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Date : 20020227

Dossier : T-2048-00

Référence neutre : 2002 CFPI 220

ENTRE :

                                                                 MICHEL LAVOIE

                                                                                                                                                    Demandeur

                                                                                   et

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                               Défenderesse

                                     MOTIFS D'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE HUGESSEN

[1]                 Le demandeur, détenu dans un pénitencier fédéral, a poursuivi le gouvernement en dommages et intérêts alléguant que le Service correctionnel avait négligé de lui fournir les services médicaux dont il avait besoin. Par la présente requête, il demande une injonction interlocutoire pour forcer le gouvernement à lui prodiguer certains soins médicaux pendant l'instance.

[2]                 Voici les allégations principales de l'affidavit produit par le demandeur à l'appui de sa requête:

6. J'ai été réincarcéré le 2 octobre 2001, suite à la suspension de ma libération obligatoire par un agent du Service correctionnel.

7. À mon arrivée au pénitencier de Donnacona, j'ai immédiatement fait une demande pour voir le médecin.


8. Lors de ma rencontre avec le médecin du pénitencier, à savoir le docteur Vermette, celui-ci, par palpation, a détecté une enflure de mon foie.

9. Le docteur Vermette m'a alors référé au docteur Paré, gastro-entérologue, contractant du Service correctionnel.

10. Lors de ma rencontre avec le docteur Paré, ce dernier n'a prescrit aucun examen, et m'a affirmé que je n'aurais qu'à consulter un médecin à ma sortie.

11. Les douleurs que je ressens au niveau de 1'abdomen, sont présentes depuis avril 2000.

12. J'ai avisé les préposés du Service correctionnel oeuvrant au Centre de soins de santé du pénitencier, et ce, dès le mois d'avril 2000.

13. J'ai passé un examen en échographie, le 20 juin 2001, suite à quoi j'ai appris que les douleurs que je ressentais étaient attribuables à un début de cirrhose du foie.

14. Les médecins contractants pour le Service correctionnel refusent de reconnaître les conclusions du diagnostic prononcé par le radiologue le 20 juin 2001, à 1'hôpital de la Cité de la Santé de Laval.

[3]                 Pour répondre à la requête en injonction, la défenderesse s'est contentée de produire de l'argumentation d'ordre technique et procédural. Plus particulièrement, elle n'a pas contre-interrogé le demandeur et n'a produit aucun affidavit en réponse aux allégations du demandeur en ce qui a trait à son état de santé. Le résultat de ce stratagème en est que la Cour, pour les fins au moins de la présente requête en injonction, doit considérer comme prouvées les allégations du demandeur. Il est donc établi à ce stade-ci que le demandeur souffre d'une cirrhose du foie, une maladie susceptible d'avoir des conséquences fatales, et que le Dr. Paré, mandaté par la défenderesse à cette fin, a refusé de reconnaître le diagnostic précédemment établi par la Cité de Santé de Laval, d'examiner le demandeur convenablement, ou de lui prodiguer des soins médicaux avant sa sortie du pénitencier.

[4]                 Malgré les prétentions de la défenderesse au contraire, il ne s'agit pas ici d'une décision administrative devant être contestée par une demande de contrôle judiciaire ou encore par un grief. Le demandeur a le droit de recevoir les soins médicaux que nécessite son état de santé et la défenderesse a le devoir de les lui fournir, au moins dans les limites du raisonnable. À ce sujet, voir les dispositions de la Loi sur le service correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.R.C. 1992, ch. 20, art. 86 et la Directive du commissaire 800.

[5]                 La demande d'injonction s'inscrit bien dans le cadre de l'action intentée par le demandeur et constitue en effet le seul moyen rapide et efficace pour celui-ci d'exercer ses droits que lui reconnaît la loi.

[6]                 Il se peut fort bien, évidemment, que le Dr. Paré avait d'excellentes raisons d'ordre médical ou autre justifiant l'attitude qu'il a pris à l'égard du demandeur, mais la défenderesse n'a pas daigné nous les révéler ou encore contester l'exactitude de la version de ce dernier. Il en résulte donc que dans l'état actuel de ce dossier, le demandeur a un droit apparent au recours demandé, qu'il risque de souffrir un tort irréparable si sa requête n'était pas accueillie, et que la balance des inconvénients pèse en sa faveur.


[7]                 Le demandeur n'a toutefois pas le droit d'exiger qu'il soit vu et examiné par un médecin autre qu'un contractant du Service correctionnel. Tout ce qu'il peut demander est d'être examiné par un spécialiste en gastro-entérologie, autre que le Dr. Paré, et la Cour prononcera une injonction en ce sens.

ORDONNANCE

Dans les 7 jours suivant le prononcé de la présente ordonnance, la défenderesse prendra toutes les mesures nécessaires afin que le demandeur soit vu et examiné par un médecin spécialiste en gastro-entérologie autre que le Dr. Paré et, le cas échéant, qu'il reçoive tous les traitements médicaux prescrits par ledit médecin.

                                                                                                                                                                                                                                           

                                                                                                                                                                 Juge                         

Ottawa, Ontario

Le 27 février 2002

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