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Date : 20210505


Dossier : T‑1396‑20

Référence : 2021 CF 395

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 5 mai 2021

En présence de monsieur le juge Barnes

ENTRE :

PREETIKA KARVAL

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie d’une demande faisant suite à la tentative infructueuse de la demanderesse (Mme Karval) de modifier sa demande de prestations parentales prévues à la Loi sur l’assurance‑emploi [la Loi], LC 1996, c 23. Lorsque Mme Karval a présenté sa demande initiale, elle a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées, mais, par la suite, elle a voulu obtenir des prestations standards réparties sur 35 semaines. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada [la Commission] a refusé de modifier la demande, parce que le paragraphe 23(1.2) de la Loi dispose que le choix est irrévocable dès lors que des prestations sont versées. Mme Karval a contesté cette décision de la Commission en s’adressant à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale [la division générale]. La division générale a rejeté son appel pour les motifs suivants :

[9] J’estime que, selon la prépondérance des probabilités, la prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées. Elle ne peut pas modifier son choix pour obtenir des prestations parentales standards, car elle a demandé un changement après avoir déjà commencé à recevoir des prestations parentales.

[10] La preuve concernant le type de prestations parentales que la prestataire a choisi est ambiguë. Il existe des éléments de preuve qui portent à croire que la prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées. Il n’existe aucun élément de preuve qui porte à croire qu’elle a choisi de recevoir des prestations parentales standards.

[11] Lorsque la preuve n’est pas claire dans un sens comme dans l’autre, je dois décider ce qui est le plus probable. Je dois prendre en considération tous les éléments de preuve et rendre une décision selon la prépondérance des probabilités. Je dois me demander s’il est plus probable que le contraire que la prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées?

[12] Le dernier jour de travail de la prestataire était le 10 mai 2019. Dans sa demande, la prestataire a indiqué qu’elle ne savait pas quand elle retournerait au travail. Le relevé d’emploi (RE) indiquait aussi que la date de retour au travail de la prestataire était inconnue.

[13] Durant le processus de révision, la prestataire a dit à la Commission qu’elle s’attendait à être en congé pendant un an environ. À l’audience, elle a dit qu’elle n’avait pas prévu de date de retour au travail. Elle a affirmé qu’elle s’attendait à être en congé pendant un an environ.

[14] Le RE et la demande indiquent tous les deux que la prestataire n’avait pas prévu de date de retour au travail. Plusieurs mois après avoir arrêté de travailler, la prestataire a dit à la Commission qu’elle avait initialement eu l’intention de prendre un congé d’un an. Elle a dit la même chose à l’audience. Elle est retournée travailler pour un nouvel employeur en mars 2020. Elle a en fait été en congé pendant environ 10 mois.

[15] Je crois que les affirmations faites en premier sont les plus fiables. J’accorde plus de poids à la demande et au RE. Je crois qu’il est probable que la prestataire n’ait pas prévu de date de retour au travail. La prestataire n’a pas prouvé qu’elle s’était entendue avec son employeur pour retourner au travail après un an.

[16] Dans sa demande, la prestataire avait le choix entre des prestations parentales standards et des prestations prolongées. Elle a choisi les prestations parentales prolongées. Dans le champ demandant combien de semaines de prestations parentales elle voulait, la prestataire a indiqué qu’elle voulait 61 semaines de prestations parentales. Il s’agit du nombre maximal de semaines de prestations parentales prolongées. Cela signifie que la prestataire a demandé 76 semaines de prestations au total (15 semaines de prestations de maternité et 61 semaines de prestations parentales).

[17] Il n’y a aucune contradiction évidente dans le formulaire de demande. La prestataire a affirmé qu’elle ne savait pas quand elle retournerait au travail. Elle a demandé le nombre maximum de semaines de prestations parentales. Ces affirmations ne se contredisent pas.

