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     IMM-4378-96

Ottawa (Ontario), le 15 septembre 1997

En présence de Monsieur le juge Gibson

Entre :

     KANTHASAMI THILLAIAMPALAM,

     requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     ORDONNANCE

     La Cour fait droit au recours en contrôle judiciaire et renvoie l'affaire à l'intimé pour nouvelle instruction par un autre agent d'immigration.

     Signé : Frederick E. Gibson

     ________________________________

     Juge

Traduction certifiée conforme      ________________________________

     F. Blais, LL. L.

     IMM-4378-96

Entre :

     KANTHASAMI THILLAIAMPALAM,

     requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge GIBSON

     Les présents motifs se rapportent au recours en contrôle judiciaire exercé contre la décision en date du 30 octobre 1996, par laquelle une agente d'immigration a rejeté la demande de droit d'établissement faite à l'intérieur du Canada par le requérant qui faisait valoir des raisons d'ordre humanitaire à cet effet.

     Le requérant est un citoyen tamoul du Sri Lanka, arrivé le 21 février 1990 au Canada. Sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention a été rejetée, de même que son recours en contrôle judiciaire contre ce rejet. Il a demandé ensuite à être classé immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée (IMRED), mais sa demande a été rejetée pour cause de dépôt après les délais.

     Un de ses fils est arrivé au Canada le 15 août 1995, et s'est vu reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention le 26 janvier 1996. Voici ce qu'on peut lire dans la décision de la section du statut de réfugié :

     [TRADUCTION]

     " l'intérêt de l'enfant sera le facteur sous-jacent de ma décision. Il n'est pas conforme à son intérêt de retourner au Sri Lanka en l'état actuel des choses. Il est dans son intérêt de demeurer avec son père au Canada . Par ce motif, je conclus que ce jeune homme " est un réfugié au sens de la Convention du fait de sa race et de son appartenance à un certain groupe social, du fait qu'il est un jeune Tamoul du Nord du Sri Lanka.         

                                             [non souligné dans l'original]

     Le requérant a fait le 9 avril 1996 sa demande d'autorisation de demander le droit d'établissement à l'intérieur du Canada. Il a passé l'entrevue en la matière le 24 octobre 1996, avec l'aide d'un interprète mais sans l'assistance d'un avocat. Informé qu'il aurait à faire une demande de droit d'établissement pour le compte de son fils, il l'a fait le 29 octobre. Cependant, sa propre demande de droit d'établissement a été rejetée, comme noté supra, par lettre en date du 30 octobre. Aucun motif n'a été donné pour le rejet.

     Les principes généraux qui régissent le contrôle judiciaire d'une décision comme la décision entreprise en l'espèce sont succinctement exposés par le juge Hugessen dans Shah c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration1 :

         Cette décision relève entièrement de son jugement et de son pouvoir discrétionnaire et la Loi ne confère aucun droit au requérant en ce qui a trait au dispositif de cette décision.         

     "

         En l'espèce, le requérant ne doit pas répondre à des allégations dont il faut lui donner avis; c'est plutôt à lui de convaincre la personne investie d'un pouvoir discrétionnaire qu'il doit recevoir un traitement exceptionnel et obtenir une dispense de l'application générale de la Loi.         

     "

         Pour avoir gain de cause, la partie requérante doit démontrer que la personne investie d'un pouvoir discrétionnaire a commis une erreur de droit, a appliqué un principe erroné ou inapplicable ou a agi de mauvaise foi " Il s'agit d'un fardeau très lourd "         

                                                 [notes de bas de page occultées]

     En l'espèce, la décision attaquée, comme dans tous les autres cas semblables que je connais, n'était pas motivée. Dans Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Williams2, le juge Strayer a fait l'observation suivante :

     Ce qui a été reconnu, c'est que lorsque la décision discrétionnaire d'un tribunal est manifestement absurde ou lorsque les faits qui ont été soumis au tribunal exigeaient manifestement un résultat différent ou étaient dénués de pertinence mais ont apparemment eu un effet déterminant sur le résultat, il se peut qu'une cour de justice doive, en l'absence de motifs qui auraient pu expliquer comment le résultat est effectivement justifié ou comment certains facteurs ont été pris en considération mais rejetés, annuler la décision pour l'un des motifs reconnus de contrôle judiciaire comme l'erreur de droit, la mauvaise foi, la prise en considération de facteurs dénués de pertinence et l'omission de tenir compte de facteurs pertinents.         

     L'avocat du requérant soutient devant la Cour que soit que la décision de l'agente d'immigration est en soi absurde, soit que les faits dont elle était saisie imposaient une autre conclusion.

