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Date : 20060719

Dossier : T-997-01

Référence : 2006 CF 901

ENTRE :

R & R TRADING CO. LTD.

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

[1]        R & R Trading Co. Ltd. (R&R) importe de l’étranger des produits en acier qu’elle distribue au Canada et aux États-Unis. Entre 1992 et 1997, elle a importé de l’acier de Corée qui aurait été visé par une ordonnance du Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) et, par conséquent, soumis à des droits antidumping.

 

[2]        Un avis de confiscation compensatoire, remis à R&R, exigeait de cette dernière un paiement en relation avec 43 transactions à l’égard desquelles des droits antidumping exigibles n’auraient pas été payés. R&R a demandé un examen par le ministre et a obtenu en partie gain de cause. Le montant des droits imposés à l’origine a été réduit.

 

[3]        R&R en appelle maintenant de la décision du ministre, sur 39 des 43 transactions. Pour les motifs qui suivent, l’appel sera accueilli à l’égard de six transactions. À tous les autres égards, l’appel sera rejeté.

 

I. Historique

[4]        L’objet principal de la législation antidumping est de protéger les fabricants et producteurs canadiens. La Loi sur les mesures spéciales d’importation, L.R.C., 1985, ch. S-15 (LMSI), et plus précisément le paragraphe 41(1), donne au TCCE, une fois que les exigences procédurales préalables de la LMSI ont été respectées, le pouvoir de rendre des décisions en relation avec la concurrence injuste de l’importation touchant les fabricants canadiens par suite de dumping. Ce dernier est considéré comme une pratique commerciale déloyale parce que les marchandises importées sont vendues au Canada à un prix (le prix d’exportation) inférieur au prix auquel les marchandises sont vendues dans le pays d’origine (la valeur normale). La différence entre la valeur normale et le prix d’exportation est la marge de dumping.

 

[5]        Lorsque le TCCE estime que le dumping a causé, cause ou est susceptible de causer un « préjudice sensible » à la production canadienne de marchandises similaires, des droits antidumping (égaux à la marge de dumping) sont imposés aux produits importés à prix de dumping afin de compenser l’avantage sur le plan des prix dont profite l’importateur par suite de la pratique de dumping. Les droits antidumping sont imposés en vertu de la LMSI et sont perçus et gérés en vertu des dispositions de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985, ch. 1 (2e suppl.) (Loi sur les douanes), qui prévoient aussi les mesures d’exécution pertinentes.

 

[6]        Le 18 juin 1983, une ordonnance du TCCE imposait des droits antidumping à des tuyaux et tubes en acier fabriqués en Corée. Plus précisément, il a été statué que les types de tuyaux et tubes en acier suivants devaient être soumis à des droits antidumping :

Tubes soudés en acier au carbone de dimensions nominales variant de 12,7 à 406,4 mm (1/2 po à 16 po) inclusivement, sous diverses formes et finitions, habituellement fournis pour répondre aux normes ASTM A53, ASTM A120, ASTM A252, ASTM A589 ou AWWA C200-80 ou aux normes équivalentes, y compris ceux pour le tubage de puits d’eau, les tubes pour pilotis, les tubes pour arrosage et les tubes pour clôture, mais à l’exception des tubes pour les canalisations de pétrole et de gaz fabriqués exclusivement pour répondre aux normes de l’API, originaires ou exportés de la République de Corée.

 

 

[7]        L’ordonnance du TCCE a été prorogée sans modifications le 5 juin1990 (réexamen nRR-89-008) et le 5 juin 1995 (réexamen nRR-94-004). Elle a été prorogée de nouveau en 2000, mais annulée en 2005.

 

[8]        Le 14 juin 1993, un agent d’exécution de la Division des droits antidumping et compensateurs de Douanes Canada a informé les importateurs d’acier que les tuyaux coréens API 5L de moins de 40 pi seraient soumis à des droits antidumping. Cette décision se justifiait par le fait que les tuyaux d’une longueur inférieure n’étaient habituellement pas utilisés dans l’industrie pétrolière et gazière. Selon la décision, les importateurs en mesure de fournir des documents établissant que les tuyaux d’une longueur inférieure seraient utilisés dans des applications de l’industrie pétrolière et gazière seraient exemptés. La décision a été révisée le 9 décembre 1993 et la longueur originale de 40 pi a été remplacée par celle de 37 pi.

 

[9]        Le 11 décembre 1997, un avis de confiscation compensatoire a été remis à R&R, exigeant de cette dernière qu’elle paie la somme de 1 102 839,66 $. La demande concernait 43 transactions sur lesquelles les droits antidumping n’avaient pas été payés. Le 11 décembre 1997, R&R, en vertu de l’article 129 de la Loi sur les douanes, a demandé un avis de décision. La décision du ministre, en vertu de l’article 131 de la Loi sur les douanes, a été rendue le 8 mars 2001 et confirmait que 39 des 43 transactions contrevenaient aux dispositions de la Loi sur les douanes. Dans sa décision, le ministre réduisait le montant de la cotisation originale et formulait une réclamation de 421 384,24 $ en vertu de l’article 133 de la Loi sur les douanes. C’est la décision du ministre qui fait l’objet du présent appel.

 

[10]      Il me semble qu’il serait difficile de comprendre les présents motifs en l’absence de renseignements de base et essentiels sur le contexte. Par conséquent, pour décrire le contexte dans lequel s’inscrit l’affaire, divers sujets sont abordés dans les paragraphes qui suivent. Le contenu relatif à chacun des sujets est tiré de la preuve soumise pendant l’instruction. Pour simplifier la lecture du texte, un glossaire d’acronymes a été joint aux présentes comme annexe A.

 

[11]      De plus, je dois souligner que le nom de l’agence chargée de l’administration de la Loi sur les douanes change périodiquement. À l’heure actuelle, cette tâche incombe à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Cependant, étant donné le contexte dans lequel s’est déroulée l’affaire, afin de faciliter la lecture des présents motifs, je désignerai l’agence sous le nom de « Douanes Canada ».

 

II. La demanderesse

[12]      R&R possède plusieurs filiales, dont l’une est North American Pipe and Steel Limited (NAPS). R&R importe des produits d’acier de l’étranger et, par l’intermédiaire de ses filiales, distribue ces produits à un vaste éventail de clients, des distributeurs aux utilisateurs finals.

 

[13]      M. Earl Ritchie est président et chef de la direction de R&R. Entre 1972 et 1985, M. Ritchie a vécu en Corée. Il parle et écrit le coréen. À l’époque où il vivait en Corée, M. Ritchie a commencé à approvisionner une société canadienne en tuyaux en acier coréens. Lorsque cette société canadienne a interrompu ses activités, M. Ritchie a créé sa propre entreprise. À l’époque, « Athabasca », sa société immatriculée à Hong Kong, existait déjà. Au début, Athabasca achetait de l’acier coréen et l’exportait, principalement aux États-Unis. Plus tard, R&R a été constituée en société en Colombie-Britannique et, par l’intermédiaire de cette dernière, des tuyaux étaient aussi exportés au Canada. M. Ritchie est revenu au Canada, en 1985, pour s’installer en Colombie-Britannique. Athabasca exerce encore ses activités et constitue une source supplémentaire de crédit qui permet de faciliter le fonctionnement de R&R.

 

[14]      À ses débuts, R&R ne comptait que trois ou quatre personnes à son service, y compris M. Ritchie et son cousin, David Bagnall, le comptable. R&R a poursuivi sa croissance au fil des années et elle compte maintenant plus de 100 employés. Pendant la période en cause (1992 à 1997), elle importait principalement de l’acier de Corée au Canada.

 

[15]      R&R se procurait l’acier auprès d’un certain nombre de fabricants coréens. En ce qui concerne la présente affaire, les sociétés exportatrices visées étaient les suivantes : Pusan Steel Pipe Corp. (Pusan), devenue par la suite SeAH Steel Pipe Corp. (SeAH), Korea Steel Pipe Co. Ltd. (Korea Steel), devenue par la suite Shin Ho Steel Co. Ltd. (Shin Ho), et Kukje Steel Co. Ltd.. Il est important de noter que Pusan/SeAH has possède une filiale américaine dans l’État de Washington appelée State Pipe and Supply Co. (State Pipe).

 

III. Tuyaux et tubes en acier

[16]      Les tuyaux et les tubes sont des produits tubulaires discrets faits d’acier. Lors de la production de l’acier, on assigne un « numéro de coulée » au « lot » d’acier qui est produit. Si un certain nombre de lots sont produits en même temps, chaque lot aura son propre numéro de coulée. Le numéro de coulée est un identificateur important qui doit accompagner l’acier, en fait, il est relié aux produits qui sont produits à partir de chaque lot d’acier.

 

[17]      Deux choses importantes se produisent au moment de la fabrication des tuyaux et des tubes. Premièrement, un certificat d’inspection, également appelé rapport d’essai d’usine, est émis par le fabricant. Le rapport d’essai mentionne la spécification selon laquelle le tuyau ou le tube est fabriqué et il indique les résultats des divers processus d’essais utilisés relativement au produit. Deuxièmement, la spécification (du produit) et le numéro de coulée (du lot d’acier utilisé pour produire les tuyaux ou les tubes) sont inscrits au pochoir sur le tuyau ou le tube.  Lorsque c’est impossible de le faire parce que le tuyau ou le tube est trop petit (étroit), on attache une étiquette indiquant la spécification et le numéro de coulée aux paquets de tuyaux ou de tubes.

 

[18]      Bien qu’il s’agisse dans les deux cas de produits tubulaires, il y a des distinctions générales importantes à faire entre les tuyaux et les tubes. Les sections transversales des tuyaux sont toujours rondes, tandis que celles des tubes peuvent être rondes, carrées ou d’une autre forme pour que les tubes puissent avoir divers usages mécaniques et structuraux. Les tuyaux de petites dimensions sont identifiés conformément à un diamètre intérieur approximatif qu’on appelle dimension nominale du tuyau. Les tuyaux plus gros sont, quant à eux, identifiés conformément au diamètre extérieur spécifié. Les tubes sont produits conformément aux dimensions réelles du diamètre extérieur ou intérieur et de l’épaisseur des parois.

 

[19]      L’épaisseur des parois des tuyaux (diamètre extérieur moins diamètre intérieur) est désignée par le terme nomenclature tandis que l’épaisseur des parois des tubes est désignée par l’expression calibre. Les dimensions des tubes sont spécifiées (plutôt que nominales), et les tolérances dimensionnelles sont plus strictes pour les tubes que pour les tuyaux. Les extrémités des tuyaux sont généralement biseautées ou filetées pour faciliter le soudage tandis que les extrémités des tubes sont normalement lisses, ce qui permet de les couper.

 

[20]      D’autres distinctions entre les deux produits tubulaires seront faites au fur et à mesure que les spécifications de chacun seront discutées plus en détail. Ces produits et leurs spécifications, de même que les caractéristiques de chacun d’eux, sont discutés ci-après. Il sera plus loin question de « longueur aléatoire »; la valeur approximative d’une longueur aléatoire simple est de 20 pi; d’une longueur aléatoire double, de 40 pi; et d’une longueur aléatoire triple, de 60 pi.

 

A. API 5L

[21]      L’American Petroleum Industry (API) 5L est la norme qui désigne le tuyau couramment appelé tuyau de conduite. Le « L » désigne line (en anglais, soit conduite en français). Ce tuyau est conçu et utilisé principalement pour la transmission du pétrole et du gaz dans l’industrie pétrolière et gazière. On le commande généralement en longueur aléatoire double ou triple afin de réduire au minimum le soudage et ainsi réduire les risques de fuites. Sa finition est habituellement faite de métal nu. Dans l’industrie pétrolière et gazière, une longueur aléatoire simple de l’API 5L serait l’exception plutôt que la norme, et cette longueur serait commandée spécialement pour un projet précis.

 

[22]      L’API 5L est similaire à la norme ASTM A53, mais la norme API 5L est supérieure. En conséquence, la norme API 5L peut être utilisée pour une application ASTM A53, mais le contraire n’est généralement pas vrai. Bien qu’elle soit surtout utilisée pour le transport du pétrole et du gaz, la norme API 5L est utilisée à d’autres fins. M. Ritchie a décrit le cas du Centre des congrès de Vancouver, dont les pieux utilisés pour les fondations étaient des « tuyaux conformes à la norme API ». Les tuyaux conformes à la norme API 5L doivent pouvoir résister à une forte pression et avoir une tolérance minimale aux défauts. Les tuyaux désignés par la norme API 5L n’étaient pas sujets au droit antidumping, sauf s’ils étaient importés en longueurs inférieures à 37 pi.

 

B. ASTM A53

[23]      L’American Society for Testing and Materials (ASTM) A53 est la norme pour les tuyaux qui sont destinés à des applications mécaniques et à des applications pour lesquelles ils sont soumis à des pressions. Les tuyaux de la norme ASTM A53 servent de conduite pour la transmission de vapeur, d’eau, de gaz et d’air. Ces tuyaux sont bien connus, et la plupart des distributeurs les achètent et les stockent, car ils peuvent être utilisés pour une multitude d’applications. Le produit fabriqué conformément à cette norme est généralement appelé « tuyau normalisé » et il est généralement commandé en longueur aléatoire simple ou double. Ces tuyaux sont « noirs » ou en acier galvanisé par immersion à chaud (revêtus d’un antirouille résistant) et ils peuvent être entreposés à l’extérieur. Leurs extrémités sont habituellement biseautées pour faciliter le soudage bout à bout ou elles sont filetées et couplées pour faciliter l’assemblage.

 

[24]      La norme ASTM A53 désigne des dimensions nominales pour les diamètres extérieurs et des nomenclatures pour les épaisseurs de paroi. Elle est très semblable à la norme API 5L, mais ses exigences en matière de tolérance sont moins grandes. Les tuyaux ASTM A53 ont été soumis à des droits antidumping.

 

C. ASTM A513

[25]      L’American Society for Testing and Materials (ASTM) A513 est la norme qui vise les tubes pour usages mécaniques. Contrairement aux spécialistes de l’industrie, il est fort possible que les personnes non initiées ne voient pas de différences entre les tubes visés par la norme ASTM A513 et les produits visés par la norme ASTM A53. La norme ASTM A513 désigne les tubes en acier allié et en acier au carbone soudés par résistance électrique qui sont utilisés comme tubes pour usages mécaniques. Ces tubes ont de multiples usages, mais ils ne sont généralement pas utilisés pour la transmission de liquides. Ils sont plutôt utilisés dans une grande variété d’applications pour lesquelles l’exactitude dimensionnelle, le fini de surface et l’usinabilité sont importants. Bon nombre d’industries (notamment les industries automobile, agricole et manufacturière) utilisent ces tubes pour usages mécaniques pour l’équipement de bureau, les appareils, les tubes d’essieu et d’aéronef, les lignes d’arbres, les tubes à ailettes et les tubes amortisseurs de chocs.

 

[26]      Cette norme porte sur les diamètres extérieurs, les diamètres intérieurs et l’épaisseur des parois. Les tolérances sont limitées en ce qui concerne le diamètre extérieur et l’épaisseur des parois (il existe des tableaux ASTM sur les tolérances relatives aux diamètres). Les tolérances dimensionnelles sont beaucoup plus exigeantes pour les tubes que pour les tuyaux.

 

[27]      Les extrémités du produit fabriqué conformément à la norme ASTM A513 sont normalement coupées à l’équerre et lissées parce que le produit n’est pas très souvent soudé de bout en bout. Il est généralement fait de métal nu ou il est légèrement huilé; on l’entrepose habituellement à l’intérieur. Certains tubes peuvent être revêtus d’une peinture antirouille, mais les tubes ne sont pas galvanisés. Les tubes ASTM A513 n’étaient pas assujettis au droit antidumping.

 

D. ASTM A500

[28]      L’American Society for Testing and Materials (ASTM) A500 est la norme qui englobe les tubes structuraux. Les produits fabriqués conformément à cette norme sont destinés à des applications structurales, et non pas à des applications de transport. Les produits visés par cette norme sont utilisés dans une grande variété d’applications pour lesquelles la résistance, l’apparence, la résistance à la flexion et la résistance aux tensions sont importantes. Cette norme a des tolérances plus restrictives que la norme ASTM A53, mais des tolérances moins restrictives que la norme ASTM A513. Certaines provinces ont accepté la classe C de l’A500, qui est sans bourrelet (le bourrelet est le cordon de soudure le long du joint intérieur du tuyau) et d’une épaisseur de parois moindre que celle spécifiée par la norme pour les tubes destinés aux puits. Ce ne sont pas toutes les provinces qui ont agi ainsi parce que les produits visés par la norme A500 sont généralement considérés comme des tubes structuraux plutôt que des tuyaux ayant subi des essais de pression. Ce produit n’est pas très pertinent dans la présente cause. Les tubes visés par cette norme n’étaient pas assujettis au droit antidumping.

 

E. Double spécification

[29]      L’expression double spécification désigne un produit qui est conforme à deux normes ou plus à la fois. Il est fréquent dans l’industrie que des fabricants fabriquent des produits conformes à deux normes ou plus, et ce, afin d’accroître leur qualité marchande. Cette pratique, appelée double ou triple spécification, permet à l’acheteur de revendre le produit conformément à l’une ou l’autre des normes pour lesquelles il a été certifié. En plus de double spécification, cette pratique est également appelée « double marquage » ou « double certification ».

 

[30]      Lorsqu’il y a plus d’une nomenclature de normes, le fabricant s’assure que le produit répond simultanément à toutes leurs exigences, il appose sur le produit les marques d’identification requises par chacune des normes déjà définies/décrites et émet un seul certificat d’inspection qui expose en détail les diverses normes auxquelles on a satisfait simultanément. La pratique est valable parce que les exigences des diverses normes sont semblables. La double certification visant les normes API 5L et ASTM A53 est répandue.

 

F. Nouvelle certification, reclassement ou déclassement

[31]      Ces termes ont été utilisés comme synonymes tout au long de l’instruction afin de décrire une pratique courante de l’industrie. Cette pratique se déroule principalement dans deux circonstances : a) à cause d’un défaut, un produit ne peut répondre à la norme originale, mais répond à celle d’un autre produit et b), à cause des circonstances, le fabricant veut écouler les stocks restants d’un produit. Dans un cas comme dans l’autre, le produit sera probablement déclassé ou certifié de nouveau afin d’en faciliter la vente.

 

IV. Importation de tuyaux de l’étranger

[32]      Les produits en acier coréens étaient envoyés à R&R. Si le navire arrivait à Vancouver, les produits d’acier étaient déchargés aux installations de Fraser Surrey Docks. Cependant, si le navire arrivait aux États-Unis, les produits d’acier étaient déchargés là-bas et transportés par camion au Canada. Dans ce dernier cas, les produits entraient au Canada au port d’entrée Pacific Highway à Surrey, Colombie-Britannique.