[18] À l’audience, la prestataire a dit qu’elle ne comprenait pas la différence entre les prestations de maternité et les prestations parentales. Elle a dit qu’elle croyait qu’il s’agissait du même type de prestations. Elle a affirmé qu’elle avait demandé 61 semaines de prestations parentales parce qu’elle croyait qu’elle demandait 61 semaines de congé au total. Elle a dit qu’elle voulait l’option qui lui donnerait un an de prestations. Je ne trouve pas cette explication crédible. Soixante‑et‑une semaines est neuf semaines de plus qu’un an. Je ne crois pas qu’il est plausible que la prestataire s’attendait à retourner au travail après un an environ, mais qu’elle a demandé à la Commission de lui verser des prestations pendant 14 ou 15 mois. Je crois qu’il est plus probable que la prestataire ait demandé 61 semaines de prestations parentales parce qu’elle voulait recevoir des prestations pendant plus d’un an.

[19] Le formulaire de demande explique que le taux de prestations hebdomadaires est différent selon le type de prestations parentales choisi. La demande dit que les personnes qui demandent des prestations parentales standards recevront 55 % de leur rémunération hebdomadaire normale. Celles qui demandent des prestations parentales prolongées recevront 33 % de leur rémunération hebdomadaire normale.

[20] Le taux de prestations de la prestataire a diminué à 33 % de sa rémunération hebdomadaire normale au début de la semaine du 1er septembre 2019. La prestataire a reçu des prestations parentales au taux réduit pendant près de six mois, mais elle n’a pas communiqué avec la Commission pour lui demander une explication. Elle a seulement communiqué avec la Commission à la fin de février 2020.

[21] À l’audience, la prestataire a dit qu’elle n’avait pas communiqué avec la Commission au sujet du changement de son taux de prestations hebdomadaires parce qu’elle a supposé que la Commission avait calculé le taux correctement.

[22] Je ne trouve pas que l’explication de la prestataire est crédible. Je crois qu’il est plus probable qu’elle ait lu et compris l’information dans le formulaire de demande concernant le taux de prestations hebdomadaires. Je crois que la prestataire n’a pas posé de questions à la Commission au sujet du changement à son taux de prestations parce qu’elle s’attendait à ce que son taux de prestations change. Je crois que la prestataire comprenait qu’elle avait choisi le type de prestations parentales qui correspondait à 33 % de sa rémunération hebdomadaire normale.

[23] Dans la lettre qu’elle a jointe à sa demande de révision, la prestataire a dit qu’elle ne savait pas qu’il y avait une date d’échéance pour modifier son choix de prestations parentales. Elle a dit que la Commission ne lui avait pas dit qu’elle pouvait modifier son choix. La prestataire n’a pas dit que la Commission avait commis une erreur par rapport à son choix. Elle n’a pas dit qu’elle avait eu l’intention de demander des prestations parentales standards depuis le début. Je crois que la prestataire aurait probablement dit qu’il y avait eu une erreur si elle croyait que la Commission avait mal compris son choix.

[24] La prestataire n’a pas pris de dispositions pour retourner au travail après un congé d’un an. Elle a choisi l’option des prestations parentales prolongées sur son formulaire. Elle a demandé 61 semaines de prestations parentales à la Commission. Cela équivaut à plus d’un an de prestations, et il s’agit du nombre maximal de semaines de prestations parentales prolongées. Il n’y a aucune contradiction évidente dans sa demande au sujet de sa date de retour au travail et de son nombre de semaines de prestations. Elle n’a pas communiqué avec la Commission lorsque son taux de prestations a diminué. Elle a reçu des prestations au taux réduit pendant près de six mois sans demander d’explication à la Commission. Dans se demande de révision, elle a dit qu’elle ne savait pas qu’elle avait le droit de modifier son choix. Elle n’a pas dit qu’une erreur avait été commise par rapport au type de prestations parentales qu’elle avait eu l’intention de choisir. Je crois que tous ces facteurs portent à croire que la prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales prolongées lorsqu’elle a fait sa demande.

[25] Je reconnais qu’à l’audience, la prestataire a dit qu’elle ne comprenait pas. Elle a dit qu’elle avait seulement eu l’intention de prendre un an de congé. Toutefois, la prestataire a fait ces affirmations plus d’un an après avoir fait sa demande de prestations d’AE et son choix de prestations. Je crois que les affirmations de la prestataire à l’audience ont moins de poids que les autres éléments de preuve.

[26] Lorsque je prends en considération toutes les circonstances, je crois qu’il est plus probable que le contraire que la prestataire a choisi les prestations parentales prolongées lorsqu’elle a rempli sa demande. Je ne pense pas qu’il est probable que la prestataire avait l’intention de choisir les prestations parentales standards.

