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Date : 20210512


Dossier : T‑1970‑18

Référence : 2021 CF 431

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 mai 2021

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

PAUL LAUZON

demandeur

et

L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Monsieur Lauzon a intenté en novembre 2018 une action en dommages‑intérêts contre l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) pour enrichissement sans cause. Son action découle d’une série de remboursements initialement établis en sa faveur pour les années d’imposition 2005, 2006 et 2007. Au cours du litige, les remboursements contestés ont été limités aux années d’imposition 2005 et 2006 (les années d’imposition). Selon ses dossiers, l’ARC a préparé et émis les remboursements par les voies normales par l’entremise de son agent de traitement, Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC). M. Lauzon affirme qu’il n’a pas reçu les remboursements.

[2] L’ARC demande maintenant un jugement sommaire en sa faveur en vertu des articles 213 à 215 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles) au motif que : (1) le délai de prescription de deux ans prévu à l’article 4 de la Loi de 2002 sur la prescription des actions de l’Ontario, L.O. 2002, c 24, annexe B (la Loi sur la prescription des actions) était expiré bien avant que M. Lauzon n’intente son action en 2018; (2) le moyen de défense du retard indu s’applique également en l’espèce parce que l’ARC a détruit ses dossiers suivant le cours normal des choses en raison du retard déraisonnable de M. Lauzon; (3) en tout état de cause, l’action de M. Lauzon fondée sur l’enrichissement sans cause ne soulève pas de véritable question pour le procès, car les dossiers de SPAC indiquent que les chèques de remboursement de 2005 et de 2006 ne sont pas en circulation et que la Couronne ne s’est pas enrichie. Subsidiairement, si je détermine qu’il y a matière à procès, l’ARC soutient que l’action de M. Lauzon devrait être instruite par voie de procès sommaire conformément à l’article 216 des Règles.

[3] M. Lauzon s’oppose à chacun des motifs invoqués par l’ARC à l’appui d’un procès sommaire. Il soutient que (1) son action n’est pas visée par la prescription parce qu’il n’a pas découvert les faits sous‑jacents à sa demande avant 2017; et (2) qu’il a démontré qu’il y a une véritable question litigieuse. M. Lauzon soutient que la preuve de l’ARC concernant l’émission et l’envoi par la poste des chèques de remboursement en question est erronée et constitue en partie un ouï‑dire inadmissible. Il soutient également que la preuve présentée à la Cour selon laquelle les chèques de remboursement ont été encaissés et non annulés est douteuse. M. Lauzon soutient que l’évaluation par la Cour de sa crédibilité personnelle déterminera le succès de sa demande, principalement sur la question de la Loi sur la prescription des actions, et que la Cour doit entendre son témoignage de vive voix.

[4] Pour les motifs exposés de façon assez détaillée dans le présent jugement, je conclus que M. Lauzon a commencé son action après l’expiration du délai de prescription de deux ans prévu à l’article 4 de la Loi sur la prescription des actions et qu’il n’y a pas de véritable question litigieuse quant au bien‑fondé de la demande de M. Lauzon. La requête en jugement sommaire de l’ARC sera accueillie.

I. Contexte

[5] Les parties ont déposé des éléments de preuve détaillés sur l’enchaînement des événements et la correspondance entre M. Lauzon et l’ARC concernant les années d’imposition. Je traiterai de cette preuve dans le cadre de mon analyse, mais le résumé des événements qui suit fournit le contexte de la requête de l’ARC.

[6] M. Lauzon a fait des dons de bienfaisance à deux programmes d’abris fiscaux canadiens au cours de chacune des années d’imposition, ce qui a entraîné :

  • a) pour l’année d’imposition 2005, un remboursement de 16 701,90 $;

  • b) pour l’année d’imposition 2006, un remboursement de 16 031,28 $.

[7] Selon les dossiers de l’ARC, des avis de cotisation et des chèques de remboursement (les chèques de remboursement) ont été émis à M. Lauzon le 22 juin 2006 (année d’imposition 2005) et le 17 avril 2007 (année d’imposition 2006).

[8] M. Lauzon affirme qu’il n’a pas reçu ni déposé les chèques de remboursement. Il affirme également que, compte tenu des montants importants en cause, il se souviendrait d’avoir déposé les chèques dans ses comptes bancaires s’il les avait reçus.

[9] L’ARC a émis un avis de nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2005 le 17 mars 2008, refusant les crédits d’impôt que M. Lauzon avait réclamés au titre des dons de bienfaisance et l’informant qu’il avait un solde impayé de 19 577,71 $ pour cette année‑là.

[10] L’ARC a émis un avis de nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2006 le 11 mars 2010, refusant encore une fois les crédits d’impôt réclamés au titre des dons de bienfaisance et avisant M. Lauzon d’un solde impayé de 19 878,77 $ pour cette année‑là.

[11] Les nouvelles cotisations à l’égard de 2005 et de 2006 reposaient sur l’hypothèse que M. Lauzon avait reçu et encaissé les chèques de remboursement.

[12] M. Lauzon a déposé des avis d’opposition relativement aux nouvelles cotisations de 2005 et de 2006 en juin 2008 et en octobre 2010, respectivement.

[13] Les avis d’opposition de M. Lauzon ont été réglés au moyen de nouvelles cotisations datées du 8 mai 2017 (les nouvelles cotisations de 2017). Les nouvelles cotisations de 2017 supposaient encore une fois que M. Lauzon avait reçu les chèques de remboursement et établissaient les impôts et les intérêts dus par M. Lauzon au 8 mai 2017 : 21 265,85 $ pour l’année d’imposition 2005 et 15 412,59 $ pour l’année d’imposition 2006.

[14] Le 14 février 2018, M. Lauzon a déposé une plainte liée au service auprès de l’ARC pour expliquer qu’il n’avait pas reçu les chèques de remboursement. En réponse, l’ARC a informé M. Lauzon par lettre datée du 20 mars 2018 que ses dossiers indiquaient que les remboursements pour les années d’imposition avaient été payés. La lettre indiquait également qu’un agent de l’ARC avait envoyé à M. Lauzon, le 4 décembre 2017, des formulaires Engagement et garantie (formulaires 535) pour la perte ou le vol de chèques du gouvernement du Canada.

[15] M. Lauzon a intenté cette action contre l’ARC le 14 novembre 2018. En raison du passage du temps, M. Lauzon est incapable de récupérer ses dossiers bancaires pour justifier sa position selon laquelle il n’a pas déposé les chèques de remboursement et, pour sa part, l’ARC n’a plus de copies des chèques de remboursement encaissés.

II. Questions en jeu et réparation demandée

[16] L’ARC a déposé le 12 juillet 2019 son avis de requête en jugement sommaire et de requête en vue d’obtenir une ordonnance rejetant l’action de M. Lauzon. L’audition de la requête a été retardée en raison de la pandémie de COVID‑19, la requête n’ayant finalement été présentée que le 5 octobre 2020.