 

[33]      Aux installations de Fraser Surrey Docks, les marchandises importées sont déchargées sur les quais et l’importateur ou son mandataire (courtier en douane) soumet les documents à Douanes Canada afin d’obtenir la mainlevée douanière des marchandises. Sur les quais, les marchandises demeurent dans une zone « contrôlée ». Avant de prendre possession des marchandises, l’importateur doit avoir obtenu la mainlevée douanière de ces dernières. Les formalités consistent en fait à établir un document appelé manifeste marchandises qui comprend, notamment, de l’information sur l’expéditeur, le navire et les marchandises (description et quantité). Parmi les autres documents, notons les factures commerciales, les bordereaux de marchandises, les connaissements, etc. Pour obtenir la mainlevée des marchandises, l’importateur doit remplir la formule de codage « B3 » de Douanes Canada. Ce document indique un numéro de transaction, un numéro d’entreprise pour désigner l’importateur, le fournisseur étranger, le pays d’origine, le port d’entrée et le type d’importation (déclaration de type A, B ou 10) puis donne la valeur des marchandises, en dollars canadiens et en devises étrangères. Les droits et taxes payables doivent être acquittés avant que la mainlevée des marchandises soit accordée.

 

[34]      Lorsqu’une déclaration de type 10 est traitée, l’importateur peut faire venir des marchandises au Canada, mais ne peut les distribuer sur le marché. Les marchandises sont transférées des docks (zone contrôlée) dans une zone sous douane. R&R possède sa propre zone sous douane et elle a souvent déplacé des produits en acier des quais vers son aire d’entreposage sous douane. Pour que des marchandises puissent être distribuées sur le marché canadien, une déclaration de type 20 doit être soumise aux douanes. Douanes Canada accorde ensuite la mainlevée sur une partie ou la totalité des marchandises. La mainlevée concernant un chargement qui est traité au moyen d’une déclaration de type 10 peut porter sur des segments de ce chargement. Pour chaque segment, il faudra effectuer une déclaration de type 20. Toutes les déclarations de type 20 doivent mentionner la déclaration de type 10 précédente. Les droits et les taxes doivent être payés avant que les marchandises énumérées dans une déclaration de type 20 obtiennent la mainlevée visant une distribution sur le marché canadien.

 

[35]      Les agents des douanes ne connaissent pas toutes les subtilités qui distinguent les produits en acier entre eux. Par conséquent, ils s’appuient sur les documents présentés par l’importateur ou son courtier. Le logiciel utilisé par les agents des douanes pour les importations commerciales est appelé SSMAEC (Système de soutien de la mainlevée accélérée des expéditions commerciales). Sous réserve des cas où un avis de « surveillance » (il en sera question plus loin) a été émis, la plupart du temps, la mainlevée est accordée à partir des documents soumis. C’est seulement dans deux ou trois pour cent des cas que l’inspection physique a lieu. En résumé, l’importation (y compris le paiement des droits et taxes applicables à Douanes Canada) est un système d’autodéclaration.

 

[36]      La preuve n’établit pas clairement si des déclarations de type 10 s’appliquent à l’égard des importations qui arrivent au port d’entrée Pacific Highway. Il est clair que, à tous les autres égards, les procédures s’appliquant à la mainlevée des marchandises sont les mêmes. En effet, il faut que la formule B3 soit remplie et soumise pour que les marchandises obtiennent la mainlevée. Au poste frontalier, le chauffeur du camion rencontre d’abord un préposé à l’inspection primaire. Le préposé à l’inspection primaire est l’agent auquel le chauffeur de camion fait une déclaration sur le type de marchandises, le cas échéant, qui sont transportées. Si des marchandises sont importées, il doit se rendre dans l’aire où il doit remplir lui-même les documents ou les obtenir du courtier. La trousse de documents présentée à Douanes Canada est la même que dans le cas des marchandises déchargées sur les quais. Une inspection physique peut avoir lieu, mais pas nécessairement.

 

[37]      Un « avis de surveillance » est un avis entré dans le système SSMAEC qui permet d’alerter les préposés à l’inspection primaire qui examineront les documents relatifs à un chargement importé. L’avis de surveillance précise que, si certaines conditions sont réunies, il est souhaitable d’examiner les marchandises importées. Le contenu précis de l’avis de surveillance varie selon les données entrées dans le logiciel. L’information y est entrée par le service du renseignement des douanes. Dans le cas de R&R, un avis de surveillance avait été entré. Si le numéro d’importateur de R&R avec le pays d’origine (Corée du Sud) était entré dans le SSMAEC (par le préposé à l’inspection primaire), l’avis de surveillance s’affichait à l’écran de l’ordinateur.

 

[38]      Deux faits doivent être soulignés à ce stade-ci. Premièrement, le préposé à l’inspection primaire peut ne pas tenir compte de l’avis de surveillance. En général, cette situation se produit lorsqu’il n’y a pas suffisamment de personnel pour effectuer l’inspection physique ou lorsqu’un certain nombre de chargements ont déjà été envoyés à l’inspection et qu’il ne conviendrait pas d’en demander une autre parce que, dans tous les cas, elle ne pourrait être effectuée. Deuxièmement, l’avis de surveillance s’affiche à l’écran de l’ordinateur uniquement si l’information devant faire l’objet d’une surveillance concerne des entrées obligatoires que doit effectuer le préposé à l’inspection primaire. Pour bien illustrer cette dernière possibilité, décrivons la situation en ce qui concerne R&R. Le code à deux chiffres du pays d’origine ne constitue pas un champ d’entrée obligatoire pour le préposé à l’inspection primaire. Par conséquent, puisque le code du pays d’origine n’avait pas été entré, l’avis de surveillance ne s’affichait pas à l’écran. En décembre 1996, après qu’un chargement de 1,25 million de dollars destiné à R&R ait échappé aux contrôles, l’avis de surveillance a été modifié afin qu’il se retrouve à l’écran chaque fois que le numéro d’importateur de R&R était entré.

 

V. L’exposé conjoint des faits

[39]      Dès le début de l’instruction, les parties ont soumis un exposé conjoint des faits. Il n’est pas nécessaire de reprendre tous ces faits. Certains d’entre eux ont trait à l’entente des parties concernant les documents et au format de présentation des diverses transactions.

 

[40]      L’exposé conjoint des faits mentionne 43 transactions au cours desquelles R&R a importé des produits en acier. Tous les produits étaient originaires de Corée du Sud et [traduction] « la nature véritable du produit fait l’objet du litige ». Trente-neuf transactions demeurent contestées. Aucun droit antidumping n’a été payé à l’égard de l’une quelconque des 39 transactions.

 

[41]      La décision du TCCE concernant les droits antidumping en vertu de la LMSI s’appliquait aux tuyaux visés dans la description incluse dans la décision, même s’ils avaient été achetés à la société State Pipe dans l’État de Washington (la filiale américaine de Pusan/SeAH), sous réserve des valeurs normales applicables.

 

[42]      Les connaissements (y compris les documents de déclaration aux douanes) étaient remplis par la société qui se chargeait de l’expédition.

 

[43]      En ce qui concerne la transaction 32, les tuyaux (18 paquets comprenant 998 morceaux de tuyau de 2 po répondant à la norme ASTM 513) ont fait l’objet d’une inspection physique par Bruce Pemberton, agent des douanes, le 3 juin 1996. M. Pemberton a confirmé qu’aux tuyaux étaient attachées des étiquettes les décrivant comme des tuyaux A53 à marquage unique.

 

[44]      En ce qui concerne la transaction 42, les tuyaux importés de 6 5/8 po, décrits dans le rapport d’essai d’usine SeAH (comme spécification double), ont fait l’objet d’une inspection physique par Maria Brosas, agent des douanes, le 13 février 1997. Mme Brosas a confirmé que les tuyaux étaient marqués comme spécification double API 5L/ASTM A53, mais qu’ils étaient accompagnés d’une étiquette à simple spécification API 5L.

 

[45]      Le 14 juin 1993, le défendeur a communiqué sa décision selon laquelle les tuyaux API 5L d’une longueur de moins de 40 pi seraient soumis à des droits antidumping conformément à la décision du TCCE (la décision sur les tuyaux courts API 5L). Cette décision a été décrite précédemment au paragraphe 8 des présents motifs. Avant de faire connaître cette décision, le défendeur a communiqué, oralement et par écrit, avec certains intervenants de l’industrie. Sur le plan des principes, la demanderesse R&R n’était pas d’accord avec la décision selon laquelle le produit était composé de tuyaux courts API 5L.

 

[46]      Le rajustement de la décision originale des tuyaux courts API 5L visant à réduire le seuil de 40 pi à 37 pi faisait suite à l’argument, présenté par son président (M. Earl Ritchie), selon lequel les longueurs aléatoires simples étaient inférieures à 37 pi plutôt qu’à 40 pi. Même si M. Ritchie ne reconnaissait pas que des droits antidumping devaient s’appliquer à des tuyaux API 5L, le défendeur a rajusté sa décision afin de tenir compte du seuil plus bas. R&R a reçu un avis du rajustement dans une lettre datée du 9 décembre 1993. R&R n’a pas pris de mesures formelles pour faire réviser la décision rajustée sur les tuyaux API 5L ou pour la porter en appel et soutient qu’elle ne disposait d’aucun moyen pour le faire. À quelque moment que ce soit, R&R n’a pas amorcé de processus dans lequel elle aurait fourni au défendeur des éléments de preuve établissant que des longueurs inférieures de tuyaux API 5L devaient être utilisées pour des canalisations pétrolières et gazières.

 

[47]      Il était dans l’intérêt d’un distributeur comme R&R de faire marquer d’une spécification double (ou bien triple ou quadruple) les tuyaux acquis de ses fournisseurs parce que les tuyaux auraient alors été plus faciles à commercialiser auprès d’un plus vaste éventail d’acheteurs. Lorsque l’on marquait les tuyaux des inscriptions API 5L/ASTM A53, ces derniers pouvaient être vendus à des clients recherchant des tuyaux API 5L ou à des clients recherchant des tuyaux ASTM A53. Les tuyaux API 5L représentent une qualité supérieure à celle des tuyaux ASTM A53. Les tuyaux de la catégorie API 5L peuvent être utilisés pour les applications ASTM A53, même si l’inverse n’est pas toujours vrai, étant donné que les tuyaux API 5L sont d’une catégorie supérieure.

 

[48]      Le montant exigé à l’origine dans l’avis de confiscation compensatoire a été réduit dans le cadre d’un appel présenté au ministre en vertu de l’article 129 de la Loi sur les douanes par suite d’une décision selon laquelle des droits antidumping n’étaient pas payables à l’égard des tuyaux importés dans les transactions suivantes :

 

Numéro de transaction

 

Date de l’entrée

13227-001242505

(no 27)

29 juin 1995

13227-001292469

(no 29)

7 novembre 1995

13227-001438419

(no 33)

15 juillet 1996

13227-001485601

(no 43)

4 mars 1996

 

 

[49]      Le montant exigé à l’origine dans l’avis de confiscation compensatoire a été réduit par suite d’un appel au ministre en vertu de l’article 129 de la Loi sur les douanes pour les transactions suivantes :

 

Numéro de transaction

 

Date d’entrée

Montant réduit

13227-001031214

(no 15)

28 octobre 1994

1 568,34 $

13227-001934251

(no 17)

5 décembre 1994

11 881,08 $

13227-001034990

(no 19)

7 décembre 1994

7 725,39 $

13227-001035218

(no 20)

7 décembre 1994

13 551,87 $

13227-001158547

(no 21)

9 janvier 1995

2 249,70 $

13227-001159651

(no 22)

24 janvier 1995

8 607,36 $

13227-001241401

(no 25)

13 juin 1995

8 476,71 $

13227-001290775

(no 31)

28 novembre 1995

31 736,28 $

13227-001437463

(no 34)

14 août 1996

2 815,20 $

13227-001464194

(no 36)

27 août 1996

153,42 $

13227-001441470

(no 37)

4 octobre 1996

1 047,57 $

13227-001465867

(no 38)

5 novembre 1996

2 068,86 $

13227-001485359

(no 41)

13 février 1997

6 570,96 $

 

 

[50]      La modification des montants d’abord exigés dans l’avis de confiscation compensatoire s’expliquait par les motifs suivants : a) l’application des « valeurs normales » et b) une réduction globale de 30 % (de 601 977,48 $ à 421 384,24 $) à cause des inconvénients causés par le retard résultant de l’examen par le défendeur de la politique concernant les répercussions sur la TPS.

 

[51]      Les « valeurs normales » sont des valeurs établies d’après les renseignements fournis par un fabricant à l’égard de ses frais de fabrication. [La valeur normale désigne aussi le prix auquel les marchandises sont vendues dans le pays d’origine.] Lorsque l’information est acceptée par le ministre ou ses délégués, les valeurs normales entraînent une réduction ou une élimination des droits antidumping à l’égard des marchandises importées de ce fabricant.

 

[52]      Même si la demanderesse a importé des tuyaux ASTM A53 à l’égard desquels des valeurs normales avaient été négociées, ces valeurs normales avaient été prises en compte dans la décision rendue en vertu de l’article 131 de la Loi sur les douanes. Toutes les valeurs normales applicables ont été calculées et appliquées correctement aux transactions qui pourraient être visées par des valeurs normales, au stade de l’arbitrage, avec les exceptions suivantes :

a)      la valeur normale pour des tuyaux d’un po pour la transaction 17 aurait dû être 336 158 wons coréens plutôt que 382 789 wons par tonne métrique;

 

b)      la valeur normale pour des tuyaux d’un po pour la transaction 19 aurait dû être 336 158 wons coréens plutôt que 334 563 wons par tonne métrique.

 

 

VI. Les dispositions législatives pertinentes

[53]      Les dispositions pertinentes de la Loi sur les douanes figurent à l’annexe B des présentes. L’article 7.1 exige que les renseignements fournis à un agent des douanes à l’égard d’une importation de marchandises soient véridiques, complets et exacts. Les articles 12 et 13 imposent l’obligation de déclarer les marchandises importées au Canada. L’article 17 précise les droits à payer sur les marchandises importées, les taux et la responsabilité à cet égard. Le paragraphe 40(1) oblige notamment toute personne qui importe des marchandises en vue de leur vente à conserver les documents réglementaires qui y ont trait.

 

[54]      L’article 124 autorise l’émission d’un avis de confiscation compensatoire et l’article 127 prévoit que la créance qui en résulte est définitive et non susceptible de révision, sauf en conformité de la Loi. Le paragraphe 129(1) permet la présentation d’une demande de révision ministérielle de la confiscation compensatoire. Quant à l’article 131, il décrit de façon générale les décisions que le ministre peut prendre en cas d’infraction à la Loi. Il contient aussi une disposition privative importante selon laquelle on ne peut en appeler de la décision rendue par le ministre que dans la mesure et selon les modalités prévues au paragraphe 135(1).

 

[55]      L’alinéa a) et le paragraphe (1.1) de l’article 133 précisent les obligations et les pouvoirs du ministre à l’égard de l’examen. L’article 135 prévoit qu’il peut en être appelé de la décision du ministre devant la Cour.

 

VII. Faits non contestés

[56]      Les parties s’accordent pour reconnaître que les objectifs de la Loi sur les douanes sont de régir, d’encadrer et de contrôler la circulation transfrontalière des personnes et des marchandises. La réalisation de ces objectifs repose sur l’efficacité du système d’autodéclaration créé ou imposé par la Loi sur les douanes. La confiscation compensatoire est un mécanisme de recouvrement civil. C’est un processus administratif qui vise à assurer le respect de la Loi sur les douanes de façon rapide et efficace. Elle a un caractère purement économique. Voir : Martineau c. Ministre du Revenu national, [2004] 3 R.C.S. 737.

 

[57]      Les parties reconnaissent que la charge de la preuve en relation avec le paiement des droits et l’observation de la Loi incombe à la demanderesse, R&R. Voir : Loi sur les douanes, article 152 et Mercier c. Canada (Ministre du Revenu national) (2004), 258 F.T.R. 309 (C.F.). Les parties s’entendent pour que l’affaire soit instruite de nouveau. Dans les circonstances de l’espèce, les parties soutiennent conjointement que le principe de la retenue judiciaire n’est pas applicable au ministre. Il semble que, selon la preuve, il soit impossible de définir, avec un tant soit peu de précision, ce dont avait été saisi le ministre au moment où la décision en vertu de l’article 131 a été rendue. Par conséquent, les deux parties demandent que la Cour reprenne l’affaire de nouveau.

 

[58]      Les parties s’accordent aussi pour reconnaître que la compétence de la Cour dans la présente affaire se limite à statuer s’il y a eu violation de la Loi sur les douanes. Le calcul des droits et l’imposition de pénalités, le cas échéant, dépassent les paramètres d’une décision concernant une violation. Par conséquent, toute question soulevée par la demanderesse concernant l’application des valeurs normales et les montants applicables en wons coréens (de la façon décrite ci-dessus) dépasse la compétence de la Cour. Quoi qu'il en soit, cette question n’a pas été examinée pendant l’instruction ou dans les arguments présentés par les parties.

 

VIII. Admission

[59]      R&R admet que la portion du chargement visé par l’imposition de droits et englobé dans la transaction 32 est soumise à des droits antidumping. Par conséquent, alors qu’il y avait 39 transactions en cause à l’origine, leur nombre est maintenant de 38.

 

[60]      R&R n’a pas laissé entendre que les marchandises importées en question auraient pu être trouvées ou que la saisie des marchandises aurait été autre chose que contre-indiquée dans les circonstances. J’interprète ce silence comme une indication selon laquelle R&R ne conteste pas le fait que les conditions relatives à la confiscation compensatoire, telles qu’énoncées à l’article 124 de la Loi, ont été respectées.

 

IX. Les transactions

[61]      Chacune des parties a classé les diverses transactions en catégories. R&R a proposé quatre catégories. Trois de ses catégories proposées contenaient deux sous-catégories et l’autre, trois. Le ministre propose trois catégories et l’une d’entre elles contient deux sous-catégories.

 

[62]      Par suite de l’examen que j’ai fait de la preuve, plus particulièrement des observations en relation avec la preuve, j’ai constaté que les transactions énumérées dans les observations de R&R s’établissent au total à 41 plutôt qu’à 38 (R&R ayant renoncé, à la conclusion de l’instruction, à contester l’imposition de droits sur la transaction 32). Une vérification de concordance entre les numéros de transaction et les catégories proposées par R&R a permis d’établir que R&R avait placé les transactions 5, 7, 24 et 26 dans deux catégories séparées. Les transactions sont énumérées dans la catégorie [traduction] « Erreurs relatives aux documents », plus précisément la sous-catégorie [traduction] « Rapports d’essai d’usine non corrigés ». Les mêmes transactions sont aussi énumérées dans la catégorie [traduction] « Double spécification », plus précisément la sous-catégorie [traduction] « Achats de Corée ». Même si cette constatation aurait dû résoudre le problème, R&R s’est retrouvée avec 37 transactions plutôt que 38.

