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     Date: 20000222

     Dossier: T-393-98


Entre:

     A. LASSONDE INC.

     Demanderesse

     ET

     SUN PAC FOODS LIMITED

     Défenderesse


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:


[1]      La Cour est saisie d'une requête de la demanderesse afin que soient tranchées en sa faveur certaines objections formulées par les procureurs de la défenderesse lors de l'interrogatoire le 6 mai 1999 de la représentante de la défenderesse, Mme Lisanne Oneschuk. Les deux parties ont de plus lors de cette requête requis certaines directives de la Cour sur des aspects connexes.

[2]      La demanderesse a obtenu un certificat d'enregistrement sous la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 ("la Loi") pour la marque FRUITÉ.

[3]      La défenderesse, elle, détient un certificat sous la Loi pour la marque FRUIT RHAPSODY.

[4]      Le choc s'établit entre les parties en raison du fait que la défenderesse utilise l'expression RHAPSODIE FRUITÉE (mon souligné) à titre d'équivalent en langue française de sa marque FRUIT RHAPSODY.

[5]      Selon la demanderesse, une telle utilisation à titre de marque de commerce viole au sens de l'article 20 de la Loi son droit exclusif à l'emploi de FRUITÉ en relation avec les jus de fruits et boissons aux fruits. Cette même utilisation déprécierait la valeur de l'achalandage associé à ladite marque de commerce (article 22 de la Loi), et exercerait une concurrence déloyale (articles 7b) et 7c) de la Loi).

État du droit relativement aux questions posées lors de l'interrogatoire préalable

[6]      Comme l'a dit le juge MacKay dans l'affaire Sydney Steel Corp. c. Omisalj (Le), [1992] 2 C.F. 193, à la page 197:

[...] [L]e critère relatif au bien-fondé d'une question posée dans le cadre d'un interrogatoire préalable [...] qu'il convient d'appliquer est de savoir si les renseignements sollicités par une question peuvent être pertinents aux points qui, au stade de l'interrogatoire préalable, sont litigieux dans les actes de procédure déposés par les parties.

[7]      En dépit de ce large énoncé de principe, toutefois, il est des limites à la portée d'un interrogatoire préalable, notamment celle selon laquelle il n'y a pas lieu de permettre des questions de grande portée tenant de la nature d'un interrogatoire à l'aveuglette (voir la décision Reading & Bates Construction Co. c. Baker Energy Resources Corp. (1988), 24 C.P.R. (3d) 66 (C.F. 1re inst.), à la page 72).

[8]      À l'aide de ces principes, il y a lieu maintenant de procéder à l'adjudication des catégories de questions telles que formulées par la demanderesse.

Catégorie 1

[9]      Les questions sous cette catégorie visent, pour l'essentiel, à déterminer les profits réalisés par la défenderesse. La demanderesse a en effet indiqué depuis quelque temps      qu'elle optera pour la reddition des profits que la défenderesse aurait réalisés de par sa commercialisation.

[10]      Quant aux questions 1 et 22, elles visent à connaître les coûts et les revenus, par produit et par format de produit, et ce, en ce qui a trait aux produits de la défenderesse qui portent l'expression "RHAPSODIE FRUITÉE" depuis leur mise en marché et ce, dans l'ensemble des marchés de l'alimentation (food market) et du marché des services alimentaires (food service).

[11]      Je considère que c'est là une demande raisonnable et pertinente et la défenderesse devra donc d'ici le 31 mars 2000 produire à même les autres engagements qu'elle a pris sous ces questions l'information ci-avant mentionnée. Je ne considère pas toutefois que la défenderesse a au niveau des coûts à distinguer entre les coûts directs et indirects. C'est là une différenciation qui m'apparaît non nécessaire, du moins à ce stade-ci.

[12]      Quant à la question 2 qui vise les "listings" de la défenderesse, il m'apparaît suffisant que la défenderesse remplisse l'engagement souscrit à l'égard de cette question.

[13]      Quant à la question 3, il sera suffisant que la défenderesse produise d'ici le 31 mars 2000 un organigramme de sa structure corporative mais ce, à l'égard seulement des produits en litige.

[14]      Quant à la question 50, elle porte sur la liste de prix des produits de la défenderesse. La défenderesse a produit une telle liste quoique limitée dans le temps et restreinte au service alimentaire. Elle devra d'ici le 31 mars 2000 étendre cette liste en en produisant une qui inclura dans le temps le début de la commercialisation des produits en litige et les marchés de l'alimentation.

[15]      Elle n'est pas requise toutefois de produire toute facture à cet égard ou à l'égard de tout autre item de la requête à l'étude. Ce dernier type de demande m'apparaît aller trop loin.

[16]      Quant à la question 51, elle m'apparaît être de la nature d'une expédition de pêche et elle n'a pas à être répondue.

Catégorie 2

[17]      Les questions sous cette catégorie portent sur l'utilisation possible par la défenderesse des mots "RHAPSODIE DE FRUITS" aux lieu et place de l'expression "RHAPSODIE FRUITÉE". Ces questions essuient ici un refus parce qu'elles visent des discussions hors cour entre les parties et qu'il serait inapproprié de leur faire perdre un tel caractère en envisageant de répondre à celles-ci.