[27] La prestataire a demandé à la Commission de modifier son type de prestations parentales après avoir déjà reçu plusieurs semaines de prestations parentales. La loi ne permet pas à la prestataire de modifier son choix une fois qu’elle a déjà commencé à recevoir des prestations parentales. La prestataire ne peut donc pas modifier son choix.

[Notes de bas de page omises.]

[2] Mme Karval a porté en appel la décision de la division générale devant la division d’appel [le Tribunal], qui a refusé d’accorder la permission d’en appeler puisque Mme Karval n’était pas parvenue à la convaincre, conformément à l’article 58 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du développement social, LC 2005, c 34, que l’appel avait une chance raisonnable de succès. C’est à la suite de cette décision que la demande en l’espèce a été déposée.

[3] Les arguments de Mme Karval dans la présente instance reflètent pour l’essentiel ceux qu’elle a fait valoir sans succès devant la Commission, la division générale et le Tribunal. Ils peuvent se résumer ainsi :

  • a) la Commission a omis de l’informer qu’il y avait une date limite pour modifier le type de prestations parentales choisi;

  • b) la Commission s’est trompée en refusant de croire que Mme Karval avait choisi les prestations parentales prolongées par erreur en raison du formulaire en ligne équivoque et trompeur;

  • c) la Commission devrait obliger les prestataires à préciser une date exacte de retour au travail et aurait dû refuser la déclaration de Mme Karval suivant laquelle sa date de retour était inconnue;

  • d) la division générale a agi inéquitablement en obtenant le Relevé d’emploi [RE] original de Mme Karval auprès de la Commission après l’audience;

  • e) le Tribunal a agi inéquitablement en refusant de tenir compte de nouveaux éléments de preuve, soit une lettre de l’employeur de Mme Karval qui concernait sa date prévue de retour au travail.

I. La norme de contrôle

[4] Un demandeur qui s’adresse à la Cour fédérale pour que cette dernière contrôle une décision fondée sur la preuve rendue par un décideur spécialisé comme le Tribunal peut obtenir gain de cause seulement si la décision peut être jugée déraisonnable. Autrement dit, la décision ne sera pas écartée du simple fait qu’une autre issue aurait été possible, et ce, même quand la Cour aurait pu parvenir à une décision différente sur la foi des mêmes éléments de preuve. Il incombe à la Cour de déterminer si la décision du Tribunal en l’espèce était défendable au regard des faits et du droit.

[5] Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] ACS no 65, la Cour suprême du Canada a décrit le degré de déférence auquel doit s’astreindre la cour de révision dans les cas comme en l’espèce :

[83] Il s’ensuit que le contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable doit s’intéresser à la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision. Le rôle des cours de justice consiste, en pareil cas, à réviser la décision et, en général à tout le moins, à s’abstenir de trancher elles‑mêmes la question en litige. Une cour de justice qui applique la norme de contrôle de la décision raisonnable ne se demande donc pas quelle décision elle aurait rendue à la place du décideur administratif, ne tente pas de prendre en compte l’« éventail » des conclusions qu’aurait pu tirer le décideur, ne se livre pas à une analyse de novo, et ne cherche pas à déterminer la solution « correcte » au problème. Dans l’arrêt Delios c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 117, la Cour d’appel fédérale a signalé que « le juge réformateur n’établit pas son propre critère pour ensuite jauger ce qu’a fait l’administrateur » : par. 28; voir aussi Ryan, par. 50‑51. La cour de révision n’est plutôt appelée qu’à décider du caractère raisonnable de la décision rendue par le décideur administratif — ce qui inclut à la fois le raisonnement suivi et le résultat obtenu.

[84] Comme nous l’avons expliqué précédemment, les motifs écrits fournis par le décideur administratif servent à communiquer la justification de sa décision. Toute méthode raisonnée de contrôle selon la norme de la décision raisonnable s’intéresse avant tout aux motifs de la décision. Dans le cadre de son analyse du caractère raisonnable d’une décision, une cour de révision doit d’abord examiner les motifs donnés avec « une attention respectueuse », et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à sa conclusion : voir Dunsmuir, par. 48, citant D. Dyzenhaus, « The Politics of Deference: Judicial Review and Democracy », dans M. Taggart, dir., The Province of Administrative Law (1997), 279, p. 286.

