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Date : 20210412


Dossier : IMM-5947-19

Référence : 2021 CF 315

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 avril 2021

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

EDIRIN RICHARD ENAMEJEWA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, M. Edirin Richard Enamejewa, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section d’appel des réfugiés (la SAR), qui a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) selon laquelle le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger aux termes de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). La SAR a rejeté la demande d’asile après avoir conclu que le demandeur n’était pas crédible. Par ailleurs, la SAR a refusé d’admettre les nouveaux éléments de preuve présentés en appel par le demandeur, selon lesquels des policiers s’étaient présentés à sa ferme au Nigéria peu de temps après son audience devant la SPR.

[2] Le demandeur soutient essentiellement que le refus par la SAR d’admettre les nouveaux éléments de preuve est déraisonnable.

[3] Je conclus que la décision de la SAR est déraisonnable parce qu’elle n’est pas fondée sur une analyse intrinsèque cohérente ni n’est justifiée au regard de l’ensemble du droit et des faits pertinents. En refusant d’admettre les nouveaux éléments de preuve du demandeur, la SAR a tiré des conclusions de fraude qui ne sont pas étayées par la preuve au dossier, elle s’est appuyée exagérément sur des erreurs typographiques, et elle a imposé des exigences injustifiées au demandeur en ce qui concerne l’authentification de sa preuve. Par conséquent, j’accueille la présente demande de contrôle judiciaire.

II. Les faits

A. Le demandeur

[4] Le demandeur est un citoyen du Nigéria âgé de 47 ans. Son épouse et lui sont propriétaires d’une ferme avicole à Port Harcourt, au Nigéria.

[5] Le 16 novembre 2016, le demandeur s’est rendu à Aba, au Nigéria, pour acheter du matériel destiné à son exploitation. Arrêté par la police d’Aba, il a été accusé d’être membre du Mouvement indépendantiste pour les peuples indigènes du Biafra (IPOB). Il a été battu et détenu durant une semaine.

[6] Le 23 novembre 2016, le demandeur a été libéré sous caution après avoir versé un pot‑de‑vin. Toutefois, il a été sommé de se présenter au poste de police toutes les quinzaines. Chaque fois qu’il s’y présentait, il était menacé d’arrestation et forcé de verser un autre pot‑de‑vin à la police.

[7] Le 14 octobre 2017, le demandeur est venu au Canada en vacances. Le 1er novembre 2017, son épouse l’a appelé pour l’informer que des policiers et des militaires étaient allés chez lui au Nigéria parce qu’il ne s’était pas présenté au poste de police depuis un mois environ.

[8] Après la visite du 1er novembre 2017 par les policiers, le demandeur a présenté une demande d’asile au Canada. Dans sa décision du 26 novembre 2018, la SPR a rejeté la demande au motif que le demandeur n’était pas crédible. Le demandeur a ensuite interjeté appel de cette décision à la SAR.

B. La décision faisant l’objet d’un contrôle

[9] Dans une décision rendue le 6 septembre 2019, la SAR a confirmé la décision de la SPR et a rejeté la demande d’asile du demandeur. Ce dernier sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la SAR.

[10] En appel devant la SAR, le demandeur a soutenu que le 23 novembre 2018, trois policiers se sont présentés à sa ferme pour s’enquérir de ses allées et venues auprès des employés. Lorsque ces derniers ont répondu qu’ils ignoraient où il se trouvait et comment le joindre, les policiers s’en sont pris à l’un des employés.

[11] Le demandeur a présenté une preuve à l’appui de l’attaque du 23 novembre 2018 par la police, mais la SAR l’a jugée irrecevable dans son ensemble et a donc rejeté sa demande d’audience.

[12] Quant au bien-fondé de la demande, la SAR a conclu que le demandeur n’était pas crédible, jugeant que ce dernier n’avait pas expliqué clairement comment il avait pu manquer plusieurs rendez-vous avec la police sans subir de conséquences, et pourquoi il n’avait pas tenté de rétablir sa réputation après avoir été accusé d’être un membre de l’IPOB.