 

[63]      Une recherche plus approfondie a permis de constater l’absence de toute mention de la transaction 30 dans les observations de R&R. Pour compliquer les choses, je n’ai pu retrouver de mention de cette transaction dans la transcription de l’interrogatoire principal de n'importe lequel des témoins de R&R. On a posé à M. Ritchie des questions sur la transaction 30 pendant son contre-interrogatoire (p. 387 et 388 de la transcription). Ayant examiné à fond les documents pertinents, je suis convaincue que la transaction 30 peut être incorporée à la catégorie intitulée [traduction] « Tuyaux à double spécification ».

 

[64]      Pour clarifier les choses et pour éviter toute autre confusion à ce sujet, les transactions 27, 29, 33 et 43 ne sont pas visées par la présente affaire. R&R a obtenu une décision ministérielle favorable à l’égard de ces transactions. Comme je l’ai déjà souligné, au risque de me répéter, la demanderesse reconnaît que des droits étaient payables à l’égard de la transaction 32.

 

[65]      Ayant pris connaissance des catégories proposées par les deux parties, je reconnais que les 38 transactions restantes peuvent être abordées correctement dans le cadre des catégories proposées par le défendeur. Si R&R présente des arguments supplémentaires à l’égard de telle ou telle transaction, ils seront abordés. Par conséquent, je traiterai les catégories générales suivantes : Tuyaux à double spécification, Tuyaux courts et Rapports des experts sur la norme A513.

 

G. Tuyaux à double spécification

[66]      Habituellement, les tuyaux coréens à double spécification sont soumis à des droits antidumping. Cependant, dans les cas où le fabricant coréen a établi des valeurs normales, la situation peut être différente. L’établissement de valeurs normales entraînera l’élimination ou la réduction des droits antidumping.

           

[67]      La nature des tuyaux à double spécification a été décrite précédemment. Je reconnais comme un fait que la production de tuyaux à double spécification est une pratique courante dans l’industrie. Le rapport d’expert du métallurgiste Frank Christensen, les témoignages de l’expert de la demanderesse, Victor Marks, de même que le témoignage de l’expert du défendeur, Michel Séguin, le confirment.

 

[68]      M. Ritchie a aussi reconnu l’existence fort répandue de tuyaux à double spécification et a expliqué de façon détaillée pour quelle raison, à son avis, le personnel de soutien coréen qui prépare les rapports d’essai d’usine peut enregistrer par erreur un produit dans la catégorie à double spécification (plutôt que dans celle à simple spécification). Les produits à double spécification ne sont pas soumis à des droits antidumping aux États-Unis. Par conséquent, selon M. Ritchie, R&R a commandé des tuyaux à simple spécification, et c’est à cause d’une erreur d’écritures qu’elle a reçu des rapports d’essai d’usine certifiant que les tuyaux étaient à double spécification. Il a soutenu que les employés coréens étaient tellement habitués à inscrire une double spécification pour les exportations aux États-Unis (constituant plus de 90 % de son marché total) que l’enregistrement d’une double spécification se faisait de façon quasi automatique.

 

[69]      Un autre élément doit être souligné ici. M. Ritchie a soutenu catégoriquement qu’il n’était pas intéressé à payer des droits antidumping. Il a soutenu que lorsque R&R recevait des tuyaux à double marquage de Corée, ces derniers étaient conservés dans une aire sous douane de R&R et qu’ils étaient expédiés vers les États-Unis. La seule exception concernait des tuyaux à double marquage importés de Pusan (SeAH) parce qu’il estimait que des valeurs normales avaient été établies pour Pusan. M. Ritchie a reconnu qu’il ne possédait pas de renseignements précis sur ces valeurs normales et qu’il n’a pas présenté de demande de renseignements à Douanes Canada à ce sujet. Or, comme M. Ritchie le sait maintenant, Pusan n’avait pas établi de valeurs normales pour l’ensemble des tuyaux à double spécification.

 

[70]      De la même façon, la preuve montre aussi clairement qu’au moment où les tuyaux à double spécification étaient transportés au Canada par State Pipe (filiale aux États-Unis de Pusan ou de SeAH), M. Ritchie exerçait ses activités sous la même fausse impression que des valeurs normales s’appliquaient à tous les tuyaux de Pusan/SeAH. Malgré cela, R&R déclarait constamment ces tuyaux à son courtier en douane comme des tuyaux à simple spécification plutôt qu’à double spécification. Les documents présentés à Douanes Canada le confirment; ils contiennent de plus une déclaration selon laquelle il s’agissait de tuyaux à simple spécification.

 

[71]      À la conclusion du procès, R&R reconnaît qu’il existe des transactions à l’égard desquelles le rapport d’essai d’usine certifie que les tuyaux répondent à une double spécification et que R&R ne peut établir que les tuyaux ne portent pas la marque d’une double spécification. Ces transactions ont découlé d’achats effectués auprès de State Pipe. R&R admet donc que les tuyaux sont à double spécification. De plus, R&R reconnaît que des achats de tuyaux visés par des rapports d’essai d’usine mentionnant une double spécification ont été effectués auprès de Korea Steel. Les incohérences dans les autres documents ne sont pas suffisantes pour permettre à R&R d’établir, selon la prépondérance de la preuve, que la mention d’une double spécification résulte d’une erreur d’écritures. Par conséquent, elle admet que les tuyaux portent la marque d’une double spécification.

 

[72]      Ces admissions ont trait aux transactions 5, 7, 24, 26, 28, 34, 35, 37, 39, 40 et 42. J’ajoute la transaction 30 à cette liste parce qu’elle concerne aussi des tuyaux à double spécification de Pusan/SeAH importés par l’intermédiaire de State Pipe. Par suite de ces admissions, l’argument fourni précédemment par R&R dans sa catégorie [traduction] « Erreurs relatives aux documents », sous-catégorie [traduction] « Rapports d’essai d’usine non corrigés », n’est plus pertinent.

 

[73]      Cependant, R&R soutient que les tuyaux à double spécification ne sont pas soumis à des droits antidumping parce que [traduction] « les tuyaux à double spécification ont été fabriqués exclusivement selon les spécifications de la norme API 5L » et que, par conséquent, [traduction] « ils sont exclus en vertu de l’ordonnance du TCCE ». Voici le raisonnement qui justifie cet argument :

a)         L’ordonnance antidumping exclut « les tubes [sic] pour les canalisations de pétrole et de gaz fabriqués exclusivement pour répondre aux normes de l’API » (c’est R&R qui souligne). Le TCCE a délibérément choisi le terme « fabriqués ». Parce que les normes API 5L et ASTM A53 sont différentes et que la norme API 5L est supérieure, les tuyaux à double spécification auront été fabriqués uniquement selon la norme API 5L et engloberont de ce fait toutes les normes inférieures (comme la norme ASTM 53).

b)         L’utilisation de l’expression « canalisations de pétrole et de gaz » n’apporte rien à la définition. En effet, la preuve établit que cette expression désigne couramment des tuyaux fabriqués selon la norme API 5L. Cette formulation, cependant, exclurait les tuyaux pour canalisations de pétrole et de gaz fabriqués selon d’autres normes (p. ex., si l’ASTM établissait des normes visant les tuyaux de conduite, ces dernières ne seraient pas admissibles à cette exemption).

c)         Les tuyaux sont marqués à l’usine, mais le marquage ne fait pas partie du processus de fabrication. Les tuyaux, au moment du marquage, ont déjà été fabriqués selon des normes données. La marque représente simplement les normes au moyen desquelles le fabricant a choisi de commercialiser les tuyaux. Il s’agit peut-être de normes selon lesquelles les tuyaux ont été fabriqués ou des normes inférieures, selon le marché où les produits seront probablement vendus

d)         Le terme « exclusivement » signifie que si l’API crée des normes qui sont les mêmes que des normes existantes de l’ASTM ou si l’ASTM crée des normes qui sont les mêmes que des normes existantes de l’API, de sorte que les produits pourraient être interchangeables, des droits antidumping seraient imposés sur les produits de l’API. À ce stade, les tuyaux de l’API et les autres tuyaux mentionnés dans l’ordonnance sur le dumping (il ne s’agit pas nécessairement des tuyaux répondant aux exigences de la norme A53, mais il pourrait s’agir de tuyaux A120 ou de tuyaux visés par une autre norme) pourraient être interchangeables, et l’ordonnance antidumping doit s’appliquer à ces autres tuyaux. En l’espèce, les produits répondant aux normes API 5L et A53 ne sont pas interchangeables.

e)         L’interprétation proposée ne va pas à l’encontre de l’ordonnance du TCCE. En effet, les tuyaux répondant à la norme API sont plus lourds et leurs coûts de production sont plus élevés. M. Marks a soutenu que les entreprises canadiennes ne fabriquent pas de tuyaux à double spécification pour les formats normalisés API 5L ou A53B à cause des coûts supplémentaires qu’il faut assumer pour respecter la spécification supérieure. Ils sont fabriqués uniquement pour les formats spécialisés.

f)          Le TCCE aurait pu utiliser des termes visant à exclure spécifiquement les tuyaux à double spécification ou à multiple spécification au cas où l’une des normes concerne un type de tuyaux mentionné dans l’ordonnance du TCCE.

g)         Le défendeur joue un rôle actif dans les audiences sur les taux du TCCE. C’est l’entité qui fait enquête sur les questions de dumping et fait rapport au TCCE. C’est aussi celle qui administre l’ordonnance. Le défendeur est donc bien placé pour savoir s’il existe des problèmes quant à l’interprétation des termes utilisés. La terminologie utilisée dans l’ordonnance du TCCE n’a pas changé depuis 1983. Cette question aurait pu être abordée aux audiences de 1990, de 1995 et de l’an 2000 et l’ordonnance aurait pu être révisée. Le défendeur s’est contenté de rendre une ordonnance en 1993 selon laquelle des droits antidumping devraient s’appliquer aux tuyaux API d’une longueur inférieure à 37 pi.

h)         L’interprétation de R&R n’est pas illogique. En effet, les États-Unis imposent des droits antidumping sur les tuyaux A53, mais non sur les tuyaux API 5L/A53 à double spécification.

 

[74]      À mon avis, l’interprétation que fait R&R de l’ordonnance du TCCE est tordue. En interprétant l’ordonnance, il faut tenir compte de la politique ou de l’objet qui la sous-tend. Il est clair que la politique qui sous-tend l’ordonnance est de protéger les producteurs canadiens des dommages causés par le dumping des tuyaux visés sur le marché. Si l’interprétation de l’ordonnance entraîne l’exclusion des tuyaux à double spécification, même si ce type de tuyaux est largement utilisé dans des applications englobant celles des tuyaux normalisés, la politique et l’objet soutenant l’ordonnance seraient tous les deux affaiblis.

 

[75]      De plus, l’interprétation de R&R enlèverait tout sens à l’utilisation du terme « exclusivement ». Or, c’est justement ce que signifie l’expression « fabriqués exclusivement pour répondre aux normes de l’API ». Le terme « exclusivement » concerne son objet, c’est-à-dire « répondre aux normes de l’API ». Donc, les tuyaux à double spécification ne se conforment pas exclusivement aux normes de l’API. Ils sont plutôt conformes à la fois aux normes de l’API et de l’ASTM. À cet égard, je m’appuie sur le rapport de Frank Christensen et, plus précisément, sur sa déclaration, que j’accepte, selon laquelle les tuyaux à double spécification répondent simultanément aux exigences des deux normes.

 

[76]      De plus, les termes « canalisations de pétrole et de gaz » ont un sens dans ce contexte. Même si cette expression est un terme descriptif commun dans l’industrie, son inclusion donne du poids à l’objet de l’ordonnance, c’est-à-dire exclure les tuyaux utilisés pour les canalisations de pétrole et de gaz.

 

[77]      Le renvoi au Canadian Oxford Dictionary, 2e éd (Don Mills, Oxford University Press, 2004), confirme mon opinion à cet égard. On définit comme suit le terme « exclusive » [exclusif] : [traduction] « excluant d’autres choses », [traduction] « excluant tout sauf ce qui est mentionné spécifiquement » et [traduction] « employé, suivi ou conservé à l’exclusion de tout le reste ». Cette définition renforce la disposition selon laquelle l’ordonnance du TCCE exclut uniquement les tuyaux répondant aux normes de l’API, à l’exclusion de toutes les autres spécifications.

 

[78]      De plus, selon le principe juridique établi, les ordonnances du TCCE ne doivent pas être interprétées selon les principes de l’interprétation législative : J.V. Marketing Inc. c. Sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l’ accise, 1992 T.C.C.E. no 102, conf. par 1994, 178 N.R. 24 (C.A.F.); Canada (Sous-ministre du Revenu national, Douanes et accise – M.R.N.) c. Schrader Automotive Inc. (1999), 240 N.R. 381 (C.A.F.). Le fonctionnement du processus de réexamen du TCCE touche des questions d’une grande importance liées à la politique s’appliquant à l’économie et au commerce, notamment international. La Cour devrait faire preuve d’une certaine retenue à l’égard de la politique qui sous-tend la décision : Yves Ponroy Canada c. Canada (Sous-ministre du Revenu national – M.R.N.) (2000), 259 N.R. 38 (C.A.F.).

 

[79]      Selon l’argumentation de R&R, c’est l’indication du fabricant sur le rapport d’essai d’usine qui détermine si des tuyaux sont soumis à la décision, peu importe l’exactitude du rapport d’essai d’usine. Cependant, les termes de l’ordonnance « habituellement fournis pour répondre aux normes ASTM A53 […] ou aux normes équivalentes » ont une portée plus grande que les termes [traduction] « certifiés à l’égard de ». Les termes utilisés par le TCCE dans son ordonnance englobent les tuyaux habituellement fournis pour répondre à la norme ASTM A53 ou à des normes équivalentes, peu importe l’étiquette ou le certificat.

 

[80]      En ce qui concerne la participation du défendeur aux audiences du TCCE, le défendeur soulève une objection aux commentaires de R&R et soutient qu’ils ne sont pas fondés. Puisqu’il n’y a pas de preuves pour étayer la position de R&R à ce sujet, je n’y accorde pas d’importance. Je souligne toutefois que la preuve révèle que R&R avait la possibilité de participer au processus de réexamen du TCCE, mais qu’elle a choisi de ne pas le faire.

 

[81]      La façon de procéder adoptée par les États-Unis en ce qui concerne les tuyaux à double spécification n’est pas pertinente.

 

[82]      En résumé, l’acceptation de l’interprétation que fait R&R du terme « exclusivement » éliminerait la protection que procure l’ordonnance contre le préjudice sensible résultant du dumping de tuyaux coréens ASTM A53. Si on excluait les tuyaux à double spécification de l’ordonnance, les importateurs pourraient, dans tous les cas, importer des tuyaux à double spécification, sans payer de droits, puis les commercialiser et les vendre comme des tuyaux ASTM A53. Cette activité saperait entièrement la politique et l’objet qui sous-tendent l’ordonnance.

 

[83]      Pour les motifs qui précèdent, l’interprétation que fait R&R de l’ordonnance du TCCE n’est pas défendable et je la rejette. Il s’ensuit que l’appel de R&R ne peut être accueilli en ce qui concerne les transactions 5, 7, 24, 26, 28, 30, 34, 35, 37, 39, 40 et 42.

 

[84]      La présente décision ne tranche pas de toutes les transactions concernant la catégorie des tuyaux à double spécification. Il faut aborder les transactions 1 à 4, 6, 8, 9, 19, 20, 22, 23 et 31. R&R placerait aussi les transactions 25 et 38 dans cette catégorie, mais j’estime que lesdites transactions devraient plus logiquement figurer dans les catégories [traduction] « Rapports des experts » et [traduction] « Tuyaux courts ».

 

[85]      Même si les transactions ci-dessus sont classées dans la catégorie des tuyaux à double spécification, R&R place les transactions 1, 2, 3, 4 et 9 dans la sous-catégorie [traduction] « Erreurs dans les documents d’expédition autres que les rapports d’inspection d’usine ». En ce qui concerne les transactions 6, 8 et 31, R&R soutient qu’elles ont trait à des [traduction] « Erreurs relatives à des rapports d’inspection d’usine qui ont été corrigées ». Quant aux transactions 19, 20, 22 et 23, R&R déclare qu’elles appartiennent véritablement à la catégorie qu’elle a appelée [traduction] « Bon de commande générique ».

 

[86]      Dans l’ensemble, R&R soutient que des droits antidumping ont été imposés à des transactions visées par des documents qui décrivent les tuyaux comme des tuyaux répondant à la norme A53 ou à la fois aux deux normes A53 et API 5L. Cette démarche place la demanderesse dans une situation difficile. En effet, R&R soutient que la preuve indique, selon la prépondérance de la preuve, que les tuyaux sont des tuyaux API 5L plutôt que A53 ou à double spécification.

 

[87]      En ce qui concerne les [traduction] « Erreurs dans les documents d’expédition », R&R admet que les dossiers relatifs à chacune des transactions (1, 2, 3, 4 et 9) contiennent des documents présentant des incohérences quant aux normes auxquelles répondent les tuyaux. Mais il doit s’agir d’une norme ou d’une autre. Par conséquent, il incombe à la Cour de tenir compte de l’ensemble des documents pour décider, selon la prépondérance de la preuve, quelles normes ont été marquées sur les tuyaux. Donc, puisque nous ne disposons plus des tuyaux, on ne peut simplement dire que R&R ne réussit pas à s’acquitter du fardeau de la preuve. Sinon, une personne ne pourrait jamais obtenir gain de cause lorsqu’il y a eu confiscation compensatoire.

 

[88]      R&R soutient que la preuve étaye sa proposition parce que Mme Brosas et MM. Hunt, Maceyovski, Ritchie et Bagnall ont déclaré dans leurs témoignages que des erreurs avaient été parfois commises dans les documents d’expédition et les rapports d’essai d’usine.

 

[89]      L’interprétation du témoignage de Mme Brosas et de M. Hunt, pris en contexte, est quelque peu exagérée et n’est pas aussi favorable à R&R que celle-ci le prétend. Cependant, les autres témoins ont déclaré que des erreurs humaines se produisent et que les documents contiennent des erreurs à l’occasion.

 

[90]      M. Ritchie et M. Bagnall ont déclaré d’une façon non équivoque que R&R ne voulait pas importer de tuyaux A53 ou de tuyaux à double spécification soumis à des lois antidumping parce que ce n’est pas rentable. M. Kendal (enquêteur de Douanes Canada) a reconnu que, au cours de la période en cause, R&R a payé 25 000 $ en droits antidumping.