[17] L’ARC s’appuie principalement sur deux arguments à l’appui de sa requête. Premièrement, l’ARC soutient que l’action de M. Lauzon a été intentée après le délai de prescription de deux ans prévu à l’article 4 de la Loi sur la prescription des actions. L’ARC soutient que M. Lauzon savait ou aurait dû savoir en 2006, en 2010 ou, au plus tard, le 29 juin 2015 ou peu après, qu’il avait subi des pertes ou des dommages en raison de la non‑réception des chèques de remboursement (article 5 de la Loi sur la prescription des actions). Deuxièmement, l’ARC soutient que la preuve soumise par M. Lauzon dans la présente requête ne permet pas d’établir que la Couronne s’est enrichie des montants des chèques de remboursement parce que sa preuve démontre que les chèques de remboursement ont été encaissés, que ce soit par M. Lauzon ou par un tiers. Par conséquent, M. Lauzon ne peut établir le premier élément requis d’une cause d’action en enrichissement sans cause, et son action est vouée à l’échec.

[18] M. Lauzon soutient que cette affaire ne se prête pas à un jugement sommaire parce qu’entrent en jeu des questions importantes concernant la crédibilité. M. Lauzon soutient que la Cour doit entendre son témoignage de vive voix expliquant pourquoi il a supposé depuis 2006 que les remboursements qui lui sont dus pour les années d’imposition ne seraient déterminés qu’une fois que ses avis d’opposition auraient été tranchés de façon définitive. Par conséquent, il n’a eu connaissance d’aucune perte ou d’aucun dommage jusqu’à un certain moment entre mars et août 2017, et son action n’est pas prescrite. M. Lauzon soutient également que la preuve de l’ARC, sous la forme de trois affidavits de fonctionnaires de l’ARC et de SPAC, n’établit pas que les chèques de remboursement ont été émis, postés et encaissés. Il affirme que la preuve soulève des questions importantes qui devraient être examinées dans un contre‑interrogatoire plus poussé. À la lumière de la série d’éléments de preuve défectueuse de l’ARC et de sa propre preuve non équivoque selon laquelle il n’a pas reçu les chèques de remboursement, M. Lauzon soutient que la Cour ne peut conclure que sa cause est si douteuse qu’elle ne révèle aucune véritable question à trancher.

III. Requêtes en jugement sommaire devant la Cour fédérale

[19] L’objectif d’un jugement sommaire est de permettre à la Cour de régler sommairement des affaires qui ne devraient pas faire l’objet d’un procès parce qu’il n’y a pas de véritable question à trancher. Dans Hryniak c Mauldin, 2014 CSC 7 (Hryniak), la Cour suprême du Canada a examiné les valeurs qui sous‑tendent le processus de jugement sommaire. Bien que l’arrêt Hryniak ait porté sur l’interprétation des Règles de procédure civile de l’Ontario, RRO 1990, Reg 194 (qui sont formulées différemment des Règles des Cours fédérales relatives aux jugements sommaires), les principes établis par la Cour suprême sont d’application générale et nous rappellent que les mêmes objectifs consistant à conserver les ressources judiciaires et à améliorer l’accès à la justice, tout en préservant le traitement approprié d’une action, sous‑tendent les articles 213 à 215 des Règles (Hryniak, au para 35; voir aussi Manitoba c Canada, 2015 CAF 57 au para 11).

[20] L’application des articles 213 à 215 des Règles a été examinée en profondeur par la juge Mactavish, membre de notre Cour à l’époque, dans l’affaire Milano Pizza Ltd. c 6034799 Canada Inc., 2018 CF 1112 aux para 24‑41 (Milano Pizza). Le paragraphe 215(1) des Règles énonce que la Cour rend un jugement sommaire si elle « est convaincue qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense ». La Cour suprême a décrit les circonstances dans lesquelles un juge peut rendre une telle décision (Hryniak, au para 49) :

[49] Il n’existe pas de véritable question litigieuse nécessitant la tenue d’un procès lorsque le juge est en mesure de statuer justement et équitablement au fond sur une requête en jugement sommaire. Ce sera le cas lorsque la procédure de jugement sommaire (1) permet au juge de tirer les conclusions de fait nécessaires, (2) lui permet d’appliquer les règles de droit aux faits et (3) constitue un moyen proportionné, plus expéditif et moins coûteux d’arriver à un résultat juste.

[21] Le critère applicable à une requête en jugement sommaire n’est pas de savoir si une partie ne peut éventuellement pas avoir gain de cause au procès. Il s’agit plutôt de savoir si l’affaire est si douteuse qu’elle ne mérite pas d’être examinée par le juge des faits lors d’un futur procès (Milano Pizza, au para 33; Conseil Kaska Dena c Canada, 2018 CF 218 aux para 21 et 23 (Kaska)). Il incombe à la partie qui demande un jugement sommaire d’établir l’absence d’une véritable question litigieuse, et cela s’accompagne d’un fardeau de preuve (Collins c Canada, 2015 CAF 281 au para 71). Toutefois, l’article 214 des Règles exige que la partie intimée énonce des faits précis dans sa réponse à la requête et qu’elle présente des éléments de preuve montrant qu’il y a une véritable question à trancher (Canmar Foods Ltd. c TA Foods Ltd., 2021 CAF 7 au para 27). Autrement dit, les deux parties doivent présenter leurs meilleurs éléments de preuve et la Cour a le droit de supposer qu’aucun nouvel élément de preuve ne serait présenté au procès (Première Nation Samson c Canada, 2015 CF 836 au para 94; confirmé par 2016 CAF 223 aux para 21 et 24; Kaska, au para 23).

[22] Il est bien établi que les affaires comportant des questions importantes concernant la crédibilité ne devraient pas être tranchées sur requête en jugement sommaire. Comme l’a déclaré la juge Mactavish (Milano Pizza, au para 37) :

Il est en effet de jurisprudence constante que le tribunal saisi d’une requête en jugement sommaire ne doit pas se prononcer sur les questions de crédibilité. En règle générale, le juge qui entend et observe le témoignage principal et le contre‑interrogatoire des témoins est mieux à même d’évaluer leur crédibilité et de tirer des inférences que le juge qui doit uniquement se fonder sur des affidavits et des éléments de preuve documentaires : TPG Technology Consulting Ltd. c. Canada, 2013 CAF 183 au para 3, [2013] ACF No 836.

[23] Le fait que des questions importantes concernant la crédibilité ne doivent être tranchées que dans un procès n’empêche pas l’acceptation d’une requête en jugement sommaire lorsqu’il y a un conflit dans la preuve dont le juge des requêtes est saisi. Le juge doit plutôt déterminer si la question en litige est en fait une question de crédibilité ou s’il s’agit d’une facette contestée des observations des parties qui doit être tranchée (Pelletier c Canada, 2020 CF 1019 au para 68). Le principe fondamental demeure que le processus suivi doit être juste, équitable et proportionnel, et que la preuve présentée dans la requête en jugement sommaire doit permettre à la Cour de déterminer les faits nécessaires pour régler le différend.

