulait pas intervenir dans les affaires religieuses.

[8]         La Commission a écrit dans sa décision :

Le tribunal considère que le demandeur n'a pas cherché à déposer une plainte auprès d'un agent de plus haut rang au poste de police en question, qu'il n'a pas essayé de déposer une plainte à un autre poste ou service de police et qu'il n'a pas essayé non plus de soumettre l'affaire à la justice.

[9]         Le demandeur prétend que la preuve indiquait que la police n'entreprendrait pas les enquêtes nécessaires et ne prendrait pas les mesures appropriées pour le protéger ou pour donner suite à ses plaintes contre les villageois et que la Commission a mal compris cette preuve.


[10]       La Commission peut tirer des conclusions en se fondant sur le bon sens et la raison (Shahamati c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 415 (C.A.F.), au paragraphe 2). La preuve dont elle disposait indiquait que le demandeur avait passé entre une demi-heure et une heure avec le policier, le suppliant de l'aider, mais qu'on lui avait répondu que la police ne se mêlait pas des affaires religieuses. La police allait cependant le remettre au groupe de personnes (les aînés du village) ayant proféré des menaces de mort contre lui. Il ntait pas déraisonnable que la Commission juge ces déclarations contradictoires et n'accepte pas l'explication du demandeur.

[11]       Le demandeur prétend que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a conclu que l'affaire aurait dû être soumise aux tribunaux. Il soutient qu'il s'agit d'une affaire criminelle et non d'un cas qu'il aurait pu soumettre à la justice. Le demandeur se fonde à cet égard sur une seule partie de l'extrait cité ci-dessus. Or, je ne relève aucune erreur lorsque je lis cet extrait en entier.

[12]       En ce qui concerne la protection de ltat, le demandeur doit réfuter la présomption voulant que ltat est capable de le protéger (Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration) c. Bob Smith, [1999] 1 C.F. 310 (1re inst.), au paragraphe 26). Comme la Cour d'appel l'a dit dans Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Villafranca (1992), 150 N.R. 232 (C.A.F.) :

Le test applicable est objectif, le demandeur étant tenu de démontrer qu'il lui est physiquement impossible de rechercher l'aide de son gouvernement [...] ou que le gouvernement lui-même ne peut d'une façon quelconque la lui accorder.


[13]       Le témoignage du demandeur révèle qu'il n'a pas essayé de parler à un autre policier ou à un officier supérieur ou de se rendre à un autre poste de police. Il n'a pas nommé les personnes qui l'auraient menacéet il était incapable de se rappeler si le policier avait pris des notes pendant leur conversation. Or, un demandeur ne doit pas se contenter de démontrer qu'il est allé voir certains policiers et que ses efforts ont été vains (Kadenko c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration) (1996), 206 N.R. 272).

[14]       Compte tenu de la preuve, il était raisonnable que la Commission conclue que le demandeur n'avait pas porté plainte ou n'avait pas suffisamment tenté d'obtenir la protection de ltat, notamment en n'ayant pas eu recours aux tribunaux.

[15]       De plus, je constate que la Commission a examinéla preuve documentaire qui confirmait les problèmes existant au sein de la force policière, mais qu'elle a fait remarquer que les mesures prises par le gouvernement avaient eu pour effet d'améliorer l'application de la loi. Dans l'ensemble, la Commission a conclu que la protection de ltat était suffisante. La Cour n'a pas à soupeser de nouveau cette preuve (Bandula c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), 2003 CF 1062, au paragraphe 19).

[16]       Pour ces motifs, je suis d'avis que la décision de la Commission ntait pas manifestement déraisonnable et qu'elle doit être maintenue. La demande sera rejetée.

[17]       Les parties n'ayant demandé la certification d'aucune question, aucune ne sera certifiée.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1. La demande est rejetée.

2. Aucune question de portée générale n'est certifiée.

          « Judith A. Snider »          

          Juge

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                            IMM-1984-04

INTITULÉ:                                                             OSITA IKECHUKWU OBI

c.

        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                     TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                  LE 1ER MARS 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                          LA JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                                          LE 4 MARS 2005

COMPARUTIONS:

Ngozi A. Oti                                                            POUR LE DEMANDEUR

John Loncar                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Ngozi A. Oti                                                           POUR LE DEMANDEUR

Avocate

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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