Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20020809

Dossier : IMM-4234-01

Ottawa (Ontario), le 9 août 2002

En présence de Monsieur le juge Lemieux

ENTRE :

                                                  MANSOOR JAVADIMIA

                                                                                                                              demandeur

                                                                       et

               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                               défendeur

                                                          ORDONNANCE

Pour les motifs qui ont été déposés, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision que l'agente des visas a prise le 19 juillet 2001 est annulée et la demande que le demandeur a présentée en vue de résider en permanence au Canada doit être réexaminée par un agent des visas différent. Aucune question n'est certifiée.

                                                                                                                          « F. Lemieux »              

                                                                                                                                         Juge                    

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20020809

Dossier : IMM-4234-01

Référence neutre : 2002 CFPI 847

ENTRE :

                                                  MANSOOR JAVADIMIA

                                                                                                                              demandeur

                                                                       et

               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                               défendeur

                                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

Historique


[1]                Dans cette demande de contrôle judiciaire, Monsoor Javadinia (le demandeur), un citoyen iranien, conteste la décision du 19 juillet 2001 par laquelle l'agente des visas Carol Jong (l'agente des visas) a refusé la demande qu'il avait présentée en vue de résider en permanence au Canada à titre de membre de la catégorie des immigrants indépendants ayant l'intention d'exercer la profession d'ingénieur mécanicien (no 2132.0 de la CNP). Le demandeur a obtenu 61 points, mais aucun point ne lui a été attribué pour le facteur professionnel et aucun point ne lui a été attribué pour le facteur « expérience » , de sorte qu'il ne pouvait pas obtenir un visa d'immigrant.

[2]                L'agente des visas a dit ce qui suit dans la lettre de refus :

[TRADUCTION] J'ai examiné vos qualités et votre expérience avec vous à l'entrevue. D'après les renseignements qui ont été fournis, je ne suis pas convaincue que vous exerciez une partie des fonctions principales de la profession envisagée, telles qu'elles sont énoncées dans la CNP. Je ne vous ai donc pas attribué de points d'appréciation pour le facteur « expérience » . Le paragraphe 11(1) du Règlement sur l'immigration prévoit qu'un visa d'immigrant ne peut pas être délivré à un immigrant à moins qu'au moins un point d'appréciation n'ait été attribué pour l'expérience.

Je ne suis pas non plus convaincue que vous exerciez un nombre substantiel des fonctions principales de la profession envisagée, telles qu'elles sont énoncées dans la CNP. Vous n'avez donc pas obtenu de points pour le facteur professionnel. Le paragraphe 11(2) du Règlement sur l'immigration prévoit qu'un visa d'immigrant ne peut pas être délivré à un immigrant à moins qu'au moins un point d'appréciation n'ait été attribué pour le facteur professionnel.

[Non souligné dans l'original]

[3]                L'énoncé principal figurant au no 2132.0 de la CNP - Ingénieurs mécaniciens, est ainsi libellé :

Les ingénieurs mécaniciens étudient, conçoivent et élaborent des appareils et des systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation, de production d'énergie, de transport, de traitement et de fabrication. Ils exécutent également des tâches liées à l'évaluation, à la mise en place, à l'exploitation et à l'entretien d'installations mécaniques. Les ingénieurs mécaniciens travaillent dans des firmes de consultants, des services de production d'énergie et dans une grande variété d'industries de fabrication, de transformation et de transport, ou ils peuvent être des travailleurs autonomes.

[Non souligné dans l'original]

[4]                La CNP donne comme exemple d'appellation faisant partie de ce groupe la profession d'ingénieur en chauffage, ventilation et climatisation (C.V.C.)


