Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision





Date : 20000517


Dossier : T-494-99

Ottawa (Ontario), le 17 mai 2000

PRÉSENT :      MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O"KEEFE

ENTRE :


RÉVÉREND FRÈRE WALTER A. TUCKER et

RÉVÉREND FRÈRE MICHAEL J. BALDASARO


demandeurs


et


SA MAJESTÉ LA REINE,

LOIS E. PAYNE,

TRICIA SINCLAIR,

LA CORPORATION DE LA VILLE DE GUELPH et

MONSIEUR LE JUGE DUNN


défendeurs



MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE O"KEEFE


[1]          Il s"agit d"une requête présentée par le révérend frère Walter A. Tucker et par le révérend frère Michael J. Baldasaro (les demandeurs) en vue de l"obtention d"une ordonnance prorogeant le délai dans lequel les demandeurs peuvent déposer un appel auprès de la Cour d"appel fédérale contre l"ordonnance rendue le 3 décembre 1999 par le juge Sharlow. Le juge Sharlow était saisie de l"appel interjeté par les demandeurs contre l"ordonnance d"un protonotaire, qui avait conclu, essentiellement, qu"une décision d"un juge de la Cour supérieure de l"Ontario ne pouvait pas faire l"objet d"un contrôle judiciaire par la Cour fédérale. Le juge Sharlow a confirmé la décision du protonotaire.

[2]          En décembre, les demandeurs ont reçu la décision du juge Sharlow et le révérend frère Michael J. Baldasaro a consacré du temps à la rédaction de l"avis d"appel visant cette décision dans le délai prescrit de 30 jours. Le révérend frère Michael J. Baldasaro est devenu malade le 26 décembre 1999, et il a été incapable de terminer l"avis d"appel.

[3]          Le 10 janvier 2000, après avoir récupéré quelque peu de la grippe, le révérend frère Michael J. Baldasaro a lu les Règles de la Cour fédérale et a pensé que les vacances judiciaires de Noël faisaient en sorte que le délai de dépôt de l"avis d"appel soit prorogé.

[4]          Son avis d"appel était prêt à être déposé le 18 janvier 2000, date à laquelle il a communiqué avec le greffe de la Cour et où on lui a dit qu"il devait présenter une requête en prorogation du délai de dépôt de l"appel étant donné que les vacances judiciaires de Noël ne faisaient pas en sorte que le délai de dépôt de l"avis soit prorogé.

[5]          Le demandeur le révérend frère Walter A. Tucker a déclaré dans son affidavit qu"il était pauvre et handicapé et qu"il subvenait à ses besoins grâce à une pension de la sécurité de la vieillesse du gouvernement du Canada.

Les questions en litige

[6]      1.      Une ordonnance prorogeant le délai de dépôt de lavis d"appel doit-elle être rendue?
     2.          Une déclaration de droit obligatoire déclarant inconstitutionnel le cadre procédural de l"alinéa 27(2)b ) de la Loi sur la Cour fédérale doit-elle être prononcée?
     3.          Une ordonnance enjoignant le remboursement aux demandeurs des frais de dépôt de la présente requête et enjoignant au greffier de délivrer l"avis d"appel en date du 31 janvier 2000 à la Cour d"appel fédérale sans frais de dépôt ni autres frais in forma pauperis doit-elle être rendue?
[7]      Une ordonnance prorogeant le délai de dépôt de l"avis d"appel doit-elle être rendue?

     Les appels à la Cour d"appel fédérale sont régis par l"article 27 de la Loi sur la Cour fédérale , qui prévoit :


27. (1) Appeals from Trial Division -

An appeal lies to the Federal Court of Appeal from any




(a) final judgment,

(b) judgment on a question of law determined before trial,

(c) interlocutory judgment, or


(d) determination on a reference made by a federal board, commission or other tribunal or the Attorney General of Canada,

of the Trial Division.

(1.1) Appeals from Tax Court of Canada - An appeal lies to the Federal Court of Appeal from





(a) a final judgment,

(b) a judgment on a question of law determined before trial, or

(c) an interlocutory judgment or order of the Tax Court of Canada, other than one in respect of which section 18, 18.29, 18.3 or 18.3001 of the Tax Court of Canada Act applies.

