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Date : 20210511


Dossier : T‑2061‑19

Référence : 2021 CF 426

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 11 mai 2021

En présence de monsieur le juge Manson

Dossier : T‑2061‑19

ENTRE :

CAPORAL PATRICK G. WASYLYNUK, MATRICULE 36606

demandeur

et

COMMANDANT DE LA DIVISION K, LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant une décision rendue au deuxième niveau, le 17 novembre 2019, par la commissaire de la Gendarmerie royale du Canada [la commissaire] en application de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R‑10 (dans sa version alors en vigueur) [la Loi sur la GRC applicable], par laquelle elle annulait le renvoi du demandeur pour des raisons médicales et a conclu que certaines questions soulevées par le demandeur étaient théoriques.

II. Le contexte

A. Aperçu

[2] La présente affaire concerne une série d’événements qui opposent depuis longtemps la Gendarmerie royale du Canada [la GRC] et le demandeur, le cpl Patrick G. Wasylynuk, membre de la GRC. Le défendeur est le commandant de la division K qui a prononcé le renvoi du demandeur pour des raisons médicales.

[3] Le demandeur a contesté son profil médical, l’avis d’intention de procéder au renvoi et le renvoi pour des raisons médicales au moyen de la procédure interne applicable aux griefs devant une arbitre de premier niveau et devant la commissaire, au deuxième niveau. Il demande maintenant le contrôle judiciaire de la décision rendue au deuxième niveau par la commissaire.

[4] Bien que les deux instances se soient soldées par l’annulation du renvoi pour des raisons médicales, le demandeur conteste la décision au deuxième niveau pour plusieurs motifs. Il fait valoir que diverses préoccupations ont été soulevées durant tout le processus interne de règlement des griefs et qu’elles concernent aussi les décisions rendues au premier et au deuxième niveaux. En fin de compte, le demandeur sollicite l’examen de toutes les questions invoquées [les questions restantes] sur le fond et soutient qu’il y a eu violation de l’équité procédurale, à cause notamment d’un parti pris et de la présentation d’un dossier incomplet aux décideurs, y compris le dossier dont dispose la Cour en l’instance.

[5] Les questions restantes sont parfois appelées [traduction] « questions incidentes », [traduction] « préoccupations soulevées » ou [traduction] « questions spécifiées » dans le dossier. Ces termes désignent collectivement un ensemble d’enjeux de fond et de procédure pour lesquels le demandeur réclame que la Cour se prononce. Il n’en existe pas de liste ferme, car les questions restantes ont évolué tout au long du processus de règlement des griefs. Leur ampleur reste diffuse et mal définie dans la présente instance, car ces questions y prennent essentiellement la forme de simples allégations.

[6] L’avis de demande modifié comptait 22 pages et renfermait 109 paragraphes et sous‑paragraphes détaillés. Le demandeur y soulève un grand nombre de points, dans lesquels sont intégrées les questions restantes qui, selon lui, doivent être tranchées.

[7] Le demandeur veut obtenir une ordonnance annulant la décision rendue au deuxième niveau et renvoyant l’affaire à la commissaire pour qu’elle procède à un nouvel examen et se prononce sur les questions restantes; il sollicite également une ou plusieurs ordonnances de la nature d’un bref de certiorari ou de mandamus, une ordonnance d’interdiction, une déclaration ou une injonction, selon le cas, ainsi que des directives de la Cour disposant de l’affaire et les dépens.

B. Les griefs présentés sous le régime de la Loi sur la GRC applicable

[8] La partie III de la Loi sur la GRC applicable (art 31) concerne la présentation et le règlement des griefs des membres de la GRC. La présente affaire est instruite en fonction de la Loi sur la GRC applicable et ses règlements afférents en vigueur à l’époque pertinente, avant les modifications apportées le 28 novembre 2014.

[9] Le demandeur pouvait se prévaloir de deux niveaux d’examen de son grief. Au premier niveau, c’est un arbitre de premier niveau qui examine l’affaire. Le deuxième niveau constitue un processus entièrement nouveau, où l’affaire est portée devant la commissaire (Loi sur la GRC applicable, art 32(1)). Un grief de deuxième niveau est d’abord renvoyé au Comité externe d’examen de la GRC, qui fait des recommandations à la commissaire (Loi sur la GRC applicable, art 33). La commissaire n’est pas liée par les conclusions ou les recommandations contenues dans le rapport du Comité externe d’examen (Loi sur la GRC applicable, art 32(2)).