     L'agente d'immigration était saisie du fait que le fils du requérant s'était vu reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention ainsi que des motifs de la décision de la section du statut de réfugié concluant que, ce fils ayant été reconnu réfugié vis-à-vis du Sri Lanka, il avait intérêt à demeurer avec son père au Canada. Il ressort du dossier du tribunal que l'agente d'immigration a pris acte de la présence du fils au Canada et de son statut de réfugié au sens de la Convention. L'importance de ces facteurs lui a échappé. Le seul membre de la famille immédiate du fils au Canada est son père, c'est-à-dire le requérant. Qui plus est, ce jeune fils n'a été au Canada que depuis très peu de temps. L'agente d'immigration a accordé plus d'importance au fait que ce fils a aussi un oncle au Canada, chez qui son père et lui-même logeaient, qu'à l'union du père et du fils. Il est clair qu'étant donné le statut de réfugié au sens de la Convention reconnu au fils, son retour au Sri Lanka avec son père n'est pas une option.

     L'agente d'immigration a commis une erreur en concluant, sur la foi des documents produits, que le requérant vivait d'assistance sociale depuis 1994. Les preuves produites ne justifient pas cette conclusion.

     Elle reconnaît que le requérant a manqué l'occasion de demander le droit d'établissement à titre d'IMRED du fait qu'il avait déposé sa demande après l'expiration des délais. Elle ne tient pas compte du fait que celui-ci pourrait en subir un préjudice grave, alors que le retard dans le dépôt de la demande était entièrement imputable à son ancien procureur, qui l'a reconnu lui-même.

     L'agente d'immigration conclut que le requérant ne parle pas anglais bien que dans sa demande du droit d'établissement faite à l'intérieur du Canada, il indique qu'il parle, lit et écrit l'anglais. Il est vrai qu'il a choisi de participer à l'entrevue dans sa langue maternelle avec l'aide d'un interprète, mais ce fait ne permet certainement pas de se prononcer sur sa connaissance de l'anglais. Ce pourrait être tout juste une indication de la nervosité provoquée par l'entrevue, étant donné les conséquences qui en découleraient pour son avenir et pour l'avenir de son fils, et par conséquent, de son désir de faire de son mieux dans la langue qu'il connaît le mieux.

     De ce qui précède je conclus, pour reprendre les termes de la décision Williams, que soit que la décision de l'agente d'immigration est manifestement absurde, soit que les faits dont elle était saisie exigeaient manifestement un résultat différent. En l'absence de motifs qui auraient pu expliquer en quoi sa décision était en fait rationnelle ou comment elle avait pris en considération certains facteurs puis les avait rejetés, je conclus que je dois annuler sa décision pour défaut de prendre en compte des facteurs pertinents. Cela ne signifie pas que cette décision n'aurait pu être raisonnable, mais faute de motifs qui pourraient expliquer en quoi elle est raisonnablement possible, force m'est de conclure qu'elle ne l'est pas.

     L'avocat du requérant propose un second motif de contrôle judiciaire, savoir que l'agente d'immigration n'a pas examiné si elle avait le pouvoir de proroger le délai de dépôt de la demande IMRED. La brève réponse à cet argument est qu'elle n'a pas été saisie de la question de la prorogation du délai de dépôt de la demande IMRED. Le requérant ne peut donc avoir gain de cause sous ce chef.

     Par ces motifs, il sera fait droit au recours en contrôle judiciaire, la décision de l'agente d'immigration de ne pas recommander l'instruction de la demande du droit d'établissement faite par le requérant à l'intérieur du Canada sera annulée, et l'affaire renvoyée à l'intimé pour nouvelle instruction par un autre agent d'immigration.

     L'avocat du requérant a demandé que soit certifiée une question relative à la prorogation du délai de dépôt de la demande IMRED du requérant. Puisque pareille question ne déciderait pas du recours en contrôle judiciaire, elle ne sera pas certifiée. L'avocat de l'intimé recommande de ne certifier aucune question. Aucune question ne sera certifiée.

     Signé : Frederick E. Gibson

     ________________________________

     Juge

Ottawa (Ontario),

le 15 septembre 1997

Traduction certifiée conforme      ________________________________

     F. Blais, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :          IMM-4378-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Kanthasami Thillaiampalam

                         c.

                         Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      9 septembre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE GIBSON

LE :                          15 septembre 1997

ONT COMPARU :

M. Max Berger                  pour le requérant

M. David Tyndale                  pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Max Berger                  pour le requérant

Toronto (Ontario)

M. George Thomson                  pour l'intimé

Sous-procureur général du Canada

__________________

1      (1994), 170 N.R. 238 (C.A.F.).

2      11 avril 1997, A-855-96, décision non rapportée (C.A.F.) (demande d'autorisation d'appel en Cour suprême du Canada déposée le 10 juin 1997).

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