[5]                Sous le titre « Fonctions principales » , voici ce qui est énoncé au no 2132 de la CNP :

Les ingénieurs mécaniciens exercent une partie ou l'ensemble des fonctions suivantes :

• effectuer des recherches sur la faisabilité, la conception, l'exploitation et la performance de mécanismes et de systèmes;

• planifier et diriger des projets et préparer des estimations de coûts et de temps, des rapports et des devis de conception concernant la machinerie et les systèmes;

• concevoir des centrales, des machines, des composants, des outils, des appareils et du matériel;

• surveiller et inspecter la mise en place, la modification et la mise en service d'installations mécaniques sur des chantiers de construction ou dans des locaux industriels;

• élaborer des normes d'entretien, des calendriers d'exécution et des programmes et encadrer les équipes d'entretien industriel;

• rechercher la cause des défaillances mécaniques ou des problèmes d'entretien non prévus;

• préparer des documents contractuels et évaluer des soumissions portant sur des travaux de construction ou d'entretien industriel;

• superviser des techniciens, des technologues et autres ingénieurs et réviser et approuver les designs, les calculs et les coûts estimatifs.

[6]                Dans la demande de résidence permanente qui a été préparée par ses avocats, le demandeur énonce comme suit ses antécédents professionnels :

(1)        Du 19-10-89 au 19-02-91, il travaillait pour son propre compte à Téhéran, en Iran, comme ingénieur mécanicien;

(2)        Du 19-03-91 au 19-12-95, il travaillait chez York International (Iranian Tabrid Co.) comme ingénieur mécanicien;

(3)        Du 19-03-92 à ce jour, il a travaillé chez Nasim Rasa Trading Co. comme directeur général et comme directeur technique.


[7]                À l'appui de sa demande, le demandeur a soumis des lettres de Nasim Rasa Trading Co., des lettres de clients et des lettres de York International Co.

[8]                Ainsi, selon la lettre du 19 juin 2000 de Nasim Rasa Trading Co., le demandeur travaille pour la société depuis 1992 comme adjoint du directeur général et comme directeur technique :

[TRADUCTION] Pendant que le directeur général est absent, en plus de prendre les décisions courantes, il est chargé de surveiller la mise en place, l'exploitation et l'entretien des groupes refroidisseurs de liquide à absorption, des groupes refroidisseurs de liquide à compresseur alternatif, des groupes refroidisseurs de liquide à compresseur centrifuge, des chaudières à vapeur et des chaudières à eau chaude que la société vend.

Il est également responsable de l'achat du matériel susmentionné pour le compte de notre société.

[Non souligné dans l'original]

Les notes du STIDI

[9]                Comme il en a été fait mention, le demandeur a eu, le 11 juillet 2001, une entrevue avec l'agente des visas, qui a établi un affidavit confirmant les notes qu'elle avait consignées dans le STIDI.

[10]            Selon les notes du STIDI, entre le mois d'octobre 1989 et l'année 1991, lorsqu'il était travailleur autonome, le demandeur travaillait chez Mitsubishi et chez York; il était chargé de mettre en place et d'entretenir la machinerie ainsi que d'assurer le service après vente. De 1991 à 1995, le demandeur travaillait à plein temps chez Nasim Rasa et à temps partiel chez York International. L'agente a écrit ce qui suit au sujet de la discussion qu'elle avait eue avec le demandeur relativement aux tâches qu'il exécutait :


[TRADUCTION] Il a déclaré qu'il présentait les machines aux clients, qu'il aidait les clients sur le plan de la conception. J'ai demandé à l'IE de donner des précisions au sujet de sa participation à la conception. Lorsque les clients voulaient acheter une machine et qu'ils voulaient que leur propre ingénieur modifie le design, l'IE leur donnait des conseils et leur faisait savoir si la chose était possible. L'IE a déclaré que, par la suite, si les clients décidaient d'acheter la machine, ils lui en commandaient une. Il veillait à ce que les marchandises soient livrées. Une fois les machines livrées, il était chargé de les mettre en place, de les mettre en marche (il connectait les fils pour tout vérifier) et d'assurer le service après vente. Si la machine fonctionnait mal, il la renvoyait à l'usine avec un rapport explicatif. York s'est installée à Dubaï en 1995. Les sociétés américaines n'étaient plus autorisées à exploiter leur entreprise en Iran.

[Non souligné dans l'original]

[11]            L'agente des visas a noté que, de 1992 jusqu'au mois de juin 2000, le demandeur travaillait à plein temps chez Nasim Rasa et qu'il avait déclaré exercer les mêmes fonctions que chez York, sauf qu'il travaillait à plein temps. L'agente a noté qu'il exploitait également une entreprise d'importation en Iran de systèmes de climatisation fabriqués par York ou par Mitsubishi.