IV. Analyse

A. Loi sur la prescription des actions de l’Ontario

[24] Après l’audition de la présente requête, la Cour d’appel fédérale (CAF) a rendu son jugement dans l’affaire Canada (Procureur général) c Utah, 2020 CAF 224 (Utah), décision qui met l’accent sur l’importance des délais de prescription et traite de la nature de l’enquête requise sur la connaissance qu’a un plaideur des faits qui sous‑tendent une action (Utah, au para 7). Les parties ont déposé des observations concernant les répercussions de la décision sur mon évaluation du paragraphe 5(1) de la Loi sur la prescription des actions et la date à laquelle M. Lauzon a été ou aurait dû être au fait des pertes ou dommages qu’il prétend avoir subis dans sa poursuite.

[25] Les parties n’ont pas contesté que :

  • - la Cour peut rendre un jugement sommaire sur la base d’un délai de prescription expiré (Utah, au para 7; Warner c Canada, 2019 CF 329 au para 18);

  • - le délai de prescription applicable est celui prévu à l’article 4 de la Loi sur la prescription des actions. Ce n’est pas la période de six ans qui s’applique dans certaines poursuites intentées contre l’État en vertu de l’article 38 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, LRC 1985, c C‑50.

[26] Le désaccord des parties porte sur l’article 5 de la Loi sur la prescription des actions et la date à laquelle cause d’action de M. Lauzon était susceptible d’être découverte. Les paragraphes 5(1) et (2) prévoient ce qui suit :

Découverte des faits

Discovery

5 (1) Les faits qui ont donné naissance à la réclamation sont découverts celui des jours suivants qui est antérieur aux autres :

5 (1) A claim is discovered on the earlier of,

a) le jour où le titulaire du droit de réclamation a appris les faits suivants :

(a) the day on which the person with the claim first knew,

(i) les préjudices, les pertes ou les dommages sont survenus,

(i) that the injury, loss or damage had occurred,

(ii) les préjudices, les pertes ou les dommages ont été causés entièrement ou en partie par un acte ou une omission,

(ii) that the injury, loss or damage was caused by or contributed to by an act or omission,

(iii) l’acte ou l’omission est le fait de la personne contre laquelle est faite la réclamation,

(iii) that the act or omission was that of the person against whom the claim is made, and

(iv) étant donné la nature des préjudices, des pertes ou des dommages, l’introduction d’une instance serait un moyen approprié de tenter d’obtenir réparation;

(iv) that, having regard to the nature of the injury, loss or damage, a proceeding would be an appropriate means to seek to remedy it; and;

b) le jour où toute personne raisonnable possédant les mêmes capacités et se trouvant dans la même situation que le titulaire du droit de réclamation aurait dû apprendre les faits visés à l’alinéa a). 2002, chap. 24, annexe B, par. 5 (1).

(b) the day on which a reasonable person with the abilities and in the circumstances of the person with the claim first ought to have known of the matters referred to in clause (a). 2002, c. 24, Sched. B, s. 5 (1).

Présomption

Presumption

(2) À moins de preuve du contraire, le titulaire du droit de réclamation est présumé avoir appris les faits visés à l’alinéa (1) a) le jour où a eu lieu l’acte ou l’omission qui a donné naissance à la réclamation. 2002, chap. 24, annexe B, par. 5 (2).

(2) A person with a claim shall be presumed to have known of the matters referred to in clause (1) (a) on the day the act or omission on which the claim is based took place, unless the contrary is proved. 2002, c. 24, Sched. B, s. 5 (2).

[27] Comme il a été mentionné précédemment, l’ARC soutient que l’action de M. Lauzon est prescrite parce que M. Lauzon savait ou aurait dû savoir qu’il avait subi une perte ou des dommages dès 2006, sinon en 2010, et, en tout état de cause, au plus tard au milieu de 2015. L’ARC soutient que la perte était susceptible d’être découverte en 2006, lorsque M. Lauzon s’est rendu compte qu’il n’avait pas reçu le remboursement prévu pour l’année d’imposition 2005. M. Lauzon ne peut justifier l’introduction de son action fondée sur l’enrichissement sans cause en 2018 en s’appuyant sur une explication vague reçue en 2006 d’un agent de l’ARC à la ligne téléphonique des demandes de renseignements généraux, selon laquelle son chèque de remboursement de 2005 était probablement retenu en raison d’une vérification de ses dons de bienfaisance. Quoi qu’il en soit, les vérifications de ses dons de bienfaisance de 2005 et 2006 étaient manifestement terminées au moment où, selon ce qu’il a admis, il a reçu les avis de nouvelle cotisation du 17 mars 2008 (année d’imposition 2005) et du 11 mars 2010 (année d’imposition 2006). À ce stade, M. Lauzon ne peut pas continuer à invoquer l’avis reçu de l’ARC en 2006. Enfin, le cabinet d’avocats de M. Lauzon, DioGuardi Tax Law, a été informé dans une lettre de l’ARC datée du 29 juin 2015 (la lettre à M. Horn) non seulement de l’émission des remboursements pour les années d’imposition, mais aussi des dates où ils l’ont été. Comme la connaissance de son mandataire lui est imputée, M. Lauzon connaissait sa perte ou ses dommages suffisamment en détail pour présenter son action fondée sur l’enrichissement sans cause au début de juillet 2015.

[28] M. Lauzon soutient que les questions soulevées par l’ARC relativement à la Loi sur la prescription des actions ne peuvent être tranchées équitablement sans que la Cour ne l’entende directement. Il affirme que la Cour doit évaluer sa crédibilité concernant son témoignage au sujet de l’appel de 2006 avec l’ARC et le fait qu’il a continué, après avoir reçu les avis de nouvelle cotisation pour les années d’imposition, à se fonder sur ses objections comme moyen par lequel tout problème lié aux chèques de remboursement serait réglé. M. Lauzon soutient également que la lettre à M. Horn n’a pas été portée à son attention et qu’il n’a pas retenu les services de DioGuardi concernant ses différends avec l’ARC reliés expressément aux années d’imposition.

[29] J’ai examiné l’affidavit de M. Lauzon daté du 7 août 2019 et la transcription de son contre‑interrogatoire par l’avocat de l’ARC. Je conviens avec M. Lauzon qu’il y a des questions importantes de crédibilité concernant sa connaissance de sa perte en 2006 et, dans une moindre mesure, en 2010 et en 2012, après qu’il ait reçu les avis de nouvelle cotisation pour les années d’imposition. Si les arguments de l’ARC relatifs à la Loi sur la prescription des actions s’arrêtaient là, je conclurais que ces arguments ne devraient pas être tranchés dans le cadre de la présente requête en jugement sommaire, car un juge de première instance serait mieux placé pour évaluer la crédibilité de M. Lauzon (Milano Pizza, au para 37).