 

[91]      MM. Ritchie et Bagnall ont déclaré que R&R avait comme pratique, chaque fois qu’un document d’expédition (particulièrement un rapport d’essai d’usine) présentait une erreur, de chercher à le faire corriger. R&R évoque divers messages par télécopieur exigeant la correction de documents pour confirmer cette pratique. M. Bagnall a déclaré dans son témoignage que les chargements contenant des erreurs relatives aux documents représentaient une petite portion (moins de 5 %, selon son estimation) des achats totaux de R&R. Étant donné qu’il y a eu 333 chargements expédiés de la Corée pendant l’époque en cause, il n’est pas déraisonnable, selon R&R, de s’attendre à quelques erreurs d’écritures, et encore plus dans le cas des transactions conclues avec un pays étranger, dans une langue étrangère. R&R ne mentionne pas dans son argument la bonne connaissance de la langue coréenne que possède M. Ritchie.

 

[92]      R&R soutient que l’enquêteur a choisi de ne pas reconnaître les erreurs dans les documents comme explication logique de toute [traduction] « description erronée » des 43 transactions. Donc, si un document visant l’une des transactions désignait un chargement comme un chargement de tuyaux ASTM A53 ou de tuyaux courts API 5L, on imposait à ce dernier des droits antidumping. R&R soutient qu’il est illogique de supposer que des erreurs ne se retrouveront pas dans des documents commerciaux. L’erreur humaine est une réalité dont il faut tenir compte, particulièrement dans les parties du globe non encore informatisées. R&R soutient que les erreurs dans les documents expliquent logiquement les problèmes relatifs à ces transactions.

 

[93]      En ce qui concerne la primauté du marquage sur les tuyaux ou du contenu des rapports d’essai d’usine, je vais être très claire. Selon les témoignages de tous les témoins (des deux parties), le rapport d’essai d’usine est un document fondamental sur lequel les intervenants de l’industrie s’appuient énormément. La marque sur les tuyaux a une aussi grande importance. Cependant, dans les faits, les marques apposées sur les tuyaux en relation avec les [traduction] « Erreurs dans les documents d’expédition » ne sont pas un facteur essentiel. Normalement, c’est le rapport d’essai d’usine qui devrait s’imposer.

 

[94]      Je reconnais que le rapport d’essai d’usine est généralement considéré dans l’industrie comme un document extrêmement important et digne de foi et que les distributeurs comme les ingénieurs l’utilisent beaucoup. Cependant, compte tenu des faits en l’espèce, j’estime que la légitimité et le sérieux des rapports d’essai d’usine des fabricants coréens dans la présente affaire peuvent maintenant être mis en doute et qu’ils sont suspects pour les motifs qui seront approfondis dans la catégorie intitulée [traduction] « Rapports des experts sur la norme A513 ». Pour l’instant, disons simplement que j’accorde très peu de poids ou d’importance aux rapports d’essai d’usine dans la présente affaire.

 

[95]      Cela dit, l’argument de R&R n’est pas dénué de tout fondement. Compte tenu de la preuve et à la lumière du simple bon sens, il faut reconnaître les risques d’erreurs humaines ou d’erreurs d’écriture. Ayant abordé les « erreurs » alléguées dans cette optique et ayant examiné la preuve documentaire et orale, je ne suis pas convaincue (sauf deux exceptions) que R&R s’est acquittée du fardeau de la preuve.

 

[96]      Les documents relatifs aux transactions 1, 2, 3, 4 et 9 comprenaient des documents relatifs à des marchandises sous douane, des formules des douanes, des factures commerciales, des connaissements, des bordereaux de marchandises et des rapports d’essai d’usine. Dans pratiquement tous les cas, il n’est pas vraiment indiqué si les chargements en cause étaient composés de tuyaux API 5L. Il est vrai, comme le souligne R&R, que les documents s’interprètent dans les deux sens. Cependant, la grande majorité d’entre eux, dans chaque cas, indiquent des chargements à double spécification. De plus, dans deux des transactions, il est évident, et j’estime qu’il s’agit d’un fait établi, que les documents ont été modifiés dans le but précis de faire croire à Douanes Canada que des tuyaux à double spécification étaient des tuyaux à simple spécification. Qu’un rapport d’essai d’usine, à l’égard de tout chargement, désigne des tuyaux comme répondant à la norme API 5L n’est pas pertinent, compte tenu de l’importance que j’accorde aux rapports d’essai d’usine dans la présente affaire.

 

[97]      Cependant, à l’égard de deux transactions, R&R m’a convaincue que la désignation de double spécification constitue une erreur. En effet, la transaction 9 est accompagnée uniquement d’un connaissement décrivant un chargement à double spécification. Tous les autres documents (et il y en a bon nombre) mentionnent la norme API 5L. Le connaissement a été corrigé afin qu’il devienne conforme à tous les autres documents. Dans ces circonstances et sur la base de cet élément de preuve, j’estime que R&R s’est acquittée du fardeau de la preuve et son appel à l’égard de la transaction 9 devrait être accueilli.

 

[98]      Je suis du même avis en ce qui concerne la transaction 3 parce que je suis convaincue qu’il ne s’agit pas d’un chargement à double spécification. C’est plutôt un chargement de tuyaux répondant à la norme API 5L. Cependant, cette constatation ne règle pas le problème de R&R parce que les tuyaux visés par la transaction 3 sont des tuyaux de longueur aléatoire simple 21 pi. À moins que l’argument de R&R concernant la catégorie des [traduction] « Tuyaux courts » l’emporte, sa victoire concernant la transaction 3 incluse dans la catégorie des [traduction] « Tuyaux à double spécification » n’en est pas vraiment une.

 

[99]      J’en conclus donc que R&R a établi, selon la prépondérance de la preuve, qu’il n’y avait pas eu violation en relation avec la transaction 9. Je réserve toute conclusion à l’égard de la transaction 3 jusqu’à ce que la question de la catégorie des [traduction] « Tuyaux courts » ait été abordée et tranchée.

 

[100]    Ensuite, R&R mentionne les transactions 6, 8 et 31 et soutient que chacun des chargements est accompagné de rapports d’essai d’usine concernant une seule nomenclature de simple spécification selon la norme API 5L. M. Ritchie et M. Bagnall ont déclaré dans leurs témoignages que les rapports d’essai d’usine indiquant une simple spécification, dans chaque cas, remplaçaient des rapports d’essai d’usine mentionnant incorrectement une double spécification, ce qui n’était pas conforme au marquage des tuyaux. Les deux personnes ont déclaré que des employés de R&R vérifiaient les chargements à l’arrivée afin de confirmer que les marques indiquaient une simple spécification. Une correction avait été demandée à l’égard d’un rapport d’essai d’usine mentionnant une double spécification.

 

[101]    À la lumière de la preuve présentée à l’instruction, j’ai beaucoup de difficulté à accepter l’argument de R&R. Le seul élément de preuve concernant l’inspection des chargements (pour en vérifier le marquage) prend la forme des témoignages de MM. Ritchie et Bagnall. Le témoignage de M. Bagnall n’est pas très utile parce que, de son avis même, il travaillait dans le secteur administratif de l’entreprise et qu’il admettait n’avoir qu’une connaissance limitée des tuyaux en acier.

 

[102]    Aucun relevé n’a été établi à l’égard d’inspections. Aucun des dossiers ne contenait de mentions relatives aux inspections. Aucune des demandes de correction de R&R ne mentionne le marquage des tuyaux. En effet, elles ont plutôt rapport à d’autres « documents ». Ce qui est plus révélateur, MM. Ritchie et Bagnall ont reconnu, en contre-interrogatoire, que dans certains cas (assez fréquents) des corrections aux rapports d’essai d’usine avaient été demandées avant l’arrivée des chargements de tuyaux. Cette reconnaissance affaiblit considérablement le bien-fondé de ces témoignages.

 

[103]    En ce qui concerne la transaction 8, le rapport d’essai d’usine (remplacé plus tard par un rapport « corrigé ») portait la mention manuscrite suivante : [traduction] « À l’usage des clients seulement! Non destiné aux douanes ». MM. Ritchie et Bagnall ont reconnu qu’il était tout à fait possible que le rapport d’essai d’usine « non corrigé » ait pu être remis à un client avant l’arrivée de la version « corrigée ».

 

[104]    Dans ces circonstances et, encore une fois, compte tenu du poids que j’accorde aux rapports d’essai d’usine, R&R ne m’a pas convaincue que l’appel devrait être accueilli à l’égard des transactions 6, 8 et 31.

 

[105]    Le dernier « groupe » visé par la catégorie des tuyaux à double spécification concerne les transactions 19, 20, 22 et 23. R&R a regroupé ces transactions sous le titre [traduction] « Bon de commande générique ». Le bon de commande utilisé pour les quatre transactions portait le numéro 36520 et la date du 8 juin 1994.

 

[106]    R&R soutient que ces transactions constituent un groupe à part. Elle affirme qu’il n’existe tout simplement pas de documents relatifs à ces transactions permettant de soutenir que la norme A53 était indiquée à l’égard des tuyaux. En effet, les dossiers d’importation et le rapport d’inspection en usine confirment que les tuyaux importés respectaient soit la norme API 5L soit la norme ASTM A513. Aucun de ces tuyaux n’est soumis à des droits antidumping. Aucun des experts métallurgistes n’a cherché à contester l’applicabilité de la norme A513 en l’espèce.

 

[107]    R&R allègue que le seul fondement de l’imposition de droits est la mention de la norme A53B dans le bon de commande. M. Ritchie a expliqué que le numéro de bon de commande était utilisé comme numéro de référence pour un certain nombre d’achats sur une période de quelques mois. Il a rappelé que Korea Steel exigeait un numéro de bon de commande pour tous les chargements. Parce que R&R n’avait pas émis de bon de commande écrit séparé pour cette transaction, on mentionnait à chaque fois un bon de commande existant.

 

[108]    Mais, d’une façon ou d’une autre, on soutient que le bon de commande n’est pas valide. Plus précisément, on n’y indique pas la quantité, le diamètre, l’épaisseur des parois (nomenclature), la longueur, la coupe (extrémité lisse, biseautée, etc.) et le revêtement. Il n’existe tout simplement pas de preuve que des tuyaux ASTM A53 aient été importés dans le cadre de ce bon de commande. R&R maintient que son explication (le bon de commande a été utilisé pour donner accès à un numéro de référence) est valable et qu’il n’existe aucune autre explication logique. Puisque ni les documents d’expédition ni les rapports d’essai d’usine n’indiquent que ces tuyaux répondaient à la norme A53, ces derniers ont probablement porté la marque API 5L ou A513 plutôt que A53. Le défendeur n’a fourni aucune preuve à l’effet contraire, malgré une enquête approfondie.

 

[109]    Il me semble que R&R n’a pas bien saisi de quelle façon se répartissait le fardeau de la preuve à l’égard de ces transactions. La charge de prouver l’importation incombe au défendeur. Et ce dernier s’en est acquitté. Il incombe maintenant à R&R d’établir, selon la norme civile de preuve, que ces transactions ne constituaient pas une violation de la Loi sur les douanes.

 

[110]    Malgré mes réserves concernant le sérieux de M. Ritchie à bien des égards, pour ce qui est des présentes transactions en particulier, je suis convaincue, sur la foi de la preuve qui m’a été soumise, que R&R devrait obtenir gain de cause quant aux transactions 19, 20, 22 et 23. Le défendeur a raison de dire que le bon de commande désigne des [traduction] « tuyaux d’acier TM SRÉ A53B ». Cependant, aucun droit n’a été imposé à l’égard de cet achat ou de cette importation. Les quatre transactions en cause sont indiquées au moyen d’annotations manuscrites sur le bon de commande. Il y a un numéro de facture pour chaque transaction de même que les autres renseignements pertinents mentionnés sur le document.

 

[111]    Il y a beaucoup de documents dans les pièces à l’égard de chacune des transactions visées. À une exception près, aucune d’elles ne mentionne des tuyaux ASTM A53. Dans les circonstances, j’estime que l’explication de M. Ritchie concernant le bon de commande est à la fois plausible et raisonnable. Il me semble que le bon de commande en question avait été établi parce qu’il était commode, et je conclus en ce sens. Les transactions visées, selon la preuve et la norme civile de preuve, n’étaient pas des importations de tuyaux ASTM A53. Il s’ensuit que l’appel de R&R à l’égard des transactions 19, 20, 22 et 23 sera accueilli, compte tenu de la réserve exposée dans le paragraphe qui suit.

 

[112]    Cette décision s’accompagne donc d’une réserve. Mon examen des documents relatifs à ces transactions a établi qu’il n’y avait eu aucune allusion à des tuyaux courts API 5L. Cependant, il s’agit de transactions englobant chaque fois plusieurs dimensions de tuyaux. Dans le cas de certaines transactions mentionnées dans la preuve, jusqu’à huit dimensions différentes de tuyaux se retrouvent dans une même transaction, alors que seulement deux dimensions sont en cause. Même si je suis à peu près certaine de ne pas avoir laissé échapper un chargement de tuyaux courts dans les transactions 19, 20, 22 et 23, je n’exclus pas la possibilité que j’aie pu le faire. Par conséquent, si des tuyaux courts étaient en jeu dans les transactions 19, 20, 22 et 23, R&R ne pourrait avoir gain de cause relativement aux tuyaux courts API 5L dans ces transactions à moins que son argument relatif à la catégorie des [traduction] « Tuyaux courts » l’emporte à la fin de la journée.

 

H. Rapports des experts sur la norme A513

[113]    Cette catégorie englobe les transactions 10, 13, 14, 15, 17, 21, 25, 36, 38 et 41. J’ai inclus aussi les transactions 11, 12, 16 et 18. Le deuxième groupe de transactions se retrouve aussi dans la catégorie des [traduction] « Tuyaux courts ». Parce que R&R a présenté un argument distinct en relation avec les tuyaux courts et parce que le sort de certaines transactions antérieures repose sur le résultat de cet argument, les transactions 11, 12, 16 et 18 seront abordées dans le cadre des catégories [traduction] « Rapports des experts » et [traduction] « Tuyaux courts ».

 

[114]    Certains commentaires préliminaires relatifs aux experts et à la nature de leurs témoignages s’imposent. Quatre rapports d’expert ont été admis comme pièces au dossier du procès. R&R a remis le rapport de Victor Marks, qui a été appelé à témoigner. M. Marks ne pouvait offrir d’aide à l’égard de ces catégories parce qu’il n’avait pas d’expérience dans le domaine des tubes pour usages mécaniques ASTM A513. Au contraire, il a déclaré qu’il [traduction] « n’en avait entendu parler pour la première fois que six mois auparavant ».

 

[115]    Le défendeur a produit les rapports d’expert de Frank Christensen, Jeff Hunt et Michel Séguin. MM. Hunt et Séguin ont témoigné alors que le rapport de M. Christensen a été produit avec le consentement des parties. Voici les spécialités de chacun :

•           M. Christensen – expert en métallurgie des tuyaux et tubes.

•           M. Hunt – expert en métallurgie des tuyaux et tubes de même qu’en commercialisation et vente dans ce domaine.

•           M. Séguin – expert dans la commercialisation et la vente de tuyaux et tubes d’acier, possédant de ce fait certaines connaissances relatives à la production.

 

[116]    Je dois dire que M. Christensen a d’abord joué un rôle dans la présente affaire à la demande de Roy Kendal, enquêteur de Douanes Canada. Pendant son enquête sur R&R, M. Kendal, ne possédant pas de connaissances spécialisées sur la composition et les variétés de tuyaux et tubes en acier, a demandé l’aide technique de M. Christensen. Ce dernier a examiné les rapports d’essai d’usine touchant les transactions 10, 13, 14, 15, 17, 21, 25, 36 et 41 et a remis à M. Kendal un rapport sur ses conclusions. Le rapport a joué un rôle important à l’égard de certaines transactions visées par l’enquête.

 

[117]    Afin de se préparer en vue de la présente action, M. Christensen a aussi examiné les rapports d’essai d’usine touchant les transactions 11, 12, 16 et 18. Le rapport établi aux fins du procès contient les conclusions et opinions de M. Christensen concernant à la fois les rapports d’essai d’usine examinés pendant l’enquête et ceux qu’il a examinés par la suite.

 

[118]    La présente action devait à l’origine être instruite en mai 2005. Le procès a été ajourné parce que M. Christensen, à cause d’un accident vasculaire cérébral, était incapable de témoigner. À cause de problèmes de santé résiduels, M. Christensen n’a pu comparaître et les parties se sont entendues pour que son rapport soit produit sur consentement.

 

[119]    De façon indépendante, M. Hunt a examiné les rapports d’essai d’usine sur les transactions 10, 13, 14, 15, 17, 21, 25, 36 et 41 et a rédigé un rapport exposant ses conclusions. M. Hunt n’avait pas lu le rapport de M. Christensen et rien n’indique qu’il ait été au courant de son existence.

 

[120]    M. Séguin a témoigné au sujet des diverses normes relatives aux tuyaux et tubes (y compris les caractéristiques générales de chacun d’eux) et à l’égard de la pratique de déclassement ou de reclassement.

 

[121]    Étant donné la façon dont ces transactions ont été abordées jusqu’à maintenant, j’ai l’intention de les traiter en deux groupes distincts. Les transactions figurant dans la catégorie des tuyaux courts seront abordées uniquement lorsque j’aurai traité du premier groupe. Pour faire en sorte que les choses soient claires et cohérentes, je dois ajouter qu’il ressort essentiellement des examens et rapports de MM. Christensen et Hunt que les tubes pour usages mécaniques ASTM A513 de R&R étaient en fait fabriqués comme des tuyaux respectant la norme ASTM A53.

 

[122]    R&R conteste à un certain nombre d’égards les conclusions des experts. Premièrement, elle conteste le fait que M. Christensen, pour donner son opinion, a choisi le libellé exact de l’ordonnance du TCCE plutôt que [traduction] « d’autres termes pour expliquer son interprétation » des rapports d’essai d’usine. Elle allègue qu’il cherche à utiliser son expertise pour rendre une décision qui incombe à la Cour. En tant qu’expert, M. Christensen est censé aider la Cour et non se faire l’avocat d’une des parties.

 

[123]    Ensuite, R&R soutient, en s’appuyant sur le libellé de l’ordonnance du TCCE, qu’il ne suffit pas que les tuyaux aient été fabriqués pour répondre à la norme ASTM A53. Contrairement à ce qui se produit pour la norme API 5L, qui est exclue de l’ordonnance antidumping, [traduction] « l’ordonnance ne précise pas les spécifications selon lesquelles les tuyaux sont fabriqués ». R&R formule la question en jeu comme suit : [traduction] « habituellement fournis pour répondre aux besoins de tel marché ». Elle développe son argument comme suit. Si les tuyaux ou tubes importés sont habituellement fournis pour répondre aux besoins du marché du produit A53, ils devraient normalement comporter notamment comme spécification la norme A53 ou, sinon, il faudrait prouver qu’ils sont utilisés au même titre que le produit A53. L’objet de l’ordonnance antidumping est de protéger le marché du produit A53 (et les autres marchés mentionnés dans l’ordonnance du TCCE) jugé menacé par le dumping. L’ordonnance du TCCE ne cherche pas à protéger le marché du produit A513. Aucune conclusion n’établit que le produit ASTM A513 a causé un préjudice sensible pour qu’une protection antidumping à son égard s’impose.