III. Question en litige et norme de contrôle

[13] La seule question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire consiste à savoir si la décision de la SAR est raisonnable.

[14] Je conviens avec le défendeur que la norme de la décision raisonnable est la norme de contrôle qui s’applique à la décision de la SAR d’admettre de nouveaux éléments de preuve en appel (Ifogah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1139 au para 35, citant Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov)).

[15] La norme de la décision raisonnable est une norme de contrôle rigoureuse, mais empreinte de déférence (Vavilov, aux paras 12-13). La cour de révision doit s’assurer que la décision, eu égard tant au raisonnement qu’au résultat, est transparente, intelligible et justifiée. (Vavilov, au para 15). Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, au para 85). Le caractère raisonnable d’une décision dépend du contexte administratif applicable, du dossier présenté au décideur, et de l’incidence de cette décision sur les personnes visées par les conséquences de celle‑ci (Vavilov, aux para 88‑90, 94, 133-135).

[16] Lorsque le décideur a fourni des motifs, ces derniers constituent le point de départ du contrôle (Vavilov, au para 84). Les motifs de la décision n’ont pas besoin d’être parfaits; normalement, s’ils permettent à la cour de révision de comprendre pourquoi le décideur a pris sa décision et de déterminer si la conclusion appartient aux issues acceptables, la décision sera raisonnable (Beddows c Canada (Procureur général), 2020 CAF 166 au para 25, citant Vavilov au para 91). Toutefois, lorsque le décideur omet de justifier, dans les motifs, un élément essentiel de sa décision, et que cette justification ne saurait être déduite du dossier de l’instance, la décision sera normalement déraisonnable (Vavilov, au para 98).

[17] Pour qu’une décision soit qualifiée de déraisonnable, le demandeur doit établir qu’elle comporte des lacunes suffisamment capitales ou importantes pour la rendre déraisonnable (Vavilov, au para 100). Les cours de révision doivent également s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur, et, à moins de circonstances exceptionnelles, elles ne doivent pas modifier les conclusions de fait qui ont été tirées (Vavilov, au para 125).

IV. Analyse

[18] L’article 110 de la LIPR régit les appels des décisions de la SPR entendus par la SAR. En vertu du paragraphe 110(3), la SAR, de façon générale, « procède sans tenir d’audience en se fondant sur le dossier de la SPR ». Le paragraphe 110(4) énumère les exceptions s’appliquant à cette règle générale, c’est‑à‑dire que le demandeur peut présenter à la SAR des éléments de preuve dont la SPR ne disposait pas :

Éléments de preuve admissibles

(4) Dans le cadre de l’appel, la personne en cause ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’elle n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet.

Evidence that may be presented

(4) On appeal, the person who is the subject of the appeal may present only evidence that arose after the rejection of their claim or that was not reasonably available, or that the person could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection.

 

 

[19] Lorsque la SAR juge que les nouveaux éléments de preuve respectent le critère énoncé au paragraphe 110(4) de la LIPR, elle doit alors se demander si ces éléments sont crédibles, pertinents et substantiels (Canada (Citoyennté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96 (Singh) aux paras 38-49, citant Raza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 385 (Raza) aux paras 13-15). Ces derniers critères d’admissibilité sont appelés « facteurs de l’arrêt Raza ».

[20] En vertu du paragraphe 110(6) de la LIPR, la SAR peut tenir une audience si elle admet de nouveaux éléments de preuve qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur, et qui sont essentiels et déterminants :

Audience

(6) La section peut tenir une audience si elle estime qu’il existe des éléments de preuve documentaire visés au paragraphe (3) qui, à la fois:

Hearing

(6) The Refugee Appeal Division may hold a hearing if, in its opinion, there is documentary evidence referred to in subsection (3)

a) soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité de la personne en cause;

(a) that raises a serious issue with respect to the credibility of the person who is the subject of the appeal;

b) sont essentiels pour la prise de la décision relative à la demande d’asile;

(b) that is central to the decision with respect to the refugee protection claim; and

c) à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que la demande d’asile soit accordée ou refusée, selon le cas.