C. Le renvoi pour des raisons médicales et la procédure applicable aux griefs

[10] Le demandeur est membre de la GRC depuis 1980. Cependant, il ne travaille pas depuis juin 2003, date où il a été mis en congé médical. Le demandeur souligne que ce congé fait suite à l’intimidation et au harcèlement de la part de membres et d’officiers de la GRC qui ont entraîné chez lui une dépression et un stress post‑traumatique.

[11] Il y a eu diverses communications entre la GRC, le demandeur et les représentants de ce dernier – son avocat et son psychologue. Ces échanges ont porté sur la santé du demandeur et sur la nécessité de procéder à une évaluation périodique de sa santé pour établir s’il était apte à travailler. En fin de compte, cette évaluation périodique n’a jamais eu lieu.

[12] En novembre 2005, le profil médical du demandeur [le profil médical] a reçu la cote « O6‑Permanente », ce qui indiquait que le demandeur était inapte à travailler indéfiniment. Le demandeur a été informé du profil médical et s’est vu offrir de participer à un processus d’adaptation. Le 24 juin 2008, la GRC a fait signifier au demandeur l’avis d’intention de renvoi visé au paragraphe 20(1) du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988), DORS/88‑361, maintenant abrogé [le Règlement de 1988]. Le demandeur a reçu un avis de renvoi le 6 octobre 2010, conformément au paragraphe 20(9) du Règlement de 1988 [le renvoi pour des raisons médicales].

[13] Le demandeur a déposé un grief contre son renvoi le 15 octobre 2010; il y demande des mesures correctives, soit le retrait du profil médical, de l’avis d’intention de procéder au renvoi et du renvoi pour des raisons médicales (ou un sursis à l’exécution du renvoi). Se sont succédé ensuite des communications et des étapes procédurales, qui concernaient des demandes de prorogations, la communication d’éléments de preuve, des questions incidentes et les problèmes médicaux persistants du demandeur. Le grief a été présenté à une arbitre au premier niveau, qui a rendu une décision le 22 janvier 2019 [la décision au premier niveau].

[14] L’arbitre au premier niveau a accueilli le grief et annulé le renvoi pour des raisons médicales du demandeur. L’avis de renvoi a été jugé non valide et annulé. Le demandeur n’avait pas reçu certaines informations importantes pendant le processus de renvoi pour des raisons médicales, de sorte qu’il n’a pas pu connaître la preuve présentée contre lui, ce qui violait son droit à l’équité procédurale. L’arbitre au premier niveau a déclaré qu’elle ne pouvait changer le profil médical du demandeur, mais elle a conclu qu’il appartenait à ce dernier de participer pleinement à un nouveau processus et que le défendeur devait s’assurer que le demandeur reçoive l’information nécessaire à cette fin. Le processus de renvoi pour des raisons médicales devait être [traduction] « repris depuis le début ».

[15] Dans ses observations au premier niveau, le demandeur a invoqué plusieurs irrégularités de fond et de forme. L’arbitre au premier niveau a relevé au paragraphe 109 de sa décision que 15 questions incidentes se rattachaient au grief. Elle a conclu que le demandeur n’était pas parvenu à prouver ces questions restantes, selon la prépondérance des probabilités, et qu’il n’était pas nécessaire de trancher ces questions parce que l’affaire devait être [traduction] « réexaminée au complet ». Ces allégations comprenaient les suivantes :

  1. La GRC n’a pas obtenu le consentement du demandeur avant de communiquer ses renseignements personnels, c’est‑à‑dire lorsqu’elle les a utilisés pour modifier le profil médical du demandeur ou qu’elle les a envoyés au conseil médical, ce qui est contraire à la Loi sur la protection des renseignements personnels, LRC 1985 c P‑21 [la LPRP]. À l’époque, la constitution d’un conseil médical offrait à la GRC un mécanisme administratif pouvant servir à déterminer le degré d’incapacité du demandeur;

  2. Il n’y a pas eu de possibilité véritable de présenter des observations;

  3. Le défendeur a négligé de suivre les recommandations du conseil médical et de modifier le profil médical du demandeur;

  4. Le défendeur a omis d’offrir des adaptations au demandeur qui n’entraînaient pas de contraintes excessives;

  5. Le grief du demandeur n’a pas été traité conformément aux politiques pertinentes compte tenu des questions incidentes mises en lumière.