 

[124]    De plus, le terme « habituellement » est ajouté afin que le défendeur [traduction] « n’ait pas à prouver l’utilisation finale d’un tuyau donné afin d’imposer des droits – uniquement ce qui est probablement ou habituellement fourni dans les transactions où le produit A53 est acheté ».

 

[125]    R&R soutient que la preuve démontre clairement que les tuyaux A53 et les tubes A513 ne se font pas concurrence à l’intérieur d’un même marché. M. Hunt a déclaré que les tuyaux A53 sont utilisés pour des applications mécaniques et des applications pour lesquelles ils sont soumis à des pressions ainsi que pour le transport et le transfert de vapeur, d’eau, de gaz et d’air. Quant aux produits fabriqués selon la norme A513, ils visent le marché des tubes pour usages mécaniques. Le rapport de M. Christensen énumère les divers marchés pour chaque produit. MM. Herd et Maceyovski vendaient des produits pour le marché de la norme A53 et ne souhaitaient pas acheter de produits répondant aux spécifications de la norme A513.

 

[126]    R&R soutient qu’il importe peu qu’un métallurgiste soit d’avis qu’un tube répondant à la norme A513 est un tuyau répondant à la norme A53. Dans les faits, le rapport d’essai d’usine des tuyaux conclut que ces derniers respectent la norme A513. Les tuyaux répondant aux spécifications de la norme A513 et portant les marques pertinentes ne sont pas fournis à des personnes qui veulent un produit répondant à la norme A53. Cette affirmation, selon R&R, est soutenue par les éléments suivants :

•           Le fait que si la marque A513 est apposée sur un tuyau et que la mention de cette norme figure dans le rapport d’essai d’usine, le tuyau ne peut être vendu comme un produit A53. Les acheteurs n’appliqueront pas leur propre interprétation d’un rapport d’essai d’usine. M. Pickard, de CCTF, et M. Maceyovski, de Russell Steel, ont déclaré qu’ils n’accepteraient même pas les tuyaux API 5L avec simple spécification au lieu d’un produit A53, même si la norme API 5L est supérieure, parce que les clients ne l’accepteraient pas. Russell Steel opérerait la substitution uniquement si un client acceptait d’avance le changement.

•           M. Herd, de Westland, a déclaré qu’il a commandé des tuyaux A53. Lorsque les tuyaux portaient une marque A513 et étaient accompagnés d’un rapport d’essai d’usine confirmant cette norme, il les retournait. Il les vendait aux clients du marché de la norme A53, et ses clients n’acceptaient pas de tuyaux répondant à la norme A513.

•           Selon le témoignage de M. Hunt, le fait qu’une personne connaissant le domaine pourrait acheter un produit sur la base de l’examen du rapport d’essai d’usine est insuffisant pour conclure que R&R a acheté des tuyaux marqués de la norme A513 et les a vendus à des personnes exigeant la norme A53.

•           M. Marks a confirmé qu’un acheteur n’accepterait pas des tuyaux répondant à une autre norme que celle qui avait été demandée.

•           Douanes Canada a effectué une enquête poussée sur les ventes de R&R. L’enquêteur, M. Kendal, a confirmé qu’il n’a pas trouvé de situation dans laquelle des tuyaux marqués A513 (jugés par MM. Christensen et Hunt répondre aux spécifications de la norme A53) étaient fournis à un client qui avait demandé un produit A53.

•           M. Ritchie a déclaré dans son témoignage que R&R avait vendu le produit en cause uniquement à des personnes souhaitant acheter des produits répondant à la norme A513.

•           M. Séguin n’a pas abordé la question de savoir s’il accepterait un produit se conformant à une norme autre que celle qui avait été commandée. Il a déclaré que si un client n’avait pas besoin des rapports d’essai d’usine, il pouvait acheter des produits répondant à n’importe quelle norme. Il s’est demandé ce qui arriverait si la norme à respecter n’était pas un élément important plutôt que d’aborder une situation où un client veut un produit donné et que le distributeur propose d’en fournir un autre. Le client qui n’a pas besoin d’un produit répondant à la norme A53 ou à la norme A513 pourrait acheter des tuyaux moins coûteux conçus pour les applications en construction.

 

[127]    De plus, selon R&R, les tuyaux dans les transactions visées pouvaient aussi respecter la norme A513. Les tolérances de fabrication sont plus exigeantes, mais les fabricants étaient prêts à les certifier. Personne d’autre que le fabricant n’aurait effectué les essais requis. Le fabricant a indiqué une norme sur le rapport d’essai d’usine. Selon les témoignages de MM. Ritchie et Herd, les acheteurs se fient aux normes indiquées dans le rapport d’essai d’usine. Même si certains produits visés par le rapport d’essai d’usine respectent aussi les normes A53 ou API 5L (classe A ou nomenclature 40) ce sont les spécifications de la norme A513 qui sont essentielles.

 

[128]    Enfin, R&R soutient qu’une ordonnance selon laquelle ce type de tuyaux serait soumis à des droits antidumping causerait problème en matière de commerce international (tant pour les importations que pour les exportations). M. Marks a confirmé qu’IPSCO fabriquait ses tuyaux selon des normes supérieures à celles qui sont marquées sur les tuyaux. M. Hunt a confirmé que les tuyaux font l’objet d’un nouveau classement. Le reclassement est une partie importante du commerce de l’acier, que ce soit pour vendre les stocks excédentaires ou pour donner suite à une décision contestable. L’imposition aux importateurs de l’obligation de déclarer les tuyaux à des fins d’imposition de droits d’après des normes qui ne figurent pas sur les tuyaux ou dans les rapports d’essai d’usine et l’imposition de droits et de pénalités antidumping dans ces circonstances constitueraient des applications irréalistes et non nécessaires de l’ordonnance du TCCE. Selon les témoignages de MM. Marks, Maceyovski et Pickard, ce sont les spécifications indiquées dans le rapport d’essai d’usine (et non les données détaillées relatives aux essais) qui sont déterminantes.

 

[129]    En ce qui concerne le « libellé » utilisé par M. Christensen, R&R ne laisse pas entendre que le rapport ne peut être admis pour ce motif et ne présente pas d’objection formelle à cet égard. Elle dit plutôt que [traduction] « l’emprunt du libellé exact de l’ordonnance va un peu plus loin que l’aide à laquelle la Cour peut s’attendre d’un expert ». Poussée à ses limites, l’observation de R&R pourrait être considérée comme une mise en garde ambiguë concernant ce que l’on pourrait appeler communément « l’expression d’une opinion sur le point crucial de l’affaire ».

 

[130]    Comme je l’ai souligné pendant la présentation des observations finales de R&R, je sais fort bien qu’il revient à la Cour, et non à l’expert, de trancher. La preuve des métallurgistes est à la fois nécessaire et digne de foi. De plus, elle a été utile pour la Cour. R&R ne le nie pas.

 

[131]    Je ne vois pas la raison (on n’en a pas suggéré non plus) qui me permettrait de conclure que M. Christensen a joué un rôle d’avocat. De plus, je note dans le témoignage de M. Kendal que R&R, au stade de l’arbitrage, a soutenu que la terminologie de M. Christensen (dans le premier rapport établi pour M. Kendal, M. Christensen a utilisé l’expression [traduction] « conforme à » plutôt que « habituellement fournis pour répondre ») était floue. M. Christensen a utilisé une formulation plus précise dans le rapport établi pour le procès. R&R ne peut gagner sur tous les plans.

 

[132]    Les observations de R&R peuvent se résumer comme suit :

•           Malgré les conclusions des métallurgistes, les inscriptions dans les rapports d’essai d’usine et les marquages des tuyaux sont très importants et concluants.

•           Les tuyaux décrits ou marqués comme des produits ASTM A513 ne pourraient être vendus sur le marché comme des tuyaux A53.

•           Même si le produit respectait la norme ASTM A53, il pourrait être classé de nouveau ou déclassé au niveau des tubes ASTM A513.

•           Le défendeur n’a pas établi que les produits désignés comme des tubes ASTM A513 étaient commercialisés comme des produits ASTM A53.

 

[133]    Avant de passer à ces observations, quelques mots sur le fardeau de la preuve et les conclusions des métallurgistes s’imposent. Je rappelle que le fardeau de la preuve incombe à R&R. Le défendeur a déposé une preuve d’expert concernant l’identité des produits visés par les transactions dans cette catégorie. Le demandeur n’a pas à démontrer l’existence d’une [traduction] « situation particulière lors de laquelle des tuyaux marqués comme un produit A513 ont été fournis à un client qui avait demandé des tuyaux A53 ».

 

[134]    MM. Christensen et Hunt sont des métallurgistes compétents et expérimentés. Chacun possède un diplôme en génie métallurgique. Tous les deux ont été membres des sous-comités de l’ASTM sur les normes ASTM A53 et ASTM A513. Ils totalisent à eux deux plus de cinquante ans d’expérience dans ce domaine. Les deux hommes possèdent toutes les qualités requises pour fournir un témoignage d’expert dans cette affaire. Les deux experts ont examiné les caractéristiques des rapports d’essai d’usine pour le premier groupe de transactions de cette catégorie.

 

[135]    Chacun de son côté, chaque expert a constaté que presque tous les indices pointaient vers les tuyaux ASTM A53A plutôt que vers les tubes pour usages mécaniques ASTM A513. Les résultats des épreuves hydrostatiques, la terminologie (nomenclature 80, extrémité biseautée lisse noire) et l’utilisation de valeurs nominales (s’appliquent aux tuyaux en acier, mais non aux tubes pour usages mécaniques). Dans quatre des neuf transactions (transactions 14, 17, 21 et 41), Pusan/SeAH ou Korea Steel/Shinho ont indiqué une norme qui, selon MM. Christensen et Hunt, n’existe pas (tuyaux en acier SRÉ ASTM A513). Dans une cinquième transaction, le rapport d’essai d’usine ne mentionnait pas de norme. Il décrivait plutôt le produit comme des [traduction] « tubes à usages mécaniques » et [traduction] « des tuyaux en acier SRÉ ». Selon les experts, ces termes sont contradictoires.

 

[136]    De plus, parce que les tubes pour usages mécaniques ASTM A513 ne sont ni destinés au transport de fluides sous pression ni habituellement utilisés à cette fin, les données des épreuves hydrostatiques figurant dans les rapports d’essai d’usine en question ne seraient pas, habituellement, fournies à l’égard des tubes pour usages mécaniques ASTM A513. Par contre, certaines données sur les épreuves hydrostatiques concernant les tubes pour usages mécaniques ASTM A513 peuvent être fournies sur demande du client. Cependant, ce type de demande (appelée exigence d’essais S7 ou S8 (supplémentaires)) doit faire l’objet d’une commande particulière. Outre le fait que R&R n’a pas produit ce type de bon de commande ni, à cette fin, la preuve de la présentation de demandes d’essais S7 ou S8, les épreuves hydrostatiques pour toutes les transactions en cause, selon les experts, dépassaient les exigences de la norme ASTM A513 ou ne les atteignaient pas. De plus, les experts ont déclaré que les essais décrits dans les rapports d’essai d’usine sont obligatoires pour les tuyaux ASTM A53, mais non pour les tubes ASTM A513.

 

[137]    Les rapports d’essai d’usine pour les transactions 36 et 41 mentionnent les résultats d’essais pour les produits galvanisés par zingage. M. Christensen a indiqué que le zingage (à chaud) éliminerait les tolérances dimensionnelles strictes des tubes pour usages mécaniques. M. Hunt a déclaré que la norme ASTM A513 ne prévoit pas de tubes galvanisés. Même si l’application de certaines couches de peinture est permise, la galvanisation ne l’est pas. À la fin de la journée, la preuve de ces experts tend clairement vers une seule conclusion : les rapports d’essai d’usine visant les transactions de cette catégorie montrent que le produit est composé de tuyaux ASTM A53 plutôt que de tubes pour usages mécaniques ASTM A513.

 

[138]    Passons maintenant aux arguments de R&R. Je note encore une fois, pour plus de commodité, les éléments qui suivent dans ses observations : la désignation inscrite dans le rapport d’essai d’usine et le marquage des tuyaux sont essentiels et concluants, les produits considérés comme ou marqués ASTM A513 ne pourraient être vendus sur le marché comme des produits ASTM A53 et, même si le produit répondait à la norme ASTM A53, il pourrait être reclassé ou déclassé pour correspondre à la norme ASTM A513.

 

[139]    Dès le départ, je dois dire que, dans un contexte où le témoignage fourni par M. Ritchie contredit celui des autres témoins, j’accepte sans réserve le témoignage des autres témoins de préférence à celui de M. Ritchie. Sa preuve, en plus d’être favorable à sa position, s’est révélée faible en ce qui concerne la catégorie de produits visée et, dans certains cas, se contredisait. Par exemple, au cours de son témoignage sur la catégorie des rapports des experts, il a défendu énergiquement la supériorité des mentions dans les rapports d’essai d’usine. Cependant, lorsqu’il a été question des tuyaux à double spécification, il a insisté pour dire que c’est la marque apposée sur les tuyaux qui importait [traduction] « malgré le contenu du rapport d’essai d’usine ».

 

[140]    J’accepte le témoignage des experts selon lequel les produits décrits comme des tubes pour usages mécaniques ASTM A513 et ainsi désignés dans les divers rapports d’essai d’usine du premier groupe de transactions de cette catégorie (sauf deux exceptions qui seront abordées plus loin) étaient des tuyaux ASTM A53. Je tire la conclusion de fait que le produit était mal décrit dans le rapport d’essai d’usine.

 

[141]    J’ai déjà traité de certaines des conclusions des experts à cet égard. Un certain nombre d’observations pertinentes supplémentaires méritent d’être relevées. En ce qui concerne la transaction 14, trois rapports d’essai d’usine distincts portaient sur le même produit. Le premier rapport d’essai d’usine mentionnait la norme ASTM A53A. Les deux experts, indépendamment l’un de l’autre, ont conclu qu’il n’y avait pas d’irrégularités ou d’incompatibilités entre les normes et les résultats de l’essai. La deuxième norme indiquée dans le rapport d’essai d’usine (à l’égard du même produit) était ASTM A513 C100880 pour les tuyaux en acier SRÉ à extrémité biseautée lisse noire. Les deux experts ont relevé un certain nombre de problèmes concernant le contenu du rapport d’essai d’usine. Pour illustrer ce que je viens de dire, je reproduis les commentaires de M. Christensen, qui sont un peu plus détaillés que ceux de M. Hunt, mais qui vont dans le même sens. Le symbole « lb/po2 » (non mentionné jusqu’à maintenant) désigne les livres par po carré. Voici les constatations de M. Christensen :

                        [traduction]

1. Il n’y a pas de numéro de type (type 1, 2, 3, 4, 5 ou 6) indiqué, ce qui est un descripteur essentiel des produits de la norme ASTM A513.

 

2. On suppose que le nombre « 80 » dans la désignation renvoie à la « nomenclature 80 », étant donné que les épaisseurs de paroi indiquées sont 0,276 po et 0,218 po, soit les épaisseurs de paroi appropriées pour les tuyaux de nomenclature 80 de 2½ po et de 2 po, respectivement. La mention d’un numéro de nomenclature s’applique uniquement aux tuyaux, jamais aux tubes pour usages mécaniques.

 

3. Le type « BPEB » signifie « black plain-end bevelled » en anglais, soit « extrémité biseautée lisse noire ». Cette terminologie utilisée pour qualifier la finition des extrémités est propre aux tuyaux; les extrémités des tubes pour usages mécaniques ne peuvent avoir une telle finition.

 

4. La dimension nominale (2½ po et 2 po) est un terme qui ne s’applique qu’aux tuyaux; elle ne peut s’appliquer aux tubes pour usages mécaniques.

 

5. La désignation du poids est propre aux tuyaux, elle ne s’applique pas aux tubes pour usages mécaniques. La désignation du poids (3,47 et 2,28 kg/pi) est appropriée pour la dimension des tuyaux.

 

6. Le fait d’indiquer les résultats des essais de traction est incompatible avec l’ASTM A513 à moins que des « propriétés de traction requises » n’aient été précisées dans le bon de commande. Les résultats des essais qualifient le produit tubulaire conforme à la classe A de l’ASTM A53 ou à la classe A de l’API 5L.

 

7. Le fait d’indiquer la pression hydrostatique à laquelle les tubes ont été mis à l’essai est incompatible avec l’ASTM A513 à moins que l’exigence supplémentaire S7 n’ait été précisée dans le bon de commande. Pour les tubes conformes à l’exigence S7, la pression hydrostatique requise est de 2 690 lb/po2 pour un tube dont le diamètre extérieur est de 2,875 po et l’épaisseur de paroi, de 0,276 po et de 2 570 lb/po2  pour un tube dont le diamètre extérieur est de 2,375 po et l’épaisseur de paroi, de 0,218 po. La pression indiquée (2 500 lb/po2) est inférieure à celle requise pour qualifier le produit tubulaire conforme à l’ASTM A513 S7, mais elle est identique à celle requise pour qualifier le produit tubulaire conforme à la classe A ou B de l’ASTM A53 ou de l’API 5L.

 

8. Le fait d’indiquer les résultats des essais électriques non destructifs est incompatible avec l’ASTM A513 à moins que l’exigence supplémentaire S8 n’ait été précisée dans le bon de commande. Il est à noter que de tels essais sont requis pour les tuyaux fabriqués conformément à l’ASTM A53 ou à l’API 5L.

 

 

[142]    Le troisième rapport d’essai d’usine (concernant le même produit) indiquait la norme ASTM A513 C100880 s’appliquant aux tubes pour usages mécaniques, type extrémité biseautée lisse noire. Je n’ai pas l’intention d’exposer en détail les commentaires des experts sur ce certificat même si je remarque, encore une fois, qu’ils sont arrivés chacun de leur côté à la même conclusion (le rapport d’essai d’usine indiquait des tuyaux A53A certifiés selon la norme A513) après avoir formulé des observations semblables.

 

[143]    En ce qui concerne la transaction 25 (j’en dirai plus au sujet de cette transaction plus tard), un rapport d’essai d’usine révisé révélait un changement dans la composition chimique du produit. Selon MM. Hunt et Séguin (et le rapport de M. Christensen), ce n’est pas possible. Les composantes de l’acier (pour un lot d’une coulée portant le même numéro) ne changent pas. Même si des produits différents de dimensions différentes peuvent être fabriqués à partir de l’acier, la composition chimique de l’acier lui-même demeure constante. J’accepte cet énoncé.