[30] En rendant cette décision, je tiens compte de la déclaration de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Utah, selon laquelle les éléments de preuve conflictuels et les questions de crédibilité qui imprègnent le bien‑fondé des allégations dont la Cour est saisie n’empêchent pas l’acceptation d’une requête en jugement sommaire fondée sur l’expiration d’un délai de prescription (Utah, au para 51). En l’espèce, la crédibilité du témoignage de M. Lauzon au sujet de sa situation et du fait qu’il s’est appuyé sur les avis verbaux de l’ARC de 2006, ainsi que le manque de clarté dans les avis de nouvelle cotisation, sont directement pertinents quant au début du délai de prescription de deux ans prévu à l’article 4 et au paragraphe 5(1) de la Loi sur la prescription des actions.

[31] L’ARC soutient ensuite que M. Lauzon connaissait ou aurait dû connaître les pertes ou les dommages causés du fait qu’il n’avait pas reçu les chèques de remboursement au début de juillet 2015, lorsque son mandataire a reçu la lettre à M. Horn. Par conséquent, M. Lauzon a déposé sa déclaration après l’expiration du délai de prescription prévu à l’article 4. Je partage cet avis. Il n’y a aucune question de crédibilité qui nécessite une décision à cet égard, et la requête en jugement sommaire de l’ARC doit être accueillie sur ce fondement.

[32] La lettre à M. Horn figure au dossier à titre de pièce de l’affidavit de M. Lauzon. Elle est datée du 29 juin 2015 et porte un timbre de réception apposé le 2 juillet 2015. La lettre est adressée à « Dan Horn, c/o DioGuardi Tax Law », à ses bureaux de Mississauga, en Ontario. La première ligne de la lettre à M. Horn se lit comme suit [TRADUCTION] : « la présente est une réponse à votre récente demande de renseignements ». La pièce jointe à la lettre est un état de compte de M. Lauzon qui commence par une écriture datée du 24 avril 1995 et se termine par un solde au 25 juin 2015. Plus précisément, la liste détaillée des entrées pertinentes aux chèques de remboursement est la suivante :

Date

Détails

Montant

Solde

22 juin 2006

Cotisation de 2005

[Blank]

[Blank]

[En blanc

Impôt provincial

2,194.50

[Blank]

En blanc

Impôt fédéral

2,304.50

[Blank]

En blanc

Remboursement des intérêts payés

63.02 CR

[Blank]

En blanc

Retenues d’impôt appliquées

21,137.88 CR

16,701.90 CR

22 juin 2006

Remboursement émis

16,701.90

0.00

17 avril 2007

Cotisation de 2006

[Blank]

[Blank]

En blanc

Impôt provincial

1,294.10

[Blank]

En blanc

Impôt fédéral

229.80

[Blank]

En blanc

Retenues d’impôt appliquées

17,555.18 CR

16,031.28 CR

17 avril 2007

Remboursement émis

16,031.28

0.00

[33] M. Lauzon soutient que M. Horn n’était pas avocat et qu’il n’y avait aucune preuve que la lettre à M. Horn avait été portée à l’attention de M. Lauzon. De plus, il n’avait pas retenu les services de DioGuardi pour régler ses différends concernant les années d’imposition. Le mandat du cabinet visait l’année d’imposition 2008 (voir Lauzon c Canada, 2016 CAF 298). M. Lauzon soutient que DioGuardi n’avait pas l’obligation de l’informer du contenu de la lettre à M. Horn en ce qui concerne les années d’imposition. M. Lauzon s’appuie également sur son argument général selon lequel les années d’imposition ont continué de faire l’objet d’une opposition et que l’ARC avait déclaré en 2006 que ses remboursements seraient retenus jusqu’à ce que les questions relatives aux dons de bienfaisance soient réglées.

[34] Je trouve que ni l’un ni l’autre de ces arguments n’est convaincant. Je commencerai par la lettre à M. Horn. Le relevé de compte ci‑joint indique qu’un remboursement de 16 701,90 $ a été émis à M. Lauzon pour l’année d’imposition 2005 le 22 juin 2006. Il est également clair qu’un remboursement de 16 031,28 $ lui a été émis le 17 avril 2017 pour l’année d’imposition 2006. Les inscriptions subséquentes concernant les intérêts facturés à l’égard du remboursement et l’augmentation du solde annuel du compte reflètent et renforcent la position de l’ARC selon laquelle les chèques de remboursement ont été émis et reçus par M. Lauzon.

[35] Je conclus que, contrairement aux avis de nouvelle cotisation pour les années d’imposition 2008 et 2010, qui ne faisaient pas référence à l’émission de remboursements ou aux montants des chèques de remboursement, le relevé de compte contient des renseignements tels qu’une personne raisonnable dans la situation de M. Lauzon saurait ou aurait dû savoir que l’ARC a supposé qu’il avait reçu les chèques de remboursement. Le fait que M. Lauzon continue de s’appuyer sur ses objections à la nouvelle cotisation de l’ARC pour les années d’imposition est sans effet sur les dispositions de l’article 5 de la Loi sur la prescription des actions (Utah, aux para 21, 35, 43 et 51).

[36] Je passe maintenant aux observations de M. Lauzon selon lesquelles M. Horn n’était pas avocat chez DioGuardi, la lettre à M. Horn n’a pas été portée à son attention et DioGuardi n’avait aucune obligation de le faire parce que le cabinet n’avait pas reçu de mandat pour le représenter à l’égard des années 2005 et 2006. Premièrement, le fait que M. Horn n’était pas avocat dans le cabinet d’avocats n’est pas déterminant. Il travaillait pour le cabinet d’avocats et était responsable de certains aspects du mandat en matière d’impôt sur le revenu confié à DioGuardi au nom de M. Lauzon. M. Horn avait été chargé d’obtenir de l’ARC des renseignements concernant M. Lauzon qui comprenaient des renseignements sur son compte d’impôt pour les années d’imposition. L’identité de la personne au sein du cabinet à qui la lettre a été envoyée n’a aucune incidence sur la relation de mandataire entre DioGuardi et M. Lauzon. Deuxièmement, le témoignage livré par M. Lauzon en contre‑interrogatoire sur la question de savoir s’il a reçu une copie de la lettre de DioGuardi en 2015 est, au mieux, équivoque. Il a répondu aux questions répétées de l’avocat à ce sujet en affirmant qu’il ne savait pas s’il l’avait reçue ou non.

[37] Troisièmement, la lettre à M. Horn a été envoyée aux avocats de M. Lauzon, et ce dernier est réputé connaître le contenu de cette lettre, ainsi que la perte ou les dommages qui lui ont été causés du fait qu’il n’a pas reçu les chèques de remboursement, aux fins de l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur la prescription des actions (paragraphe 12(2) de la Loi sur la prescription des actions; voir Ottawa Athletic Club Inc. (Ottawa Athletic Club) c Athletic Club Group Inc., 2014 CF 672 aux para 164 à 175 (Ottawa Athletic Club)). Dans ses observations orales, M. Lauzon a soutenu qu’il n’a pas retenu les services de DioGuardi à l’égard des années d’imposition et que, par conséquent, DioGuardi n’avait pas l’obligation de lui communiquer le contenu de la lettre à M. Horn en ce qui concerne ces années‑là. Il a insisté sur le fait que la présence d’une obligation de communiquer est nécessaire pour imputer la connaissance d’un mandataire à son mandant en vertu du paragraphe 12(2) de la Loi sur la prescription des actions (Ottawa Athletic Club, au para 170).