[16] Le demandeur a porté son grief au deuxième niveau, comme le lui permet la procédure applicable aux griefs, le 13 mars 2019. Il y réclamait plus précisément d’autres conclusions et décisions relatives, entre autres, à la conduite et au processus ayant donné lieu à son profil médical et qui, selon lui, étaient inacceptables. Encore une fois, il a demandé le retrait du profil médical, de l’avis d’intention de procéder au renvoi et du renvoi pour des raisons médicales (ou un sursis à l’exécution de ce renvoi).

[17] Le 10 avril 2019, en réponse au grief déposé au deuxième niveau, le défendeur a accepté de retirer le profil médical, l’avis d’intention de procéder au renvoi et le renvoi pour des raisons médicales. Le grief a néanmoins été soumis à l’examen au deuxième niveau. Comme l’exige la procédure applicable aux griefs, cet examen emportait la participation du Comité externe d’examen, chargé de faire des recommandations à la commissaire qui, elle, devait ensuite rendre la décision au deuxième niveau.

[18] Le 30 septembre 2019, le Comité externe d’examen a formulé ses recommandations. Il a refusé d’examiner certains arguments relatifs à la partialité et à l’abus de la part d’un médecin‑chef ainsi qu’au caractère suffisamment étoffé de la preuve sur laquelle reposait le profil médical, ces allégations ayant été soulevées pour la première fois dans les observations présentées au deuxième niveau. Il a constaté également que la réparation voulue par le demandeur avait été accordée et que les questions restantes étaient désormais théoriques : le renvoi pour des raisons médicales avait été annulé, et le processus devait être repris depuis le début. Le Comité externe d’examen a décidé de ne pas exercer par ailleurs son pouvoir discrétionnaire de se pencher sur des questions devenues théoriques, qui comprenaient les violations présumées de la vie privée et la conduite reprochée à la GRC tout au long du processus de renvoi pour des raisons médicales.

[19] Au deuxième niveau, la commissaire a accepté les recommandations du Comité d’examen externe et annulé le renvoi pour des raisons médicales à cause du manquement à l’équité procédurale. La commissaire a jugé que les autres questions invoquées au sujet du processus étaient théoriques [la décision au deuxième niveau].

D. L’historique procédural

[20] En attendant l’issue de la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur a présenté une requête visant à faire appliquer le sursis d’exécution prévu à l’article 26 du Règlement de 1988 qui, selon lui, empêchait la GRC de le forcer à prendre des mesures qui le contraindraient à retourner au travail (ou qui le lui permettraient) tant qu’une décision définitive n’aurait pas été rendue relativement à sa demande. Dans Wasylynuk c Canada (Gendarmerie royale du Canada), 2020 CF 962, la Cour fédérale a rejeté sa requête visant l’obtention d’une ordonnance de mandamus et d’une injonction interlocutoire. Cette décision a été portée en appel.

III. La décision à l’examen

[21] Il s’agit de la décision par laquelle la commissaire, au deuxième niveau, a annulé le renvoi pour des raisons médicales à cause d’un manquement à l’équité procédurale et a jugé que les questions restantes étaient théoriques :

[traduction]

[80] Je suis d’accord avec la conclusion du CEE [Comité externe d’examen] selon laquelle le plaignant [le demandeur] n’a jamais reçu les documents pertinents sur lesquels le conseil médical et l’intimée ont fondé leur décision (rapport, au para 74). Le dossier ne précise pas que le plaignant savait de quels documents l’intimée s’était servie pour délivrer l’avis d’intention de procéder au renvoi et l’avis de renvoi. Le plaignant était en droit de recevoir les documents pertinents. Je suis d’avis que son droit à l’équité procédurale n’a pas été respecté quand l’intimée a omis de lui communiquer les documents pertinents (rapport, au para 74)…

[84] En outre, compte tenu de l’arrêt Borowski, je suis d’avis qu’il ne subsiste aucun litige actuel, contrairement à ce qui était le cas dans le dossier G‑488. Il est compréhensible que le plaignant ait eu l’impression que son droit à la vie privée avait été violé. Cependant, je suis d’accord avec l’analyse et la conclusion du CEE, soit que la question relative à l’atteinte à la vie privée est devenue théorique. Par conséquent, je ne me pencherai pas sur les questions restantes, puisqu’elles sont désormais théoriques.