27(1) Appels des jugements de la Section de première instance - Il peut être interjeté appel, devant la Cour d'appel fédérale, des décisions suivantes de la Section de première instance_:


a) jugement définitif;

b) jugement sur une question de droit rendu avant l'instruction;

c) jugement interlocutoire;


d) jugement sur un renvoi d'un office fédéral ou du procureur général du Canada. (1.1) Appels des jugements de la Cour canadienne de l'impôt - Sauf s'il s'agit d'une décision portant sur un appel visé aux articles 18, 18.29, 18.3 ou 18.3001 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, il peut être interjeté appel, devant la Cour d'appel fédérale, des décisions suivantes de la Cour canadienne de l'impôt_:

    

a) jugement définitif;

b) jugement sur une question de droit rendu avant l'instruction;

c) jugement ou ordonnance interlocutoire.




[8]      En particulier, le paragraphe 27(2) prescrit les délais de dépôt d"un appel et

confère compétence à la Section de première instance pour se prononcer sur les demandes de prorogation des délais impartis :


27(2) Notice of appeal " An appeal under this section shall be brought by filing a notice of appeal in the Registry of the Court








(a) in the case of an interlocutory judgment, within ten days, and

(b) in any other case, within thirty days, in the calculation of which July and August shall be excluded, after the pronouncement of the judgment or determination appealed from or within such further time as the Trial Division or the Tax Court of Canada, as the case may be, may, either before or after the expiration of those ten or thirty days, as the case may be, fix or allow.

27(3) Service " All parties directly affected by an appeal under this section shall be served forthwith with a true copy of the notice of appeal and evidence of service thereof shall be filed in the Registry of the Court.

27(4) Final judgment " For the purposes of this section, a final judgment includes a judgment that determines a substantive right except as to any question to be determined by a referee pursuant to the judgment.

27(2) Avis d'appel " L'appel interjeté dans le cadre du présent article est formé par le dépôt d'un avis au greffe de la Cour, dans le délai imparti à compter du prononcé du jugement en cause ou dans le délai supplémentaire que la Section de première instance ou la Cour canadienne de l'impôt, selon le cas, peut, soit avant soit après l'expiration de celui-ci, fixer ou accorder. Le délai imparti est de_:

a) dix jours, dans le cas d'un jugement interlocutoire;

b) trente jours, compte non tenu de juillet et août, dans le cas des autres jugements.









27(3) Signification " L'appel est signifié sans délai à toutes les parties directement concernées par une copie certifiée conforme de l'avis. La preuve de la signification doit être déposée au greffe de la Cour.

27(4) Jugement définitif " Pour l'application du présent article, est assimilé au jugement définitif le jugement qui statue au fond sur un droit, à l'exception des questions renvoyées à l'arbitrage par le jugement.

[9]      Pour situer l"affaire dans son contexte, il faut également renvoyer à la règle 2

(Règles de la Cour fédérale (1998)) :

"Christmas recess" means the period beginning on December 21 in a year and ending on January 7 in the following year.

"_vacances judiciaires de Noël_" La période commençant le 21 décembre et se terminant le 7 janvier suivant.

ainsi qu"à la règle 6(3) des Règles de la Cour fédérales, précitées :

6(3) Unless otherwise directed by the Court, a day that falls within the Christmas recess shall not be included in the computation of time under these Rules for filing, amending or serving a document.

6(3) Sauf directives contraires de la Cour, les vacances judiciaires de Noël n'entrent pas dans le calcul des délais applicables selon les présentes règles au dépôt, à la modification ou à la signification d'un document.

[10]      Les demandeurs croyaient que la période prévue pour les vacances judiciaires de

Noël ne serait pas calculée dans le délai qui leur était imparti pour le dépôt de leur appel. Il est toutefois maintenant établi par la Cour que les jours se trouvant dans la période des vacances judiciaires de Noël ne sont exclus que dans le cadre du calcul du délai imparti pour la prise des mesures prévues par les Règles, et non pas de celles prévues par la Loi sur la Cour fédérale, où le délai de dépôt d"un appel à la Cour d"appel est prescrit. Cela a donc obligé les demandeurs à solliciter la prorogation du délai de dépôt de l"avis d"appel.