[38] Je ne dispose d’aucune preuve quant à la portée du mandat de DioGuardi au sujet des questions fiscales concernant M. Lauzon. Ce qui ressort clairement du dossier, c’est que la lettre à M. Horn a été envoyée au cabinet en réponse à la demande de renseignements faite par le cabinet au nom de M. Lauzon concernant une ou plusieurs questions relatives à sa position fiscale et/ou un ou plusieurs différends fiscaux avec l’ARC. À première vue, les renseignements demandés dans l’état de compte étaient pertinents par rapport au mandat de DioGuardi. Par conséquent, le cabinet avait l’obligation de communiquer à M. Lauzon les renseignements contenus dans la lettre à M. Horn. Dans la mesure où il soutient que DioGuardi n’était pas tenu de l’informer de parties de l’état de compte et que ces renseignements précis ne peuvent lui être imputés, l’argument de M. Lauzon n’est pas appuyé par la preuve et je conclus que M. Lauzon est réputé avoir connaissance des renseignements figurant dans l’état de compte.

[39] En résumé, l’action de M. Lauzon a été déposée plus de deux ans après qu’il a su ou aurait dû savoir qu’il avait subi une perte ou des dommages du fait qu’il n’avait pas reçu et déposé les chèques de remboursement. La lettre à M. Horn, annexée en tant que pièce à l’affidavit de M. Lauzon et reçue par son mandataire, informait M. Lauzon, en langage clair, de l’état des remboursements émis pour 2005 et 2006 dans les dossiers de l’ARC. Le 2 juillet 2015 ou peu après, M. Lauzon devait être au courant de la perte ou des dommages reliés aux remboursements de 2005 et de 2006.

[40] Je conclus que M. Lauzon a intenté son action fondée sur l’enrichissement sans cause après l’expiration du délai de prescription de deux ans prévu à l’article 4 de la Loi sur la prescription des actions et que la requête en jugement sommaire de l’ARC sera accueillie sur cette base.

B. Absence de véritable question à juger sur le fond

[41] La preuve de l’ARC établit, selon la prépondérance des probabilités, que les chèques de remboursement (1) ont été émis et postés à M. Lauzon en 2006 et 2007 respectivement, et (2) ne sont pas en circulation et n’ont pas été annulés. La preuve de M. Lauzon établit qu’il ne se souvient pas d’avoir reçu les chèques de remboursement ou de les avoir déposés dans ses comptes bancaires. Toutefois, il n’a présenté en réponse à la présente requête aucun fait ni aucun élément de preuve qui contredit la preuve de l’ARC selon laquelle la Couronne n’a pas été enrichie. Par conséquent, l’action fondée sur l’enrichissement sans cause de M. Lauzon échoue à la lumière des meilleurs éléments de preuve dont disposent actuellement les parties, et la requête en jugement sommaire de l’ARC doit être accueillie conformément au paragraphe 215(1) des Règles.

1. Fondement d’une action fondée sur l’enrichissement sans cause

[42] Les parties conviennent qu’il y a trois éléments distincts dans une cause d’action fondée sur l’enrichissement sans cause : a) un enrichissement du défendeur; b) une privation correspondante du demandeur; c) l’absence d’un motif juridique de l’enrichissement (Kerr c Baranow, 2011 CSC 10 au para 32).

2. Résumé des positions des parties

[43] L’ARC soutient que le bien‑fondé de sa requête repose sur le premier élément de l’action de M. Lauzon. L’ARC soutient que sa preuve établit que la Couronne n’a pas été enrichie parce que les chèques de remboursement ont été émis et postés dans le cours normal des choses et ont été encaissés, que ce soit par M. Lauzon ou par un tiers. M. Lauzon n’a présenté aucune preuve du contraire, et la question de la privation qu’a pu subir M. Lauzon n’est tout simplement pas pertinente.

[44] M. Lauzon n’approuve pas l’accent mis par l’ARC sur l’encaissement des chèques de remboursement. Ses observations portent sur la question de savoir si l’ARC a établi de façon crédible que les chèques de remboursement ont été émis et postés. En l’absence de preuve à l’appui de ces deux étapes initiales, M. Lauzon soutient que l’ARC a dû être enrichie parce que les chèques de remboursement n’ont jamais été émis et n’ont pas pu être encaissés.

3. Analyse de la preuve des parties

[45] L’ARC s’appuie sur quatre affidavits : (1) un affidavit daté du 9 juillet 2019 de Mme Wendy Dueck, agente de programmes par intérim, Section des demandes de renseignements sur la comptabilité des particuliers et des fiducies, Direction des déclarations des particuliers de l’ARC; (2) un affidavit supplémentaire de Mme Dueck daté du 20 septembre 2019; (3) un affidavit daté du 10 juillet 2019 de M. Christian Bernier, gestionnaire des opérations, Direction générale du receveur général et des pensions de SPAC; et (4) un affidavit daté du 9 juillet 2019 de Mme Isabelle Bégin, gestionnaire au Centre de production de Winnipeg et Québec, Direction générale des services numériques de SPAC.

[46] M. Lauzon s’appuie sur son affidavit daté du 7 août 2019 (l’affidavit de M. Lauzon).

[47] Les souscripteurs d’affidavit ont été contre‑interrogés par l’avocat de la partie adverse, et les transcriptions des contre‑interrogatoires figurent au dossier.

[48] Je vais résumer la série d’éléments de preuve de l’ARC et la substance de l’affidavit de M. Lauzon. Je traiterai ensuite des observations et des arguments des parties au sujet de la preuve par affidavit et de certains aspects des réponses données par les souscripteurs d’affidavit en contre‑interrogatoire.

[49] Le témoignage de Mme Dueck porte sur les dossiers de l’ARC qui se rapportent aux comptes d’impôt de M. Lauzon pour les années d’imposition. Mme Dueck retrace les documents déposés par M. Lauzon pour 2005 et 2006 et les renseignements dans les bases de données de l’ARC qui reflètent l’émission d’avis de cotisation et de chèques de remboursement par SPAC pour ces années‑là, le tout ayant été posté à l’adresse de M. Lauzon au dossier à Tiverton, en Ontario. En ce qui concerne les imprimés ou les copies des dossiers et des bases de données de l’ARC qui forment les nombreuses pièces de son affidavit, Mme Dueck affirme ce qui suit :

  • - L’ARC émet les avis de cotisation aux contribuables s’ils n’ont pas droit à un remboursement. SPAC émet les avis de cotisation et les chèques de remboursement lorsque le contribuable a droit à un remboursement.

