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Date : 20040206

Dossier : T-923-02

Citation : 2004 CF 197

Ottawa (Ontario), le 6 février 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY                          

ENTRE :

                                         BLUEDOT JEANSWEAR COMPANY INC.

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                                        9013-0501 QUÉBEC INC.

                                                                                                                                                intimée

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'un appel interjeté en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), de la décision par laquelle le registraire des marques de commerce (le registraire) a maintenu, dans une décision datée du 19 mars 2002, l'opposition de l'intimée à la demande d'enregistrement numéro 805,235 présentée par l'appelante relativement à la marque de commerce RAGE JEANS.


QUESTION EN LITIGE

[2]                La question en litige en l'espèce est la suivante :

1.          Compte tenu des nouveaux éléments de preuve dont la Cour a été saisie en appel, le registraire avait-il le droit de maintenir l'opposition de l'intimée en raison du risque raisonnable de confusion avec les marques de commerce de cette dernière?

[3]                Pour les motifs qui suivent, ma réponse à cette question sera affirmative. Par conséquent, je vais rejeter l'appel.

FAITS


[4]                Le 12 juillet 1991, la marque de commerce ORAGE 386,694 de l'intimée a été enregistrée; cet enregistrement a été suivi de l'enregistrement des marques ORAGE & Dessin 452,745 et ORAGE Dessin 556,050 les 5 janvier 1991 et 8 janvier 2002 respectivement. Ces marques de commerce seront appelées ORAGE. Le 26 février 1996, l'appelante a déposé devant le Bureau des marques de commerce une demande d'enregistrement des mots RAGE JEANS comme marque de commerce parce qu'elle avait l'intention de les employer en liaison avec des vêtements pour hommes, pour femmes et pour enfants, des vêtements d'athlétisme et des souvenirs. Le numéro 805,285 a été attribué à la demande. Dans une demande modifiée en date du 25 juin 1996, l'appelante a renoncé au droit à l'usage exclusif du mot « jeans » en dehors de sa marque de commerce. La demande a fait l'objet d'une annonce aux fins d'opposition le 30 octobre 1996. L'intimée a déposé une déclaration d'opposition le 27 décembre 1996. Cette opposition reposait notamment sur les alinéas 12(1)d), 16(3)a) et 30i) de la Loi. L'appelante a déposé une contre-déclaration d'opposition le 12 mai 1997.

[5]                La preuve de l'appelante était constituée de l'affidavit de Charles Lam, président de l'appelante, et des pièces A et B. M. Lam a été contre-interrogé sur son affidavit. La preuve produite par l'intimée au soutien de sa déclaration d'opposition était constituée de l'affidavit d'Eric D'Anjou, président de l'intimée, et des pièces P-1 à P-10.

[6]                Le 19 mars 2002, le registraire a maintenu la déclaration d'opposition de l'intimée et a rejeté la demande d'enregistrement présentée par l'appelante.

LA DÉCISION CONTESTÉE

[7]                Après avoir conclu qu'il incombe à l'appelante d'établir qu'il n'y a pas de risque raisonnable de confusion, le registraire a appliqué aux faits les cinq facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi qui permettent d'établir s'il y a confusion. Aux pages 5 à 7 de sa décision, il a écrit :


La marque RAGE JEANS dont l'enregistrement est demandé en vue de son emploi en liaison avec différents vêtements a un caractère distinctif inhérent relativement faible, étant donnéque l'élément distinctif, RAGE, est un mot courant en français et en anglais. Les marques ORAGE et ORAGE & Design de l'opposant ont également un caractère distinctif inhérent relativement faible lorsqu'elles sont employées en liaison avec des vêtements. Le consommateur moyen anglophone y voit le mot RAGE précédé de la lettre O, alors que pour le consommateur moyen francophone (ou bilingue), le mot ORAGE renvoie a une perturbation atmosphérique violente ou à une tempête. Le caractère distinctif inhérent des marques de l'opposant est affaibli dans la mesure oùle mot ORAGE suggère au consommateur francophone ou bilingue que les marchandises sont suffisamment robustes pour être utilisées par mauvais temps.

