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Date : 20020429

Dossier : T-290-01

Référence neutre : 2002 CFPI 489

Ottawa (Ontario), le 29 avril 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

                                                                           BIN HAO

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]              Il s'agit d'un appel de la décision en date du 7 décembre 2000 par laquelle le juge de la citoyenneté a refusé la demande de citoyenneté canadienne que le demandeur a présentée sous le régime de l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29.

[2]                 Le demandeur cherche à obtenir :

1.          une ordonnance de la nature d'un bref de certiorari annulant la décision du juge de la citoyenneté;


2.          une ordonnance déclarant qu'il respecte le critère énoncé au paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté;

3.          une ordonnance de la nature d'un bref de mandamus enjoignant au Bureau de la citoyenneté de lui attribuer la citoyenneté;

4.          une ordonnance accueillant l'appel.

Les faits à l'origine du litige

  

[3]                 Le demandeur, M. Bin Hao, est venu pour la première fois au Canada comme visiteur en décembre 1993.

[4]                 Le demandeur a subséquemment présenté une demande de résidence permanente au Canada à titre d'entrepreneur.

[5]                 Le demandeur est arrivé au Canada comme résident permanent le 21 novembre 1995. Son épouse est arrivée au Canada séparément, mais le même jour, également à titre de résidente permanente, en passant par le bureau de Niagara Falls. Les deux enfants que le demandeur a eus de son précédent mariage sont arrivés au Canada respectivement le 12 janvier 1996 et le 28 mars 1996. Le demandeur a également un fils qui est né au Canada le 15 mai 1995.


[6]                 Le 23 novembre 1998, le demandeur a présenté une demande de citoyenneté canadienne, qu'il avait remplie 1 097 jours (environ trois ans) après son arrivée comme résident permanent au Canada. Le 12 octobre 2000, le demandeur s'est présenté devant le juge de la citoyenneté, qui a subséquemment décidé qu'il ne respectait pas le critère de la résidence énoncé à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur l'immigration.

[7]                 Voici le dossier des absences du Canada du demandeur depuis son arrivée d'après sa demande de citoyenneté :

N °

Dates

Endroit

Nbre de jours d'absence

0

21 nov./95

Arrivée au Canada

(0 jour)

1

27 nov./95 - fév. 28/96

Japon/Chine

93 jours

2

15 mars/96 - 28 mars/96

Japon/Chine

13 jours

3

14 avril/96 - 25 juin/96

Japon/Hong Kong

72 jours

4

22 août/96 - 13 nov./96

Japon/Chine

83 jours

5

19 déc./96 - 10 janv./97

Japon

22 jours

6

6 avril/97 - 20 avril/97

Japon/Hong Kong

14 jours

7

29 juil./97 - 7 août/97

Japon/É.-U.

9 jours

8

11 sept./97 - 25 sept./97

Japon/Chine

14 jours

9

10 nov./97 - 19 nov./97

Japon

9 jours

10

21 déc./97 - 10 janv./98

Japon

20 jours

11

7 fév./98 - 25 mars/98

Japon

46 jours

12

2 avril/98 - 3 juil./98

Japon

92 jours

13

26 juil./98 -8 sept./98

Japon

44 jours

14

25 sept./98 - 8 nov./98

Japon

44 jours

Total

575 jours

[8]                 Selon les renseignements qu'il a fournis, le demandeur aurait été absent du Canada pendant 575 jours et présent pendant 522 jours entre la date à laquelle il est devenu résident permanent et celle où il a demandé la citoyenneté canadienne. La période de 522 jours au cours de laquelle il aurait été présent au Canada pendant les quatre dernières années précédant sa demande de citoyenneté représente 573 jours de moins que les 1 095 jours, ou trois ans, prescrits par l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté.

[9]                 Dans la lettre renfermant la décision, le juge de la citoyenneté s'est exprimée en partie comme suit :

[TRADUCTION] J'en suis arrivée à la conclusion que vous n'avez pas respecté le critère de la résidence. Selon l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, un demandeur doit avoir résidé au Canada pendant au moins trois ans (1 095 jours) en tout dans les quatre ans qui ont précédé sa demande.

[10]            L'épouse du demandeur, qui avait demandé la citoyenneté canadienne à la même date, a également vu sa demande refusée parce qu'elle ne respectait pas les exigences de l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, précitée.

[11]            La présente affaire concerne l'examen de la décision par laquelle le juge de la citoyenneté a refusé la demande de citoyenneté canadienne du demandeur.