[85] Quant à la demande du plaignant en vue que j’exerce néanmoins mon pouvoir discrétionnaire d’examiner les questions théoriques, je considère que cet exercice n’est pas justifié en l’espèce. L’intimée a accepté d’annuler le profil médical, de procéder à une nouvelle évaluation médicale et de prendre des mesures d’adaptation pour tenir compte des besoins du plaignant (rapport, au para 83). En outre, compte tenu de la situation du plaignant, il n’y a pas lieu de « consacrer des ressources judiciaires limitées à la solution d’un litige devenu théorique » (rapport, au para 84) et, dans les circonstances, il ne se pose pas de « question d’importance publique qu’il est dans l’intérêt public de trancher » (rapport, au para 85). À ce sujet, le plaignant estimait qu’il serait profitable, si sa plainte était examinée pour cette raison, de donner des instructions et des directives à la Gendarmerie pour l’avenir. Je rejette les arguments du demandeur en l’espèce. Comme l’a souligné le CEE, le renvoi pour des raisons médicales a été annulé et remplacé par un nouveau processus (rapport, au para 85).

[86] Le grief est accueilli et le renvoi pour des raisons médicales est annulé.

IV. La requête préliminaire

[22] Avant l’audience sur le contrôle judiciaire, le demandeur a présenté une requête visant l’obtention d’une ordonnance : (1) l’autorisant à présenter de nouveaux éléments de preuve, soit la pièce A jointe à l’affidavit de Misty McTaggart fait sous serment le 13 avril 2021, conformément aux articles 312 et 313 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, et (2) visant à faire radier certains commentaires du mémoire des faits et du droit du défendeur.

A. Présentation de nouveaux éléments de preuve

[23] La pièce A est une note de service de 14 pages, datée du 13 janvier 2021, envoyée par le Dr Douglas Huber, des Services de santé au travail de la division K, à la Dre Cynthia Baxter, médecin examinatrice indépendante. Le demandeur soutient que la pièce A concerne l’utilisation persistante, par le défendeur, des dossiers médicaux, des renseignements personnels et des dossiers administratifs confidentiels du demandeur qui ont été obtenus en violation de la LPRP. Selon le demandeur, la pièce A vient confirmer que plusieurs des points qu’il a soulevés, notamment les contraventions à la LPRP, ne sont pas théoriques, contrairement à ce qu’a conclu la commissaire au deuxième niveau. En outre, la pièce A montre que ces questions n’ont pas été corrigées.

[24] La Cour n’a pas été dûment saisie de la pièce A dans le cadre du présent contrôle judiciaire, pour les raisons suivantes.

[25] Le demandeur cherche à présenter les éléments de preuve en question au moyen de l’affidavit de Mme McTaggart, adjointe juridique de l’avocat du demandeur. Mme McTaggart y interprète la pièce A et en commente l’utilisation. Elle s’appuie en outre sur des renseignements donnés par l’avocat principal du demandeur. L’affidavit constitue du ouï‑dire, a un caractère argumentatif et n’a pas été soumis en bonne et due forme à la Cour, car il ne respecte pas l’article 82 des Règles des Cours fédérales :

Utilisation de l’affidavit d’un avocat

82 Sauf avec l’autorisation de la Cour, un avocat ne peut à la fois être l’auteur d’un affidavit et présenter à la Cour des arguments fondés sur cet affidavit.

Use of solicitor’s affidavit

82 Except with leave of the Court, a solicitor shall not both depose to an affidavit and present argument to the Court based on that affidavit.

[26] Le demandeur n’est pas parvenu non plus à établir le caractère admissible et la pertinence de la pièce A au titre de l’article 312 des Règles des Cours fédérales, dont les exigences sont soulignées dans l’arrêt Forest Ethics Advocacy Association c Office national de l’énergie, 2014 CAF 88 aux para 4 et 5 [Forest Ethics] :

  1. La preuve doit être admissible dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire. Comme il est bien établi en droit, le dossier dont est saisie la cour de révision est habituellement composé des documents dont était saisi le décideur. Il y a cependant des exceptions à ce principe;

  2. L’élément de preuve doit être pertinent à une question que la cour de révision est appelée à trancher. Par exemple, certaines questions ne peuvent pas être soulevées pour la première fois dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

[27] Si ces deux exigences préliminaires sont satisfaites, le demandeur doit convaincre la Cour qu’elle doit, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, rendre l’ordonnance visée à l’article 312 des Règles des Cours fédérales en appliquant certains principes supplémentaires (Forest Ethics au para 6). Le demandeur n’a prouvé ni l’admissibilité ni la pertinence de la pièce A dans la demande de contrôle judiciaire en l’espèce.