La marque RAGE JEANS n'était évidemment pas connue avant le 26 février 1996, mais les ventes et la publicitélui ont conféré une certaine renommée dès le milieu de l'année 1998. Les marques ORAGE et ORAGE & Design de l'opposant jouissent d'une certaine renommée depuis 1990 et sont bien connues depuis 1997 grâce aux ventes et à la publicité. Le facteur de la période pendant laquelle les marques ont été en usage milite en faveur de l'opposant. Il y a chevauchement ou ressemblance quant au genre de marchandises offert par les parties et il est possible que, ultérieurement, les parties vendent leurs marchandises par l'entremise des mêmes détaillants, même si tel n'est pas le cas actuellement.

Les marques en cause se ressemblent beaucoup dans leur présentation. Sous ce rapport, l'élément distinctif de la marque dont l'enregistrement est demandé, RAGE, fait partie des marques ORAGE et ORAGE & Design de l'opposant. Pour un consommateur anglophone, les marques se ressemblent assez du point de vue sonore, la différence résidant dans le son « o » qui précède le mot RAGE dans les marques de l'opposant. Par contre, les marques seraient perçues différemment par le consommateur moyen francophone ou bilingue, qui percevrait le mot français « orage » . La marque RAGE JEANS suggère au consommateur anglophone, francophone ou bilingue l'idée d'une grande colère, le mot « rage » ayant la même signification en français et en anglais. Elle suggère également au consommateur anglophone ou bilingue l'idée d'un engouement pour la mode. Les marques de l'opposant suggèrent l'idée d'un « orage » au consommateur moyen francophone ou bilingue et, peut-être, l'idée de la « rage » au consommateur moyen anglophone, si du moins elles en suggèrent une.

Compte tenu de ce qui précède et, tout particulièrement, du caractère distinctif inhérent relativement faible de la marque RAGE JEANS, du plus grand caractère distinctif inhérent des marques ORAGE et ORAGE & Design de l'opposant pendant les périodes considérées, du degréde ressemblance entre les marques pour le consommateur moyen anglophone et de la ressemblance des marchandises offertes par les parties, je demeure dans le doute quant à savoir si la marque dont l'enregistrement est demandé crée de la confusion avec les marques de l'opposant. Comme ce doute doit être tranché contre le requérant, la demande est rejetée.

ANALYSE

Nouveaux éléments de preuve et norme de contrôle


[8]                Lors de l'appel, l'appelante a produit de nouveaux éléments de preuve, c'est-à-dire les affidavits du professeur Brendan Gillon, du professeur Eva Kehayia, du professeur Glyne Piggott, de Leopold Dubord, de Brigitte Trottier et de Lynda Palmer. L'intimée a aussi produit de nouveaux éléments de preuve, c'est-à-dire les affidavits du professeur Claire Gélinas-Chebat, du professeur Philippe Barbaud, de Susan Brandson et de Michael Kristmanson.

[9]                En ce qui concerne les nouveaux éléments de preuve, le paragraphe 56(5) de la Loi prévoit :


56(5) Lors de l'appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.                                    

56(5) On an appeal under subsection (1), evidence in addition to that adduced before the Registrar may be adduced and the Federal Court may exercise any discretion vested in the Registrar.        



[10]            La question qui se pose donc est celle de la norme de contrôle que devrait utiliser la Cour lors d'un appel interjeté d'une décision du registraire sur une déclaration d'opposition. L'appelante allègue qu'il devrait s'agir de la norme de la décision correcte alors que l'intimée prétend qu'il devrait plutôt s'agir de la norme de la décision raisonnable simpliciter. Je suis d'accord avec l'intimée. Comme l'ont dit le juge Evans dans la décision Garbo Group Inc. c. Harriet Brown & Co. (1999), 3 C.P.R. (4th) 224 aux pages 234-236 (C.F. 1re inst.), et la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Brasseries Molson Breweries c. John Labatt Ltée, [2000] 3 C.F. 145, paragraphe 51 (C.A.), la norme applicable serait que, lorsqu'aucune preuve additionnelle qui aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire n'est déposée en appel, la décision du registraire devrait être révisée suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Comme nous le verrons dans l'analyse qui suit, les nouveaux éléments de preuve produits par l'appelante n'auraient pas eu un effet sur la conclusion du registraire et les nouveaux éléments de preuve produits par l'intimée, dans la mesure où ils auraient eu une incidence sur les conclusions du registraire, auraient renforcé ces conclusions.

