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Date : 20020410

Dossier : IMM-2226-01

Référence neutre : 2002 CFPI 413

Toronto (Ontario), le mercredi 10 avril 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

ENTRE :

                   MARIA DEL CARMEN MIER VASQUEZ

                          MARIA GABRIEL ARIAS MIER

                              JOSUE JAVIER ARIAS MIER

                                                                                                Demandeurs

                                                    - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                   Défendeur

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


Les demandeurs sont une mère et ses deux enfants, âgés de 13 et de 10 ans, qui sont citoyens de l'Équateur. Ils sont arrivés au Canada en juin 1992 et ont continuellement vécu au Canada pendant neuf années. Les enfants en particulier sont bien établis au Canada, y fréquentant l'école et ayant tissé des liens significatifs. Ils n'ont aucun souvenir de l'Équateur et ils considèrent que le Canada est leur pays.

Lorsque les demandeurs sont arrivés au Canada, ils ont présenté une revendication du statut de réfugié qui a été rejetée. Depuis, la demanderesse principale a divorcé de son premier époux, le père biologique des enfants, et s'est remariée. Son époux actuel est un citoyen canadien et il parraine la demande de résidence permanente des demandeurs. La demanderesse principale a présenté une demande CH pour obtenir la permission de faire sa demande d'établissement depuis le Canada.

Le 17 avril 2001, la demande CH a été rejetée. Les demandeurs ont déposé la présente demande de contrôle judiciaire pour contester cette décision.

L'aspect prédominant de la décision de l'agente d'immigration concerne le manque d'authenticité du mariage de la demanderesse principale. L'avocat des demandeurs a confirmé, lors de l'audition de la présente affaire, que cette conclusion n'était pas contestée. Il soutient, toutefois, qu'en dépit de ce fait, l'agente d'immigration a omis d'examiner correctement l'intérêt supérieur des demandeurs mineurs conformément aux principes soulignés par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.


       Lors de la présentation de la demande CH, les demandeurs n'étaient pas représentés. La seule preuve présentée en ce qui concerne l'intérêt supérieur des demandeurs mineurs était la propre déclaration de la demanderesse principale ainsi qu'une lettre de la directrice et de deux professeurs de l'école fréquentée par les demandeurs mineurs.

       La déclaration de la demanderesse principale incluse dans la demande CH de février 2000 est ainsi rédigée :

[traduction]

Mes enfants et moi-même vivons au Canada depuis les neuf dernières années. Mes enfants fréquentent l'école et ils ont de très bons résultats. Un départ éventuel du Canada entraînerait des difficultés non seulement pour mes enfants, qui ne pourraient plus continuer d'aller à l'école, mais également pour mon époux et moi-même en raison de la séparation. (Dossier de la demande de la demanderesse, p. 24).

       La lettre émanant de la directrice et des professeurs de l'école catholique St. Conrad datée du 8 mars 2001 et ainsi rédigée :

[traduction]

Madame, Monsieur,

Nous avons été mis au courant que Gabriella et Josue Arias avaient demandé le statut de résident permanent. Nous écrivons afin de demander que le tort irréparable sur le plan psychologique et du développement qui leur sera probablement causé soit pris en considération.

Ces deux jeunes personnes sont au Canada depuis huit années et considèrent ce pays comme leur pays. Elles se sont très bien assimilées à leur environnement et elles ont contribué de nombreuses manières à leur collectivité. Les deux élèves possèdent de très bonnes aptitudes intellectuelles et ils en souffriraient s'ils étaient forcés de quitter l'école. Ils sont bien établis et ont de nombreux amis. Les deux élèves ont de bonnes notes et apprennent avec empressement. Sur le plan scolaire, nous croyons qu'il ne peut que découler un préjudice du long délai associé à leur audience.


Nous demandons respectueusement que l'avenir psychologique, social et scolaire de ces enfants soit pris en considération. Ils méritent une bonne éducation, et le bouleversement qui découlerait de leur éloignement de leur école, de leurs amis et de leur collectivité pour les entraîner vers un endroit dont ils se souviennent à peine constituerait un préjudice irréparable. Cela ne fera qu'entraver leur croissance au niveau psychologique, social et scolaire en tant que jeunes Canadiens.