  • - L’ARC a établi la cotisation conformément à la déclaration de revenus de 2005 de M. Lauzon telle qu’elle a été produite, et SPAC a émis un avis de cotisation et un chèque de remboursement au montant de 16 701,90 $ (NRP 4707‑28685766) le ou vers le 22 juin 2006. L’avis de cotisation et le chèque de remboursement ont été envoyés à M. Lauzon à son adresse à Tiverton.

  • - L’ARC a établi la cotisation conformément à la déclaration de revenus de 2006 de M. Lauzon telle qu’elle a été produite, et SPAC a émis un avis de cotisation et un chèque de remboursement au montant de 16 031,28$ (NRP 2707‑20572500) le ou vers le 17 avril 2007. L’avis de cotisation et le chèque de remboursement ont été envoyés à M. Lauzon à son adresse à Tiverton.

[50] La preuve de M. Bernier établit un lien entre les dossiers de l’ARC et le processus mis en œuvre par SPAC pour l’émission des chèques de remboursement de l’ARC et, plus particulièrement, les renseignements personnels et le NRP (numéro de référence de paiement) associés aux chèques de remboursement tels qu’ils apparaissent dans les dossiers de SPAC et tels qu’ils sont mentionnés dans les dossiers de l’ARC :


 

 

  • - SPAC est le ministère fédéral responsable de l’émission des chèques au nom de l’ARC.

  • - L’ARC soumet les demandes de remboursement à SPAC dans un dossier de demande qui contient plusieurs demandes de remboursement et qui comprend le nom et l’adresse de chaque bénéficiaire, le montant du paiement et la date à laquelle le bénéficiaire doit recevoir le remboursement.

  • - La base de données de SPAC, appelée Système normalisé des paiements (SNP), reçoit le fichier de demande de l’ARC et attribue à chaque chèque un NRP unique à 12 chiffres. Une fois le NRP attribué, SPAC le fournit à l’ARC.

  • - L’un des centres de production de SPAC imprime chaque chèque de remboursement et l’avis de cotisation connexe, les met ensemble dans une enveloppe et remet les enveloppes remplies à Postes Canada pour livraison.

  • - Le SNP conserve des données sur les chèques encaissés et annulés pendant une période de six ans, après quoi les données sont détruites conformément au Règlement de 1996 sur la destruction des effets payés, DORS/97‑238.

  • - À l’inverse, les chèques émis par SPAC qui n’ont pas été encaissés ou annulés apparaissent indéfiniment dans le SNP sous le statut [traduction] « en circulation ».

  • - M. Bernier a parlé avec Mme Dueck, qui lui a fourni les NRP, les montants en dollars et les dates associés aux chèques de remboursement de M. Lauzon. M. Bernier a passé en revue les dossiers de SPAC et confirmé que les NRP associés aux chèques de remboursement n’apparaissent pas sur la liste des chèques en circulation du SNP. De plus, les NRP particuliers figuraient dans les fichiers de demande reçus et traités par SPAC qui portent la mention [traduction] « COMPLET » aux dates correspondant aux dates auxquelles l’ARC a établi la cotisation à l’égard des années d’imposition et a demandé les chèques de remboursement.

  • - SPAC n’aurait pas détruit les données associées aux chèques de remboursement s’ils avaient conservé le statut « en circulation » dans le SNP.

[51] M. Bernier conclut ainsi :

[traduction]
Les dates des chèques que Mme Dueck m’a fournies pour les remboursements de 2005 et 2006 de M. Lauzon correspondent aux « dates d’achèvement » de SPAC pour les NRP associés aux remboursements de 2005 et 2006.

La base de données du SNP de SPAC n’indique pas que les NRP associés aux chèques de remboursement de 2005 et de 2006 ont le statut « en circulation », ce qui signifie que les chèques ont été encaissés. À l’inverse, si les chèques de remboursement n’avaient pas été encaissés ou annulés, les NRP auraient conservé le code « en circulation », car les chèques en circulation ne sont jamais purgés du SNP.

[52] Le témoignage de Mme Bégin confirme les mécanismes procéduraux de SPAC qui appuient le témoignage fourni par M. Bernier et traite des pratiques, procédures et mesures de contrôle de la qualité de SPAC liées à l’impression et l’envoi par la poste des avis de cotisation et des chèques de remboursement au nom de l’ARC. Mme Bégin décrit la présentation matérielle des avis de cotisation et le fait que les chèques de remboursement sont toujours joints à la première page de l’avis de cotisation d’un contribuable. L’affidavit de Mme Bégin décrit l’extraction par les deux centres de production de SPAC des données soumises par l’ARC, puis l’impression et l’insertion mécanique des avis de cotisation et des chèques de remboursement qui y sont annexés dans des enveloppes pour envoi par la poste. Elle confirme le témoignage de M. Bernier selon lequel les enveloppes remplies sont ensuite remises à Postes Canada pour être postées. Mme Bégin affirme qu’elle a commencé à travailler à SPAC en 2009 et qu’elle a parlé à des membres du personnel qui l’ont informée que les pratiques et processus qu’elle décrit dans son affidavit sont en vigueur à SPAC depuis au moins 2005.

[53] L’affidavit et les pièces de M. Lauzon mettent naturellement l’accent sur sa propre situation. Son témoignage ne contredit pas les témoignages de Mme Dueck, de M. Bernier ou de Mme Bégin. M. Lauzon décrit ses antécédents et les placements de bienfaisance qui ont mené à la vérification par l’ARC de ses déclarations de revenus de 2005 et de 2006. Il aborde l’état des chèques de remboursement et ses interactions avec l’ARC, verbalement et par écrit :

  • - M. Lauzon affirme qu’il n’a reçu ni l’avis de cotisation et le chèque de remboursement datés du 22 juin 2006 pour l’année d’imposition 2005, ni l’avis de cotisation et le chèque de remboursement datés du 17 avril 2007 pour l’année d’imposition 2006.

  • - M. Lauzon répète catégoriquement ne pas avoir reçu les chèques de remboursement et ne pas avoir déposé les montants des remboursements dans ses comptes bancaires.

  • - M. Lauzon joint à son affidavit la correspondance de 2019 entre son avocat et la Banque de Montréal et la Banque de Nouvelle‑Écosse, qui confirme que les copies de ses relevés bancaires pour 2005 et 2006 n’existent plus.

  • - M. Lauzon décrit l’appel qu’il a fait à l’ARC en 2006 au sujet de ses remboursements pour 2005 et 2006, affirmant qu’il a parlé à une agente et que [traduction] « celle‑ci [l]’a informé qu’en raison de la vérification de [ses] dons de bienfaisance, [ses] remboursements d’impôt découlant de [ses] déductions au titre des dons étaient probablement retenus ». On a dit à M. Lauzon que cela devrait être réglé une fois les vérifications terminées.

  • - M. Lauzon affirme que la résolution de ses avis d’opposition concernant les années d’imposition a commencé en 2014 et s’est conclue par son acceptation d’une offre de règlement en décembre 2016 et d’une lettre de règlement de l’ARC datée du 8 mars 2017. M. Lauzon s’attendait à ce que l’ARC modifie ses relevés de compte pour tenir compte du fait que les remboursements de 2005 et de 2006 n’avaient pas été émis après l’émission des avis de nouvelle cotisation définitifs pour les années d’imposition, mais cela ne s’est pas produit.