Principes généraux

[11]            Il convient de rappeler certains principes généraux applicables à une déclaration d'opposition. C'est au requérant qu'il incombe d'établir qu'il existe un risque raisonnable de confusion, comme l'a indiqué la Cour dans la décision British American Bank Note Co. Ltd. c. Bank of America National Trust and Saving Association, [1983] 2 C.F. 778 (1re inst.), à la page 35 :

C'est au requérant de l'enregistrement d'une marque de commerce qu'il appartient de prouver qu'il y a droit et cette obligation qui incombe en tout temps à ce dernier (voir Eno v. Dunn (1890), 15 App. Cas. 252 [H.L.]) comprend également celle de prouver qu'il est peu probable que la marque crée de la confusion.

Cependant, avant de pouvoir fonder une objection en vertu de l'article 16 sur l'emploi antérieur, l'opposant doit prouver que sa réputation est établie dans le commerce sous une appellation avec laquelle il pourrait y avoir de la confusion. À mon avis, on ne peut parler, dans ce cas, d'obligation mais de fardeau de la preuve. Une obligation ne passe jamais d'une personne à une autre mais le fardeau de la preuve peut être renversé. Le requérant peut réfuter la preuve présentée par l'opposant. (non souligné dans l'original)

[12]            Si « l'on craint que l'enregistrement d'une marque de commerce puisse créer la confusion entre elle et une marque plus ancienne, cette dernière doit tirer le bénéfice de ce doute » (Conde Nast Publication Inc. c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183, à la page 188 (C.F. 1re inst.)).

[13]            Suivant le paragraphe 16(3) de la Loi, dans le cadre d'une demande d'enregistrement d'une marque projetée, la date à laquelle il faut évaluer s'il y a présence ou absence de confusion est celle de la date de production de la demande (en l'espèce, le 26 février 1996).

[14]            Il y a aura risque de confusion si un consommateur anglophone, un consommateur francophone ou un consommateur bilingue, ou l'une ou plusieurs de ces personnes, risque de confondre les marques (Pierre Fabre Médicament c. Smithkline Beecham Corp., [2001] 2 C.F. 636, par. 10 et 14 (C.A.)).

[15]            Les facteurs qu'il convient d'analyser pour déterminer s'il existe un risque de confusion sont énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi. Ce paragraphe prévoit ce qui suit :


6(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.


6(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

(c) the nature of the wares, services or business;

(d) the nature of the trade; and

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.



Application aux faits

[16]            J'ai l'intention d'examiner chacun des éléments mentionnés au paragraphe 6(5) en tenant compte de la preuve dont avait été saisi le registraire, des conclusions du registraire de même que des nouveaux éléments de preuve qui ajoutent quelque chose à l'affaire.

[17]            Les « nouveaux » éléments de preuve relatifs aux quatre premiers facteurs n'ajoutent rien et renforcent plutôt les conclusions du registraire sur ces points. En ce qui concerne « le caractère distinctif inhérent des marques de commerce [...] et la mesure dans laquelle [elles] sont devenues connu[e]s » (alinéa 6(5)a)) et « la période pendant laquelle les marques de commerce [...] ont été en usage » (alinéa 6(5)b)), je ne vois aucun motif de ne pas souscrire à la conclusion du registraire que les marques de commerce RAGE JEANS et ORAGE ont un caractère distinctif inhérent relativement faible, que la marque RAGE JEANS n'était pas connue avant le 26 février 1996 alors que la marque ORAGE était connue depuis des années, et que les ventes et la publicité relatives aux marques de commerce ORAGE étaient beaucoup moins importantes que celles relatives à la marque de commerce RAGE JEANS. Le seul élément de preuve « nouveau » était l'affidavit de Mme Palmer qui vient uniquement confirmer le caractère distinctif faible des marques de commerce de l'appelante et de l'intimée.