[12]            Les notes que l'agente des visas a consignées dans le STIDI indiquent qu'elle a exprimé certaines préoccupations au sujet de l'emploi du demandeur, qui semblait travailler pour les deux sociétés comme représentant. L'agente donne les précisions suivantes :

[TRADUCTION] J'ai donné à l'IE la possibilité de me dire quelles tâches il exécutait en sa qualité d'ingénieur mécanicien. Le demandeur a répondu que la machine à absorption n'est pas produite en Iran. Son rôle consiste à informer York et Mitsubishi, à Dubaï, qui vendent ces machines, que des clients éventuels, en Iran, ont besoin de groupes refroidisseurs de liquide à absorption. J'ai encore une fois exprimé mes préoccupations au sujet du fait qu'il semblait agir comme représentant et assurer le service après vente et je lui ai demandé s'il exécutait d'autres tâches démontrant qu'il avait de l'expérience comme ingénieur mécanicien.

[Non souligné dans l'original]

[13]            L'agente des visas a noté la réponse du demandeur dans le STIDI :


[TRADUCTION] L'IE a confirmé que sa principale tâche consiste à recruter des clients, à apporter les machines, à les mettre en place, à les mettre en marche et à les entretenir ainsi qu'à fournir les services après vente. Il a déclaré que le fait de mettre en marche une machine sans problème constitue une étape importante. Combien d'employés la société compte-t-elle? Cinq ingénieurs et plus de dix techniciens. Qui est superviseur - son poste? Après que le client a passé une commande, il rédige le contrat de vente avec celui-ci. Le directeur approuve le contrat. Il envoie l'argent à la société - York ou Mitsubishi - qui accepte de produire les machines dans un délai de sept ou huit mois. L'IE a demandé s'il pouvait ajouter quelque chose au sujet de son travail. Ces machines se rapportent à la réfrigération et au chauffage, soit des domaines dans lesquels il a certaines connaissances.

[14]            Après avoir consigné quelques notes au sujet de la personnalité du demandeur et après avoir examiné certains imprimés que le demandeur avait produits au sujet des emplois disponibles au Canada pour les ingénieurs en chauffage, en ventilation et en climatisation, l'agente des visas a signalé au demandeur qu'il n'avait pas d'expérience dans la conception de systèmes et en ce qui concerne certaines autres fonctions que les employeurs recherchent. L'agente a déclaré avoir conservé quelques imprimés. Elle a noté que le demandeur n'avait pas communiqué avec York ou Mitsubishi lorsqu'elle lui a demandé si ces sociétés avaient des bureaux au Canada.

[15]            Selon les notes du STIDI, l'agente des visas a informé le demandeur qu'elle n'était pas convaincue qu'il avait exercé un nombre substantiel des fonctions relevant d'un ingénieur mécanicien. Le demandeur semblait travailler comme représentant. Selon les notes du STIDI, le demandeur a demandé qu'on lui accorde cinq autres minutes pour expliquer en quoi consistait son travail. L'agente a répondu qu'elle lui avait donné à plusieurs reprises la possibilité de lui faire part de toute autre fonction qu'il exerçait, mais qu'il répétait toujours la même chose. Toutefois, l'agente a accordé quelques minutes au demandeur pour lui permettre de faire des commentaires. Voici ce qui est consigné dans le STIDI :


[TRADUCTION] L'IE a affirmé avoir suivi avec succès un cours de formation chez York Intl en 1992. Il a affirmé qu'il peut exercer plus de 100 emplois en Iran, y compris en matière de formation. Il a également suivi avec succès un cours de formation chez Mitsubishi - il a mis en place en Iran plus de 15 machines pour cette société et plus de 50 machines pour York - des machines servant au chauffage et à la réfrigération. L'IE a ensuite affirmé que ce travail comporte la conception des systèmes - tuyauterie, fils électriques. J'ai signalé qu'il n'en avait pas fait mention lorsque je lui avais demandé, à plusieurs reprises, quelles autres fonctions il exerçait.

Les affidavits

[16]            Le demandeur et l'agente des visas ont déposé des affidavits qui n'ont fait l'objet d'aucun contre-interrogatoire. Toutefois, leurs points de vue respectifs, en ce qui concerne ce qui avait été dit à l'entrevue, sont fort divergents, en particulier lorsqu'il s'agit de savoir si l'expérience professionnelle du demandeur englobait la conception.