(c) that, if accepted, would justify allowing or rejecting the refugee protection claim.

[21] Le demandeur affirme que la SAR a refusé d’admettre trois ensembles de preuve en appel : (1) deux affidavits, souscrits respectivement par M. Roland Richard Orikaku, l’employé du demandeur agressé par la police, et par Mme Ruth Ibukunoluwa Okenbaloye, une employée ayant été témoin de l’attaque; (2) une lettre de l’hôpital God’s Favour, qui décrit les blessures subies par M. Orikaku et les soins qu’il a reçus; et (3) des photos de M. Orikaku à l’hôpital.

(1) Les affidavits souscrits par les employés du demandeur

[22] La SAR a jugé que les affidavits souscrits par les employés du demandeur respectaient les conditions d’admissibilité du paragraphe 110(4) de la LIPR, mais elle a refusé de les admettre pour des raisons de crédibilité. Pour tirer cette conclusion, la SAR s’est appuyée principalement sur trois constats : i) la chronologie suspecte de l’attaque policière du 23 novembre 2018; ii) le fait que les auteurs des affidavits ont été assermentés à la cour d’appel coutumière; et iii) les affidavits frauduleux sont largement accessibles au Nigéria. En particulier, la SAR a déclaré ce qui suit :

Je trouve suspecte la chronologie des événements décrits. À 1:05:00 de l’enregistrement audio de l’audience de la SPR, la SPR demande à l’appelant s’il a entendu quoi que ce soit depuis la dernière visite de la police le 1er novembre 2017, ce à quoi celui-ci répond par la négative. Quinze jours après que cette question lui a été posée et un an et 22 jours après la dernière visite des policiers, la police s’est de nouveau présentée à la ferme à la recherche de l’appelant. Je constate également que la deuxième visite des policiers a eu lieu à la date anniversaire de la remise en liberté sous caution de l’appelant. Je trouve par ailleurs quelque peu inhabituel que le déposant, après avoir été battu par la police, aille devant un tribunal et produise sous serment un affidavit pour déclarer l’événement. J’ajoute que, au lieu de s’adresser à un tribunal coutumier, à un magistrat ou à la haute cour de justice de l’État, le déposant s’est adressé à la cour d’appel coutumière, qui n’a compétence que pour les appels dans certaines affaires. Tout aussi inhabituel est le fait que le commissaire à l’assermentation, qui est un fonctionnaire de la cour, se porte témoin d’un affidavit selon lequel des policiers ont harcelé et battu le déposant. D’après la preuve objective, les affidavits frauduleux sont largement accessibles au Nigéria et les sceaux, faciles à forger.

[23] Selon moi, il était déraisonnable que la SAR mette en doute l’authenticité des affidavits sur la base du fait que leurs auteurs ont été assermentés à la cour d’appel coutumière. La SAR s’est fondée sur la compétence limitée de la cour d’appel coutumière pour remettre en question l’authenticité des affidavits. Toutefois, l’onglet 9.4 du Cartable national de documentation (CND) sur le Nigéria du 10 juillet 2018, cité par la SAR, n’indique pas que la cour d’appel coutumière ne peut pas recevoir d’affidavits ou qu’elle n’en reçoit habituellement pas. Par ailleurs, la SAR a remis en question le fait que les affidavits ont été souscrits devant un commissaire aux serments au greffe de la cour d’appel coutumière. Or, l’onglet 9.2 du CND sur le Nigéria du 10 juillet 2018, également cité par la SAR, indique que tout greffier de la cour [TRADUCTION] « ayant au moins le niveau 7 » peut agir à titre de commissaire aux serments.