 

[144]    J’accepte aussi le témoignage de M. Hunt selon lequel il devrait y avoir un seul numéro d’essai d’usine pour un produit donné et que les exigences de la norme ASTM A513 ne correspondent pas, sur le plan de la métallurgie, aux résultats de l’essai ayant fait l’objet d’un rapport.

 

[145]    Il n’est pas utile de passer en revue les transactions une par une parce que les conclusions des experts sont convaincantes à l’égard de chacune d’elles. C’est dans ce contexte que je n’accorde aucune valeur à la mention de la norme ASTM A513 par le fabricant dans les rapports d’essai d’usine visant ces transactions. Cette décision clarifie aussi mes commentaires au paragraphe 94 des présents motifs.

 

[146]    En tirant cette conclusion, je rejette la position de R&R selon laquelle [traduction] « le certificat fait foi […] s’il indique la norme A513 […] la norme constitue l’élément essentiel […] c’est la norme ASTM A513, et si nous disons quelque chose qui ne plaît pas à quelqu’un, cela ne change rien à l’affaire ». Je n’accepte pas non plus le témoignage de M. Ritchie selon lequel aucune règle n’établit que des essais obligatoires concernant la norme A53 ne peuvent s’appliquer à la norme A513. La norme API est mondiale, et aucune licence particulière n’est requise pour fabriquer des produits ASTM (alors qu’il en faut une pour les produits API); quant aux exigences de la norme ASTM, elles sont obligatoires. Le respect des normes ASTM est exigé partout dans le monde.

 

[147]    En résumé, à l’égard des transactions 10, 13, 14, 15, 17, 21, 36 et 41, j’estime que les produits décrits dans les rapports d’essai d’usine sont des tuyaux ASTM A53 plutôt que des tubes pour usages mécaniques ASTM A513. J’accepte la description de M. Hunt selon lequel [traduction] « les tuyaux et les tubes sont comme le pétrole et l’eau, ils ne se mêlent pas ».

 

[148]    Cependant, R&R allègue que la norme ASTM A53 a été nouvellement classée ou déclassée comme ASTM A513. Selon M. Ritchie, [traduction] « les fabricants ont tout à fait le droit de modifier le classement des tuyaux pour le faire correspondre à cette norme ». Il a déclaré que Stelco avait transformé la certification ASTM A53 en certification ASTM A513 (allégation contredite par M. Séguin qui a travaillé chez Stelco pendant 30 ans). M. Ritchie a reconnu en contre-interrogatoire qu’il avait pu confondre la norme ASTM A513 et la norme ASTM A500, mais au réinterrogatoire, il est revenu à sa déclaration initiale.

 

[149]    Malgré l’argument de R&R à ce sujet, il est possible de disposer de cette question sommairement. La preuve, à tous les égards, montre clairement que le déclassement ou le reclassement est une pratique courante dans l’industrie. Selon le témoignage de MM. Hunt et Séguin, que j’accepte, le reclassement s’effectue au moment de la fabrication, et non plus tard. M. Hunt a déclaré qu’un certificat révisé porte le numéro du certificat original et une modification indiquant les produits additionnels. Mais ce n’est pas le cas en l’espèce. De plus, les normes ASTM concernent ce qui est permis plutôt que ce qui est interdit.

 

[150]    Ce qui est plus important, MM. Hunt et Séguin ont mentionné dans leur témoignage l’existence d’une « chaîne » de déclassement ou de reclassement. Cette chaîne suit la séquence suivante : API 5L → ASTM A53 → ASTM 500 → ASTM A8589. La chaîne du déclassement n’englobe pas les tubes pour usages mécaniques ASTM A513. Encore une fois, pour reprendre les termes de M. Hunt, [traduction] « c’est comme essayer de faire passer un chameau par le trou d’une aiguille ».

 

[151]    Enfin, à l’égard de ces transactions, R&R soutient qu’elle n’aurait pas pu vendre des produits ASTM A513 comme étant des produits ASTM A53. Elle invoque précisément les témoignages de MM. Herd, Maceyovski et Pickard pour étayer la proposition selon laquelle, dans les cas où l’indication de la norme ASTM A513 dans un rapport d’essai d’usine était fournie à l’égard d’une commande de tuyaux ASTM A53, le chargement serait renvoyé à R&R par l’acheteur.

 

[152]    Je ne vois pas ce témoignage sous le même angle que R&R. Premièrement, les trois hommes étaient au service de grands distributeurs. M. Herd (Westland Industrial Supply), en particulier, n’avait aucun souvenir personnel à l’égard de la transaction en question et ne pouvait se rappeler ce qu’il avait fait à ce sujet. Il a déclaré dans son témoignage que les rapports d’essai d’usine n’étaient pas toujours nécessaires à cette époque, même si on les exigeait pour les achats à partir des stocks. Si, dans un achat à partir des stocks, un rapport d’essai d’usine mentionnait la conformité à la norme ASTM A513 dans le cadre d’une commande de produits ASTM A53, il estimait que les produits étaient retournés.

 

[153]    MM. Maceyovski (Russell Metals) et Pickard (CCTF Edmonton) exigeaient les rapports d’inspection d’usine au moment de commander des tuyaux ASTM A53. Il est clair que (dans la plupart des cas) les distributeurs insistaient pour obtenir les rapports d’inspection d’usine concernant les produits achetés. Mais on ne peut pas dire la même chose pour les entreprises qui n’effectuent pas de distribution. En effet, selon le témoignage de tous les témoins (y compris M. Ritchie), à l’époque en cause, les clients exigeaient rarement les rapports d’inspection d’usine. Les estimations du pourcentage des clients faisant la demande de ce document allaient d’un minimum de 10 % à un maximum de 20 %.

 

[154]    Donc, pour divers motifs, j’estime que R&R n’a pas établi qu’elle ne pouvait pas vendre les produits ASTM A513 (tels que décrits dans le rapport d’inspection d’usine) comme des tuyaux ASTM A53. Mes motifs sont tirés des conclusions de fait suivantes, elles-mêmes formulées à partir de la preuve qui a été invoquée :

•           M. Ritchie a reconnu que, dans les cas où des rapports d’essai d’usine étaient émis par la suite, un rapport d’essai d’usine original (indiquant la norme ASTM A53) pouvait être remis à un client.

•           R&R ne vendait pas exclusivement ses produits à des distributeurs. Elle vendait aussi à de petits fournisseurs et distributeurs et à quelque 200 utilisateurs finals.

•           R&R fournissait des copies des rapports d’essai d’usine uniquement sur demande.

•           M. Ritchie a déclaré dans son témoignage que, visuellement, il était difficile de faire la distinction entre les deux produits.

•           M. Hunt, qui faisait affaire avec des ingénieurs de façon suivie, a déclaré qu’un ingénieur pouvait examiner un rapport d’essai d’usine, peu importe la norme visée, et décider s’il convenait d’acheter le produit pour une application donnée. Les produits sont achetés et vendus chaque jour en fonction de l’adéquation, de la forme et de la fonction.

•           M. Séguin a déclaré que, lorsqu’un rapport d’essai d’usine n’est pas nécessaire, le client achète le produit qui possède le diamètre extérieur et l’épaisseur de paroi correspondant à l’application visée si le prix est établi en conséquence.

•           M. Ritchie a reconnu adopter le comportement suivant avec les acheteurs potentiels : [traduction] « nous leur donnons les dimensions du produit, nous leur montrons même le rapport d’essai d’usine et nous les laissons décider si le produit convient ou non ».

•           M. Ritchie a reconnu de plus que R&R offrait un [traduction] « soutien technique » aux acheteurs. Si un client utilisait un tuyau A53, R&R pouvait lui conseiller la norme A513 parce que, de cette façon, l’acheteur peut réduire ses coûts et, R&R, augmenter ses ventes.

•           M. Ritchie a reconnu que si un acheteur voulait acheter un produit qui pouvait transporter de l’eau sous une pression donnée, le produit décrit dans les rapports d’essai d’usine (comme produit répondant à la norme ASTM A513) pouvait être utilisé.

•           L’agent coréen de R&R savait que le produit ASTM A53 était soumis à des droits antidumping et que le produit ASTM A513 ne l’était pas.

•           L’agent coréen de R&R a envoyé l’avis suivant à R&R : [traduction] « Objet : Tuyaux à haute résistance mécanique A513 de 6NB X 0,188, 0,219 et 0,250; Shinho les a offerts selon la norme A53B – rapport d’essai d’usine A513 ou 5LB. Prix à 60/TM CNF. Les prix peuvent être négociés jusqu’à un certain point. Cependant, j’aimerais avoir votre avis et une idée du prix. »

•           M. Max Arthur (Northside Industries) a envoyé une demande de prix pour les tuyaux A53, nomenclature 40, 3 ½ po pour [traduction] « quelques longueurs différentes et des morceaux pleine longueur ». R&R a répondu (par l’intermédiaire de NAPS) en offrant un prix très favorable. M. Arthur a demandé une certification des essais d’usine et a reçu un rapport d’essai d’usine portant sur un produit A513. Il s’est demandé pour quelle raison le prix était bien meilleur; il a été informé par R&R que cette dernière [traduction] « importait le produit en le présentant comme étant autre chose ». Ce témoignage n’a pas été contesté. M. Arthur, aussi agent auxiliaire de la GRC, a signalé l’incident à Industrie Canada.

•           M. Pemberton, agent des douanes qui a effectué l’inspection des produits visés par la transaction 32 (maintenant acceptée par la défenderesse, mais faisant partie de cette catégorie) a établi qu’une partie des tuyaux présentés comme ASTM A513 dans le chargement inspecté étaient étiquetés ASTM A53.

 

[155]    Selon les conclusions qui précèdent, je ne suis pas convaincue que R&R ne pouvait pas vendre le produit ASTM A513 (de la façon décrite dans un rapport d’essai d’usine) comme des tuyaux ASTM A53. J’en conclus que le produit dans ces transactions est composé de tuyaux « habituellement fournis pour répondre » à la norme ASTM A53. Donc, une disposition de la Loi sur les douanes a été violée et R&R ne peut avoir gain de cause à l’égard de ces transactions.

 

[156]    J’ai déclaré plus tôt qu’il y avait deux exceptions dans le premier groupe de transactions pour cette catégorie. Ce sont les transactions 25 et 38. J’ai mentionné brièvement la transaction 25 lorsque j’ai évoqué le rapport d’essai d’usine indiquant un changement de la composition chimique de l’acier. Il y avait quatre rapports d’essai d’usine différents pour la transaction 25. L’un désignait le produit comme répondant à la norme ASTM A53. L’autre le décrivait comme des [traduction] « tubes chimiques », un produit qui n’existe pas, du moins en ce qui concerne l’ASTM. Un autre le décrivait comme des tubes pour usages mécaniques. Il y avait aussi le problème relatif au numéro de coulée. En résumé, les rapports d’essai d’usine relatifs à cette transaction illustrent parfaitement bien les motifs pour lesquels les rapports d’essai d’usine dans cette affaire ne peuvent être considérés comme fiables, ni même utiles.

 

[157]    M. Christensen n’a pas été en mesure de tirer de conclusions au sujet de la transaction 25 à cause du grand nombre d’irrégularités et des données conflictuelles dans les certificats. Il a établi que les dimensions et les descripteurs étaient conformes à des données concernant des tuyaux, mais que les résultats des essais s’appliquaient à des tubes.

 

[158]    M. Hunt a aussi relevé des irrégularités dans les divers certificats. Pour en arriver à une décision, après avoir pris note des normes et des produits, il a conclu (à partir des résultats des essais) que les rapports d’essai d’usine étaient acceptables pour les produits ASTM A500 de classe C.

 

[159]    S’appuyant sur la décision faite par M. Hunt et malgré sa position, constamment affirmée, que la mention sur le rapport d’essai d’usine constitue un facteur déterminant, R&R allègue que son appel en relation avec la transaction 25 devrait être accueilli. Le défendeur conteste et soutient que R&R, n’ayant pas produit d’éléments de preuve à cet effet, ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve. Le défendeur n’a pas contesté les positions incohérentes de R&R. Par conséquent, et avec regret, je ne tiendrai pas compte de ces « incohérences » dans ma décision concernant la transaction 25.

 

[160]    J’estime que l’argument du défendeur est intéressant parce que R&R cherche à faire valoir sa position par l’intermédiaire du témoin du défendeur plutôt que par son propre témoin. Le défendeur a raison de dire que le fardeau de la preuve incombe à R&R. Cependant, à mon avis, cet énoncé ne m’autorise pas à ne pas tenir compte de la preuve qui m’a été soumise. La preuve est la preuve, peu importe son origine. Une fois admise, la preuve peut être utilisée par l’une ou l’autre des parties, à son avantage. Dans un sens, ce faisant, R&R s’acquitte bien de son fardeau, selon le dossier.

 

[161]   Il est clair que, en ce qui concerne la transaction 25, la preuve n’est pas idéale. Cependant, il faut quand même rendre une décision. Reconnaissant que cette activité n’est pas une science, je conclus, selon la prépondérance de la preuve, que le produit visé par la transaction 25 est le ASTM A500 de classe A. Puisque c’est la conclusion que je tire, le produit n’est pas visé par l’ordonnance du TCCE et, par conséquent, il n’y a pas eu violation de la Loi sur les douanes. L’appel de R&R relatif à la transaction 25 doit être accueilli.

 

[162]    La transaction 38 n’est pas aussi complexe. Il n’existe pas d’opinion d’expert sur cette transaction parce que nous ne disposions pas de rapports d’essai d’usine à son égard. (Cette lacune affaiblit la position de R&R qui soutient obtenir « toujours » un rapport d’essai d’usine). En fait, la transaction 38 a été placée dans le premier groupe de cette catégorie en grande partie faute d’un meilleur endroit pour la classer. Un certain nombre de documents concernent cette transaction. Le produit est décrit de diverses façons : [traduction] « tubes pour usages mécaniques, norme A513, avec revêtement apposé en usine », « tubes structuraux, norme A500, classe C », « ASTM A53 » et « tubes pour usages mécaniques SRÉ, norme ASTM A513, nomenclature 40 ». À ce stade des procédures, les contradictions relatives à ces mentions sont évidentes. Sur la foi de ces éléments de preuve et en l’absence de toute explication de R&R, je n’hésite pas à conclure que R&R ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve à l’égard de cette transaction et, par conséquent, l’appel la concernant doit être rejeté.

 

[163]    Cette décision est la dernière concernant les transactions du premier groupe de la catégorie des rapports des experts. Je passe maintenant au deuxième groupe de transactions, précisément les transactions 11, 12, 16 et 18.

 

[164]    Parce que les documents relatifs à ces transactions se contredisent, il convient de rendre compte de façon plus détaillée des descriptions du « produit » fournies dans les divers documents pour chaque transaction.

 

[165]    En ce qui concerne la transaction 11, les documents sont des manifestes en entrepôt, des formules de codage de Douanes Canada, des factures commerciales, des connaissements, une note de service rédigée par David Bagnall et un rapport d’essai d’usine. Le produit est décrit comme des tubes pour usages mécaniques sur la formule de Douanes Canada et la facture d’Athabasca. La norme indiquée sur le rapport d’essai d’usine est ASTM A513, quoique la note de service de M. Bagnall indique que le rapport d’essai d’usine a été « corrigé ». Tous les autres documents décrivent d’abord le produit comme API 5LA. Je dis d’abord parce que, par la suite, les factures commerciales de Daewoo Corporation présentent le produit comme des tubes pour usages mécaniques.

 

[166]    Dans sa note de service, David Bagnall demande que l’on remplace dans les connaissements la mention API 5L par ASTM A513. L’[traduction] « avis de correction » de Hyundai, aussi au dossier, affiche la correction demandée. Puisque j’estime que la note de service de M. Bagnall est révélatrice, je la reproduis ici. Elle a été envoyée à l’agent coréen de R&R.

                        [traduction]

                        Objet : Adriana – 81,357 TM - Connaissement 3001.2

 

Nous avons reçu quelques documents corrigés (fact. com. et bordereau de march.) qui sont en bonne et due forme.

 

Cependant, nous devons faire corriger les deux connaissements, car la description indique encore API 5LA et A513 pour les marques. De plus, la norme sur le certificat d’inspection a été corrigée, mais l’inscription ressort mal sur notre copie, une simple photocopie. Pourrions-nous avoir un meilleur rapport d’essai d’usine? SVP c’est urgent!

 

 

[167]    Il faut retenir ici que divers documents ont été corrigés. Je ne peux déterminer avec certitude, à partir du dossier, le nombre de documents qui ont été modifiés. Cependant, la mention que M. Bagnall fait des « marques » indiquant la norme A513 est plus troublante. L’examen du chargement dont il est question dans la note de service révèle que l’Adriana (le navire) transportait un chargement de 8 357 TM (tonnes métriques) contenant les produits suivants : ½ po x nomenclature 80 x 21 pi et ¾ po x nomenclature 80 x 21 pi. Or, selon les témoignages de tous les témoins au procès, sans exception, les tuyaux de moins de 1 po n’étaient pas marqués.

 

[168]    En ce qui concerne la transaction 12, les documents sont des manifestes en entrepôt, deux formules de Douanes Canada, une facture d’Athabasca, une facture de R&R et un rapport d’essai d’usine. Tous les documents, sauf une seule facture de R&R, désignent le produit comme des tubes pour usages mécaniques ASTM 513. La facture de R&R le décrit comme des tuyaux d’acier API 5L.

 

[169]    Les documents relatifs à la transaction 16 comprennent des manifestes en entrepôt, des formules de Douanes Canada et un rapport d’essai d’usine. Tous décrivent le produit comme ASTM A513, tubes pour usages mécaniques, ou les deux à la fois. L’anomalie dans cette série de documents vient du fait que le rapport d’essai d’usine « corrigé » mentionne la norme « API 5L classe A ». Interrogé à ce sujet, M. Ritchie n’avait pas d’explication à donner. Il a déclaré que c’est l’autre mention qui aurait dû figurer sur le rapport d’essai d’usine.

 

[170]    Les documents relatifs à la transaction 18 comprennent des manifestes en entrepôt, des documents de Douanes Canada, des factures commerciales, un connaissement, un bordereau de marchandises et un rapport d’essai d’usine. Ils se répartissent assez également, c’est-à-dire que la moitié des documents décrivent le produit comme ASTM A513 (y compris la norme indiquée dans le rapport d’essai d’usine), alors que l’autre moitié le décrivent comme API 5L.

 

[171]    Le rapport de M. Christensen contient les résultats de son examen des rapports d’essai d’usine à l’égard de chacune de ces transactions. Chaque transaction était visée par un rapport d’essai d’usine mentionnant la norme ASTM A513. Deux rapports d’essai d’usine accompagnaient la transaction 16, un mentionnant la norme API 5L et l’autre, la norme ASTM A513. Le rapport d’essai d’usine « corrigé » concernant la transaction 16 est celui qui a intrigué M. Ritchie.