(i)          L'affidavit du demandeur

[17]            Le demandeur déclare que même s'il ne s'occupait pas de la conception des groupes refroidisseurs, des chaudières à vapeur et des chaudières à eau chaude, parce que ces appareils avaient déjà été conçus et fabriqués, un ingénieur (CVC) s'occupait de la conception sur commande d'appareils de chauffage et de climatisation en systèmes répondant aux exigences du client parce que ces systèmes étaient mis en place dans de gros immeubles et dans de gros ensembles et qu'ils coûtaient plusieurs centaines de milliers de dollars.

[18]            Le demandeur a déclaré qu'il employait des méthodes scientifiques pour déterminer la charge calorifique/frigorifique nécessaire pour les immeubles, les besoins en pompage ainsi que les tuyaux et fils nécessaires. D'une façon générale, il devait concevoir l'installation et établir les procédures.


[19]            Le demandeur a toujours reconnu que les clients retenaient parfois les services d'ingénieurs-conseils, auquel cas son rôle était plus restreint et consistait à fournir, à mettre en place et à assurer le fonctionnement des machines, mais que dans d'autres cas, les clients lui demandaient de vérifier la conception et les dessins élaborés par les ingénieurs-conseils et que, dans d'autres cas encore, il était seul responsable de la conception, du contrôle de la température et de la réalisation complète d'un projet.

(ii)         L'affidavit de l'agente des visas

[20]            Dans son affidavit, l'agente des visas déclare que les notes qu'elle a consignées dans le STIDI ont été dactylographiées pendant l'entrevue qu'elle avait eue avec le demandeur et qu'elles indiquent avec exactitude le contenu de l'entrevue (le fait que l'agente avait dactylographié d'une façon continue ce qui avait été dit à l'entrevue était également confirmé dans l'affidavit du demandeur). L'agente déclare que compte tenu de la description que le demandeur avait lui-même faite au sujet des tâches qu'il exécutait dans ses différents emplois, elle n'était pas convaincue qu'il exerçait un nombre substantiel des fonctions relevant d'un ingénieur mécanicien. À son avis, le demandeur avait principalement de l'expérience à titre de représentant.


[21]            L'agente des visas déclare avoir exprimé ses préoccupations au demandeur et lui avoir donné la possibilité de lui dire quelles tâches il exécutait en sa qualité d'ingénieur mécanicien. L'agente déclare que le demandeur a répondu en disant que son rôle consistait à informer les sociétés que des clients éventuels, en Iran, avaient besoin des machines qu'elles vendaient. L'agente déclare qu'après avoir encore une fois fait part de ses préoccupations au demandeur, à savoir qu'il semblait agir comme représentant assurant le service après vente, le demandeur a confirmé que sa tâche principale consistait à recruter des clients, à apporter les machines, à les mettre en place, à les mettre en marche, à les entretenir et à assurer le service après vente.

[22]            Au paragraphe 15 de son affidavit, l'agente déclare ce qui suit :

[TRADUCTION]

15.            Pendant l'entrevue, le demandeur n'a jamais déclaré qu'il étudiait, concevait ou élaborait lui-même les appareils, soit des fonctions essentielles dans le cas d'un ingénieur mécanicien, sauf à la fin de l'entrevue, lorsqu'il a parlé de conception en ce qui concerne la tuyauterie et câblage électrique.

[23]            Au paragraphe 21 de son affidavit, voici ce que l'agente des visas a déclaré à ce sujet :

[TRADUCTION]

21.            Aux paragraphes 27, 28 et 31, le demandeur a déclaré qu'il avait décrit en détail sa participation à la conception (c'est-à-dire l'emploi de méthodes de calcul scientifiques et le fait qu'il était le seul responsable de la conception et du contrôle de la température). Toutefois, je ne me rappelle pas qu'il l'ait fait si ce n'est de la façon indiquée dans les notes du STIDI. S'il avait fourni des explications détaillées, je les aurais consignées. Le fait que mes notes correspondent exactement à ce qui a été dit pendant l'entrevue est étayé par le demandeur lui-même au paragraphe 22 de son affidavit, où il est déclaré que je dactylographiais d'une façon continue toutes les déclarations et que j'avais relu certaines de mes notes. J'ai de fait lu les notes au demandeur et je lui ai demandé de confirmer que je n'avais omis aucun renseignement pertinent qu'il aurait voulu que je prenne en considération pour ce qui est de son expérience professionnelle.