Nous vous remercions de prendre cette question en considération.

Nous vous prions d'agréer, Madame, Monsieur, nos salutations distinguées.

Marguerite Thomson              S. DiMarco              S. Cannatelli

Directrice                                   Professeur                 Professeur

(Dossier de la demande de la demanderesse, p. 15)

       À la suite d'une analyse complète et détaillée du manque d'authenticité du mariage de la demanderesse principale, l'agente d'immigration, dans ses motifs, n'a déclaré que ce qui suit au sujet de l'intérêt supérieur de enfants :

[traduction]

De plus, j'ai examiné la situation des deux enfants de la demanderesse, Gabriela et Josué. Il est compréhensible qu'ils sont établis au Canada et qu'ils ne souhaitent pas retourner dans leur pays d'origine. J'ai tenu compte du fait qu'ils étaient très jeunes lorsqu'ils ont quitté l'Équateur. Toutefois, à mon avis, ils sont encore à un âge où ils peuvent s'ajuster à une nouvelle vie en Équateur. Je ne suis pas convaincue qu'ils subiraient un préjudice injustifié ou disproportionné s'ils étaient renvoyés du Canada puisque je crois qu'il est dans leur intérêt supérieur de se trouver dans un environnement sécuritaire accompagnés de leurs parents, et rien n'indique que cela sera mis en péril s'ils retournaient en Équateur. De plus, on doit prendre note que le fait de choisir de rester au Canada après le rejet de leur revendication du statut de réfugié et l'entrée en vigueur de leur mesure de renvoi en 1992 est une décision que Mme Mier et son ex-époux ont prise (Dossier de la demande de la demanderesse, p. 9).


       Les demandeurs soutiennent que l'agente d'immigration n'a pas abordé le préjudice éventuel qu'un déménagement forcé du Canada vers l'Équateur provoquerait sur l'éducation, le développement et la santé psychologique des enfants et que la question de savoir comment on subviendrait financièrement aux besoins des enfants n'a pas non plus été examinée. Enfin, les demandeurs soutiennent que l'agente d'immigration n'avait pas de fondement probant pour appuyer sa conclusion selon laquelle les enfants ne subiraient pas de préjudice injustifié ou disproportionné s'ils étaient renvoyés du Canada et que la preuve fournie, soit la lettre de la directrice et des professeurs de l'école fréquentée par les enfants, a été écartée.

     Le défendeur soutient que les motifs susmentionnés indiquent que l'agente d'immigration s'est penchée sur l'effet du renvoi sur les enfants. La lettre fournie par l'école n'indique pas que les enfants subiraient des difficultés en Équateur mais ne fait que souligner les liens que les enfants ont créés et le fait évident qu'il serait à leur avantage de demeurer au Canada. Le défendeur fait valoir que, eu égard aux autres conclusions de l'agente d'immigration relativement à l'authenticité du mariage, la décision est raisonnable. En outre, le défendeur fait remarquer que les demandeurs n'ont pas présenté de preuve faisant état d'un manque de soutien financier ou portant sur les conditions de vie en Équateur.


     Les demandeurs ont correctement fait valoir que l'arrêt Baker fait autorité quant aux demandes CH concernant des enfants. Les agents d'immigration doivent être « réceptif[s], attentif[s] et sensible[s] » et accorder un poids considérable à l'intérêt supérieur des enfants. À mon avis, l'agente d'immigration ne l'a sans doute pas fait en l'espèce. Son évaluation est superficielle et ne tient pas compte des conditions de vie réelles que connaîtraient les enfants en Équateur. Il convient de se demander, toutefois, qui porte la responsabilité de cette omission.

     À mon avis, bien que la responsabilité soit partagée entre la demanderesse principale et l'agente d'immigration, au vu des circonstances particulières de l'espèce, cette dernière n'a pas sollicité l'opinion des enfants eux-mêmes ni examiné les documents qui avaient été déposés devant elle.