[11]      Les tribunaux ont toujours indiqué que certaines conditions devaient être

respectées avant qu"une prorogation du délai de dépôt d"un appel puisse être accordée. Ces principes ont été résumés succinctement dans Sim c. Canada (27 février 1996), dossier T-664-95, par le protonotaire Hargrave à la page 3 du jugement :


  1. .      Le bien-fondé de l"appel lui-même; il faut que les questions qui seront soumises à la Cour d"appel soient valables;
  2. 2.      Les circonstances spéciales montrant ou expliquant pourquoi l"appel n"a pas été interjeté dans le délai imparti;
  3. .      Le fait que le demandeur avait l"intention d"interjeter appel avant l"expiration du délai d"appel;
  4. 4.      La question de savoir si le retard est excessif;
  5. 5.      La question de savoir si la prorogation du délai imparti pour interjeter appel causera un préjudice à Sa Majesté;
  6. 6.      La question de savoir s"il est dans l"intérêt de la justice d"accorder la prorogation du délai [Voir note 2 ci-dessous].
  7.      Note 2 : Mme le juge Simpson a utilisé ces facteurs dans le jugement Karon Resources c. MRN (1993) 71 F.T.R. 232.

Le bien-fondé

[12]      J"ai examiné la décision du juge Sharlow qui fait l"objet de l"appel interjeté par les

demandeurs et, plus particulièrement, ce qu"elle a déclaré à la page 2 de sa décision :

La seule façon de contester la décision d"un juge de la cour supérieure d"une province est d"interjeter appel devant la cour d"appel de cette province. La Loi sur la Cour fédérale ne donne pas à la Cour le pouvoir de contrôler de telles décisions, même sur la base de motifs constitutionnels.


[13]      Dans le deuxième motif de leur avis d"appel, les demandeurs ont dit :

[TRADUCTION] En ne reconnaissant pas le droit à une audition que confère aux demandeurs le paragraphe 24(1) de la Charte, le juge a commis une erreur de fait et de droit lorsqu"il a rejeté l"action, ce qui constitue une contravention directe aux dispositions du paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés et aux principes de la justice naturelle.

     Je suis d"avis que ce motif ne donne pas lieu à une question valable justifiant l"octroi de la prorogation du délai de dépôt de l"appel. Il existe une cour siégeant en appel des décisions des juges de la Cour supérieure de l"Ontario et il s"agit du tribunal d"appel ontarien approprié, et non pas de la Cour fédérale du Canada.

[14]      Dans le troisième motif de leur avis d"appel, les demandeurs ont prétendu que

la décision du juge Sharlow [traduction] " déconsidère l"administration de la justice et constitue une contravention aux dispositions de l"article premier, de l"article 7 et des paragraphes 15(1), 24(1), 52(1) et autres de la Charte canadienne des droits et libertés ainsi qu"une atteinte aux principes de la justice fondamentale ". Je suis d"avis que la décision du juge Sharlow n"a pas un tel effet et, en outre, je suis d"avis que ce motif d"appel ne soulève pas une question valable.

[15]      Dans leur avis d"appel, les demandeurs ont également sollicité une déclaration de

droit déclarant :

[TRADUCTION] " . . . la Loi sur la Cour fédérale inconstitutionnelle et nulle pour cause d"imprécision au motif qu"elle ne prévoit aucun recours contre les juges fédéraux des cours provinciales contrairement aux droits conférés par le paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés ".

     J"ai examiné le droit applicable et j"estime sans fondement l"argument voulant que la Loi sur la Cour fédérale, précitée, soit nulle pour cause d"imprécision.

[16]      Ayant tiré les conclusions susmentionnées, je suis donc d"avis que les demandeurs

n"ont pas démontré que l"appel soulevait des questions valables méritant d"être soumises à la Cour d"appel.

[17]      Quant aux deuxième, troisième, quatrième et cinquième facteurs énumérés par le

protonotaire Hargrave, je conclus que les demandeurs ont satisfait à ces facteurs.

[18]      Relativement au sixième facteur, j"estime qu"il ne serait pas dans l"intérêt de la

justice d"accorder la prorogation du délai de dépôt de l"appel car les demandeurs n"ont pas démontré que leur cause est valable quant au fond, de sorte qu"il ne serait pas dans l"intérêt de la justice de priver les défendeurs du droit au délai d"appel prescrit.