  • - M. Lauzon a déposé une plainte liée au service auprès de l’ARC le 14 février 2018 pour expliquer sa situation. Le 20 mars 2018, il a reçu une réponse indiquant que les formulaires 535 pour les remboursements manquants avaient été émis le 7 décembre 2017.

[54] M. Lauzon conteste la preuve de l’ARC soumise par Mme Bégin et M. Bernier. M. Lauzon soutient que le témoignage de Mme Bégin au sujet des processus d’impression et d’envoi par la poste de SPAC en 2005 est une preuve par ouï‑dire et qu’on devrait lui accorder peu ou pas de poids (paragraphes 81(1) et 81(2) des Règles). Mme Bégin ne travaillait pas pour SPAC quand les chèques de remboursement auraient dû être émis et n’a aucune connaissance personnelle des faits qu’elle a relatés. Elle n’était pas la dernière personne en position d’autorité à avoir traité les chèques de remboursement (Kovacevic c Canada, 2003 CAF 293 aux para 16 et 22) et l’ARC n’a donné aucune raison pour laquelle les employés de SPAC ayant une connaissance directe des procédures d’émission et d’envoi des chèques de remboursement de l’ARC en 2005 n’ont pas fourni d’affidavit. De plus, ni Mme Bégin ni M. Bernier n’ont déclaré que les chèques de remboursement avaient en fait été postés à M. Lauzon.

[55] Je suis d’accord avec M. Lauzon pour dire qu’un affidavit du prédécesseur de Mme Bégin en 2005 aurait plus de poids, mais il ne s’ensuit pas qu’il faut accorder peu ou pas de poids au témoignage de Mme Bégin. Premièrement, compte tenu du nombre élevé d’avis de cotisation et de chèques de remboursement produits chaque année par SPAC au nom de l’ARC, il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que l’ARC cherche l’employé de SPAC qui a traité en dernier les avis de cotisation et les chèques de remboursement de M. Lauzon pour 2005 et 2006. Deuxièmement, Mme Bégin fournit au sujet des étapes du traitement de chaque demande de l’ARC reçue par SPAC des renseignements détaillés qui sont logiques et complets. Son témoignage est confirmé à bien des égards par la description que M. Bernier a faite des pratiques de SPAC. Troisièmement, Mme Bégin s’est renseignée auprès de son personnel qui travaillait à SPAC depuis au moins 2005 et a été informée que les pratiques et les processus qu’elle décrit étaient en vigueur depuis au moins 2005. Enfin, la CAF a déclaré que, lorsqu’un souscripteur d’affidavit, en raison de ses responsabilités au sein d’un ministère, est en mesure de faire une déposition relativement à la question en litige, son témoignage est admissible sans qu’il ait nécessairement une connaissance personnelle (Bande Indienne Coldwater c Canada (Procureur Général), 2019 CAF 292 au para 43).

[56] Mme Bégin occupe son poste depuis 2009. Elle affirme dans son affidavit qu’elle connaît les pratiques et procédures de SPAC liées à l’impression et l’envoi par la poste des avis de cotisation et des chèques de remboursement au nom de l’ARC. M. Lauzon cherche à jeter le doute sur la fiabilité du témoignage de Mme Bégin en signalant une erreur commise en contre‑interrogatoire quant à savoir si certains dossiers postaux ont été détruits ou non. J’ai examiné la transcription de cette partie du contre‑interrogatoire de Mme Bégin, et l’explication subséquente fournie par l’avocat de l’ARC pour donner suite à un engagement, et je conclus que l’erreur de Mme Bégin n’était pas importante. Son témoignage établit, selon la prépondérance des probabilités, les pratiques et processus de SPAC en 2005 liés à l’émission et l’envoi par la poste des avis de cotisation et des chèques de remboursement. La possibilité d’une modification importante des processus décrits qui n’aurait pas été signalée à Mme Bégin par son personnel et qui remettrait en question la fiabilité de son témoignage, comme l’a confirmé M. Bernier, ne change pas ma conclusion.

[57] M. Lauzon conteste également la conclusion de M. Bernier selon laquelle les chèques de remboursement ont été encaissés. Il soutient que M. Bernier ne peut affirmer avec certitude que les chèques de remboursement n’ont pas été annulés. M. Lauzon compare le témoignage de M. Bernier selon lequel la liste des chèques en circulation du SNP de SPAC repose en partie sur les dossiers de l’ARC avec le témoignage de Mme Dueck selon lequel les dossiers de l’ARC sont générés automatiquement, sans qu’existe un mécanisme pour transmettre de l’information à SPAC.

[58] M. Lauzon s’appuie sur la réponse de Mme Dueck à une question posée en contre‑interrogatoire. L’avocat de M. Lauzon a demandé s’il avait raison d’affirmer que l’ARC crédite ou débite un remboursement à un contribuable, qu’un chèque de remboursement ait été encaissé ou non. Il demande aussi la confirmation que l’ARC n’a pas de système de rétroaction pour confirmer qu’un chèque de remboursement a été encaissé ou reçu. Mme Dueck a confirmé les deux affirmations. M. Lauzon soutient que sa confirmation signifie que M. Bernier ne peut pas affirmer avec certitude que les chèques de remboursement n’ont jamais été annulés.

[59] Je ne suis pas de cet avis. Le témoignage de M. Bernier concernant l’annulation des chèques de remboursement émis n’est pas affecté par le fait que l’ARC n’enregistre ni la réception ni l’encaissement des chèques de remboursement. En contre‑interrogatoire, on a demandé à M. Bernier si les chèques de remboursement auraient pu être volés ou annulés. Il a répondu ceci :

[traduction]
Elle [la liste des chèques en circulation du SNP] permet de conclure que l’information ‑‑ parce que l’information n’est plus dans notre système, cela signifie qu’ils [les chèques de remboursement] ont essentiellement été traités.

S’il avait été annulé, le SNP ne l’aurait pas vu, mais un enregistrement de l’annulation aurait été envoyé au système financier de l’ARC, qui indiquerait alors que le paiement a été annulé. Et parce qu’il ne le montre pas, je suis sous ‑‑ nous croyons qu’il a été émis, mais moi ‑‑ oui, je ne peux pas dire qui l’a encaissé.

[60] Mme Dueck n’a pas abordé dans son témoignage l’interaction entre l’ARC et SPAC en ce qui concerne l’annulation des chèques de remboursement émis. Le témoignage de M. Bernier indique que SPAC ne compte pas sur l’ARC pour obtenir des renseignements à jour sur l’annulation des chèques de remboursement. Il affirme plutôt qu’un enregistrement de l’annulation aurait été envoyé au système financier de l’ARC. Comme les dossiers de l’ARC ne font état d’aucune annulation et que les chèques de remboursement n’apparaissent pas sur la liste des chèques en circulation du SNP, la conclusion de M. Bernier selon laquelle les chèques de remboursement ont été encaissés est le résultat le plus probable.