Les arguments du demandeur

  

[12]            Le demandeur soutient que la norme applicable à l'examen d'une décision d'un juge de la citoyenneté est celle de la décision correcte.

[13]            À son avis, le demandeur respecte les exigences énoncées à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté.

[14]            Selon le demandeur, dans l'arrêt Re Koo, [1993] 1 C.F. 286, la Cour fédérale a statué qu'elle devrait se poser six questions pour en arriver à une conclusion au sujet de la résidence et que la présence physique n'est que l'un des nombreux facteurs à examiner.

[15]            Le demandeur fait valoir que le juge de la citoyenneté aurait dû tenir compte du fait que les absences du demandeur étaient imputables à des activités commerciales. Il précise que son épouse et ses enfants restent au Canada lorsqu'il voyage en dehors du pays, ce qui indique qu'il demeure un résident du Canada.

[16]            Le demandeur allègue qu'il existe suffisamment d'indices du fait qu'il réside au Canada et que le juge de la citoyenneté a commis une erreur en statuant qu'il n'avait pas centralisé son mode de vie au Canada au cours des quatre années précédant sa demande de citoyenneté.

[17]            Selon le demandeur, le juge de la citoyenneté a commis un manquement au devoir d'équité en omettant de lui faire part des préoccupations qu'elle avait au sujet de la demande, notamment en ce qui a trait aux incohérences concernant l'absence du Canada du demandeur.

[18]            Le demandeur ajoute qu'il n'a pas eu la possibilité d'expliquer que les estampilles figurant dans son passeport étaient l'équivalent d'un visa pour séjours multiples au Canada et ne correspondaient pas nécessairement à la période qu'il a effectivement passée au Japon.

Les arguments du défendeur

[19]            Selon le défendeur, il appert du passeport du demandeur que des permis ont été utilisés, ce qui indique des séjours prolongés à l'extérieur du Canada. Le défendeur souligne que la page 27 du passeport du demandeur fait état de permis de résidence prolongée que le demandeur a obtenus et utilisés au Japon et en Chine.

[20]            Le défendeur allègue que le demandeur n'a pas établi ou maintenu sa présence au Canada et qu'il n'a pas centralisé son mode de vie ici.

[21]            De l'avis du défendeur, il n'appert nullement de la preuve documentaire que le demandeur a demandé une carte d'assurance-maladie de l'Ontario entre le 21 novembre et le 27 novembre 1995 et il est peu probable qu'il l'ait fait, contrairement à ce qu'il a déclaré sous serment dans son affidavit.


[22]            Selon le défendeur, la preuve documentaire ne renferme aucune indication du fait que le demandeur aurait participé à différents événements sociaux et banquets d'organismes de bienfaisance ou qu'il aurait fait des dons à des oeuvres de bienfaisance. Le défendeur fait valoir que le demandeur a indiqué, sur son Questionnaire sur la résidence, qu'il n'était membre d'aucune association canadienne. De plus, le défendeur souligne qu'il aurait été loisible au juge de la citoyenneté de conclure que la présence à des dîners occasionnels et les dons déductibles d'impôt ne prouvent pas une participation active et personnelle à la société canadienne.

[23]            Selon le défendeur, la présence au cours de la période de quatre ans qui est prescrite à l'alinéa 5(1)c) doit être significative. L'établissement au Canada est essentiel car, si le demandeur ne peut démontrer qu'il s'est établi au Canada, ses séjours à l'extérieur du pays ne pourront être considérés comme des périodes de résidence.

[24]            Le défendeur soutient que le juge de la citoyenneté n'a pas conclu que le demandeur a été absent du Canada pendant toutes les périodes visées par les différents permis qui ont été délivrés par d'autres gouvernements étrangers. Selon le défendeur, le juge de la citoyenneté a eu raison de conclure que ces permis indiquaient le maintien de liens par le demandeur avec d'autres pays. Ainsi, le défendeur précise que le demandeur a obtenu un permis de résidence prolongée dans un pays étranger pour la période d'un an allant du 18 juin 1998 au 18 juin 1999.

[25]            Selon le défendeur, le juge de la citoyenneté n'a pas commis de manquement aux principes d'équité procédurale du fait qu'elle n'a pas passé en revue tous les détails du passeport avec le demandeur au cours de l'entrevue. De plus, de l'avis du défendeur, le refus était fondé sur le nombre total d'absences que le demandeur a déclarées sur son formulaire de demande.

[26]            Questions en litige

1.          Le juge de la citoyenneté a-t-elle rendu une décision fondée sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait, commettant de ce fait une erreur susceptible de révision?