[28] Une cour chargée du contrôle judiciaire ne devrait pas être l’endroit où de nouveaux éléments de preuve sont présentés. En règle générale, la cour de révision se limite au dossier de preuve soumis au décideur administratif. Elle ne tranche pas sur le fond, car elle examine la décision contestée (Tsleil‑Waututh Nation c Canada (Procureur général), 2017 CAF 128 aux paras 85-87 [Tsleil‑Waututh]). La pièce A n’a rien à voir avec la décision rendue au deuxième niveau et n’aide pas non plus la Cour en lui fournissant des renseignements généraux, en signalant des manquements à l’équité procédurale sur lesquels le dossier de la preuve est muet ou en faisant ressortir l’absence de preuve dont disposait la commissaire (Tsleil‑Waututh au para 98). La pertinence de la pièce A n’a pas non plus été démontrée.

B. La radiation de commentaires exprimés dans le mémoire des faits et du droit

[29] Le demandeur sollicite également une ordonnance en vue de radier certains commentaires du mémoire des faits et du droit du défendeur qui, à son avis, ne se fondent pas sur le dossier certifié du tribunal.

[30] Aucun motif valable n’a été présenté pour justifier la radiation de certaines parties des plaidoiries du défendeur avant la tenue de l’audience en application de l’article 221 des Règles des Cours fédérales. Le demandeur n’invoque pas cet article, et les exigences qui y sont énoncées ne sont pas corroborées par les faits en l’espèce. Les arguments du défendeur seront analysés compte tenu de l’audience dans son espèce puis acceptés ou rejetés à la lumière de la preuve. La radiation de parties du mémoire des faits et du droit du défendeur avant l’audience n’est pas justifiée.

[31] La requête préliminaire est rejetée, les dépens étant adjugés au défendeur.

V. Les questions en litige

[32] Les questions à trancher dans la présente instance sont les suivantes :

  1. Le dossier dont la Cour est saisie est‑il incomplet ou le dossier présenté à la commissaire quand elle a rendu sa décision au deuxième niveau était‑il incomplet?

  2. La commissaire a‑t‑elle fait preuve de partialité quand elle a rendu sa décision au deuxième niveau?

  3. Était‑il raisonnable de conclure, dans la décision au deuxième niveau, que les questions restantes étaient théoriques?

VI. La norme de contrôle

[33] La première question a trait à la complétude du dossier présenté à la commissaire au deuxième niveau. Elle relève de l’équité procédurale et doit être analysée en fonction de la norme de la décision correcte (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 [Baker] au para 45; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 23).

[34] La deuxième, relative à la partialité ou à la crainte raisonnable de partialité de la part de la commissaire, concerne aussi l’équité procédurale et doit être aussi analysée en fonction de la norme de la décision correcte (Baker au para 45; Vavilov au para 23).

[35] La troisième nécessite que la Cour se prononce sur le bien‑fondé de la décision de la commissaire quant au caractère théorique des questions et doit être analysée selon la norme de la décision raisonnable (Vavilov au para 23).

VII. Analyse

A. La complétude du dossier

[36] Le demandeur affirme que le dossier déposé à la Cour comporte des lacunes. Ces préoccupations découlent du fait que le dossier certifié du tribunal déposé initialement était incomplet. Par conséquent, le demandeur fait valoir que les dossiers sur lesquels se sont appuyés l’arbitre de premier niveau et la commissaire, au deuxième niveau, l’étaient aussi, bien qu’il ne formule que des allégations générales qui demeurent imprécises, même après les observations faites de vive voix. Je me pencherai sur la complétude du dossier dans chaque cas, puisqu’elle a une incidence sur le présent contrôle judiciaire et sur la tâche qui incombe à la Cour.

[37] Tout d’abord, rien ne me porte à croire que le dossier qui m’a été soumis est incomplet. Les pages qui manquaient initialement dans le dossier certifié du tribunal ont été rajoutées dans le dossier du tribunal complémentaire, conformément à une ordonnance de la Cour. En outre, le demandeur a accès à la décision rendue au deuxième niveau, qui est déposée au moyen du son propre dossier de demande.

[38] Le défendeur reconnaît qu’il y a eu initialement une erreur dans le dossier certifié du tribunal, lorsque des pages faisant partie du dossier présenté au deuxième niveau ont été omises. Il a pris plusieurs mesures pour s’assurer que le dossier certifié du tribunal soit complet. Il a notamment déposé l’affidavit de Carole Smith‑Doiron, greffière à la Sous‑direction des recours, appels et examens de la GRC, fait sous serment le 2 septembre 2020. Jointes à l’affidavit, en tant que pièce D, on retrouve les pages manquantes du dossier du Comité d’examen externe. Le dossier du tribunal supplémentaire complet a été déposé le 25 novembre 2020.