[85] Comprendre le raisonnement qui a mené à la décision administrative permet à la cour de révision de déterminer si la décision dans son ensemble est raisonnable. Comme nous l’expliquerons davantage, une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti. La norme de la décision raisonnable exige de la cour de justice qu’elle fasse preuve de déférence envers une telle décision.

[6] Dans des décisions antérieures portant sur le contrôle judiciaire des décisions du Tribunal relatives à la permission d’en appeler, la Cour fédérale a parlé de la « grande » retenue qui doit être appliquée : voir Hideq c Canada, 2017 CF 439, [2017] ACF n438 au para 8, et Canada c O’Keefe, 2016 CF 503, [2016] ACF n796 au para 17.

[7] Les plaintes de Mme Karval touchant l’iniquité procédurale seront examinées en fonction de la norme de la décision correcte.

II. Analyse

[8] Après avoir examiné la décision du Tribunal en l’espèce au regard des normes de contrôle décrites ci‑dessus, je ne relève aucun élément qui justifierait de l’annuler. De fait, la décision du Tribunal est équitable, judicieuse et conforme à la preuve. Même si Mme Karval fait état d’erreurs commises par la Commission, par la division générale et par le Tribunal, les refus de chacune des instances d’accorder un redressement étaient justifiés, particulièrement à la lumière des renseignements donnés par Mme Karval et des choix qu’elle avait faits. Ce qui semble s’être produit, c’est que Mme Karval a opté pour des prestations parentales prolongées et des prestations de maternité en ne sachant pas exactement à quelle date elle retournerait au travail. Puis, après avoir reçu des prestations moindres pendant six (6) mois, elle s’est ravisée. Elle a demandé que sa période de prestations soit réduite afin de toucher des prestations plus généreuses. Malheureusement, cette avenue n’était pas possible en raison du paragraphe 23(1.2) de la Loi sur l’assurance‑emploi, LC 1996, c 23, qui interdit une telle modification si des prestations ont été versées après le choix initial.

[9] Mme Karval ne connaissait apparemment pas cette restriction dans la loi (voir le para 29 de la décision du Tribunal), mais cette méconnaissance n’est pas imputable à une erreur de la Commission. En effet, le formulaire de demande en ligne précise clairement que les prestations standards sont calculées à raison de 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable et que ce taux baisse à 33 % pour les prestations prolongées. La demande comporte aussi l’information suivante :

Une fois que des prestations parentales ont été versées pour une demande, il n’est plus possible de modifier le choix entre les prestations parentales standard et les prestations parentales prolongées.

[10] Mme Karval a choisi de recevoir des prestations prolongées et ne peut se plaindre que la Commission l’aurait induite en erreur d’une quelconque façon ou qu’elle aurait dû lui répéter qu’elle ne pouvait modifier son choix une fois que des prestations lui auraient été versées.

[11] L’affirmation de Mme Karval au sujet d’informations manquantes et de la confusion engendrée par le formulaire de demande de prestations, facteurs qui auraient mené à son erreur, pose plusieurs problèmes. Par exemple, les questions que Mme Karval trouve maintenant nébuleuses ne le sont pas, objectivement, et les explications données aux prestataires ne manquent pas vraiment de détails. Ce programme en soi n’est pas démesurément difficile à comprendre. Les prestations de maternité sont versées pendant 15 semaines, suivies de prestations parentales dont peuvent se prévaloir un des deux parents ou les deux. Les prestations parentales peuvent être calculées de deux façons. Il y a les prestations standards, qui correspondent à 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable et sont versées pendant 35 semaines. Il y a aussi les prestations prolongées qui sont versées à un taux réduit (33 %) sur une période pouvant aller jusqu’à 61 semaines. Une fois que des prestations sont versées, le choix ne peut être modifié.

[12] La demande en ligne décrit le programme de prestations parentales ainsi :

[TRADUCTION]

Renseignements relatifs aux parents

Les questions et les champs marqués d’un astérisque (*) sont obligatoires.