2.          Le juge de la citoyenneté a-t-elle commis un manquement à un principe d'équité procédurale en omettant de faire part au demandeur de ses préoccupations au sujet de la demande qu'il avait présentée?

Dispositions législatives pertinentes

[27]            Voici le texte de l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté :

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois_:

. . .

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

. . .


c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante_:

(c) has been lawfully admitted to Canada for permanent residence, has not ceased since such admission to be a permanent resident pursuant to section 24 of the Immigration Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent; . .

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence; . . ..

[28]            Les paragraphes 24(1) et (2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, sont ainsi libellés :

24. (1) Emportent déchéance du statut de résident permanent_:

a) le fait de quitter le Canada ou de demeurer à l'étranger avec l'intention de cesser de résider en permanence au Canada;

b) toute mesure de renvoi n'ayant pas été annulée ou n'ayant pas fait l'objet d'un sursis d'exécution au titre du paragraphe 73(1).

(2) Le résident permanent qui séjourne à l'étranger plus de cent quatre-vingt-trois jours au cours d'une période de douze mois est réputé avoir cessé de résider en permanence au Canada, sauf s'il convainc un agent d'immigration ou un arbitre, selon le cas, qu'il n'avait pas cette intention.

24. (1) A person ceases to be a permanent resident when

(a) that person leaves or remains outside Canada with the intention of abandoning Canada as that person's place of permanent residence; or

(b) a removal order has been made against that person and the order is not quashed or its execution is not stayed pursuant to subsection 73(1).

(2) Where a permanent resident is outside Canada for more than one hundred and eighty-three days in any one twelve month period, that person shall be deemed to have abandoned Canada as his place of permanent residence unless that person satisfies an immigration officer or an adjudicator, as the case may be, that he did not intend to abandon Canada as his place of permanent residence.


Analyse et décision

  

[29]            Pour réviser la décision du juge de la citoyenneté, j'appliquerai la norme d'examen « proche de la décision correcte » que le juge Lutfy (alors juge de la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada) a énoncée dans Lam c. Canada (1999), 164 F.T.R. 177 (C.F. 1re inst.).

[30]            Première question

Le juge de la citoyenneté a-t-elle rendu une décision fondée sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait, commettant de ce fait une erreur susceptible de révision?

Dans sa décision, le juge de la citoyenneté s'est exprimée comme suit :

[TRADUCTION] Vous êtes venu au Canada seul en 1993 comme visiteur et vous avez obtenu le droit de vous établir ici le 21 novembre 1995. Vous avez quitté le pays après y être resté six jours. Vous avez beaucoup voyagé au Japon et en Chine, de sorte qu'il vous manque 575 jours pour respecter le critère de la résidence. À mon avis, vous avez très peu de liens avec le Canada. J'ai relevé des incohérences majeures en ce qui a trait à vos séjours à l'extérieur du pays. Il n'y a aucun élément de preuve indiquant votre participation à la société d'ici; par conséquent, vous n'avez pas établi ou maintenu votre présence au Canada ni centralisé votre mode de vie ici.

Selon la jurisprudence de la Cour fédérale, pour prouver qu'elle est un résident, une personne doit démontrer qu'en pensée et en fait, elle a centralisé son mode de vie au Canada. Si cette preuve est établie, les séjours à l'extérieur du Canada ne toucheront pas cette résidence, tant et aussi longtemps qu'il est prouvé que la personne s'est absentée dans un but temporaire seulement et qu'elle a maintenu au Canada une forme de résidence réelle et concrète. J'ai donc examiné avec soin votre situation pour savoir si vous aviez établi votre résidence au Canada avant vos périodes d'absence de façon que celles-ci puissent être considérées malgré tout comme des périodes de résidence.

Après avoir examiné la preuve dont j'ai été saisie, qu'il s'agisse des témoignages ou de la documentation, je n'ai pu en arriver à la conclusion que vous aviez établi votre résidence au Canada du fait que vous aviez centralisé votre mode de vie ici au cours des quatre années qui ont précédé votre demande de citoyenneté canadienne.


[31]            Un examen des documents que le demandeur a fournis indique qu'il a beaucoup voyagé au Japon et en Chine et qu'il a passé 573 jours de moins au Canada que les 1 095 jours prescrits par l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté.

[32]            Tel qu'il est mentionné dans l'extrait précité de la décision du juge de la citoyenneté, il existe [Traduction] « des incohérences majeures en ce qui a trait aux séjours [du demandeur] à l'extérieur du pays » .