[39] Le demandeur n’a pu nommer aucun document qui manquerait dans le dossier du tribunal complémentaire. Mme Smith‑Doiron, dans l’affidavit supplémentaire déposé le 8 octobre 2020, a expliqué pourquoi le nombre de pages du dossier du Comité externe d’examen était différent de celui du dossier certifié du tribunal. Le demandeur a eu l’occasion de contre‑interroger Mme Smith‑Doiron. Je suis convaincu que le dossier a été corrigé et je constate que, malgré qu’il ait eu la possibilité de le faire en contre‑interrogatoire, le demandeur n’a pas été en mesure de faire valoir d’argument viable selon la prépondérance des probabilités.

[40] Ensuite, le demandeur soutient que [traduction] « des documents précis importants » à l’égard desquels une liste était dressée n’ont pas été remis à l’arbitre de premier niveau, ce qui l’a empêché de présenter des observations écrites au premier niveau et à la commissaire, au deuxième niveau. Toutefois, il reconnaît quand même que ces documents ont été communiqués au Comité externe d’examen et à la commissaire par l’intermédiaire de son avis de demande modifié. Le demandeur n’est pas parvenu à corroborer son affirmation selon laquelle il n’a pas pu présenter certaines observations à la commissaire, au deuxième niveau, à cause du dossier incomplet au premier niveau. La Cour n’est pas saisie de la décision rendue au premier niveau dans la présente instance, et la décision au deuxième niveau découlait d’un nouveau processus. Le demandeur n’a pas réussi à démontrer qu’une omission alléguée dans le dossier au premier niveau avait eu une incidence sur la décision rendue au deuxième niveau, à l’égard de laquelle il reconnaît que le dossier est complet.

[41] En dernier lieu, lorsque le demandeur affirme que le dossier au deuxième niveau était incomplet, il se contredit lui‑même. Ses allégations à ce sujet sont vagues et reposent sur le seul fait que la commissaire n’a pas mentionné expressément que l’arbitre de premier niveau n’avait pas eu tous les documents en main. Le demandeur admet dans son avis de demande modifié, au paragraphe 72, [traduction] « que le premier DCT et le dossier supplémentaires comprennent certains documents précis importants qui avaient été présentés au CEE au moment où celui‑ci faisait ses recommandations à la commissaire puis à la commissaire elle‑même quand elle a examiné l’affaire et rendu la décision au deuxième niveau » [italiques dans l’original].

B. La crainte raisonnable de partialité

[42] Le demandeur soutient également que la commissaire a agi d’une manière qui suscite une crainte raisonnable de partialité. Elle a rendu des décisions finales dans trois plaintes incidentes de harcèlement déposées par le demandeur relativement à la conduite du sous‑commissaire Curtis Zablocki, de la fonctionnaire Christine Greeno et de l’inspecteur Scott Isaac. Selon ces décisions, datées du 23 décembre 2019, les défendeurs avaient agi dans l’exercice de leurs fonctions et leurs gestes ne constituaient pas du harcèlement au sens des politiques applicables de la GRC.

[43] Le demandeur est d’avis que ces décisions finales n’auraient pas traité de l’aspect le plus important qui sous‑tendait l’ensemble des plaintes de harcèlement, soit le non‑respect intentionnel et répété du sursis d’exécution prévu à l’article 26 du Règlement de 1988. Au paragraphe 74 de son mémoire des faits et du droit modifié, le demandeur souligne aussi que la partialité de la commissaire se manifeste clairement dans les décisions finales. Cette partialité aurait été, dit‑il, [traduction] « tout à fait présente au moment où la commissaire a rendu sa décision au deuxième niveau ».

[44] L’équité procédurale exige que les décisions soient rendues par un décideur impartial, sans crainte raisonnable de partialité (Baker, au para 45). Le critère permettant de déceler une crainte raisonnable de partialité est décrit de la façon suivante (Committee for Justice and Liberty c L’Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS 369 à la p 394) :

[L]a crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle‑même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet […] [c]e critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait‑elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

[45] Il s’agit d’une analyse intrinsèquement contextuelle et tributaire des faits; le fardeau d’établir la partialité qui incombe au demandeur est élevé (Commission scolaire francophone du Yukon Francophone, district scolaire #23 c Yukon (Procureure générale), 2015 CSC 25 aux para 25-26).