 

[172]    M. Christensen a conclu dans chaque cas que le contenu du rapport d’essai d’usine indiquait que le produit était conforme aux tuyaux fabriqués selon la norme ASTM A53 de classe A (plutôt qu’aux tubes pour usages mécaniques ASTM A513). En ce qui concerne la transaction 11, il a conclu que les essais et les résultats des essais correspondaient à des tuyaux fabriqués selon la norme ASTM A53 de classe A, mais que le certificat n’était pas suffisamment complet pour établir que l’ensemble des essais exigés par la norme ASTM A53 avait été réalisé avec succès.

 

[173]    Je n’ai pas l’intention de m’en prendre au contenu du rapport de M. Christensen. J’ai arbitrairement choisi d’exposer ses conclusions concernant la transaction 16 pour illustrer mon propos. Cette transaction est en tout cas représentative des autres. Les conclusions de M. Christensen sur la transaction 16 sont présentées ci-après.

[traduction]

1. Il n’y a pas de numéro de type (type 1, 2, 3, 4, 5 ou 6) indiqué, ce qui est un descripteur essentiel des produits de la norme ASTM A513.

 

2. La désignation est ASTM A513 (qui couvre les tubes pour usages mécaniques), ce qui est incompatible avec le type d’article indiqué (tuyau en acier).

 

3. On suppose que le nombre « 40 » dans la désignation renvoie à la « nomenclature 40 », étant donné que l’épaisseur de paroi indiquée est 0,216 po, ce qui est l’épaisseur de paroi appropriée pour les tuyaux de nomenclature 40 de 3 po.

 

4. Le type « BPEB » signifie « black plain-end bevelled » en anglais, soit « extrémité biseautée lisse noire ». Cette terminologie utilisée pour qualifier la finition des extrémités est propre aux tuyaux; les extrémités des tubes pour usages mécaniques ne peuvent avoir une telle finition.

 

5. La dimension nominale (3 po) est un terme qui ne s’applique qu’aux tuyaux; elle ne peut s’appliquer aux tubes pour usages mécaniques.

 

6. La désignation du poids est propre aux tuyaux, elle ne s’applique pas aux tubes pour usages mécaniques. La désignation du poids (3,44 kg/pi) est appropriée pour la dimension des tuyaux.

 

7. Le fait d’indiquer les résultats des essais de traction est incompatible avec l’ASTM A513 à moins que des « propriétés de traction requises » n’aient été précisées dans le bon de commande. Les résultats des essais qualifient le produit tubulaire conforme à la classe A de l’ASTM A53 ou à la classe A de l’API 5L.

 

8. Le fait d’indiquer la pression hydrostatique à laquelle les tubes ont été mis à l’essai est incompatible avec l’ASTM A513 à moins que l’exigence supplémentaire S7 n’ait été précisée dans le bon de commande. Pour les tubes conformes à l’exigence S7, la pression hydrostatique requise est de 1730 lb/po2 pour un tube dont le diamètre extérieur est de 3,500 po et l’épaisseur de paroi, de 0,216 po. La pression indiquée (2220 lb/po2) est supérieure à celle requise pour qualifier le produit tubulaire conforme à l’ASTM A513 S7, mais elle est identique à celle requise pour qualifier le produit tubulaire conforme à la classe A de l’ASTM A53 ou à la classe A de l’API 5L.

 

9. Le fait d’indiquer les résultats des essais électriques non destructifs est incompatible avec l’ASTM A513 à moins que l’exigence supplémentaire S8 n’ait été précisée dans le bon de commande. Il est à noter que de tels essais sont requis pour les tuyaux fabriqués conformément à l’ASTM A53 ou à l’API 5L.

 

 

 

[174]    J’accepte les conclusions de M. Christensen, et ce, sans réserve. En effet, aucun élément de preuve digne de foi ne m’a été présenté par R&R. Par conséquent, l’appel de R&R à l’égard de ces transactions ne peut être accueilli.

 

[175]    Pour résumer ce qui concerne la catégorie intitulée [traduction] « Rapports des experts sur la norme A513 », R&R a eu gain de cause à l’égard de la transaction 25. Son appel à l’égard de toutes les autres transactions (classées en deux groupes) de cette catégorie est rejeté.

 

            I. Tuyaux courts

[176]    Si ce n’était de ma décision antérieure concernant la transaction 3 et de la possibilité que les transactions 19, 20, 22 et 23 puissent contenir des « tuyaux courts », la question des « tuyaux courts » deviendrait non pertinente par suite de ma décision relative aux transactions 11, 12, 16 et 18 (le deuxième groupe de transactions dans la catégorie des [traduction] « Rapports des experts ». Ces transactions concernaient des « tuyaux courts »; mais même si R&R arrivait à faire accepter son argument relatif aux « tuyaux courts », ce gain serait sans effet sur les transactions 11, 12, 16 et 18 à cause de mes conclusions antérieures. Cependant, compte tenu du fait que le règlement des questions touchant quelques transactions non encore réglées concerne l’issue du débat sur les « tuyaux courts », je l’aborde maintenant.

 

[177]    La décision ministérielle contenue dans des lettres du 14 juin 1993 et du 9 décembre 1993, prise par l’agent d’exécution, Division des droits antidumping et compensateurs, a déjà été résumée. À ce stade-ci, il convient de reproduire les extraits essentiels de cette correspondance. La lettre du 14 juin contient les commentaires suivants :

 

[traduction] Nous avons appris que les tuyaux certifiés comme API 5L, classes A et B, importés au Canada et originaires de Corée ou exportés à partir de ce pays, remplacent des tuyaux normalisés comme tubage de puits d’eau, tubes pour pilotis, tubes pour arrosage et tubes pour clôtures. L’exclusion dans la définition du produit avait pour objet d’exclure les tuyaux pour les canalisations de pétrole et de gaz fabriqués pour répondre aux normes de l’API lorsqu’ils sont utilisés uniquement pour des applications liées aux canalisations de pétrole et de gaz. Cependant, la définition concerne tous les tuyaux au carbone utilisés pour les applications ci-dessus.

 

Il est entendu que les applications des tuyaux normalisés concernent habituellement des tuyaux d’une longueur de 20 à 21 pi. Compte tenu de ce qui précède, le Ministère percevra des droits antidumping sur tous les chargements à l’égard desquels les douanes ont accordé la mainlevée, à la date de la présente lettre ou après cette date, au taux de 19 % en vertu d’une prescription ministérielle sur tous les chargements de tuyaux API 5L originaires ou exportés de Corée dans les longueurs autres que 40 pi – 43 pi, soit les longueurs habituellement utilisées pour le transport de pétrole et de gaz.

 

Cependant, si un importateur est en mesure de fournir des documents adéquats au Ministère selon lesquels des longueurs inférieures de tuyaux doivent être utilisées pour des applications pétrolières et gazières, les droits antidumping ne seront pas appliqués.

 

Si vous avez des questions au sujet de ce qui précède, vous pouvez me rejoindre au (613) 954-7394 ou, par télécopieur, au (613) 941-2612.

 

[178]    M. Ritchie s’est prévalu de la possibilité de communiquer avec l’agent d’exécution et, par conséquent, la décision relative à la longueur est passée de 40 pi à 37 pi. Cette modification a été mentionnée dans la lettre du 9 décembre. De plus, les chargements de R&R alors en transit (contenant les produits qui seraient visés par les paramètres de la décision) étaient protégés (c’est-à-dire exemptés des droits antidumping).

 

[179]    R&R soutient que rien ne permet de conclure que certaines longueurs de tuyaux API 5L sont soumises à des droits antidumping. Cette position est fondée sur l’observation selon laquelle Douanes Canada reconnaît que des tuyaux API 5L plus longs ne sont pas soumis à des droits antidumping, ce qui constituerait l’acceptation du fait qu’il n’y a pas de critères sur l’utilisation finale d’après le passage « tubes [sic] pour les canalisations de pétrole et de gaz fabriqués exclusivement pour répondre aux normes de l’API ». Donc, R&R [traduction] « n’a pas à prouver ce qu’il advient de ses tuyaux après l’importation – les termes décrivent des tuyaux API ». De plus, il serait difficile d’essayer de le faire dans le marché canadien fragmenté de la distribution de l’acier. En l’espèce, aucun droit n’a été imposé aux tuyaux API 5L qui n’étaient pas visés par une double spécification ou dont la longueur n’était pas de 21 pi.

 

[180]    Selon R&R, il faut tenir compte de l’historique de cette décision du Ministère. Entre 1986 et 1993, il n’y avait pas de règle concernant les tuyaux de 21 pi. Le TCCE n’a pas abordé la question dans sa décision originale ou dans une modification de sa décision originale. En effet, la décision d’ajouter cette interprétation a été prise par un employé de Douanes Canada chargé d’administrer l’ordonnance antidumping. Elle n’a pas été prise à partir d’une opinion juridique, même si l’auteur a consulté certains intervenants de l’industrie, y compris IPSCO. Selon R&R, ce n’est pas [traduction] « le fondement par lequel le défendeur devrait administrer une ordonnance du TCCE ». Ni l’ordonnance ni la LMSI n’accordent aux agents de Douanes Canada le droit d’adopter des règles ayant force de loi.

 

[181]    R&R n’a pas fait appel de la décision d’interprétation. Elle soutient qu’aucune disposition de la Loi sur les douanes ou de la LMSI n’offre cette possibilité. Selon l’interprétation retenue par Douanes Canada, si les tuyaux API 5L ne sont pas utilisés pour des canalisations de pétrole ou de gaz, ils ne peuvent être visés par l’exemption. R&R soutient que Douanes Canada ajoute un [traduction] « critère relatif à l’utilisation finale ». Le TCCE aurait dû ajouter des termes très précis, comme [traduction] « pour utilisation dans » à son ordonnance pour imposer l’application d’un critère sur l’utilisation finale.

 

[182]    D’autres arguments de R&R n’ont pas à être mentionnés parce qu’ils ont trait à des transactions visées par mes conclusions antérieures dans la catégorie [traduction] « Rapports des experts » et qui, par conséquent, ne sont plus pertinents à l’égard de la présente question.

 

[183]    Il me semble que l’argument de R&R présente quelques contradictions internes. Cependant, je ne vais pas m’étendre sur le sujet car, compte tenu de la position que j’adopte, ces contradictions ne changeront rien. Je souligne au passage que le paragraphe 56(1) de la LMSI donne à un agent des douanes le pouvoir de déterminer si des marchandises importées sont de la même description que des marchandises auxquelles s’applique l’ordonnance du TCCE. En pratique, il est tout à fait logique que ceux qui ont le pouvoir d’appliquer l’ordonnance du TCCE soient tenus de l’interpréter.

 

[184]    La décision d’interprétation de l’agent d’exécution était fondée sur l’hypothèse selon laquelle les tuyaux API 5L d’une longueur inférieure à 37 pi ne seraient pas utilisés pour des applications dans le domaine pétrolier et gazier, mais que l’on présumerait qu’ils sont importés pour être vendus sur le marché des produits ASTM A53, en l’absence de preuve contraire fournie par l’importateur.

 

[185]    Je ne considère pas la décision du ministère comme une « règle » au sens où l’entend R&R. Elle est plutôt analogue aux Bulletins d’interprétation diffusés périodiquement en relation avec la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.). Si R&R n’était pas d’accord avec la décision, elle pouvait déclarer un chargement de tuyaux API 5L de 21 pi et faire appel de l’imposition de droits. Elle a décidé de ne pas le faire. Le fait que les rapports d’essai d’usine désignant les produits de R&R comme répondant à la norme ASTM A513 (dont j’ai établi qu’il s’agissait de tuyaux ASTM A53) ont été émis dans les mois suivants immédiatement la décision du Ministère est très suspect.

 

[186]    La preuve examinée plus tôt à cet égard montrait que les tuyaux ASTM A53 sont généralement commandés en longueurs de 21 pi et que les tuyaux API 5L sont généralement en longueur aléatoire double ou triple afin de réduire au minimum les soudures et le potentiel de fuites. L’utilisation de tuyaux API 5L en longueurs aléatoires simples serait l’exception et les tuyaux de cette longueur seraient livrés uniquement par suite d’une commande bien précise.

 

[187]    L’ordonnance du TCCE, à mon avis, ne concerne pas uniquement les tuyaux répondant à la norme API. Elle vise les « tubes [sic] pour les canalisations de pétrole et de gaz fabriqués exclusivement pour répondre aux normes de l’API ». Le contexte et l’intention de l’ordonnance comprennent deux caractéristiques. L’utilisation finale du tuyau : « canalisations de pétrole et de gaz » est la première. En vertu de la deuxième, les tuyaux pour les canalisations de pétrole et de gaz doivent être « fabriqués exclusivement pour répondre aux normes de l’API ».

 

[188]    De plus, le TCCE a adopté implicitement la décision du Ministère dans ses motifs concernant un réexamen de 1995, TCCE no 32, réexamen no : RR-94-004, en formulant les commentaires suivants :

 

[…] les avocats de l’industrie nationale ont allégué que les exportateurs coréens et les importateurs canadiens des marchandises en question ont tenté de contourner les conclusions en décrivant les marchandises en question comme étant d’autres marchandises au moment de leur entrée au Canada. Le Tribunal reconnaît qu’il est difficile de produire des éléments de preuve tangible à l’appui de ces allégations. Toutefois, les éléments de preuve révèlent qu’à deux occasions au moins, Revenu Canada a avisé les importateurs du fait que tous les tubes [sic] de canalisation API utilisés comme tubes [sic] normalisés et originaires de la Corée sont assujettis à des droits antidumping de 19 p. 100. Le Tribunal fait aussi remarquer que, par suite d’allégations similaires formulées par des producteurs américains, le Département du commerce des États-Unis a décidé que les tubes [sic] de canalisation en provenance de la Corée et utilisés comme tubes [sic] normalisés sont visés par son ordonnance antidumping.

 

[189]    La décision du Ministère n’est pas incompatible avec les dispositions de l’ordonnance du TCCE. De plus, elle respecte l’esprit et l’intention de l’ordonnance. Seuls les tuyaux coréens destinés aux canalisations de pétrole et de gaz (c’est-à-dire qui seront utilisés dans l’industrie pétrolière et gazière), fabriqués exclusivement pour répondre aux normes de l’API, sont exemptés des droits antidumping.

 

[190]    Par suite de cette décision, l’appel de R&R en relation avec la transaction 3 doit être rejeté. De plus, son appel à l’égard des chargements de tuyaux courts des transactions 19, 20, 22 et 23, le cas échéant, sera aussi rejeté.

 

[191]    Avant de conclure, je veux mentionner la question des dossiers de R&R. Les parties s’accordent pour reconnaître que Douanes Canada a saisi quelque quatorze boîtes de documents de R&R. Tout au long du procès, lorsqu’il était interrogé (particulièrement en ce qui concerne le faible nombre de bons de commande) au sujet des documents que l’on pourrait s’attendre à retrouver dans les dossiers de R&R, M. Ritchie a laissé entendre à de nombreuses reprises que les documents pouvaient être égarés parce que Douanes Canada les avait saisis. Je suis convaincue que tous les documents saisis de R&R lui ont été remis par la suite. M. Ritchie ne peut imputer à d’autres le défaut de R&R de respecter le paragraphe 40(1) de la Loi sur les douanes.

 

X. Conclusion

[192]    L’appel de R&R relatif aux transactions 9 et 25 sera accueilli. Son appel à l’égard des transactions 19, 20, 22 et 23 sera aussi accueilli, sous réserve que les chargements visés par le dernier groupe de transactions comprenant des tuyaux de 21 pi, le cas échéant, seront néanmoins soumis à des droits antidumping. Un jugement sera prononcé en conséquence.

 

XI. Dépens

[193]    Les deux parties ont demandé les dépens. L’issue pour R&R n’a été que partiellement favorable. Les avocats sont encouragés à régler la question des dépens eux-mêmes. Si la question ne peut être réglée par voie d’entente, les avocats doivent signifier et déposer des observations écrites (d’au plus trois pages, à double interligne) dans les 20 jours suivant la date du jugement. Les réponses à ces observations (d’au plus deux pages, à double interligne) doivent être signifiées et déposées dans les 10 jours suivant la signification des premières observations ou dans les 30 jours suivant la date du jugement, au choix des avocats. Je demeure saisie de la présente affaire en ce qui concerne la décision des dépens, le cas échéant.

 

 

« Carolyn Layden-Stevenson »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 19 juillet 2006

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ali


ANNEXE A

aux

Motifs du jugement daté du 19 juillet 2006

dans l’affaire

R & R TRADING CO. LTD.

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

T-997-01

 

 

 

API

American Petroleum Institute

ASTM

American Society for Testing and Materials

END

Essai non destructif (électrique)

Lb/po2

Livres par po carré

LMSI

Loi sur les mesures spéciales d’importation

NAPS

North American Pipe and Steel Limited

Prix à l’exportation

Prix des marchandises vendues au Canada (moins que le prix normal)

Prix normal

Prix des marchandises vendues dans le pays d’origine

SRÉ

Soudage par résistance électrique

SSMAEC

Système de soutien de la mainlevée accélérée des expéditions commerciales (logiciel de Douanes Canada pour les importations commerciales)

TCCE

Tribunal canadien du commerce extérieur

TM

Tonne métrique

VD

Valeur en douane


ANNEXE B

aux

Motifs de l’ordonnance datée du 19 juillet 2006

dans l’affaire

R & R TRADING CO. LTD.

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

T-997-01

 

Loi sur les douanes

L.R., 1985, ch. 1 (2e suppl.)

 

2. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

[…]

« entrepôt de stockage » Établissement agréé comme tel par le ministre en vertu du paragraphe 91(1) du Tarif des douanes.

 

« droits » Les droits ou taxes imposés, en vertu de la Loi de 2001 sur l'accise, de la Loi sur la taxe d'accise, de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, du Tarif des douanes ou de toute autre loi fédérale, sur les marchandises importées. En sont exclues, pour l'application du paragraphe 3(1), des alinéas 59(3)b) et 65(1)b), des articles 69 et 73 et des paragraphes 74(1), 75(2) et 76(1), les taxes imposées en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise.

 

« importer » Importer au Canada

 

« ministre » Sauf dans la partie V.1, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.

« personne » Particulier, société de personnes, personne morale, fiducie ou succession, ainsi que l’organisme qui est un syndicat, un club, une association, une commission ou autre organisation, ces notions étant visées dans des formulations générales, impersonnelles ou comportant des pronoms ou adjectifs indéfinis.

7.1 Les renseignements fournis à un agent pour l’application et l’exécution de la présente loi, du Tarif des douanes ou de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, ou sous le régime d’une autre loi fédérale prohibant, contrôlant ou réglementant l’importation ou l’exportation de marchandises doivent être véridiques, exacts et complets.

12. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, ainsi que des circonstances et des conditions prévues par règlement, toutes les marchandises importées doivent être déclarées au bureau de douane le plus proche, doté des attributions prévues à cet effet, qui soit ouvert.