[18]            Pour ce qui est du « genre de marchandises » (alinéa 6(5)c)), aucun élément de preuve nouveau n'a été produit pour écarter la conclusion qu'il y a chevauchement quant aux marchandises : la marque de commerce proposée par l'appelante vise des vêtements pour hommes, femmes, garçons et filles, des vêtements d'entraînement ainsi que des souvenirs alors que les marques de commerce de l'intimée visent des vêtements de sport.

[19]            Il faut ensuite examiner la « nature du commerce » (alinéa 6(5)d)). « [S]i les marchandises sont de la même catégorie générale, il n'est pas nécessaire de prouver qu'elles sont vendues aux mêmes endroits pour établir le risque de confusion; il suffit d'établir qu'elles le pourraient et que les parties ont le droit de le faire » (Cartier Inc. c. Cartier Optical Inc. (1988), 20 C.P.R. (3d) 68, page 74 (C.F. 1re inst.)). Bien qu'ils ne soient pas distribués à l'heure actuelle par les mêmes réseaux de distribution, les produits de l'appelante et de l'intimée pourraient l'être à l'avenir. Ce fait a été admis par Leopold Dubord lorsqu'il a été contre-interrogé sur son affidavit aux fins du présent appel. MM. Dubord et Nolet ont tous deux confirmé dans des affidavits dont ne disposait pas le registraire les endroits où leurs produits respectifs sont vendus : les produits RAGE JEANS sont vendus dans les grands magasins comme LaBaie, Wal-Mart, Winners et Costco alors que les produits ORAGE sont vendus dans les magasins d'articles de sport et les grands magasins comme André Lalonde Sport, Sports Experts, Les Ailes de la Mode et Eaton.


[20]            Pour ce qui est du « degré de ressemblance entre les marques de commerce [...] dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'[elles] suggèrent » (alinéa 6(5)e)), les deux parties ont présenté de « nouveaux » éléments de preuve. Il ne fait aucun doute que les professeurs Gillon, Kehayia et Piggott s'y connaissent en linguistique, mais leur curriculum vitae et les admissions qu'ils ont faites lors des contre-interrogatoires sur leurs affidavits indiquent que leurs travaux et leurs études n'ont jamais porté sur des marques de commerce ni sur le comportement des consommateurs dans le marché du détail. Il convient aussi de souligner que leur analyse linguistique ne porte pas sur la confusion telle qu'elle est envisagée par la Loi, mais plutôt sur un concept non juridique de confusion, c'est-à-dire la confusion du point de vue linguistique. Je signale également que le professeur Gillon, au point de vue duquel les professeurs Kehayia et Piggott ont simplement souscrit, fait des « hypothèses » et des affirmations qui ne sont pas une seule fois confirmées par des renvois à des études, des sondages ou des articles publiés sur le sujet. Par conséquent, j'écarterai leurs témoignages car je considère qu'ils ne sont pas pertinents pour le présent litige et que je ne peux accorder aucun poids à leurs affirmations.

[21]            Je vais maintenant examiner les témoignages des experts linguistiques de l'intimée, les professeurs Claire Gélinas-Chebat et Philippe Barbaud. L'affidavit et le curriculum vitae du professeur Gélinas-Chebat indiquent que son principal domaine de recherche est l'analyse des caractéristiques linguistiques des messages publicitaires. Quant au professeur Barbaud, il a écrit dans son affidavit qu'il avait rédigé environ 25 affidavits à titre de témoin expert sur la question de savoir si deux marques de commerce peuvent créer de la confusion d'un point de vue linguistique.

[22]            Dans son affidavit, auquel souscrit le professeur Barbaud, le professeur Gélinas-Chebat fait quelques observations qui viennent simplement confirmer les conclusions du registraire. Au paragraphe 25, elle écrit « les mots "ORAGE" et "RAGE" sont extrêmement semblables du point de vue orthographique : le mot "RAGE" est composé de 4 des cinq lettres de "ORAGE", et ce, dans le même ordre » .