     Les demandeurs mineurs étaient disponibles pour parler avec l'agente d'immigration au moment de la deuxième entrevue. La demanderesse principale soutient que l'agente d'immigration lui a dit que les enfants devaient attendre à l'extérieur. Toutefois, l'agente d'immigration déclare qu'on lui a demandé si la présence des enfants était nécessaire et qu'elle a répondu par la négative. Elle déclare que si elle avait su que l'un des demandeurs mineurs avait des commentaires à formuler, elle lui aurait permis de participer à l'entrevue (dossier du défendeur, p. 2).


     À mon avis, la comparution des demandeurs mineurs sous-entendait qu'ils avaient une opinion à formuler sur leur sort éventuel. Peu importe la question de savoir si c'était de la faute de la demanderesse principale, qui n'a pas demandé précisément à ce qu'ils soient autorisés à parler, ou de celle de l'agente d'immigration, qui n'a pas demandé s'ils souhaitaient parler, le résultat est que leur opinion n'a pas été exprimée. À mon avis, cela aurait dû être le cas.

     Je conclus selon les faits de l'espèce qu'on en savait peu au sujet des enfants, de leur constitution psychologique, de leur position et de leurs besoins ainsi que de l'incidence véritable de leur retour en Équateur. L'agente d'immigration n'a pas profité de la possibilité présentée par la disponibilité des demandeurs mineurs au moment de la deuxième entrevue. En conséquence, à mon avis, la décision relative à la demande CH est viciée.

     En outre, la lettre émanant de l'école fréquentée par les demandeurs mineurs fournissait un certain aperçu de ces questions. Selon les motifs fournis, il n'est pas clair si l'agente d'immigration a abordé ces préoccupations. Le fait que cette lettre constituait la seule preuve documentaire fournie en ce qui concerne l'intérêt supérieur des demandeurs mineurs indique qu'elle revêtait une importance particulière en l'espèce. La présente Cour a décidé que lorsqu'une preuve importante n'est pas mentionnée particulièrement, une inférence négative du silence peut être tirée (Bains c. Canada (M.E.I.) (1993), 63 F.T.R. 312 (C.F. 1re inst). En conséquence, je conclus que l'agente d'immigration était tenue d'aborder correctement les préoccupations contenues dans la lettre. L'omission apparente de le faire indique que l'agente d'immigration n'a pas examiné de façon significative l'intérêt supérieur des enfants.


                                           ORDONNANCE

1. En conséquence, la décision de l'agente d'immigration est annulée, et la question est renvoyée à un autre agent d'immigration pour qu'il rende une nouvelle décision, à la condition que cette décision porte sur les faits existant au moment de la nouvelle décision.

                                                                          « Douglas R. Campbell »                     

             Juge

Traduction certifiée conforme

                                                         

Richard Jacques, LL.L.


            COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

                Avocats au dossier

DOSSIER :                        IMM-2226-01

INTITULÉ :                              MARIA DEL CARMEN MIER VASQUEZ

MARIA GABRIEL ARIAS MIER

JOSUE JAVIER ARIAS MIER

                                                                                                Demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

                                                                                                   Défendeur

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE MARDI 9 AVRIL 2002

LIEU DE L'AUDIENCE :                   TORONTO, ONTARIO

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                  LE JUGE CAMPBELL

DATE :                           LE MERCREDI 10 AVRIL 2002

COMPARUTIONS :              Mark Rosenblatt

Pour les demandeurs

Patricia MacPhee

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :     Mark Rosenblatt

Avocat

335, rue Bay, bureau 1000

Toronto (Ontario)

M5H 2R3

Pour les demandeurs

                     Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

     Date : 20020410

Dossier : IMM-2226-01

ENTRE :

MARIA DEL CARMEN MIER VASQUEZ

MARIA GABRIEL ARIAS MIER

JOSUE JAVIER ARIAS MIER

                                          Demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                             Défendeur

                                                                                  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                                  

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