Les prestations parentales ne sont payables qu’aux parents biologiques, adoptifs ou légalement reconnus qui s’occupent de leur nouveau‑né ou de leur enfant nouvellement adopté.

Pour qu’une personne qui n’est pas le parent biologique ou adoptif soit considérée comme un parent légal aux fins du versement des prestations parentales d’assurance‑emploi, elle doit être reconnue comme tel par sa province ou son territoire sur le certificat de naissance et doit avoir pris un congé pour prendre soin de l’enfant ou des enfants.

Option standard :

Ÿ Le taux de prestations est à 55 % de votre rémunération hebdomadaire assurable jusqu’à concurrence d’un montant maximal.

Ÿ Jusqu’à 35 semaines de prestations sont payables à l’un des parents.

Ÿ Si les prestations parentales sont partagées, jusqu’à un total combiné de 40 semaines sont payables si l’enfant est né ou a été placé en vue d’une adoption le 17 mars 2019 ou après cette date.

Option prolongée :

Ÿ Le taux de prestations est à 33 % de votre rémunération hebdomadaire assurable jusqu’à concurrence d’un montant maximal.

Ÿ Jusqu’à 61 semaines de prestations sont payables à l’un des parents.

Ÿ Si les prestations parentales sont partagées, jusqu’à un total combiné de 69 semaines sont payables si l’enfant est né ou a été placé en vue d’une adoption le 17 mars 2019 ou après cette date.

Si les prestations parentales sont partagées, l’option choisie par le parent qui présente sa demande de prestations en premier s’applique à l’autre parent.

Il est important que les deux parents choisissent la même option afin d’éviter les retards ou le versement de prestations inexactes.

Une fois que des prestations parentales ont été versées pour une demande, il n’est plus possible de modifier le choix entre les prestations parentales standards et les prestations parentales prolongées.

* Sélectionnez le type de prestations parentales que vous souhaitez demander :

¡ Option standard

¤ Option prolongée

[En caractères réguliers et non souligné dans l’original.]

[13] En réponse aux questions posées ci‑dessus, Mme Karval a répondu sans équivoque qu’elle choisissait l’option prolongée de 61 semaines. Elle a reçu des prestations conformément à ce choix pendant six (6) mois avant de tenter de passer à l’option standard.

[14] Même s’il est fort possible que Mme Karval n’ait pas compris exactement comment fonctionnait le programme de prestations de maternité et de prestations parentales, on ne peut pas conclure en toute équité que ses choix clairs découlent du fait qu’elle a été induite en erreur par la Commission. Il est certain que bon nombre de programmes de prestations gouvernementales sont complexes et assortis de conditions d’admissibilité strictes. Il est presque toujours possible, après coup, de conclure qu’il aurait fallu donner plus d’information, recourir à un langage plus clair et fournir de meilleures explications. Si un prestataire est réellement induit en erreur parce qu’il s’est fié à des renseignements officiels et erronés, la doctrine des attentes raisonnables lui offre certains recours juridiques. Cependant, lorsqu’une prestataire comme Mme Karval n’est pas induite en erreur, mais qu’elle ne possède tout simplement pas les connaissances nécessaires pour répondre correctement à des questions qui ne sont pas ambiguës, il n’y a aucun recours possible en droit. Il incombe fondamentalement au prestataire d’analyser soigneusement les options possibles et de tenter de les comprendre puis, si des doutes subsistent, de poser des questions. Mme Karval a délibérément opté pour des prestations prolongées et, si elle avait lu le formulaire, elle aurait compris que le montant des prestations était alors moindre. Elle aurait été également au fait que son choix était irrévocable une fois que des prestations lui étaient versées. Ces éléments d’information étaient clairement énoncés dans le formulaire et résidaient au cœur de la décision de la division générale de rejeter son appel et de la décision du Tribunal de lui refuser la permission d’en appeler.

