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Date : 20210503


Dossier : T-1303-20

Référence : 2021 CF 393

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 3 mai 2021

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

REINHOLD POSMYK

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] Le demandeur, qui agit pour son propre compte, s’exprime bien et est organisé. Il sollicite le contrôle judiciaire d’une décision par laquelle le ministre du Revenu national [le ministre] a rejeté sa demande d’annulation de l’impôt établi à l’égard d’une cotisation excédentaire versée à son compte d’épargne libre d’impôt [CÉLI] au cours de l’année d’imposition 2018. Il souhaite que le ministre renonce à l’impôt sur la cotisation excédentaire, aux pénalités et aux intérêts.

II. Contexte

[2] Le paragraphe 207.06(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e supp), confère au ministre le pouvoir discrétionnaire de renoncer à l’impôt dont un particulier serait redevable ou de l’annuler si a) l’obligation de payer l’impôt du particulier fait suite à une « erreur raisonnable »; et b) le retrait de la cotisation excédentaire est effectué « sans délai ».

[3] Les dispositions législatives pertinentes sont les suivantes :

Renonciation

Waiver of tax payable

207.06 (1) Le ministre peut renoncer à tout ou partie de l’impôt dont un particulier serait redevable par ailleurs en vertu de la présente partie par l’effet des articles 207.02 ou 207.03, ou l’annuler en tout ou en partie, si, à la fois :

207.06 (1) If an individual would otherwise be liable to pay a tax under this Part because of section 207.02 or 207.03, the Minister may waive or cancel all or part of the liability if

a) le particulier convainc le ministre que l’obligation de payer l’impôt fait suite à une erreur raisonnable;

(a) the individual establishes to the satisfaction of the Minister that the liability arose as a consequence of a reasonable error; and

b) sont effectuées sans délai sur un compte d’épargne libre d’impôt dont le particulier est titulaire une ou plusieurs distributions dont le total est au moins égal au total des sommes suivantes :

(b) one or more distributions are made without delay under a TFSA of which the individual is the holder, the total amount of which is not less than the total of

(i) la somme sur laquelle le particulier serait par ailleurs redevable de l’impôt,

(i) the amount in respect of which the individual would otherwise be liable to pay the tax, and

(ii) le revenu, y compris le gain en capital, qu’il est raisonnable d’attribuer, directement ou indirectement, à la somme visée au sous-alinéa (i).

(ii) income (including a capital gain) that is reasonably attributable, directly or indirectly, to the amount described in subparagraph (i).

[...]

...

Renonciation aux pénalités et aux intérêts

Waiver of penalty or interest

220 (3.1) Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition d’un contribuable ou de l’exercice d’une société de personnes ou sur demande du contribuable ou de la société de personnes faite au plus tard ce jour-là, renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable ou la société de personnes en application de la présente loi pour cette année d’imposition ou cet exercice, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

220 (3.1) The Minister may, on or before the day that is ten calendar years after the end of a taxation year of a taxpayer (or in the case of a partnership, a fiscal period of the partnership) or on application by the taxpayer or partnership on or before that day, waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by the taxpayer or partnership in respect of that taxation year or fiscal period, and notwithstanding subsections 152(4) to (5), any assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made that is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

[4] Le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire pour définir l’expression « erreur raisonnable » comme étant quelque chose qui est indépendant de la volonté du contribuable et l’expression « sans délai » comme étant une période de 30 jours suivant le moment où le contribuable prend connaissance de la cotisation excédentaire.

[5] Le demandeur, par choix, n’a ni service Internet résidentiel ni téléphone cellulaire, ce qui est son droit. Il utilise toutefois un ordinateur à la bibliothèque locale pour accéder à ses courriels personnels. Il n’a donc pas accédé à son compte sur le site Mon dossier de l’Agence du revenu du Canada [l’ARC]. Les avis par courriel de l’ARC sont allés dans un compte de courrier électronique à son nom qu’il affirme n’avoir jamais consulté.

[6] Le demandeur utilisait régulièrement un CÉLI et effectuait couramment des cotisations excédentaires. En 2016, il a versé une importante cotisation à son CÉLI, qui lui a laissé des droits de cotisation au CÉLI de seulement 1 000 $ pour 2017.

[7] Cependant, en mars 2017, il a versé une cotisation de 5 500 $ à son CÉLI, ce qui a donné lieu à une cotisation excédentaire de 4 500 $ en 2017.

[8] En juin 2017, après qu’il a effectué sa cotisation excédentaire, une lettre d’information a été versée dans son compte Mon dossier de l’ARC. La lettre ne portait pas précisément sur la cotisation excédentaire du demandeur en 2018 (l’année d’imposition en litige), mais l’avertissait des conséquences d’une cotisation excédentaire à l’égard de l’année 2016. Le demandeur affirme ne pas avoir vu cette lettre d’information.

