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                                                                                                                                         Date :    20010703

                                                                                                                             Dossier : IMM-2554-01

                                                                                                           Référence neutre : 2001 CFPI 741

Ottawa (Ontario) le 3 juillet 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

ENTRE :                                                            

PARVINDER KAUR

INDERJEET SINGH CHEEMA

HARMAN CHEEMA

DIPAN CHEEMA

GAGANDEEP CHEEMA

représentés par leur gardien ad litem

PARVINDER KAUR

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Les demandeurs ont déposé une demande de sursis à l'exécution de leur expulsion du Canada vers l'Inde. J'ai lu et examiné avec soin toute la preuve présentée par les parties.


[2]                 Les demandeurs sont des citoyens indiens Sikhs qui résidaient à New Delhi. Ils prétendent avoir été victimes des émeutes de 1984 suite à l'assassinat d'Indira Ghandi et, conséquemment, le demandeur, M. Cheema, a fui l'Inde en 1996 pour venir au Canada. Son épouse et ses trois enfants l'ont rejoint au Canada en 1998.

[3]                 Le demandeur, Parvinder Kaur Inderjeet Singh Cheema (l'époux), a déposé une demande de statut de réfugié le 11 novembre 1996. La demande a été refusée par la Section du statut le 16 octobre 1997. Le tribunal a conclu que le demandeur n'était pas digne de foi et que tout son récit de persécution avait été fabriqué.

[4]                 Le 18 mars 1998, l'époux s'est vu refuser sa demande d'autorisation de contrôle judiciaire, le 18 avril 1998, sa demande visant à être reconnu appartenir à la catégorie des DNRSRC a été refusée et, le 18 janvier 1999, sa demande fondée sur des considérations humanitaires a été rejetée.

[5]                 Le 15 septembre 1998, les autres demandeurs (l'épouse et les enfants) ont déposé une demande de statut de réfugié que la Section du statut a rejetée le 4 août 1999, à cause de l'absence de crainte subjective de persécution et parce que leur témoignage était empreint de contradictions et manquait de cohérence.


[6]                 Le 18 novembre 1999, la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire des autres demandeurs a été rejetée et, le 29 novembre 2000, on a conclu que ces demandeurs, soit l'épouse et les enfants, n'encourraient aucun des risques inclus dans la définition de la catégorie des DNRSRC.

[7]                 Le 5 décembre 2000, l'épouse et les enfants ont déposé une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision suivant laquelle ils n'appartenaient pas à la catégorie des DNRSRC, mais y ont renoncé le 14 février 2000.

[8]                 Une mesure d'interdiction de séjour devant prendre effet le 5 janvier 2001 a été prise contre les demandeurs. Le non-respect de cette mesure d'interdiction de séjour l'a transformée en mesure d'expulsion. Les demandeurs doivent être expulsés le 7 juillet 2001, un sursis ayant été accordé pour permettre aux enfants de terminer leur année scolaire.

[9]                 Le 14 décembre 2000, une deuxième demande fondée sur des considérations humanitaires a été déposée au nom de tous les demandeurs et cette demande est toujours en instance.

[10]            Le 9 mai 2001, l'agente d'exécution Melissa Sudds a convoqué les demandeurs à une entrevue dans le but de planifier leur départ du Canada. Une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de l'agente d'exécution Melissa Sudds a été déposée le 23 mai 2001. Il s'agit d'une demande accessoire à la demande principale de sursis.


[11]            La question qui nous occupe dans la présente demande concerne l'étendue du pouvoir discrétionnaire de l'agent de renvoi. L'article 48 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, prévoit qu'une mesure de renvoi doit être exécutée dès que les circonstances le permettent.

[12]            Le pouvoir discrétionnaire d'accorder un sursis à un renvoi appartient au ministre et ce, malgré le fait que ce pouvoir soit exercé par l'agent de renvoi. Selon la Loi, le ministre a l'obligation d'exécuter les mesures de renvoi.

[13]            Je partage l'avis de mon collègue M. le juge Pelletier qui s'est exprimé ainsi dans la décision Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) IMM-484-01, [2001] A.C.F. no 295, 2001, C.F.P.I. 148, en ligne : QL, « Ces mesures ne sont pas des dispositions administratives que le ministre peut modifier à son gré. En fait, le ministre n'est pas autorisé à accorder un permis ministériel à une personne qui fait l'objet d'une mesure de renvoi, ce qui est une preuve évidente que la Loi prévoit que le ministre exécute les mesures de renvoi plutôt qu'il ne les rende de nul effet. »

[14]            Dans la décision Wang, précitée, le juge Pelletier propose un cadre d'analyse très utile pour des situations comme celle-ci où le pouvoir discrétionnaire d'un agent de renvoi est en cause. En tentant de définir l'étendue de ce pouvoir discrétionnaire, mon éminent collègue dit ce qui suit aux paragraphes 48 et 49 :