[24] La conclusion de fraude est sérieuse et doit être fondée sur la preuve (Balyokwabwe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 623 au para 45, citant Oranye c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 390 (Oranye) au para 24). En l’espèce, la conclusion de la SAR selon laquelle les affidavits sont faux n’est pas intrinsèquement cohérente ou justifiée au regard de la preuve au sujet de la situation au Nigéria (Vavilov, au para 85). Le défendeur admet essentiellement ce fait, et avec raison.

[25] Le défendeur affirme que malgré les lacunes liées au raisonnement de la SAR soulevées ci-dessus, les autres raisons de mettre en doute la crédibilité des affidavits suffisent à confirmer sa décision. S’agissant de la proximité entre l’attaque policière du 23 novembre 2018 et la question de la SPR au demandeur à savoir si la police s’était présentée chez lui, j’estime que cette chronologie est susceptible d’éveiller des soupçons raisonnables, et qu’il était loisible à la SAR de tirer cette conclusion (Li c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 877 aux paras 9‑10). En ce qui a trait au constat selon lequel les documents frauduleux sont facilement accessibles au Nigéria, j’estime que la preuve d’une telle accessibilité ne saurait constituer à elle seule un motif raisonnable de mettre en doute la crédibilité des affidavits parce qu’elle ne peut qu’informer la SAR du problème d’authenticité des documents (Oranye, au para 29). Par conséquent, l’unique motif raisonnable sur lequel s’appuyait la SAR pour remettre en question la crédibilité des affidavits est la chronologie suspecte de l’attaque policière du 23 novembre 2018 assortie de l’assermentation des auteurs des affidavits.

[26] L’objectif du contrôle judiciaire n’est pas d’apprécier à nouveau la preuve et de déterminer si la chronologie suspecte suffit à elle seule à mettre en doute la crédibilité des affidavits; la Cour doit plutôt vérifier s’il y a des erreurs susceptibles de contrôle dans la décision de la SAR qui sont suffisamment capitales ou importantes (Vavilov, aux paras 100, 125). Ayant conclu que la SAR s’était, entre autres raisons, fondée sur les circonstances entourant l’attestation des affidavits pour remettre en question la crédibilité de ceux-ci, je juge cette erreur suffisante pour rendre la décision déraisonnable.

(2) La lettre de l’hôpital God’s Favour

[27] La SAR s’est fondée sur deux conclusions pour refuser d’admettre en preuve la lettre de l’hôpital God’s Favour : i) des erreurs typographiques mettant en doute la crédibilité de la lettre; et ii) l’insuffisance de détails dans la lettre remettant en cause sa pertinence. En particulier, la SAR a dit ceci :

En ce qui concerne les facteurs adaptés de l’arrêt Raza, j’ai des doutes quant à la crédibilité de la lettre. L’en‑tête comporte deux fautes d’orthographe. Au lieu de « Port Harcourt », il y est écrit « Porthacourt » et, au lieu de « Rivers State » (État de Rivers), il est inscrit « RiverState ». Pour ce qui est du facteur de la pertinence, la lettre décrit les blessures, mais sans en préciser la cause. Pour tous ces motifs, je ne l’admets pas en preuve.

[28] À mon avis, les préoccupations de la SAR s’attachent implicitement à l’authenticité puisqu’elle se sert des erreurs typographiques pour se demander si de telles erreurs figureraient dans l’en‑tête d’une lettre provenant d’un vrai médecin dans un véritable hôpital. En principe, la présence d’erreurs typographiques n’a aucune incidence sur la crédibilité d’un document, à moins que celles‑ci soient si flagrantes qu’elles remettent en question l’authenticité du document.

[29] La Cour a toujours été d’avis que des erreurs typographiques mineures ne devraient pas à elles seules servir à établir qu’un document est frauduleux (Azenabor c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1160 au para 30, citant Mohamud c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 170 aux paras 6-8; Adebayo c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2019 CF 330 au para 34; Oranye, aux paras 22-25). En l’espèce, la SAR a remis en cause l’authenticité de la lettre en raison de deux erreurs typographiques. Puisque la SAR n’avait aucun autre motif pour appuyer sa décision, j’estime qu’il était déraisonnable de sa part de conclure que la lettre n’est pas authentique.

