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Date : 20210519


Dossier : IMM-4067-20

Référence : 2021 CF 466

Ottawa (Ontario), le 19 mai 2021

En présence de l'honorable juge Shore

ENTRE :

ZAHID

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision rendue le 31 juillet 2020 par la Section d’appel des réfugiés (SAR) dans laquelle la SAR a confirmé le rejet de la demande d’asile du demandeur puisqu’il n’a pas la qualité de réfugié au sens de la Convention, ni de personne à protéger en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, art 96-97(1).

[2] Le demandeur est citoyen du Pakistan, né et ayant vécu sa vie en Arabie Saoudite. Il demande le statut de réfugié pour crainte de représailles par des tribus et des autorités pakistanaises en raison d’actes faits par ses parents cinquante ans auparavant, soit leur mariage considéré défavorable et une dénonciation faite par son père. Le demandeur a quitté l’Arabie Saoudite lorsque son visa a expiré et est arrivé au Canada en septembre 2018.

[3] La Section de la protection des réfugiés a rejeté la demande d’asile du demandeur au motif que la crainte des agents de persécution n’a pas été établie et que le demandeur serait raisonnablement en mesure de se relocaliser ailleurs au pays. La SAR a abondé dans le même sens.

[4] Le présent contrôle judiciaire porte sur la raisonnabilité de la décision de la SAR eu égard à l’absence d’analyse indépendante, l’évaluation de la preuve et l’appréciation de la crainte et de la persécution alléguées. Une « décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 85).

[5] Le demandeur avance que la SAR a erré dans l’évaluation de la preuve d’une lettre de son frère et de la preuve documentaire sur les crimes d’honneur et de vengeance. La SAR aurait également erronément retenu dans l’analyse de la crainte prospective et vraisemblable que le demandeur n’a jamais été au Pakistan ou a été directement menacé. Le demandeur avance aussi que la SAR a omis de se pencher sur la persécution due à la discrimination fondée sur son profil résiduel advenant qu’il retourne au Pakistan. Enfin, compte tenu de ce qui précède, le demandeur argue que la SAR n’a pas effectué une analyse indépendante.

[6] En appliquant la norme correcte et en considérant la preuve au dossier, la SAR a dans un premier temps confirmé que le demandeur n’a pas établi qu’il était recherché par les autorités pakistanaises en raison de contradictions entre sa preuve et la lettre détaillée de son frère. Celle-ci n’indique en outre pas que le père ou le demandeur lui-même soient présentement recherchés par les autorités.

[7] La SAR a également noté que le demandeur n’a jamais rencontré d’obstacle dans l’obtention de passeports du Pakistan. Il n’y avait non plus de preuve de plaintes déposées à son égard. Sur ce, la SAR n’a pas été persuadée que l’absence de contacts au pays explique raisonnablement le défaut de produire des copies de plaintes. Le demandeur aurait pu notamment demander de l’assistance d’un avocat ou, même, des contacts maintenus par son père.

[8] Dans un deuxième temps, la SAR a trouvé que le demandeur ne s’exposait pas à une sérieuse possibilité de persécution au Pakistan. L’issue relève d’évènements survenus il y a cinquante ans, visant le père du demandeur – maintenant décédé depuis plus de cinq ans – et aucun membre de la famille n’est retourné au Pakistan depuis. Alors que le demandeur allègue que son père a été informé, lors de son vivant, qu’il demeure d’intérêt pour lesdits agents de persécution, rien n’indique que le désir de vengeance s’étend au demandeur. Outre cette menace considérée lointaine, vague et générale, le demandeur n’allègue pas avoir été contacté ni menacé. De plus, la preuve – incluant celle sur les crimes d’honneur et de vengeance – n’appuyait pas l’allégation que le demandeur subirait un préjudice pour les actes commis par ses parents il y a plusieurs décennies.

[9] Enfin, étant donné que le demandeur ne s’expose pas à une sérieuse possibilité de persécution au Pakistan, il n’y avait pas lieu de sonder la possibilité d’un refuge interne au pays.

[10] L’affirmation principale du demandeur en révision judiciaire est que le tribunal n’a pas ancré ses conclusions sur la preuve, ou plutôt s’est contenté de décider sans preuve à l’appui. Toutefois, le fardeau de preuve reposait sur le demandeur et le raisonnement suivi par la SAR paraît évident à l’appui du dossier. La SAR a fait une analyse complète selon la norme correcte des enjeux en cause, avec une appréciation indépendante des éléments de preuve.

[11] À ce sujet, il ne ressort pas d’erreur sur l’évaluation de la preuve. La SAR est présumée avoir considéré et évalué l’ensemble du dossier. Elle n’est pas requise de retenir les explications particulières du demandeur sur la preuve au dossier (Karakaya c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 777 au para 18).

[12] Quant à l’omission de considérer la persécution basée sur la discrimination selon le profil résiduel du demandeur, cet argument ne figure pas au dossier d’appel à la SAR et, donc, il ne devrait pas être considéré en révision judiciaire (Dhillon c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 321 aux para 23-24). L’argument semble d’ailleurs être une contestation indirecte de l’absence d’analyse sur la possibilité de refuge interne. Néanmoins, l’absence de possibilité sérieuse de persécution au Pakistan était déterminative en l’espèce.

[13] Pour les motifs mentionnés ci-haut, la décision de la SAR est raisonnable et la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT au dossier IMM-4067-20

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question d’importance à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4067-20

INTITULÉ :

ZAHID c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 MAI 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 19 mai 2021

 

COMPARUTIONS :

Stéphanie Valois

 

Pour LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Édith Savard

 

Pour LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Stéphanie Valois

Montréal (Québec)

 

Pour LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

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