[61] Les affidavits de Mme Dueck, M. Bernier et M. Bégin et les pièces à l’appui, lorsqu’ils sont lus ensemble, donnent un aperçu intrinsèquement cohérent des interactions de M. Lauzon avec l’ARC, de ses comptes d’impôt et ses déclarations de revenus pour les années d’imposition, des demandes de l’ARC à SPAC pour la préparation des chèques de remboursement, des pratiques habituelles de SPAC liées à l’impression, l’émission et l’envoi par la poste des chèques au nom du gouvernement du Canada, des mesures de contrôle de la qualité en place à SPAC, des dossiers de SPAC concernant les demandes de l’ARC relatives aux chèques de remboursement et, surtout, de l’état des chèques de remboursement au 10 juillet 2019, soit la date de l’affidavit de M. Bernier. Je remarque à cet égard que les copies des dossiers de l’ARC, formant un volumineux ensemble de pièces jointes à ses affidavits, sont admissibles conformément au paragraphe 244(9) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl) (la LIR).

[62] J’estime que les éléments de preuve détaillés de l’ARC sont fiables et établissent que les avis de cotisation et les chèques de remboursement de 2005 et 2006 ont été imprimés et envoyés par la poste à M. Lauzon. Il est réputé avoir reçu les avis de cotisation et les chèques de remboursement en vertu du paragraphe 248(7) de la LIR. Les témoignages de M. Bernier et de Mme Bégin sont suffisants pour satisfaire au fardeau de la preuve de l’ARC en ce qui concerne le rôle de SPAC en général et son traitement des chèques de remboursement dans la présente affaire.

[63] Je constate également ce qui suit :

  • - Les témoignages fournis par Mme Dueck et M. Bernier concernant M. Lauzon et les chèques de remboursement sont convaincants. L’ARC a demandé à SPAC d’émettre des chèques de remboursement à l’ordre de M. Lauzon pour les années d’imposition. SPAC a traité les demandes de l’ARC et y a donné suite. Dans le cadre du traitement des demandes, SPAC a attribué des NRP uniques aux chèques de remboursement, et les NRP sont utilisés dans les dossiers de l’ARC et de SPAC. Il y a concordance des dates auxquelles l’ARC a demandé les chèques de remboursement avec les dates figurant dans le SNP concernant la préparation des avis de cotisation et des chèques de remboursement de 2005 et de 2006 par SPAC, ainsi qu’avec l’achèvement du processus d’impression et l’insertion dans les enveloppes décrits par Mme Bégin.

  • - Les dossiers de l’ARC démontrent que l’ARC a traité les remboursements de M. Lauzon comme ayant été émis tout au long de sa correspondance avec lui, y compris dans les avis de nouvelle cotisation de 2008 et de 2010 et la lettre à M. Horn.

  • - S’appuyant sur le témoignage de M. Bernier selon lequel SPAC a donné suite aux demandes de l’ARC, le témoignage de Mme Bégin concernant les pratiques et processus normalisés de SPAC, bien qu’imparfait, établit selon la prépondérance des probabilités que les chèques de remboursement imprimés ont été remis suivant le cours normal des choses à Postes Canada aux fins de livraison.

  • - Le témoignage de M. Bernier établit que les chèques de remboursement ne sont plus en circulation et qu’ils ont été traités. Les dossiers de l’ARC ne contiennent pas de données sur l’annulation des chèques de remboursement. Par conséquent, la conclusion de M. Bernier selon laquelle ils n’ont pas été annulés mais ont été encaissés, que ce soit par M. Lauzon ou par une tierce partie, est convaincante.

[64] M. Lauzon ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait de démontrer qu’il existe une véritable question litigieuse quant au bien‑fondé de sa demande, comme l’exige l’article 214 des Règles. Il n’a pas soutenu que les avis de cotisation de 2005 et de 2006 accompagnés de chèques de remboursement ont été envoyés à la mauvaise adresse ou qu’il a eu des difficultés avec d’autres documents de l’ARC postés à son adresse de Tiverton; il affirme seulement qu’il n’a pas reçu les chèques de remboursement. M. Lauzon n’a présenté aucune preuve contredisant la preuve de l’ARC selon laquelle les chèques de remboursement lui ont été émis et postés ou que les chèques de remboursement ont été encaissés.

[65] Je suis d’accord avec M. Lauzon pour dire que la preuve de l’ARC n’établit pas si les chèques de remboursement ont été encaissés par M. Lauzon ou s’ils ont été volés et encaissés par un tiers. Toutefois, l’ARC a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que les chèques de remboursement ont été émis, postés et encaissés, de sorte que M. Lauzon n’a établi aucun enrichissement de la Couronne. Sans preuve d’enrichissement, l’action de M. Lauzon fondée sur l’enrichissement sans cause ne peut aller plus loin, et elle est vouée à l’échec.

V. Dépens

[66] Lors de l’audition de la présente requête, les parties ont convenu de se consulter au sujet des dépens. Dans une lettre datée du 14 octobre 2020, les parties ont informé la Cour qu’elles n’avaient pas été en mesure de s’entendre sur les dépens payables à la partie qui obtiendrait gain de cause. Les parties ont proposé un calendrier de présentation des observations sur les dépens à la Cour après la publication du présent jugement, calendrier que j’ai accepté.


JUGEMENT dans le dossier T‑1970‑18

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête en jugement sommaire est accueillie;

  2. L’action du demandeur est rejetée dans son intégralité.

  3. Les parties présenteront des observations sur les dépens à la Cour dans les délais suivants :

  • a) dans les 10 jours suivant la date du présent jugement, la défenderesse, l’Agence du revenu du Canada, remettra à la Cour des observations écrites au sujet des dépens, qui ne doivent pas dépasser trois (3) pages, à l’exclusion des annexes, des pièces et de la jurisprudence;

  • b) dans les 10 jours suivant la date du dépôt des observations de la défenderesse au sujet des dépens, le demandeur, M. Paul Lauzon, remettra à la Cour des observations écrites au sujet des dépens, qui ne doivent pas dépasser trois (3) pages, à l’exclusion des annexes, des pièces et de la jurisprudence;

  • c) dans les cinq (5) jours suivant la date du dépôt des observations sur les dépens du demandeur, la défenderesse peut remettre à la Cour des observations écrites sur les dépens en réponse, qui ne doivent pas dépasser deux (2) pages au total.

« Elizabeth Walker »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1970‑18

 

INTITULÉ :

PAUL LAUZON c L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE OTTAWA (ONTARIO) (LA COUR) ET TORONTO (ONTARIO) (LES PARTIES)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 OCTOBRE 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE WALKER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 12 mai 2021

 

COMPARUTIONS :

Jeffrey Radnoff

Charles Haworth

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Nancy Arnold

Angela Shen

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Radnoff Law Offices

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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