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Date : 20051114

Dossier : IMM-1964-05

Référence : 2005 CF 1537

Ottawa (Ontario), le 14 novembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE VON FINCKENSTEIN

ENTRE :                                

PEDRO ALEJANDRO PENA

AMPARO DE JESUS CANAS RIVERA

MIGUEL ALEJANDRO PENA CANAS

KELLYANA ALEXANDRA PENA CANAS

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]           Le demandeur, Pedro Alejandro Pena, un homme âgé de 42 ans, a quitté la Colombie pour chercher asile au Canada avec son épouse, sa fille de 18 ans et son fils de 14 ans. Le demandeur avait travaillé durant 13 ans pour Telecom, une société d'État. Le gouvernement a fermé l'entreprise et le demandeur a perdu son emploi. Le gouvernement lui a offert une indemnité globale de cessation d'emploi de quelque 50 000 $US. Il soutient que vers la fin de juillet 2003, il a commencé à recevoir des appels de menaces de la part des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), un groupe de guérilleros qui exigeait qu'il leur remette l'indemnité qu'il avait reçue. À la suite d'appels de menaces réitérés et d'une tentative d'enlèvement de sa fille, il a fui au Canada en passant par les États-Unis dès qu'il a obtenu un visa pour voyager aux États-Unis.

[2]           La Commission a statué qu'il n'existait pas suffisamment d'éléments de preuve crédibles et dignes de foi pour étayer les allégations du demandeur. La Commission n'a pas cru que le demandeur pouvait présenter un intérêt pour les FARC et elle a conclu que celui-ci n'avait pas établi que les FACR étaient responsables des tentatives d'extorsion ou de la tentative d'enlèvement de sa fille.

[3]           Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de cette décision; à son avis, la Commission a commis sept erreurs qui, cumulativement, rendent la décision manifestement déraisonnable.   

[4]           Comme la décision contestée est avant tout fondée sur les faits, les parties ne contestent pas que la norme de contrôle applicable soit celle de la décision manifestement déraisonnable.

[5]           Le demandeur soutient que la Commission a fait erreur sur les points suivants :

i)                          le nombre d'années qu'il a passées au service de la société, soit 13 ans plutôt que 18;

ii)             le fait qu'il a débarqué à Fort Lauderdale plutôt qu'à Miami;

iii)                       le nombre d'années durant lesquelles il a travaillé.

La Commission a effectivement fait erreur sur chacun de ces points, mais il s'agit d'erreurs sans conséquence qui n'ont eu aucune répercussion sur sa décision.

[6]           Le demandeur prétend aussi que la Commission a mal compris la preuve relative aux éléments suivants :

iv)            la bicyclette de son fils;

v)             le moment où sa fille a quitté l'école;

vi)            la raison pour laquelle il est resté en Colombie huit mois, à la suite des menaces;

vii)                     sa déclaration à la police au sujet des menaces des FARC.

[7]           Chacune de ces situations met en jeu non pas une mauvaise compréhension de la preuve, mais bien un désaccord avec l'interprétation que lui a donnée la Commission.

[8]           Dans son Formulaire de renseignements personnels, le demandeur a écrit ce qui suit au sujet du vol de la bicyclette de son fils :

[Traduction]

Nous reconnaissons que cet incident n'est probablement rien de plus qu'un délit de droit commun, mais il nous a effrayé pour deux raisons : d'abord, nous savons que les FARC recrutent des enfants de cet âge; en second lieu, l'incident illustre à quel point nous sommes vulnérables[1] .

Le demandeur a manifestement établi le lien entre le vol et les FARC. Par conséquent, la Commission pouvait à bon droit rejeter la prétention du demandeur à cet égard comme étant non crédible[2].

[9]           En ce qui a trait aux études de sa fille, le demandeur a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :         Quand vos enfants ont-ils cessé - quand vos enfants se sont-ils rendus à l'école pour la dernière fois?

                                DEMANDEUR :                                    Mes deux enfants?

                                PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :        Oui.

DEMANDEUR :                                   Ma fille a quitté la Colombie en janvier 2004 et mon fils a fréquenté l'école jusqu'au 4 mai 2004. Le 5 mai 2004[3].