[30] De la même manière, j’estime déraisonnable que la SAR juge la lettre non pertinente parce qu’elle n’explique pas la cause des blessures de M. Orikaku. Les preuves sont pertinentes si elles sont aptes à prouver ou à réfuter un fait qui intéresse la demande (Singh, au para 38). Si elle est jugée crédible, la lettre peut clairement prouver que M. Orikaku a été blessé le ou vers le 23 novembre 2018, ce qui est très pertinent au vu de l’affirmation du demandeur selon laquelle la police a attaqué M. Orikaku le même jour. Selon moi, la question est de savoir si la lettre contient suffisamment de détails pour corroborer l’attaque policière du 23 novembre 2018 — une question de poids, et non de pertinence de la lettre. Par conséquent, je juge que la conclusion de la SAR selon laquelle la lettre n’est pas pertinente, sans plus de précisions quant à savoir comment l’absence de détails contribue à cette conclusion, n’est pas suffisamment justifiée, transparente et intelligible (Vavilov, au para 99).

(3) Les photographies de M. Orikaku à l’hôpital

[31] La SAR n’a pas admis les photographies de M. Orikaku à l’hôpital parce qu’elles n’étaient pas datées et qu’il n’y avait aucun affidavit attestant le moment et l’endroit où elles ont été prises. La SAR a conclu que les photographies étaient irrecevables, sans préciser qu’elles ne respectaient pas les conditions d’admissibilité du paragraphe 110(4) de la LIPR ou les facteurs de l’arrêt Raza. Le défendeur affirme que les photographies sont irrecevables parce qu’elles ne sont pas pertinentes : sans date ou signature, on ne peut conclure que les photos sont liées à l’attaque policière du 23 novembre 2018.

[32] Selon moi, le refus par la SAR d’admettre les photographies de M. Orikaku à l’hôpital était déraisonnable. Sa conclusion, selon laquelle tout élément de preuve doit être daté ou appuyé par une déclaration sous serment pour être admis en vertu du paragraphe 110(4) ou au titre des facteurs de l’arrêt Raza, n’est pas justifiée au regard de la loi pertinente (Vavilov, au para 85). Le défendeur n’a cité aucune source à l’appui de cette exigence, et la SAR n’en fournit aucune dans sa décision.

[33] De plus, j’estime que la SAR n’a pas justifié sa décision pour ce qui concerne la preuve corroborant la date et l’importance des photographies. Ces dernières sont accompagnées de la déclaration écrite suivante : [traduction] « photos d’Orikaku Roland à l’hôpital ». Dans leurs affidavits, M. Orikaku et Mme Okenbaloye affirment que M. Orikaku a été admis à la clinique de Port Harcourt pour y recevoir des soins médicaux après l’attaque policière du 23 novembre 2018, ce qui a été corroboré par la lettre de l’hôpital God’s Favour. Plutôt que de se pencher sur ces éléments de preuve, la SAR a examiné les photographies isolément et les a abordées comme s’il pouvait s’agir de n’importe qui à n’importe quel moment.

V. Conclusion

[34] Je conclus que la SAR a refusé de manière déraisonnable d’admettre les nouveaux éléments de preuve fournis par le demandeur en appel. Par conséquent, j’accueille la présente demande de contrôle judiciaire.

[35] Les parties n’ont soulevé aucune question grave de portée générale aux fins de certification. Je conviens que la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-5947-19

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision faisant l’objet du contrôle est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvelle décision.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Shirzad A. »

Juge

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5947-19

 

INTITULÉ :

EDIRIN RICHARD ENAMEJEWA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE À ottawa ET À toronto (ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 22 février 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge AHMED

 

DATE DES MOTIFS :

Le 12 avril 2021

 

COMPARUTIONS :

Lindsey Weppler

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Bridget O’Leary

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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