Analyse

a)          La norme de contrôle

[24]            Essentiellement, si je comprends bien, l'avocat du demandeur conteste la décision de l'agente des visas en alléguant qu'elle n'a pas tenu compte de la preuve dont elle disposait ou qu'elle a mal interprété la preuve dont elle disposait lorsqu'elle a conclu que le demandeur n'exerçait pas une partie ou un nombre substantiel des fonctions incombant à un ingénieur mécanicien, c'est-à-dire une personne qui a de l'expérience dans le domaine du chauffage et de la climatisation.

[25]            Le demandeur conteste les conclusions factuelles que l'agente des visas a tirées; il devait donc démontrer que l'agente avait commis des erreurs au sens de l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, c'est-à-dire qu'elle avait rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait.

[26]            Monsieur le juge Evans (tel était alors son titre) a dit ce qui suit dans la décision Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté te de l'Immigration), [1998] A.C.F. 1425 :

Il est bien établi que l'alinéa 18.1 (4)d) de la Loi sur la Cour fédérale n'autorise pas la Cour à substituer son opinion sur le fait de l'espèce à celle de la Commission, qui a l'avantage non seulement de voir et d'entendre les témoins, mais qui profite également des connaissances spécialisées de ses membres pour évaluer la preuve ayant trait à des faits qui relèvent de leur champ d'expertise. [...] Ainsi, pour justifier l'intervention de la Cour en vertu de l'alinéa 18.1(4)d), le demandeur doit convaincre celle-ci, non seulement que la Commission a tiré une conclusion de fait manifestement erronée, mais aussi qu'elle en est venue à cette conclusion « sans tenir compte des éléments dont [ elle disposait ] » . [Non souligné dans l'original.]


[27]            Le Règlement sur l'immigration, en ce qui concerne le facteur professionnel (le facteur 4), prévoit que des points d'appréciation sont attribués en fonction des possibilités d'emploi au Canada dans la profession [...] b) pour laquelle le requérant a exercé un nombre substantiel des fonctions principales dans la Classification nationale des professions, dont les fonctions essentielles. Selon le facteur « expérience » (le facteur 3), dans ce même Règlement, des points d'appréciation sont attribués pour l'expérience acquise dans la profession pour laquelle le requérant est apprécié selon l'article 4 (le facteur 4).

[28]            Comme il en a été mention, sous le titre « Fonctions principales » , au no 2132 de la CNP, il est dit que les ingénieurs mécaniciens exercent une partie ou l'ensemble des fonctions qui sont ensuite énumérées. J'adopte la remarque que Monsieur le juge O'Keefe a faite dans la décision Shinde c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [2001] A.C.F. no 1468 :

Il n'est pas nécessaire que la demanderesse exerce toutes les fonctions énumérées puisqu'il est indiqué que les conseillers en voyages « remplissent une partie ou l'ensemble des fonctions suivantes » . La Cour a déjà statué que l'obligation, pour un demandeur, de remplir « une partie ou l'ensemble des fonctions suivantes » signifie qu'il doit avoir exercé un nombre substantiel des fonctions principales énumérées dans la CNP, dont les fonctions essentielles.

[29]            La demande de résidence permanente a été présentée par un conseiller en immigration. Plusieurs documents, à savoir (1) un document sur les possibilités d'emploi au Canada pour les ingénieurs mécaniciens spécialisés dans les systèmes CVC, (2) des lettres des employeurs et (3) des lettres de clients faisant état du travail exécuté pour eux, étaient joints à la demande.