Catégorie 3

[18]      Les questions sous cette catégorie visent en partie à connaître de la défenderesse les détenteurs de licences octroyées par la demanderesse elle-même. Ce type d'information n'a pas à être produit puisque tel que mentionné le 19 juin 1998 dans une décision précédente au dossier à l'étude, la demanderesse est présumée connaître qui sont ses détenteurs de licences.

[19]      D'autre part, les notes auxquelles Mme Oneschuk a pu se référer lors de l'interrogatoire n'ont pas à être produites.

Catégorie 4

[20]      La question 18 sous cette catégorie a trait à une allégation par la défenderesse du caractère faussement descriptif de la marque de la demanderesse. Cette question vise dans les faits à savoir ce qu'entend la partie par cette expression. C'est là une question raisonnable et pertinente et elle devra recevoir réponse. Dans les circonstances, elle n'est pas de la nature d'une question juridique.

Catégorie 5

[21]      Puisqu'elle réclame des dommages exemplaires, la demanderesse est en droit de savoir si le développement de cette marque de commerce "FRUIT RHAPSODY" et des mots "RHAPSODIE FRUITÉE" a fait l'objet d'un processus de création différent de celui adopté pour les autres marques de commerce de la défenderesse. Les questions 25 et 26 m'apparaissent donc pertinentes et elles devront recevoir réponse.

Catégorie 6

[22]      La formulation de la question sous cette catégorie est à mon sens fautive. Elle attribue à l'expression "RHAPSODIE FRUITÉE" le qualificatif de marque de commerce. C'est là une association qui a été proscrite de par ma décision du 19 juin 1998. Cette question n'aura pas à recevoir réponse.

Catégorie 7

[23]      Tout comme plusieurs autres questions incluses initialement dans la requête, la demanderesse a laissé tomber à l'audition la question 29 sous cette rubrique. Toutes ces questions n'auront donc pas à recevoir réponse.

Catégorie 8

[24]      Les questions 43 et 44 sous cette catégorie visent à clarifier le paragraphe 20(i)(b) de la défense de la défenderesse. À mon sens, elles sont pertinentes et ne doivent pas être vues comme des questions destinées à un expert. Elle devront donc recevoir réponse.

Catégorie 9

[25]      Les cinq questions sous cette catégorie visent à cerner l'appréciation par la représentante de la défenderesse des ventes de produits FRUITÉ par la demanderesse. Vu que la défenderesse attaque la validité de l'enregistrement de la demanderesse, ces questions sont pertinentes et la représentante de la défenderesse - qui est la directrice du marketing chez cette dernière - est en mesure d'y apporter réponse.

Catégorie 10

[26]      Cette catégorie réfère à une réserve formulée par la défenderesse en réponse à la question 446.

[27]      La défenderesse a pris un engagement à cet égard et elle devra remplir cet engagement d'ici le 31 mars 2000.

Dépens sur la requête

[28]      Bien que les deux parties aient réclamé les dépens sur la présente requête, et plus spécialement la défenderesse qui les réclame sur une base client-avocat, j'entends adjuger que les dépens seront à suivre vu le succès partagé sur la présente requête.

[29]      Les procureurs des parties - et spécialement celui de la demanderesse à l'égard de sa vis-à-vis pour la défenderesse - verront à améliorer leur coopération mutuelle dans l'intérêt de leur client respectif et de l'avancement harmonieux du présent dossier. Si cela ne se matérialise pas, il n'est pas dit que toute partie fautive ne sera pas sanctionnée de dépens dans le futur.

Autres aspects

[30]      Il y a lieu de prévoir que la défenderesse produira également pour le 31 mars 2000 tout autre engagement auquel elle s'est soumise et qui n'est pas spécifiquement visé dans les présents motifs et l'ordonnance les accompagnant.

[31]      La demanderesse devra également produire pour le 31 mars 2000 tout engagement auquel elle s'est soumise.

[32]      À l'avenir, les parties dans le présent dossier devront identifier le nom "Sunpac" de la défenderesse en deux mots, soit "Sun Pac".

[33]      En vue de la poursuite des interrogatoires dans le présent dossier ainsi que la poursuite des autres étapes subséquentes en vue de mettre en état le présent dossier, les procureurs des parties devront soumettre à la Cour - de façon conjointe dans la très grande mesure du possible - et ce, le ou avant le 20 mars 2000, un échéancier en vue de remplacer celui contenu à l'ordonnance de cette Cour en date du 7 octobre 1999.

[34]      D'autre part, la demanderesse devra signifier et déposer le ou avant le 29 février 2000, sa déclaration amendée dont elle fait état au paragraphe 8 de son mémoire déposé le 29 novembre 1999.



Richard Morneau

     protonotaire

MONTRÉAL (QUÉBEC)

le 22 février 2000

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU DOSSIER DE LA COUR:

INTITULÉ DE LA CAUSE:

T-393-98

A. LASSONDE INC.

     Demanderesse

ET

SUN PAC FOODS LIMITED

     Défenderesse




LIEU DE L'AUDIENCE:Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE:le 14 février 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

DATE DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE:le 22 février 2000


COMPARUTIONS:


Me Bruno Barrette

pour la demanderesse

Me Keri Johnston

Me Solomon R. Avisar

pour la défenderesse

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:


Brouillette Charpentier Fortin

Montréal (Québec)

pour la demanderesse

Johnston Avisar

Toronto (Ontario)

pour la défenderesse



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