[46] Je ne souscris pas aux observations du demandeur sur ce point. Aucun fondement n’a été établi pour permettre de conclure que la conduite de la commissaire suscite une crainte raisonnable de partialité. Les affirmations du demandeur sont de pures conjectures, ce qui ne lui permet pas de satisfaire au critère strict pour corroborer une crainte raisonnable de partialité.

C. Le caractère théorique

[47] Le demandeur conteste la conclusion de la commissaire au sujet du caractère théorique des questions restantes. Après avoir constaté que le droit à l’équité procédurale du demandeur avait été bafoué, plus particulièrement parce que le défendeur n’avait pas respecté son obligation de communiquer les renseignements pertinents, la commissaire a tranché ainsi :

[traduction]

[84] En outre, compte tenu de l’arrêt Borowski, je suis d’avis qu’il ne subsiste aucun litige actuel, contrairement à ce qui était le cas dans le dossier G‑488. Il est compréhensible que le plaignant ait eu l’impression que son droit à la vie privée avait été violé. Cependant, je suis d’accord avec l’analyse et la conclusion du CEE, à savoir, que la question relative à l’atteinte à la vie privée est devenue théorique. Par conséquent, je ne me pencherai pas sur les questions restantes, puisqu’elles sont elles aussi désormais théoriques.

[48] Le demandeur fait valoir qu’il est en droit d’exiger une décision sur plusieurs questions incidentes ou restantes. Il allègue une myriade de problèmes de nature procédurale ou de fond qui se seraient produits tout au long de la procédure de renvoi et du traitement de ses griefs, mais il s’agit principalement de ce qui suit : (1) des contraventions alléguées à la LPRP; (2) des prétendues omissions au cours du processus de prise de mesures d’adaptation; (3) l’omission d’examiner le profil médical dans une décision distincte; (4) le droit du demandeur de présenter de nouvelles allégations et de nouveaux éléments de preuve au deuxième niveau; (5) diverses irrégularités sur le plan procédural. Je conviens avec le défendeur que ces questions restantes soulevées par le demandeur sont d’un nombre indéterminé et peu précises. Elles ne reposent sur aucune base étayée par la preuve. Néanmoins, la Cour doit en l’espèce trancher la question de savoir s’il était raisonnable pour la commissaire de décider, au deuxième niveau, que les questions restantes étaient théoriques.

[49] Lorsqu’elle effectue un contrôle judiciaire, la Cour doit tenir compte du résultat de la décision administrative eu égard au raisonnement sous‑jacent. Une décision raisonnable, suivant ce contrôle, doit être dans son ensemble transparente, intelligible et justifiée. La Cour doit centrer son attention sur la décision même qu’a rendue le décideur administratif, notamment sur sa justification, et non sur la conclusion à laquelle elle serait parvenue à la place du décideur (Vavilov au para 15). Le rôle des cours de justice consiste à réviser la décision et à s’abstenir de trancher elles‑mêmes la question en litige (Vavilov aux para 13, 83) :

[13] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable est une approche visant à faire en sorte que les cours de justice interviennent dans les affaires administratives uniquement lorsque cela est vraiment nécessaire pour préserver la légitimité, la rationalité et l’équité du processus administratif. Il tire son origine du principe de la retenue judiciaire et témoigne d’un respect envers le rôle distinct des décideurs administratifs. Toutefois, il ne s’agit pas d’une « simple formalité » ni d’un moyen visant à soustraire les décideurs administratifs à leur obligation de rendre des comptes. Ce type de contrôle demeure rigoureux.

[50] Toute méthode raisonnée de contrôle selon la norme de la décision raisonnable s’intéresse avant tout aux motifs du décideur. La cour de révision doit chercher à comprendre le raisonnement suivi par le décideur pour parvenir à sa conclusion (Vavilov au para 84). Une décision raisonnable « est fondée sur une analyse intrinsèque cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov au para 85).

[51] Seule la décision rendue au deuxième niveau peut faire l’objet d’un examen en l’espèce. Les préoccupations du demandeur relatives à la décision au premier niveau ne sont pas pertinentes.

[52] La décision rendue au deuxième niveau était raisonnable, puisque la commissaire a jugé que les questions restantes étaient devenues théoriques et qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de ne pas se pencher sur des questions théoriques. On n’a porté à mon attention aucune conclusion de fait déraisonnable tirée par la commissaire quand elle s’est prononcée au deuxième niveau.

[53] La commissaire a appliqué le bon critère juridique. Les deux parties conviennent que le cadre juridique régissant le caractère théorique est énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Borowski c Canada [1989], 1 RCS 342 [Borowski]. Selon ce cadre, il faut se demander « si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue purement théorique » (Borowski à la p 353). La commissaire a conclu au paragraphe 84 de sa décision qu’il ne subsistait [traduction] « aucun litige actuel ».