[23]            Aux paragraphes 27 et 28, elle ajoute « il est important de considérer d'autres facteurs qui pourraient affecter la reconnaissance auditive et visuelle tels les bruits de fond, la prononciation particulière d'un interlocuteur, des variantes de style visuelles, etc. Dans son affidavit, Pr Gillon considère des conditions parfaites où les mots "ORAGE" et "RAGE" seraient prononcés d'une manière précise ou écrits de façon parfaite. Or, si l'emphase phonétique ou visuel (sic) porte sur la particule "rage" du mot "orage", le son "o" pouvant être prononcé doucement ou masqué par un bruit de fond quelconque et le visuel du "o" pouvant être différent de celui de la particule "rage", le mot "orage" pourrait très bien être confondu, dans un sens strict, avec le mot "rage". »

[24]            Au paragraphe 30, elle dit « Comme pour la reconnaissance visuelle et phonétique, je trouve regrettable, du point de vue méthodologique, qu'aux paragraphes 17 et 18 de son affidavit Pr Gillon passe sous silence les grandes ressemblances entre les mots "ORAGE" et "RAGE". D'ailleurs, il y a plus de ressemblances (80 %) que de différences (20 %), et ce, même d'un point de vue complètement académique et hors contexte. »

[25]            Au paragraphe 30, le professeur Gélinas-Chebat ajoute « dans la mesure où cette expression se retrouve apposée sur un jeans, la particule "JEANS" représente une expression générique et perd son importance et c'est la particule "RAGE" qui prend toute l'importance pour le récepteur puisque cette particule lui permet de discriminer CE jeans parmi d'autres. » Au paragraphe 40, elle dit « Je souligne au contraire que le mot "RAGE", tant par la lettre que par le son, en français, se retrouve entièrement compris dans le mot "ORAGE". »             

[26]            Compte tenu de la décision du registraire et des « nouveaux » éléments de preuve, je conclus que tous les facteurs énumérés au paragraphe 6(5), à l'exception de la première partie du premier facteur - le caractère distinctif inhérent des marques de commerce - qui est neutre, mènent à la conclusion qu'il y a risque de confusion. Pour ce qui est des quatre premiers facteurs, rien dans les nouveaux éléments de preuve ne contredit les conclusions du registraire. Quant au dernier facteur, le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son ou dans les idées qu'elles suggèrent, le témoignage du professeur Gélinas-Chebat renforce le fait qu'à tout le moins dans le cas des consommateurs francophones et bilingues, il y aurait confusion entre les marques de commerce RAGE JEANS et ORAGE puisque les mots distinctifs RAGE et ORAGE ont une apparence, une orthographe et une prononciation très similaires en français.


[27]            Bref, je souscris aux conclusions du registraire et, étant donné que les nouveaux éléments de preuve ne viennent que renforcer ces conclusions, je suis convaincu qu'il y a risque de confusion du moins pour les consommateurs francophones et les consommateurs bilingues. La décision du registraire de maintenir l'opposition à l'enregistrement de la marque de commerce RAGE JEANS est confirmée.

[28]            L'intimée demande que les dépens soient adjugés suivant l'échelle maximale de la colonne IV du tarif des Règles de la Cour fédérale (les Règles). Selon moi, il n'y a rien qui le justifie en l'espèce. La demanderesse avait le droit de produire de nouveaux éléments de preuve et elle ne devrait pas être pénalisée pour cela.

                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE la décision datée du 19 mars 2002 par laquelle le registraire a maintenu la déclaration d'opposition présentée par 9013-0501 Québec Inc. à la demande numéro 805,235 est confirmée et l'intimée a droit aux dépens suivant l'échelle intermédiaire prévue à la colonne III du tarif des Règles.

             « Michel Beaudry »                

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


                                                  COUR FÉDÉRALE

                                   AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                 

DOSSIER :                                                          T-923-02

INTITULÉ :                                                         BLUEDOT JEANSWEAR COMPANY

INC.

c.

9013-0501 QUÉBEC INC.

                                                                                                                                    

LIEU DE L'AUDIENCE :                                   MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                                 LE 4 FÉVRIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                         LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                                        LE 6 FÉVRIER 2004

COMPARUTIONS :

Morton Bessner                                                       POUR L'APPELANTE

Pascal Lauzon

Bruno Barrette                                                         POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morton Bessner                                                       POUR L'APPELANTE

Montréal (Québec)

Brouillette Charpentier Fortin                                   POUR L'INTIMÉE

Montréal (Québec)

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