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Date : 20210429


Dossier : IMM-1767-21

Référence : 2021 CF 381

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Holyrood (Terre‑Neuve‑et‑Labrador), le 29 avril 2021

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

MUMTAZ KHAN

demandeur

et

LE CONSEIL DE RÉGLEMENTATION DES CONSULTANTS EN IMMIGRATION DU CANADA ET

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] Par une ordonnance rendue le 15 mars 2021, un comité de discipline du Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada (le CRCIC ou le défendeur) a suspendu pour une période de six mois le permis d’exercer à titre de consultant en immigration de M. Mumtaz Khan. Les motifs de l’ordonnance ont été communiqués le 1er avril 2021.

[2] Le 16 mars 2021, le demandeur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire au titre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27. La demande était ainsi libellée :

[traduction]

Une ordonnance annulant la décision du comité de discipline du Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada (le CRCIC) et renvoyant l’affaire à un autre jury du comité de discipline du CRCIC pour nouvelle décision.

[3] Le 14 avril 2021, le demandeur a déposé une requête en sursis à l’exécution de l’ordonnance dans laquelle il sollicitait le redressement suivant :

[traduction]

Une ordonnance en sursis à l’exécution de l’ordonnance du comité de discipline du Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada (15 mars 2021) en attendant l’issue de la demande sous‑jacente d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision par laquelle le comité de discipline a suspendu le permis d’exercice du demandeur en tant que consultant en immigration et, si l’autorisation est accordée, jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue par la Cour dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire.

[4] Le demandeur a déposé son affidavit, souscrit le 8 mars 2021, à l’appui de sa requête en sursis. Il est un consultant en immigration autorisé et exerce ces fonctions depuis le 5 avril 2002. Il a décrit les conséquences qu’aura la suspension de son permis sur ses revenus, y compris une possible faillite. Il a mentionné une atteinte à sa réputation et les répercussions négatives de sa suspension sur les membres de sa famille.

[5] Le défendeur est l’organisme de réglementation désigné par le gouvernement du Canada pour superviser les professionnels de l’immigration dans l’intérêt du public.

[6] Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) est un défendeur dans le cadre de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. Il a indiqué qu’il ne participerait pas à la requête en sursis.

[7] Pour obtenir un sursis à l’exécution de l’ordonnance, le demandeur doit respecter le critère conjonctif à trois volets énoncé dans l’arrêt RJR‑MacDonald Inc. c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311 (CSC), c’est‑à‑dire qu’il doit démontrer qu’il existe une question sérieuse à juger découlant de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire sous‑jacente, qu’il subira un préjudice irréparable si le redressement demandé est refusé, et que la prépondérance des inconvénients penche en sa faveur.

[8] Tant le demandeur que le défendeur ont abordé ces trois volets.

[9] Dans ses observations, le défendeur a soulevé une objection préliminaire à la requête en sursis du demandeur, faisant valoir que l’ordonnance du 15 mars 2021 permettait au demandeur de présenter une requête au comité de discipline pour que l’ordonnance soit modifiée.

[10] Le défendeur soutient qu’aucune circonstance exceptionnelle ne justifie l’intervention de la Cour à ce stade puisque le demandeur n’a pas emprunté cette autre voie et qu’une procédure administrative est en cours.

[11] Avant de présenter leurs observations lors de l’audition de la requête, les avocats des parties ont pris connaissance de l’arrêt rendu récemment par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Lin c Canada (Sécurité publique et Protection civile); Cheng c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2021 CAF 81, et ils ont été invités à aborder la question du caractère prématuré.

[12] Dans l’arrêt Lin, précité, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit au paragraphe 5 :

[traduction]

En règle générale, une demande de contrôle judiciaire ne devrait pas être présentée tant que tous les recours administratifs disponibles et adéquats n’ont pas été exercés : C.B. Powell Limited c. Canada (Agence des services frontaliers), 2010 CAF 61, [2011] 2 R.C.F. 332; JP Morgan Asset Management (Canada) Inc. c. Canada (Revenu national), 2013 CAF 250, [2014] 2 R.C.F. 557, par. 84; Dugré c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 8; et, dans le contexte de l’immigration, voir Sidhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 260, 19 Imm. L.R. (3d) 113, citée avec approbation dans l’arrêt Somodi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 288, [2010] 4 R.C.F. 26, par. 19. À cela s’ajoute l’interdiction prévue à l’alinéa 72(2)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés de présenter une demande de contrôle judiciaire tant que les voies d’appel administratif ne sont pas épuisées.

[13] Le fait que l’appel dont la Cour d’appel fédérale était saisi concernait un renvoi à la Section de l’immigration ne signifie pas que son opinion sur la question du caractère prématuré n’est pas pertinente ou qu’elle ne s’applique pas à la présente affaire, dont le contexte est celui d’une mesure disciplinaire.

[14] À mon avis, compte tenu de l’existence d’un processus administratif susceptible de donner lieu à un redressement, le principe général sur le caractère prématuré s’applique en l’espèce.

[15] L’ordonnance du 15 mars 2021 prévoit expressément que le demandeur peut présenter une requête au comité de discipline pour que soit levée la suspension provisoire :

[traduction]

1. Que l’inscription de l’intimé en tant que consultant en immigration soit suspendue jusqu’à ce que l’un des événements suivants survienne :

a) une période de six mois s’est écoulée à partir de la date de la présente ordonnance sans que la suspension provisoire ait été modifiée de la façon décrite aux points b) ou c) ci‑dessous;

b) l’intimé présente une requête trois mois après la date de la présente ordonnance demandant au CRCIC de justifier le maintien de la suspension, et le jury du comité de discipline qui entend la requête lève la suspension, la prolonge ou la modifie d’une autre façon;

c) le jury du comité de discipline qui est saisi des plaintes non classées contre l’intimé lève la suspension, la prolonge ou la modifie d’une autre façon.

[16] Rien ne prouve que le demandeur ait emprunté cette voie. À mon avis, étant donné que pareil redressement est possible, le demandeur n’a pas réussi à démontrer que sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire soulève une question sérieuse à juger.

[17] En l’absence d’une question sérieuse à juger, la requête en sursis doit être rejetée. Il ne m’est pas nécessaire d’aborder les questions du préjudice irréparable et de la prépondérance des inconvénients.


ORDONNANCE dans le dossier IMM‑1767‑21

LA COUR ORDONNE que la requête est rejetée.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Blain McIntosh


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1767-21

 

INTITULÉ :

MUMTAZ KHAN c LE CONSEIL DE RÉGLEMENTATION DES CONSULTANTS EN IMMIGRATION DU CANADA ET LE MINISTÈRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE LE 26 AVRIL 2021 DEPUIS HOLYROOD (TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR) (LA COUR) ET TORONTO (ONTARIO) (LES PARTIES)

ORDONNANCE ET MOTIFS :

La juge HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 29 avril 2021

COMPARUTIONS :

Nastaran Roushan

POUR LE DEMANDEUR

Anna Wong

Adel Mian

POUR LE DÉFENDEUR

(CONSEIL DE RÉGLEMENTATION DES CONSULTANTS EN IMMIGRATION DU CANADA)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nastaran Roushan

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Anna Wong

Adel Mian

Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada

Burlington (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

(CONSEIL DE RÉGLEMENTATION DES CONSULTANTS EN IMMIGRATION DU CANADA)

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

(MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION)

 

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