[15] Mme Karval conteste aussi l’analyse relative à sa date de retour au travail. Selon elle, le Tribunal aurait dû tirer la conclusion, à la lumière de la preuve, qu’elle avait toujours eu l’intention de retourner au travail après un (1) an et que la Commission avait commis une erreur en acceptant telle quelle sa demande de prestations prolongées. De plus, le Tribunal se serait trompé en refusant d’accepter en preuve une lettre où l’employeur clarifiait la question de la date de retour au travail. L’analyse du Tribunal sur ce point est exposée dans les paragraphes suivants de la décision :

[33] Je note que la prestataire a envoyé une lettre de son employeur à la division générale avec sa demande d’annulation ou de modification. Dans la lettre, l’employeur aborde la date de retour au travail prévue de la prestataire. Toutefois, la division générale n’a pas estimé qu’elle pouvait annuler ou modifier la décision en se fondant sur cette lettre. La prestataire a fait appel de ce refus à la division d’appel (AD‑20‑778) séparément du présent appel.

[34] La prestataire a essayé de soumettre la lettre de l’employeur dans le cadre du présent appel, mais la division d’appel lui a dit qu’elle ne pouvait pas prendre en considération de nouveaux éléments de preuve qui n’étaient pas devant la division générale lorsqu’elle a rendu sa décision. La division générale n’avait pas la lettre de l’employeur de la prestataire lorsqu’elle a rendu sa décision du 18 juin 2020, qui est la décision qui fait l’objet du présent appel.

[35] Il n’y avait aucun élément de preuve devant la division générale lui permettant de conclure que la prestataire avait convenu avec son employeur de retourner au travail après un an. La division générale a noté que la prestataire avait elle‑même affirmé qu’elle n’avait pas convenu d’une date de retour au travail avec son employeur. Elle a pris en considération le fait que la prestataire avait dit qu’elle ne savait pas quand elle retournerait au travail dans sa demande de prestations. Elle a aussi pris en considération le RE original, dans lequel l’employeur a écrit que sa date de retour au travail était « inconnue ».

[38] Ni la prestataire ni l’employeur n’a fourni à la Commission une date de retour prévue. Le formulaire de demande de prestations permet à une personne d’inscrire une date de retour prévue au travail. Le formulaire de demande comprend un champ qui demande à la partie prestataire si elle sait à quelle date elle retournera au travail. Si la partie prestataire répond « oui », le formulaire demande quelle est la date de retour prévue au travail. La prestataire a indiqué qu’elle ne savait pas quand elle retournerait au travail. Le RE permet à un employeur d’indiquer la date de retour prévue au travail. Il comprend une section où on demande la date prévue de rappel au travail, mais il permet à l’employeur de cocher une case lorsqu’elle est [traduction] « inconnue ». L’employeur a coché cette case.

[39] La division générale avait le droit de considérer le formulaire de demande comme un élément de preuve démontrant que la prestataire ne savait pas quand elle retournerait au travail. Elle avait aussi le droit de considérer le RE original comme un élément de preuve démontrant que l’employeur ne connaissait pas sa date de retour au travail. La division générale doit rendre une décision à l’aide de tous les éléments de preuve portés à sa connaissance, et elle a le droit d’apprécier ces éléments de preuve comme bon lui semble.

[40] Le fardeau de la preuve reposait sur la prestataire à la division générale. Cela signifie que la prestataire a dû trouver et présenter des éléments de preuve pour démontrer à la division générale que la décision de la Commission était erronée. La prestataire croit que le formulaire de demande et le RE devraient exiger que l’on inscrive une date de retour au travail. Que cela soit approprié ou non, ni la prestataire ni l’employeur n’a indiqué de date de retour au travail dans ce cas‑ci. La division générale devait rendre une décision en se fondant sur la preuve devant elle. La prestataire ne peut pas démontrer que la division générale a commis une erreur en omettant de prendre en considération des éléments de preuve qui n’avaient même pas été portés à sa connaissance.

[Renvois omis.]