[54] La commissaire s’est demandé également si elle devait exercer ou non son pouvoir discrétionnaire de trancher les questions restantes, indépendamment de leur caractère théorique (Borowski à la p 353) :

[traduction]

[85] Quant à la demande du plaignant en vue que j’exerce néanmoins mon pouvoir discrétionnaire d’examiner les questions théoriques, je considère que cet exercice n’est pas justifié en l’espèce. L’intimée a accepté d’annuler le profil médical, de procéder à une nouvelle évaluation médicale et de prendre des mesures d’adaptation pour tenir compte des besoins du plaignant (rapport, au para 83). En outre, compte tenu de la situation du plaignant, il n’y a pas lieu de « consacrer des ressources judiciaires limitées à la solution d’un litige devenu théorique » (rapport, au para 84) et, dans les circonstances, il ne se pose pas de « question d’importance publique qu’il est dans l’intérêt public de trancher » (rapport, au para 85). À ce sujet, le plaignant estimait qu’il serait profitable, si sa plainte était examinée pour cette raison, de donner des instructions et des directives à la Gendarmerie pour l’avenir. Je rejette les arguments du demandeur en l’espèce. Comme l’a souligné le CEE, le renvoi pour des raisons médicales a été annulé et remplacé par un nouveau processus (rapport, au para 85).

[55] Les observations du demandeur sont assimilables à une nouvelle argumentation des questions restantes. Les enjeux de fond et de procédure soulevés par le demandeur visaient à atteindre trois objectifs, soit le retrait du profil médical, de l’avis d’intention de procéder au renvoi et du renvoi pour des raisons médiales. Ces objectifs ont été atteints avec le retrait de ces actes procéduraux par le défendeur et à la suite de la décision rendue par la commissaire au deuxième niveau, qui a annulé le renvoi pour des raisons médicales et ordonné la reprise du processus. Je ne crois pas que le paragraphe 17(1) des Consignes du commissaire (griefs), DORS/2003‑181, [les Consignes du commissaire] maintenant abrogé, obligeait la commissaire à se prononcer sur les questions restantes. Il est libellé ainsi :

17(1) Si le niveau saisi du grief juge qu’il a compétence à l’égard du grief au titre des paragraphes 31(1) et (2) de la Loi, il décide si la décision, l’acte ou l’omission qui fait l’objet du grief est compatible avec la législation applicable et les politiques applicables du Conseil du Trésor et de la Gendarmerie royale du Canada.

[56] En outre, je ne suis pas d’avis qu’on a empêché le demandeur de quelconque façon que ce soit présenter ses arguments en raison du retrait du profil médical, de l’avis d’intention de procéder à un renvoi et du renvoi pour des raisons médicales par le défendeur ni de soumettre ses observations conformément à l’article 19 des Consignes du commissaire. Le grief du demandeur a quand même été renvoyé au Comité externe d’examen et à la commissaire. Le demandeur a eu la possibilité de présenter son grief et ses préoccupations relativement à toutes les questions. Puisque le renvoi pour des raisons médicales a été annulé, il était raisonnable pour la commissaire de décider au deuxième niveau que les questions restantes étaient devenues théoriques.

VIII. Conclusion

[57] Pour ces motifs, je n’ai décelé aucune omission dans le dossier présenté à la commissaire ou à la Cour, ni aucune preuve suffisante qui m’amènerait à conclure à l’existence d’une crainte raisonnable de partialité de la part de la commissaire. En outre, la décision rendue au deuxième niveau n’était pas déraisonnable en ce qui concerne la nature théorique des questions restantes.

[58] La demande est rejetée.

IX. Dépens

[59] Le montant de 7 500 $, convenu par les parties, est accordé au défendeur au titre des dépens.


JUGEMENT dans le dossier T‑2061‑19

LA COUR STATUE :

  1. La demande est rejetée; et
  2. Le montant de 7 500 $, convenu par les parties, est accordé au défendeur au titre des dépens.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑2061‑19

 

INTITULÉ :

CAPORAL PATRICK G. WASYLYNUK, MATRICULE 36606 c COMMANDANT DE LA DIVISION K, GENDARMERIE ROYALE DU CANADA, PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LES 27 ET 28 AVRIL 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 11 MAI 2021

 

COMPARUTIONS :

Richard Hajduk

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Barry Benkendorf

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hajduk LLP, avocats

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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