[30]            Ainsi, je note ce qui suit :

1.              Une lettre en date du 11 avril 2000 d'un hôtel, dans laquelle il est attesté que Nasim Rasa Co., représentée par l'ingénieur Javadi Nia, collaborait avec l'hôtel depuis 1997 pour préparer, construire, commander et effectuer chaque année des réparations et assurer des services à l'égard de deux groupes refroidisseurs à absorption;

2.            Une lettre en date du 16 mars 2000, qui traitait de la conception des installations d'un ensemble immobilier;

3.            Une lettre de Nasim Rasa Trading Co., en date du 19 juin 2000, qui confirme que le demandeur supervisait la mise en place, l'exploitation et l'entretien de groupes refroidisseurs de liquide à absorption;

4.            Une lettre de Nasim Rasa, attestant que le demandeur était autorisé à prendre les mesures nécessaires pour conclure des contrats;

5.            Une lettre dans laquelle on demandait qu'un représentant technique soit envoyé pour inspecter les groupes refroidisseurs.

[Non souligné dans l'original]

[31]            Le cas en cause est analogue à celui dont était saisie Madame le juge McGillis dans la décision Shaikh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (2000) 7 Imm. L.R. (3d) 178, où le juge a dit ce qui suit (paragraphe 6) :

L'avocat du demandeur a soutenu, entre autres, que l'agente des visas avait commis une erreur en ne tenant pas compte des éléments de preuve documentaire présentés par le demandeur, notamment du formulaire de « renseignements personnels » contenant une description détaillée des tâches qu'il avait exercées comme ingénieur [...] Un examen de l'affidavit de l'agente des visas confirme sans équivoque que celle-ci a évalué l'expérience du demandeur en se fondant uniquement sur les déclarations qu'il avait faites lors de l'entrevue. [...]. Bien que la lettre de son employeur n'ait pas fourni de détails concernant ses fonctions, le demandeur a néanmoins donné un aperçu détaillé de ses fonctions dans le formulaire de « renseignements personnels » . Toutefois, l'agente des visas n'a pas tenu compte de ces éléments de preuve ou elle les a mal interprétés lorsqu'elle a pris sa décision.

[Non souligné dans l'original]


[32]            À mon avis, la preuve, dans ce cas-ci, est beaucoup plus forte que celle qui avait été soumise devant le juge McGillis dans Shaikh, précitée. La preuve documentaire que le demandeur a soumise à l'appui de la demande ici en cause constitue un élément important lorsqu'il s'agit d'établir que celui-ci remplissait les conditions prévues au Règlement, c'est-à-dire qu'il exerçait un nombre substantiel des principales fonctions énoncées dans la CNP, y compris des fonctions essentielles telles que la conception. Or, l'agente des visas n'a pas tenu compte de cet élément de preuve ou elle l'a mal interprété.

[33]            Quant à la question de la conception, je note que l'agente des visas déclare dans son affidavit que, pendant l'entrevue, le demandeur n'a jamais déclaré qu'il étudiait, concevait ou élaborait les appareils eux-mêmes, soit des fonctions essentielles incombant à l'ingénieur mécanicien. Encore une fois, l'énoncé principal figurant au no 2132.0 de la CNP dit que « [l]es ingénieurs mécaniciens étudient, conçoivent et élaborent des appareils et des systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation » . Selon l'interprétation que je donne au no 2132.0 de la CNP, l'ingénieur mécanicien conçoit les systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation. L'agente des visas a interprété cette exigence d'une façon trop stricte lorsqu'elle a limité la conception aux appareils eux-mêmes.


Conclusion

[34]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision du 19 juillet 2001 de l'agente des visas est annulée et la demande que le demandeur a présentée en vue de résider en permanence au Canada doit être réexaminée par un agent des visas différent. Aucune question n'est certifiée.

                                                                                                  « F. Lemieux »              

                                                                                                                 Juge                    

Ottawa (Ontario)

Le 9 août 2002

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                               COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                          SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                            AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                  IMM-4234-01

INTITULÉ :                                 Mansoor Javadimia

et

le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :            Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :         le 27 juin 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                    Monsieur le juge Lemieux

DATE DES MOTIFS :                le 9 août 2002

COMPARUTIONS :

M. Jean-François Bertrand              POUR LE DEMANDEUR

Mme Caroline Cloutier et                 POUR LE DÉFENDEUR

Mme Jocelyne Murphy

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Bertrand Deslauriers                   POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

M. Morris Rosenberg                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.