[16] Il n’y a rien de déraisonnable dans l’appréciation de la preuve faite par la Commission, ainsi que je l’ai précisé plus haut. Mme Karval n’a pas démontré qu’une erreur a été commise au sujet de sa date de retour prévue au travail. Le formulaire de demande mentionnait clairement qu’elle ne savait pas quand elle retournerait au travail. Si sa date de retour au travail était connue, elle avait la possibilité de l’indiquer dans sa demande. Elle a plutôt choisi de recevoir des prestations prolongées sur une période de 61 semaines, même si d’autres options étaient offertes (voir la décision du Tribunal au para 46). Le RE original comme le RE modifié fournis par l’employeur indiquaient que la date de retour au travail de Mme Karval était inconnue. Mme Karval a déclaré à la division générale qu’elle n’avait pas fixé de date ferme avec son employeur. En conséquence, il n’y a rien qui appuie l’argument de Mme Karval selon lequel il existerait une obligation accrue quelconque pour la Commission d’obtenir de sa part plus d’information que ce qui était inscrit sur le formulaire. Il n’y a rien non plus de très confus dans la demande remplie par Mme Karval. Si ce document la rendait perplexe, Mme Karval aurait pu appeler la Commission au lieu de donner des réponses qui ne reflètent plus maintenant, selon elle, ses intentions véritables. En simplifiant le plus possible, disons que Mme Karval a clairement choisi de recevoir des prestations prolongées, n’a donné aucun signe à la Commission indiquant qu’elle était confuse, n’a pas tenté rapidement de son propre chef de clarifier les options qui lui étaient offertes, a reçu des prestations prolongées réduites pendant six (6) mois et, en application du paragraphe 23(1.2) de la Loi sur l’assurance‑emploi, ne pouvait plus dès lors modifier son choix de prestations. Dans ces circonstances, la décision du Tribunal, soit que l’appel de Mme Karval n’avait pas de chance raisonnable de succès, était en soi raisonnable.

[17] Comme le Tribunal l’a conclu, il n’y a eu aucun manquement à l’équité lorsque la division générale a demandé à la Commission, après l’audience, de lui transmettre une copie du RE original de Mme Karval. La division générale voulait ainsi vérifier si le premier document comportait une date de retour au travail différente de celle qui figurait sur le RE modifié. La division générale a informé Mme Karval de cette démarche, l’a jointe en copie à sa demande et lui a envoyé par courriel le RE qu’elle a reçu. Mme Karval ne s’y est pas opposée et n’a présenté aucune autre observation au sujet de l’importance de ce document pour son appel.

[18] Mme Karval affirme maintenant qu’elle ne savait pas qu’elle aurait pu présenter d’autres observations sur son RE. Toutefois, quand elle a été questionnée sur ce point, elle n’a pu expliquer en quoi l’acceptation de ce document en preuve aurait pu changer l’issue de sa contestation. En fin de compte, la teneur des deux RE était la même, soit que la date de retour au travail de Mme Karval était alors inconnue. Le RE original n’ajoutait rien de nouveau et n’a pas pesé lourd dans la décision. Dans ces circonstances, il n’était pas contraire à l’équité procédurale d’obtenir le document auprès de la Commission après l’audience.

[19] Mme Karval fait valoir également qu’il était injuste et incohérent pour le Tribunal de rejeter une lettre de son employeur qui concernait aussi sa date de retour au travail. La lettre n’a pas été transmise à la division générale, de sorte que le Tribunal l’a écartée. Il est aussi important de souligner que la lettre ne contredisait pas ce que l’employeur avait inscrit sur le RE ni ce que Mme Karval avait déclaré dans sa demande de prestations. Elle indiquait simplement qu’en date du 7 novembre 2019, il était [TRADUCTION] « prévu que Mme Karval revienne de son congé en mai 2020 ». Cette information concorde parfaitement avec la conclusion tirée par la division générale, soit que la date de retour au travail était inconnue lorsque Mme Karval a présenté sa demande en mai 2019 et que cette situation a seulement changé après la date où le choix devenait irrévocable. En bref, la lettre de l’employeur ne corroborait pas la prétention de Mme Karval selon laquelle elle avait toujours eu l’intention de retourner au travail après une année de congé, et le refus du Tribunal d’admettre cette lettre en preuve n’était pas déterminant ni injuste.

[20] Pour ces motifs, la demande en l’espèce est rejetée.

[21] Aucuns dépens n’ont été demandés et aucuns ne sont accordés.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T‑1396‑20

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« R.L. Barnes »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Référence :

T‑1396‑20

 

INTITULÉ :

PREETIKA KARVAL c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

CALGARY (ALBERTA)

EDMONTON (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 AVRIL 2021

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS :

LE 5 MAI 2021

 

COMPARUTIONS :

Preetika Karval

POUR LA DEMANDERESSE

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Matthew Chao

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

S.O.

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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