[19]      L"autre question à trancher est la demande présentée en l"espèce en vue de

l"obtention d"" une déclaration de droit obligatoire déclarant inconstitutionnel le cadre procédural de l"alinéa 27(2)b ) de la Loi sur la Cour fédérale ". Le paragraphe 57(1) de la Loi sur la Cour fédérale exige :


57. (1) Where the constitutional validity, applicability or operability of an Act of Parliament or of the legislature of any province, or of regulations thereunder, is in question before the Court or a federal board, commission or other tribunal, other than a service tribunal within the meaning of the National Defence Act, the Act or regulation shall not be adjudged to be invalid, inapplicable or inoperable unless notice has been served on the Attorney General of Canada and the attorney general of each province in accordance with subsection (2).

57. (1) Les lois fédérales ou provinciales ou leurs textes d'application, dont la validité, l'applicabilité ou l'effet, sur le plan constitutionnel, est en cause devant la Cour ou un office fédéral, sauf s'il s'agit d'un tribunal militaire au sens de la Loi sur la défense nationale, ne peuvent être déclarés invalides, inapplicables ou sans effet, à moins que le procureur général du Canada et ceux des provinces n'aient été avisés conformément au paragraphe (2).

[20]      Ne disposant d"aucune indication que de tels avis aient été signifiés aux procureurs

généraux du Canada et des provinces, je suis d"avis que la Cour n"a pas compétence pour se prononcer sur cette partie de la requête (Voir Constantineau c. Canada (P.G.) (27 avril 1998), dossier A-207-97.). L"avis doit respecter la forme prescrite par la formule 69.

[21]      La requête des demandeurs sollicite également une ordonnance :

[TRADUCTION] " . . . enjoignant le remboursement aux demandeurs des frais de dépôt de la présente requête et enjoignant au greffier de délivrer l"avis d"appel en date du 31 janvier 2000 à la Cour d"appel fédérale sans frais de dépôt ni autres frais in forma pauperis "


[22]      Je ne suis pas prêt à ordonner le remboursement des frais de dépôt de la

présente requête, lesquels s"élèvent à 20 $.

[23]      Quant à la demande d"ordonnance enjoignant le dépôt de l"avis d"appel à la Cour

d"appel fédérale sans frais de dépôt ou autres, je n"ai pas le pouvoir de rendre des ordonnances relatives à la Cour d"appel fédérale.

[24]      La demande de prorogation de délai est rejetée car elle ne respecte pas toutes les

exigences prescrites.




ORDONNANCE

[25]      Pour les motifs susmentionnés, la requête est rejetée.
[26]      Aucune ordonnance relative aux dépens n"est rendue.




                                 " John A. O"Keefe "     

                                     J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le 17 mai 2000


Traduction certifiée conforme


Pierre St-Laurent, LL.M.














COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU GREFFE :

INTITULÉ DE LA CAUSE :      RÉVÉREND FRÈRE WALTER A. TUCKER et

                     RÉVÉREND FRÈRE MICHAEL J. BALDASARO

                     et

                     SA MAJESTÉ LA REINE

                     LOIS E. PAYNE

                     TRICIA SINCLAIR
                     LA CORPORATION DE LA VILLE DE GUELPH

                     et MONSIEUR LE JUGE DUNN

LIEU DE L"AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L"AUDIENCE :          LE 31 JANVIER 2000

MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE RENDUS PAR LE JUGE O"KEEFE

EN DATE DU :              17 MAI 2000

ONT COMPARU :

Révérend frère Walter A. Tucker          SE REPRÉSENTANT EUX-MÊMES

Révérend frère Michael J. Baldasaro

Mme Cassandra Kirewski              POUR L"INTIMÉE Sa Majesté la Reine
Mme Pamela Hebner                  POUR LES INTIMÉES

                         Lois E. Payne,

                         Tricia Sinclair et

                         La Corporation de la ville de Guelph


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Morris Rosenberg                  POUR L"INTIMÉE Sa Majesté la Reine

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Madorin, Snyder                  POUR LES INTIMÉES
Kitchener (Ontario)                  Lois E. Payne,

                         Tricia Sinclair et

                         La Corporation de la ville de Guelph

































COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE



Date : 20000517


Dossier : T-494-99


ENTRE :


RÉVÉREND FRÈRE WALTER A. TUCKER et

RÉVÉREND FRÈRE MICHAEL J. BALDASARO


demandeurs


et


SA MAJESTÉ LA REINE,

LOIS E. PAYNE,

TRICIA SINCLAIR,

LA CORPORATION DE LA VILLE DE GUELPH

et MONSIEUR LE JUGE DUNN


défendeurs




MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.