[33]            Le passeport du demandeur (qui fait partie du dossier du tribunal) fait état d'un grand nombre d'incohérences par rapport aux déclarations qu'il a faites au sujet des dates auxquelles il se serait trouvé au Canada. Ainsi, d'après son passeport, le demandeur se trouvait au Japon le 13 mars 1996, au Japon le 19 mai 1996, en Chine le 15 octobre 1996, au Japon le 7 décembre 1996 et en Chine le 12 décembre 1996. Le demandeur se trouvait également au Japon le 15 février 1997, en Chine le 15 mars 1997 et à Hong Kong le 24 mars 1997 et a quitté Hong Kong cinq jours plus tard. Il appert également du passeport du demandeur que celui-ci se trouvait en Chine les 29 mars et 9 octobre 1997.


[34]            Ces dates ne sont que quelques exemples de contradiction flagrante entre le passeport du demandeur et les renseignements figurant dans la demande que celui-ci a présentée, puisque ces estampilles indiquent que le demandeur n'était pas physiquement présent au Canada à ces dates alors qu'il a déclaré dans sa demande qu'il s'y trouvait.

[35]            Le juge de la citoyenneté a relevé des incohérences aux pages 9, 18, 22, 23 et 27 du passeport du demandeur. Celui-ci fait valoir que ces estampilles indiquent simplement que le gouvernement japonais a délivré des visas pour séjours multiples et qu'elles ne correspondent pas à la durée du séjour au Japon. Je ne puis accepter cette explication pour toutes les données figurant dans le passeport du demandeur. Tel qu'il est mentionné plus haut, bon nombre des incohérences relevées se rapportent manifestement à des estampilles faisant état de dates d'entrée à Hong Kong, au Japon et en Chine et de sortie de ces pays à des moments où le demandeur se serait trouvé au Canada, selon ce qu'il a dit. En tout état de cause, la demande du demandeur a été rejetée en raison du nombre de jours qu'il a passés à l'extérieur du Canada, d'après les renseignements qu'il a lui-même fournis sur son formulaire de demande.


[36]            Le demandeur soutient qu'il a séjourné à l'extérieur du Canada pendant 575 jours au cours de la période qui s'est écoulée depuis qu'il s'est établi au Canada. Or, les renseignements figurant dans le passeport du demandeur indiquent que le nombre réel de jours que celui-ci a passés à l'extérieur du pays est vraisemblablement nettement supérieur à celui qu'il a indiqué. Malgré la possibilité que le demandeur ait été présent au Canada pendant une période bien inférieure aux 522 jours qu'il a invoqués, le juge de la citoyenneté a utilisé cette dernière donnée pour en arriver à la conclusion que le demandeur n'avait pas respecté les exigences de la Loi. Même si ses données sont exactes, le demandeur a résidé au Canada pendant moins de la moitié de la période exigée en vertu de la Loi pour être considéré comme un résident.

[37]            L'alinéa 5(1)c) de la Loi exige qu'une personne qui demande la citoyenneté ait résidé au moins trois ans (1 095 jours) au Canada dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande.

[38]            La Cour fédérale a déjà statué que, dans certains cas, les séjours à l'extérieur du Canada peuvent être considérés comme des périodes de résidence et pris en compte dans le calcul de la période de résidence minimale (1 095 jours) prescrite par l'alinéa 5(1)c) de la Loi.

[39]            Le demandeur a passé 573 jours de moins au Canada que les 1 095 jours prescrits par l'alinéa 5(1)c) de la Loi. Il a séjourné à l'extérieur du pays pendant 575 jours entre la date de son établissement au Canada et celle de sa demande de citoyenneté.

[40]            Les séjours à l'extérieur du Canada ne peuvent être considérés comme des périodes de résidence que si le demandeur a centralisé son mode de vie au Canada avant ses absences.

[41]            Dans Canada (Ministre de la Citoyenneté) c. Lo, [1999] A.C.F. n ° . 130 (QL), le juge Dubé, de la Cour fédérale, s'exprime comme suit aux paragraphes 3 à 6 :


La présence physique au Canada tout au long de la période est moins essentielle lorsqu'une personne s'y est établie en pensée et en fait, ou y a conservé ou centralisé son mode vie habituel. C'était le cas de l'étudiant dans l'affaire Papadogiorgakis (précitée), qui s'était établi en Nouvelle-Écosse avant d'aller étudier aux États-Unis.

Malheureusement, ce n'est pas le cas de l'intimée en l'espèce qui, de toute évidence, ne peut s'être établie au Canada en seulement sept jours.