                                  [...] Dans son sens le plus large, le pouvoir discrétionnaire de différer ne devrait en toute logique être exercé que dans des circonstances où la procédure à laquelle on défère peut avoir comme résultat que la mesure de renvoi devienne nulle ou de nul effet. Le report dont le seul objectif est de retarder l'échéance ne respecte pas les impératifs de la Loi. Un exemple de politique qui respecte le pouvoir discrétionnaire de différer tout en limitant son application aux cas qui respectent l'économie de la Loi est de réserver l'exercice de ce pouvoir aux affaires où il y a des demandes ou procédures pendantes et où le défaut de différer ferait que la vie du demandeur serait menacée, ou qu'il serait exposé à des sanctions excessives ou à un traitement inhumain, alors qu'un report pourrait faire que la mesure devienne de nul effet. Dans de telles circonstances, on ne pourrait annuler les conséquences d'un renvoi en réadmettant la personne au pays par suite d'un gain de cause dans sa demande qui était pendante. Les affaires comme celles-ci, qui causent des difficultés à la famille, sont malheureuses, mais on peut y remédier par une réadmission.

Il peut y avoir des circonstances où la réadmission n'est pas automatique même si la demande d'exemption est accueillie, notamment lorsqu'il y a des actes criminels en cause. Bien que ce résultat soit regrettable, il reflète l'économie de la Loi, ce qui n'est pas le cas lorsqu'il s'agit d'exposer des personnes à un risque de mort ou de torture dans des circonstances où il est possible que la mesure de renvoi soit déclarée de nul effet.

[15]            Je suis également d'avis que le pouvoir discrétionnaire que doit exercer l'agente de renvoi ne comprend pas l'évaluation du risque mais inclut plutôt l'identification de circonstances spéciales qui pourraient la justifier de surseoir au renvoi.

[16]            Dans la cause qui nous occupe, je remarque que le demandeur principal ainsi que son épouse et ses enfants ont fait l'objet d'évaluations des risques distinctes dans le cadre des procédures relatives aux revendications refusées et que ces évaluations n'ont révélé aucun risque identifiable de manière objective dans l'éventualité où la famille retournerait en Inde.


[17]            À mon avis, l'agente de renvoi a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire en reportant le renvoi afin de permettre aux enfants de terminer leur année scolaire, mais a refusé de reporter de nouveau le renvoi en attendant le résultat de la demande fondée sur des considérations humanitaires toujours en instance. Malgré la formulation habile des allégations de l'avocat des demandeurs, je ne suis pas convaincu qu'il y ait une question sérieuse à débattre en ce qui concerne le comportement de l'agente de renvoi.

[18]            Une demande invoquant des considérations humanitaires en instance, fondée sur le fait que la famille va être renvoyée du Canada et séparée de ses amis et de la communauté ne justifie pas en soi le report d'un renvoi.

[19]            Je suis d'avis qu'aucune question n'a été soulevée dans la demande sous-jacente qui puisse justifier le ministre de ne pas exercer le pouvoir que lui accorde la loi. Dans la présente affaire, les demandeurs ne seront pas séparés, mais il est certain que le déplacement de la famille vers l'Inde perturbera parents et enfants. Une étude minutieuse de la preuve ne révèle aucun préjudice plus sérieux que ce qui serait normalement rattaché à l'expulsion elle-même. L'expulsion signifie la perte d'emploi et l'abandon de la famille et des amis. Pour ce qui est des enfants, ils devront s'ajuster à un nouvel environnement, une nouvelle école, de nouveaux amis et, dans ce cas en particulier, se familiariser à nouveau avec leur langue maternelle. Bien que les circonstances de cette affaire soient regrettables et tristes, il n'y a pas lieu d'intervenir.


[20]            Dans les circonstances, puisque les critères établis dans la décision Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (1988), 6 Imm. L. R. (2e) 123, sont conjonctifs, il ne m'est pas nécessaire d'examiner les questions de préjudice irréparable et de balance des inconvénients.

[21]            Pour ces motifs, la demande de sursis à l'exécution de la mesure de renvoi est rejetée.

                                                              ORDONNANCE        

LA COUR ORDONNE que :

1. La demande de sursis à l'exécution de la mesure de renvoi soit rejetée.

   

                                                  « Edmond P. Blanchard »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.

     

    

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                                        IMM-2554-01

INTITULÉ :                                                     Parvinder Kaur et autres c. MCI

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Toronto

  

DATE DE L'AUDIENCE :             Le 25 juin 2001

  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Monsieur le juge Blanchard

DATE DES MOTIFS :                                    Le 3 juillet 2001

    

COMPARUTIONS :            

Lorne Waldman                                                  POUR LE DEMANDEUR

Stephen H. Gold                                                 POUR LE DÉFENDEUR

   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Waldman & Associates                      POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                               POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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