[9] En janvier 2018, le demandeur a versé une cotisation de 5 500 $ à son CÉLI. En mars 2018, il a reçu un avis indiquant qu’il avait des droits de cotisation de 1 000 $ et, peu après, il a versé une autre cotisation de 1 000 $. Il a donc trop cotisé en 2018, de sorte que ses droits de cotisation pour 2019 s’établissaient à 500 $.

[10] En janvier 2019, il a effectué une cotisation de 6 000 $ et, en juillet 2019, il a reçu un avis de cotisation [l’avis de 2018] à l’égard de sa cotisation excédentaire de 2018. Le demandeur était tenu de payer de l’impôt et des intérêts sur la cotisation excédentaire et des pénalités pour production tardive.

[11] Le 25 juillet 2019, le demandeur a sollicité un allègement pour les contribuables à l’égard de l’avis de 2018, mais sa demande a été rejetée.

[12] Le 1er août 2019, il a affirmé qu’il avait retiré 5 500 $ de son CÉLI. Néanmoins, sa demande d’allègement a été refusée.

[13] Le 21 octobre 2019, le demandeur a entamé une procédure d’opposition et a présenté deux demandes d’annulation de l’impôt, des pénalités et des intérêts.

[14] La décision contestée découle de la deuxième demande d’annulation, que le ministre a refusée au motif qu’il incombait au demandeur de connaître les règles applicables aux CÉLI, de ne pas excéder le plafond de cotisation annuel et de garder ses coordonnées à jour. Le ministre a aussi conclu que le demandeur n’avait pas retiré sa cotisation excédentaire dans un délai raisonnable après avoir reçu l’avis de l’ARC.

III. Analyse

[15] La décision d’accorder ou non un allègement est discrétionnaire et, à ce titre, elle est assujettie au contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 10, 35-36).

[16] Le demandeur a commis une erreur en ce qui concerne son plafond de cotisation au CÉLI. L’ARC n’a pas causé cette erreur et n’y a pas contribué. Dans les décisions Jiang c Canada (Procureur général), 2019 CF 629, et Weldegebriel c Canada (Procureur général), 2019 CF 1565, notre Cour a confirmé l’application stricte par le ministre du concept d’« erreur raisonnable ». Des facteurs tels que l’obtention de mauvais conseils, une interprétation erronée des avis de l’ARC et des erreurs de bonne foi ne peuvent servir de motifs pour demander un allègement. La lettre d’information n’a joué aucun rôle dans l’erreur du demandeur.

[17] Le demandeur reconnaît que c’était son erreur et que l’ARC ne l’a pas causée ou n’y a pas contribué, qu’elle a été commise après que la lettre d’information lui a été remise, mais avant qu’il ne la voie.

[18] Comme le demandeur n’a pas réussi à démontrer l’existence d’une erreur raisonnable, il n’est pas admissible à l’allègement même s’il a retiré sa cotisation excédentaire dans les 30 jours suivant la réception de l’avis de l’ARC. Dans des circonstances normales, la Cour aurait conclu la présente affaire ici; cependant, les observations du ministre m’obligent à formuler des commentaires additionnels.

[19] Pour conclure que le retrait n’avait pas été effectué « sans délai », le représentant de l’ARC s’est appuyé sur une entrée dans le système informatique de l’ARC. Cette entrée était une erreur et le demandeur avait retiré l’excédent sans délai.

[20] Le ministre a tenté de défendre cette partie de sa décision en soutenant que, malgré l’erreur informatique de l’ARC, le représentant avait pris une décision « raisonnable » en fonction du contenu à l’écran qu’il avait devant lui.

[21] Cette position du ministre est complètement indéfendable. Elle équivaut à dire que les faits n’ont pas d’importance. À mon avis, il s’agit d’une décision déraisonnable si les faits n’appuient pas la conclusion.

[22] Cependant, le fait que le demandeur puisse avoir raison sur cette question n’a pas d’importance. Il doit réussir à démontrer qu’il a respecté les deux volets du critère, mais il ne l’a pas fait.

IV. Conclusion

[23] La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée, sans dépens.

 


JUGEMENT dans le dossier T-1303-20

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans dépens.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Blain McIntosh


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1303-20

 

INTITULÉ :

REINHOLD POSMYK c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 AVRIL 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :

le 3 MAI 2021

 

COMPARUTIONS :

Reinhold Posmyk

 

Pour le demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Kieran Meehan

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

pour le défendeur

 

 

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