Par conséquent, sa demande était prématurée. Maintenant qu'elle a complété ses études et qu'elle s'est établie à Vancouver, elle pourra, au moment opportun, présenter une nouvelle demande de citoyenneté canadienne qui sera sans doute accueillie.

L'appel du ministre est accueilli.

[42]            À mon avis, le demandeur n'a pas établi un mode de vie centralisé au Canada au cours des sept jours où il est resté ici avant son premier séjour de 93 jours à l'extérieur du pays. Par conséquent, je ne suis pas disposé à tenir compte de ses séjours à l'extérieur du Canada dans le calcul de la période au cours de laquelle il a résidé au pays. J'en arrive donc à la conclusion que le juge de la citoyenneté n'a pas commis d'erreur en refusant la demande de citoyenneté du demandeur.

[43]            Le demandeur fait valoir que, si le critère énoncé dans l'arrêt Re Koo, [1993] 1 C.F. 286 (C.F. 1re inst.) était appliqué, sa demande devrait être accueillie. Voici le critère qui a été énoncé aux pages 293 et 294 de cet arrêt :

La conclusion que je tire de la jurisprudence est la suivante : le critère est celui de savoir si l'on peut dire que le Canada est le lieu où le requérant "vit régulièrement, normalement ou habituellement". Le critère peut être tourné autrement : le Canada est-il le pays où le requérant a centralisé son mode d'existence? Il y a plusieurs questions que l'on peut poser pour rendre une telle décision :

(1)            la personne était-elle physiquement présente au Canada durant une période prolongée avant de s'absenter juste avant la date de sa demande de citoyenneté?


(2)            où résident la famille proche et les personnes à charge (ainsi que la famille étendue) du requérant?

(3)            la forme de présence physique de la personne au Canada dénote-t-elle que cette dernière revient dans son pays ou, alors, qu'elle n'est qu'en visite?

(4)            quelle est l'étendue des absences physiques (lorsqu'il ne manque à un requérant que quelques jours pour atteindre le nombre total de 1 095 jours, il est plus facile de conclure à une résidence réputée que lorsque les absences en question sont considérables)?

(5)            l'absence physique est-elle imputable à une situation manifestement temporaire (par exemple, avoir quitté le Canada pour travailler comme missionnaire, suivre des études, exécuter un emploi temporaire ou accompagner son conjoint, qui a accepté un emploi temporaire à l'étranger)?

(6)            quelle est la qualité des attaches du requérant avec le Canada : sont-elles plus importantes que celles qui existent avec un autre pays?

[44]            J'ai examiné la preuve au regard des facteurs énumérés dans l'arrêt Re Koo et j'en arriverais à la conclusion que le juge de la citoyenneté a tirée.

[45]            Deuxième question

Le juge de la citoyenneté a-t-elle commis un manquement à un principe d'équité procédurale en omettant de faire part au demandeur de ses préoccupations au sujet de la demande qu'il avait présentée?


Le demandeur reproche au juge de la citoyenneté de ne pas lui avoir donné la possibilité d'expliquer que les estampilles figurant dans son passeport étaient l'équivalent d'un visa pour séjours multiples au Canada et ne correspondaient pas nécessairement à la période qu'il a effectivement passée au Japon. Le demandeur a présenté son passeport dans le cadre de la preuve relative à sa demande et le juge de la citoyenneté avait le droit de tirer des conclusions des inscriptions qui y figuraient. Elle n'a pas commis de manquement aux principes d'équité procédurale en l'espèce.

[46]            La demande (l'appel) du demandeur est rejetée.

[47]          La demande de citoyenneté du demandeur était simplement prématurée, car je suis convaincu qu'il deviendra un citoyen du Canada lorsqu'il sera en mesure de satisfaire au critère de la résidence énoncé à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté.

  

ORDONNANCE

[48]            LA COUR ORDONNE que la demande (l'appel) du demandeur soit rejetée.

  

                                                                                 « John A. O'Keefe »         

                                                                                                             Juge                      

Ottawa (Ontario)

Le 29 avril 2002

  

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                    T-290-01

INTITULÉ :                              Bin Hao c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :    le 13 février 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE PAR : Monsieur le juge O'Keefe

DATE DES MOTIFS :           le 29 avril 2002

COMPARUTIONS:

Stephen Green                                                     POUR LE DEMANDEUR

Leena Jaakkimainen                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Green et Spiegel

Avocats

Toronto (Ontario)                                                              POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                                               POUR LE DÉFENDEUR

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