(2) La déclaration visée au paragraphe (1) est à faire selon les modalités de temps et de forme fixées par le gouverneur en conseil.

(3) Le déclarant visé au paragraphe (1) est, selon le cas :

[…]

b) le responsable du moyen de transport arrivé au Canada à bord duquel se trouvent d’autres marchandises que celles visées à l’alinéa a) ou importées comme courrier;

c) la personne pour le compte de laquelle les marchandises sont importées.

 

(3.1) Il est entendu que le fait de faire entrer des marchandises au Canada après leur sortie du Canada est une importation aux fins de la déclaration de ces marchandises prévue au paragraphe (1).

 

 

13. La personne qui déclare, dans le cadre de l’article 12, des marchandises à l’intérieur ou à l’extérieur du Canada, ou qu’un agent intercepte en vertu de l’article 99.1 doit :

a) répondre véridiquement aux questions que lui pose l’agent sur les marchandises;

b) à la demande de l’agent, lui présenter les marchandises et les déballer, ainsi que décharger les moyens de transport et en ouvrir les parties, ouvrir ou défaire les colis et autres contenants que l’agent veut examiner.

 

 

17. (1) Les marchandises importées sont passibles de droits à compter de leur importation jusqu’à paiement ou suppression des droits.

 

(2) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le taux des droits à payer sur les marchandises importées est celui qui leur est applicable au moment où elles font l’objet de la déclaration en détail ou provisoire prévue aux paragraphes 32(1), (2) ou (5) ou, en cas d’application de l’alinéa 32(2)b), au moment de leur dédouanement.

 

 (3) Dès que l’importateur de marchandises dédouanées ou quiconque est autorisé à faire une déclaration en détail ou provisoire de marchandises conformément à l’alinéa 32(6)a) ou au paragraphe 32(7) devient redevable, en vertu de la présente loi, des droits afférents, la personne qui est propriétaire des marchandises au moment du dédouanement devient solidaire du paiement des droits.

 

 

31. Sous réserve de l’article 19, seul l’agent, dans l’exercice des fonctions que lui confère la présente loi ou une autre loi fédérale, peut, sauf s’il s’agit de marchandises dédouanées par lui ou par un autre agent, ou dédouanées de toute manière prévue par règlement, enlever des marchandises d’un bureau de douane, d’un entrepôt d’attente, d’un entrepôt de stockage ou d’une boutique hors taxes.

 

 

32. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (4), des règlements d’application du paragraphe (6), et de l’article 33, le dédouanement des marchandises est subordonné :

a) à leur déclaration en détail faite par leur importateur ou leur propriétaire selon les modalités réglementaires et, si elle est à établir par écrit, en la forme et avec les renseignements déterminés par le ministre;

b) au paiement des droits afférents.

 

 

40. (1) Toute personne qui importe ou fait importer des marchandises en vue de leur vente ou d’usages industriels, professionnels, commerciaux ou collectifs, ou à d’autres fins analogues ou prévues par règlement, est tenue de conserver en son établissement au Canada ou en un autre lieu désigné par le ministre, selon les modalités et pendant le délai réglementaires, les documents réglementaires relatifs aux marchandises et, à la demande de l’agent et dans le délai qu’il précise, de lui communiquer ces documents et de répondre véridiquement aux questions qu’il lui pose à leur sujet.

 

 

124. (1) L’agent qui croit, pour des motifs raisonnables, à une infraction à la présente loi ou à ses règlements du fait de marchandises ou de moyens de transport peut, si on ne les trouve pas ou si leur saisie est problématique, réclamer par avis écrit au contrevenant :

a) soit le paiement du montant déterminé conformément au paragraphe (2) ou (3), selon le cas;

b) soit le paiement du montant inférieur ordonné par le ministre.

 

 

127. La créance de Sa Majesté résultant d’un avis signifié en vertu de l’article 109.3 ou d’une réclamation effectuée en vertu de l’article 124 est définitive et n’est susceptible de révision, de restriction, d’interdiction, d’annulation, de rejet ou de toute autre forme d’intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues aux articles 127.1 et 129.

 

129. (1) Les personnes ci-après peuvent, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la saisie ou la signification de l’avis, en s’adressant par écrit, ou par tout autre moyen que le ministre juge indiqué, à l’agent qui a saisi les biens ou les moyens de transport ou a signifié ou fait signifier l’avis, ou à un agent du bureau de douane le plus proche du lieu de la saisie ou de la signification, présenter une demande en vue de faire rendre au ministre la décision prévue à l’article 131 :

a) celles entre les mains de qui ont été saisis des marchandises ou des moyens de transport en vertu de la présente loi;

b) celles à qui appartiennent les marchandises ou les moyens de transport saisis en vertu de la présente loi;

c) celles de qui ont été reçus les montants ou garanties prévus à l’article 117, 118 ou 119 concernant des marchandises ou des moyens de transport saisis en vertu de la présente loi;

d) celles à qui a été signifié l’avis prévu aux articles 109.3 ou 124.

 

(2) Il incombe à la personne qui prétend avoir présenté la demande visée au paragraphe (1) de prouver qu’elle l’a présentée.

 

 

131. (1) Après l’expiration des trente jours visés au paragraphe 130(2), le ministre étudie, dans les meilleurs délais possible en l’espèce, les circonstances de l’affaire et décide si c’est valablement qu’a été retenu, selon le cas :

a) le motif d’infraction à la présente loi ou à ses règlements pour justifier soit la saisie des marchandises ou des moyens de transport en cause, soit la signification à leur sujet de l’avis prévu à l’article 124;

b) le motif d’utilisation des moyens de transport en cause dans le transport de marchandises ayant donné lieu à une infraction aux mêmes loi ou règlements, ou le motif de cette infraction, pour justifier soit la saisie de ces moyens de transport, soit la signification à leur sujet de l’avis prévu à l’article 124;

c) le motif de non-conformité aux paragraphes 109.1(1) ou (2) ou à une disposition désignée en vertu du paragraphe 109.1(3) pour justifier l’établissement d’une pénalité en vertu de l’article 109.3, peu importe s’il y a réellement eu non-conformité.

d) [Abrogé, 2001, ch. 25, art. 72]

 

(1.1) La personne à qui a été signifié un avis visé à l’article 130 peut aviser par écrit le ministre qu’elle ne produira pas de moyens de preuve en application de cet article et autoriser le ministre à rendre sans délai une décision sur la question.

 

(2) Dès qu’il a rendu sa décision, le ministre en signifie par écrit un avis détaillé à la personne qui en a fait la demande.

 

(3) La décision rendue par le ministre en vertu du paragraphe (1) n’est susceptible d’appel, de restriction, d’interdiction, d’annulation, de rejet ou de toute autre forme d’intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues au paragraphe 135(1).

 

 

133. (1) Le ministre, s’il décide, en vertu des alinéas 131(1)a) ou b), que les motifs d’infraction et, dans le cas des moyens de transport visés à l’alinéa 131(1)b), que les motifs d’utilisation ont été valablement retenus, peut, aux conditions qu’il fixe :

a) restituer les marchandises ou les moyens de transport sur réception du montant déterminé conformément au paragraphe (2) ou (3), selon le cas;

b) restituer toute fraction des montants ou garanties reçus;

c) réclamer, si nul montant n’a été versé ou nulle garantie donnée, ou s’il estime ces montant ou garantie insuffisants, le montant qu’il juge suffisant, à concurrence de celui déterminé conformément au paragraphe (4) ou (5), selon le cas.

 

 

 

(1.1) Le ministre, s’il décide en vertu de l’alinéa 131(1)c) que la personne ne s’est pas conformée, peut, aux conditions qu’il fixe :

a) remettre à la personne une portion de la pénalité établie en vertu de l’article 109.3;

b) réclamer une somme supplémentaire.

 

Toutefois, la totalité de celle-ci et de la somme établie ne doit pas dépasser le montant maximal de la pénalité qui peut être établie en vertu de l’article 109.3.

 

 

 

135. (1) Toute personne qui a demandé que soit rendue une décision en vertu de l’article 131 peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la communication de cette décision, en appeler par voie d’action devant la Cour fédérale, à titre de demandeur, le ministre étant le défendeur.

 

(2) La Loi sur les Cours fédérales et les règles prises aux termes de cette loi applicables aux actions ordinaires s'appliquent aux actions intentées en vertu du paragraphe (1), sous réserve des adaptations occasionnées par les règles particulières à ces actions.

 

 

152. (1) Dans toute procédure engagée sous le régime de la présente loi en matière d’importation ou d’exportation de marchandises, la charge de prouver l’importation ou l’exportation incombe à Sa Majesté.

 

(2) Pour l’application du paragraphe (1), la preuve de l’origine étrangère des marchandises constitue, sauf preuve contraire, celle de leur importation.

(3) Sous réserve du paragraphe (4), dans toute procédure engagée sous le régime de la présente loi, la charge de la preuve incombe, non à Sa Majesté, mais à l’autre partie à la procédure ou à l’inculpé pour toute question relative, pour ce qui est de marchandises :

a) à leur identité ou origine;

b) au mode, moment ou lieu de leur importation ou exportation;

c) au paiement des droits afférents;

d) à l’observation, à leur égard, de la présente loi ou de ses règlements.

 

(4) Dans toute poursuite engagée sous le régime de la présente loi, la charge de la preuve incombe, pour toute question visée aux alinéas (3)a) à d), non à Sa Majesté, mais au prévenu, à condition toutefois que la Couronne ait établi que les faits ou circonstances en cause sont connus de l’inculpé ou que celui-ci est ou était en mesure de les connaître.

Customs Act

R.S., 1985, c. 1 (2nd Supp.)

 

2. (1) In this Act

“bonded warehouse” means a place licensed as a bonded warehouse by the Minister under subsection 91(1) of the Customs Tariff;

“duties” means any duties or taxes levied or imposed on imported goods under the Customs Tariff, the Excise Act, 2001, the Excise Tax Act, the Special Import Measures Act  or any other Act of Parliament, but, for the purposes of subsection 3(1), paragraphs 59(3)( b ) and 65(1)( b ), sections 69 and 73 and subsections 74(1), 75(2) and 76(1), does not include taxes imposed under Part IX of the Excise Tax Act;

 

“import” means import into Canada;

“Minister” means, except in Part V.1, the Minister of Public Safety and Emergency Preparedness;

“person” means an individual, a partnership, a corporation, a trust, the estate of a deceased individual or a body that is a society, a union, a club, an association, a commission or other organization of any kind;

 

 

 

 

 

7.1 Any information provided to an officer in the administration or enforcement of this Act, the Customs Tariff or the Special Import Measures Act or under any other Act of Parliament that prohibits, controls or regulates the importation or exportation of goods, shall be true, accurate and complete.

 

 

12. (1) Subject to this section, all goods that are imported shall, except in such circumstances and subject to such conditions as may be prescribed, be reported at the nearest customs office designated for that purpose that is open for business.

(2) Goods shall be reported under subsection (1) at such time and in such manner as the Governor in Council may prescribe.

(3) Goods shall be reported under subsection (1)

(b) in the case of goods, other than goods referred to in paragraph (a) or goods imported as mail, on board a conveyance arriving in Canada, by the person in charge of the conveyance; and

(c) in any other case, by the person on behalf of whom the goods are imported.

 

(3.1) For greater certainty, for the purposes of the reporting of goods under subsection (1), the return of goods to Canada after they are taken out of Canada is an importation of those goods.

 

 

13. Every person who reports goods under section 12 inside or outside Canada or is stopped by an officer in accordance with section 99.1 shall

(a) answer truthfully any question asked by an officer with respect to the goods; and

(b) if an officer so requests, present the goods to the officer, remove any covering from the goods, unload any conveyance or open any part of the conveyance, or open or unpack any package or container that the officer wishes to examine.

 

 

17. (1) Imported goods are charged with duties thereon from the time of importation thereof until such time as the duties are paid or the charge is otherwise removed.

(2) Subject to this Act, the rates of duties on imported goods shall be the rates applicable to the goods at the time they are accounted for under subsection 32(1), (2) or (5) or, where goods have been released in the circumstances set out in paragraph 32(2)(b), at the time of release.

(3) Whenever the importer of the goods that have been released or any person authorized under paragraph 32(6)(a) or subsection 32(7) to account for goods becomes liable under this Act to pay duties on those goods, the owner of the goods at the time of release becomes jointly and severally, or solidarily, liable, with the importer or person authorized, to pay the duties.

 

 

31. Subject to section 19, no goods shall be removed from a customs office, sufferance warehouse, bonded warehouse or duty free shop by any person other than an officer in the performance of his or her duties under this or any other Act of Parliament unless the goods have been released by an officer or by any prescribed means.

 

 

32. (1) Subject to subsections (2) and (4) and any regulations made under subsection (6), and to section 33, no goods shall be released until

(a) they have been accounted for by the importer or owner thereof in the prescribed manner and, where they are to be accounted for in writing, in the prescribed form containing the prescribed information; and

(b) all duties thereon have been paid.

 

 

 

 

 

40. (1) Every person who imports goods or causes goods to be imported for sale or for any industrial, occupational, commercial, institutional or other like use or any other use that may be prescribed shall keep at the person’s place of business in Canada or at any other place that may be designated by the Minister any records in respect of those goods in any manner and for any period of time that may be prescribed and shall, where an officer so requests, make them available to the officer, within the time specified by the officer, and answer truthfully any questions asked by the officer in respect of the records.

 

 

124. (1) Where an officer believes on reasonable grounds that a person has contravened any of the provisions of this Act or the regulations in respect of any goods or conveyance, the officer may, if the goods or conveyance is not found or if the seizure thereof would be impractical, serve a written notice on that person demanding payment of

(a) an amount of money determined under subsection (2) or (3), as the case may be; or

(b) such lesser amount as the Minister may direct.

 

 

127. The debt due to Her Majesty as a result of a notice served under section 109.3 or a demand under section 124 is final and not subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with except to the extent and in the manner provided by sections 127.1 and 129.

 

 

 

129. (1) The following persons may, within ninety days after the date of a seizure or the service of a notice, request a decision of the Minister under section 131 by giving notice in writing, or by any other means satisfactory to the Minister, to the officer who seized the goods or conveyance or served the notice or caused it to be served, or to an officer at the customs office closest to the place where the seizure took place or closest to the place from where the notice was served:

(a) any person from whom goods or a conveyance is seized under this Act;

(b) any person who owns goods or a conveyance that is seized under this Act;

(c) any person from whom money or security is received pursuant to section 117, 118 or 119 in respect of goods or a conveyance seized under this Act; or

(d) any person on whom a notice is served under section 109.3 or 124.

 

(2) The burden of proof that notice was given under subsection (1) lies on the person claiming to have given the notice.

 

 

131. (1) After the expiration of the thirty days referred to in subsection 130(2), the Minister shall, as soon as is reasonably possible having regard to the circumstances, consider and weigh the circumstances of the case and decide

(a) in the case of goods or a conveyance seized or with respect to which a notice was served under section 124 on the ground that this Act or the regulations were contravened in respect of the goods or the conveyance, whether the Act or the regulations were so contravened;

(b) in the case of a conveyance seized or in respect of which a notice was served under section 124 on the ground that it was made use of in respect of goods in respect of which this Act or the regulations were contravened, whether the conveyance was made use of in that way and whether the Act or the regulations were so contravened; or

(c) in the case of a penalty assessed under section 109.3 against a person for failure to comply with subsection 109.1(1) or (2) or a provision that is designated under subsection 109.1(3), whether the person so failed to comply.

(d) [Repealed, 2001, c. 25, s. 72]

 

(1.1) A person on whom a notice is served under section 130 may notify the Minister, in writing, that the person will not be furnishing evidence under that section and authorize the Minister to make a decision without delay in the matter.

 

(2) The Minister shall, forthwith on making a decision under subsection (1), serve on the person who requested the decision a detailed written notice of the decision.

 

(3) The Minister’s decision under subsection (1) is not subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with except to the extent and in the manner provided by subsection 135(1).

 

 

133. (1) Where the Minister decides, under paragraph 131(1)(a) or (b), that there has been a contravention of this Act or the regulations in respect of the goods or conveyance referred to in that paragraph, and, in the case of a conveyance referred to in paragraph 131(1)(b), that it was used in the manner described in that paragraph, the Minister may, subject to such terms and conditions as the Minister may determine,

(a) return the goods or conveyance on receipt of an amount of money of a value equal to an amount determined under subsection (2) or (3), as the case may be;

(b) remit any portion of any money or security taken; and

(c) where the Minister considers that insufficient money or security was taken or where no money or security was received, demand such amount of money as he considers sufficient, not exceeding an amount determined under subsection (4) or (5), as the case may be.

 

(1.1) If the Minister decides under paragraph 131(1)(c) that the person failed to comply, the Minister may, subject to any terms and conditions that the Minister may determine,

(a) remit any portion of the penalty assessed under section 109.3; or

(b) demand that an additional amount be paid.

 

If an additional amount is demanded, the total of the amount assessed and the additional amount may not exceed the maximum penalty that could be assessed under section 109.3.

 

 

135. (1) A person who requests a decision of the Minister under section 131 may, within ninety days after being notified of the decision, appeal the decision by way of an action in the Federal Court in which that person is the plaintiff and the Minister is the defendant.

 

 (2) The Federal Courts Act and the rules made under that Act applicable to ordinary actions apply in respect of actions instituted under subsection (1) except as varied by special rules made in respect of such actions.

 

 

152. (1) In any proceeding under this Act relating to the importation or exportation of goods, the burden of proof of the importation or exportation of the goods lies on Her Majesty.

 

 (2) For the purpose of subsection (1), proof of the foreign origin of goods is, in the absence of evidence to the contrary, proof of the importation of the goods.

 

 (3) Subject to subsection (4), in any proceeding under this Act, the burden of proof in any question relating to

(a) the identity or origin of any goods,

(b) the manner, time or place of importation or exportation of any goods,

(c) the payment of duties on any goods, or

(d) the compliance with any of the provisions of this Act or the regulations in respect of any goods

lies on the person, other than Her Majesty, who is a party to the proceeding or the person who is accused of an offence, and not on Her Majesty.

 

(4) In any prosecution under this Act, the burden of proof in any question relating to the matters referred to in paragraphs (3)(a) to (d) lies on the person who is accused of an offence, and not on Her Majesty, only if the Crown has established that the facts or circumstances concerned are within the knowledge of the accused or are or were within his means to know.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-997-01

 

INTITULÉ :                                       R & R TRADING CO. LTD.

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

LIEU DES AUDIENCES :                VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATES DES AUDIENCES :            DU 12 AU 16 JUIN 2006

                                                            DU 19 AU 23 JUIN 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 19 juillet 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Douglas Morley

 

POUR LA DEMANDERESSE

David Jacyk

Stacey Repas

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Davis and Company

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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