Le demandeur laisse maintenant entendre qu'aucun élément de preuve n'indique que sa fille est retournée à l'école après l'enlèvement. Peut-être a-t-il raison; toutefois, étant donné la teneur de la question et de la réponse, on peut difficilement reprocher à la Commission d'avoir déduit du témoignage du demandeur que sa fille a fréquenté l'école jusqu'en janvier.

[10]       La Commission a déclaré :

Je conclus que le fait que le demandeur d'asile soit resté en Colombie pendant près de 11 mois indique qu'il ne craignait pas pour sa vie. Je conclus que les allégations du demandeur d'asile, à propos des menaces reçues par téléphone, ne sont ni véridiques ni crédibles[4].

Le demandeur souligne qu'il a quitté la Colombie moins d'une semaine après avoir obtenu son visa. L'interprétation de la Commission selon laquelle le fait d'avoir attendu un visa est un indice d'absence de crainte n'est certainement pas déraisonnable, compte tenu que durant cette période, tant le demandeur que son épouse ont travaillé et ont vaqué au grand jour à leurs occupations.

[11]       Le demandeur prétend que la Commission n'a pas tenu compte du fait qu'il a porté plainte à la police. En réalité, la Commission a évoqué ce fait. Toutefois, puisque le rapport policier ne fait aucune allusion aux FARC et qu'aucun autre élément de preuve ne rattache les menaces aux FARC, la Commission n'a pas mal interprété la preuve lorsqu'elle a statué :

Je conclus que les allégations du demandeur d'asile selon lesquelles les FARC le recherchaient et menaçaient sa famille par téléphone, parce qu'il n'avait pas versé l'argent qu'ils leur réclamaient, ne sont pas crédibles. Je conclus que le demandeur d'asile a inventé ces allégations et que les allégations du demandeur ne sont pas véridiques[5].

[12]       En bref, le demandeur n'apprécie pas la façon dont la Commission a interprété la preuve. Toutefois, l'interprétation de la preuve est la responsabilité première de la Commission à titre de juge des faits. La Cour n'interviendra à l'égard des conclusions de la Commission que si celles-ci sont manifestement déraisonnables.

[13]       En l'espèce, la Commission a conclu, en se fondant sur la preuve, que le demandeur n'était pas crédible pour les quatre motifs suivants :

1)            Les FARC sont tristement célèbres pour la violence des punitions qu'elles infligent aux personnes qui ne se plient pas à leurs exigences; or, elles n'ont exercé aucune mesure de représailles contre le demandeur, qui les aurait pourtant ignorées pendant onze mois.

2)           Il est encore moins vraisemblable que les FARC, en plus de tolérer la résistance du demandeur à leur remettre l'argent, n'aient exercé aucune mesure de représailles contre son épouse ou ses enfants.

3)           Les FARC n'auraient pas précisé le montant qu'ils exigeaient du demandeur : il est très improbable que les FARC réclament de l'argent sans en spécifier le montant.

4)           Le fait que le demandeur soit demeuré en Colombie durant onze mois à la suite des menaces que les FARC lui auraient adressées semble indiquer l'absence de crainte.

[14]       Assurément, ces quatre conclusions ne sont pas manifestement déraisonnables; en conséquence, la présente demande ne peut être accueillie.

ORDONNANCE

          LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

« Konrad W. von Finckenstein »

Juge

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B



COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                              IMM-1964-05

INTITULÉ :                          PEDRO ALEJANDRO PENA

AMPARO DE JESUS CANAS RIVERA

MIGUEL ALEJANDRO PENA CANAS

KELLYANA ALEXANDRA PENA CANAS

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ                                                                ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :         Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :        Le 9 novembre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :               Le juge von Finckenstein

DATE DES MOTIFS :              Le 14 novembre 2005

COMPARUTIONS :

Joel Etienne

POUR LES DEMANDEURS

Bernard Assan

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Joel Etienne

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR



[1]               Dossier du tribunal, p. 32.

[2]               Dossier du demandeur, p. 14.

[3]               Dossier du tribunal, p. 549.

[4]               Dossier du demandeur, p. 12.

[5]               Dossier du demandeur, p. 14.

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