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Date : 20030530

Dossier : IMM-3986-02

Référence : 2003 CFPI 686

Ottawa (Ontario), le 30 mai 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

ENTRE :

                                       VOLODYMYR VOLOSHCHAKEVYCH

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire contestant la décision par laquelle la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu, le 17 juillet 2002, que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention parce qu'il n'avait pas de crainte fondée de persécution et qu'il était exclu de la définition de « réfugié au sens de la Convention » en raison de la section 1Fb) de l'article premier de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

[2]                 Il s'agit de savoir si la Commission a commis une erreur :

i.           en ce qui concerne la conclusion selon laquelle rien ne montrait que le demandeur était un homosexuel;

ii.           en ce qui concerne la question de savoir si l'erreur admise que la Commission a commise, à savoir que le demandeur cherchait à éviter des poursuites pour meurtre en Ukraine, influait sur la conclusion selon laquelle le demandeur n'était pas crédible; et

iii.          en ce qui concerne la question de savoir si le fait que le demandeur a tardé à revendiquer le statut de réfugié constitue un fondement déterminant permettant de conclure qu'il n'était pas réellement un réfugié.

LES FAITS

Historique


[3]         Le demandeur est un citoyen ukrainien qui affirme craindre avec raison d'être persécuté du fait de son orientation sexuelle. Il a obtenu un visa canadien de visiteur le 5 mai 1998; il est arrivé au Canada le 23 mai 1998. Le demandeur a reçu une fiche de visiteur et a été autorisé à rester au Canada jusqu'au 22 novembre 1998. Il a par la suite demandé et obtenu une prorogation à l'égard de son statut de visiteur jusqu'au 22 mai 1999. Au mois d'avril 1999, Citoyenneté et Immigration Canada a reçu des renseignements selon lesquels on cherchait le demandeur en Ukraine, où il était accusé de [TRADUCTION] « meurtre intentionnel et [de] vandalisme » . Les accusations découlaient d'un événement qui s'était produit dans une boîte de nuit, à Ternopil, le 21 mai au soir et tôt le matin du 22 mai 1998. Il est difficile de déterminer d'après la preuve ce qui s'est exactement passé ce soir-là. Une version des événements est donnée dans les documents provenant du ministère public de l'Ukraine et d'INTERPOL Kiev. Une autre version se trouve dans le FRP du demandeur et dans son témoignage oral. La preuve relative aux événements qui se sont produits ce soir-là est énoncée ci-dessous.

Documents du ministère public et d'INTERPOL

[4]         Les autorités canadiennes ont initialement été averties des accusations portées contre le demandeur dans une lettre d'INTERPOL Kiev en date du 16 avril 1999. Selon la lettre, on cherche le demandeur et une autre personne, S.A. Osidak, à Ternopil, pour avoir commis des crimes, à savoir un meurtre intentionnel et des actes de vandalisme. Toujours selon la lettre, le 22 mai 1998, [TRADUCTION] « les individus en question ont blessé M. Petryk, qui est décédé par suite des blessures qu'il avait subies » . INTERPOL Ottawa a envoyé un courriel au bureau de Kiev pour demander des éclaircissements au sujet des accusations portées contre le demandeur; il a reçu une réponse en date du 5 mai 1999 dans laquelle il était dit que le demandeur [TRADUCTION] « avait commis des voies de fait causant des lésions corporelles et le décès de la victime » .

[5]                 Il ressort de ces deux documents que le demandeur ainsi que M. Osidak étaient responsables du décès de M. Petryk (épelé Petrik dans la décision de la Commission). Toutefois, les autorités canadiennes ont par la suite reçu d'INTERPOL un rapport du ministère public, à Ternopil, indiquant le contraire. Le rapport dit que le 21 mai au soir et tôt le matin du 22 mai 1998, le demandeur était dans une boîte de nuit, le « Night Rondevu » , à Ternopil, avec son ami M.V. Petryk. Il y a eu une altercation entre le demandeur et A.K. Khytryak, pendant laquelle le demandeur, qui avait reçu une formation de kick boxeur, [TRADUCTION] « a[vait] frappé A.K. KHYTRYAK à la tête, ce qui a fait tomber celui-ci et lui a fait perdre connaissance » . Deux connaissances de M. Khytryak, M. Osidak et K.S. Pylypenko, sont intervenus et le demandeur les a également frappés.


[6]                 Les gardes de sécurité de la boîte de nuit sont intervenus pour mettre fin à la bagarre et ont accompagné tous les participants dehors. La bagarre s'est poursuivie à l'extérieur et l'ami du demandeur, M. Petryk, s'en est mêlé. Les employés de la boîte de nuit sont encore une fois intervenus, après quoi le demandeur et M. Petryk ont quitté les lieux. Les deux connaissances de M. Khytryak se sont mises à chercher le demandeur et M. Petryk; elles ont finalement trouvé M. Petryk à une intersection, près de là. Les deux hommes ont gravement battu M. Petryk et M. Osidak a poignardé celui-ci à plusieurs reprises. À un moment donné, le couteau a perforé le coeur de M. Petryk, de sorte que ce dernier est décédé sur les lieux parce qu'il avait perdu trop de sang. M. Pylypenko a été capturé par la police; il a été accusé de vandalisme et il s'est vu infliger une peine de trois ans et six mois. Comme il en a ci-dessus été fait mention, M. Osidak a été accusé de meurtre et de vandalisme, mais il s'est échappé et il semble que la police le cherchait encore en 2002. Le demandeur a quitté l'Ukraine; il s'est présenté à un point d'entrée canadien le 23 mai 1998. Il n'a pas mentionné l'événement à l'agent d'immigration et il n'a pas alors revendiqué le statut de réfugié. Étant donné qu'il possédait un visa de visiteur valide, il a été admis.

[7]                 Comme il en a ci-dessus été fait mention, le visa du demandeur a été prorogé jusqu'au 22 mai 1999. Sa demande de prorogation additionnelle a été refusée, mais il est resté illégalement au Canada une fois le visa expiré. Le demandeur a été arrêté par la police de Toronto le 30 juin 1999 et il a été remis aux autorités de l'Immigration. Lorsqu'il a été arrêté, le demandeur a informé les agents qui procédaient à l'arrestation qu'il avait retenu les services d'une société ukrainienne pour obtenir un visa par des moyens frauduleux étant donné qu'il avait l'intention de rester en permanence au Canada. Un rapport a été délivré; il y était allégué que le demandeur avait violé la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, dans sa forme modifiée (la Loi) en se faisant passer pour un visiteur; en commettant, à l'étranger, un acte qui, s'il était commis au Canada, aurait peut-être entraîné une déclaration de culpabilité par mise en accusation et un emprisonnement égal ou supérieur à dix ans; et en prolongeant son séjour sans autorisation. L'agent qui a procédé à l'arrestation a également noté que le demandeur semblait avoir travaillé illégalement à son propre compte comme fabricant d'enseignes. Le demandeur a été détenu par les autorités de l'Immigration jusqu'au 16 juillet 1999, date à laquelle il a été mis en liberté à la suite de la révision des motifs de la détention et sur remise d'un cautionnement de 10 000 $ en espèces.


[8]                 On a ensuite mené une enquête en vertu de la Loi en vue de déterminer si le demandeur était admissible. Un arbitre a conclu que le demandeur avait violé la Loi; il a pris une mesure d'expulsion conditionnelle le 15 septembre 2000. L'arbitre a conclu que l'infraction canadienne qui correspondait à l'infraction de vandalisme commise en Ukraine était l'infraction de voies de faits graves, soit un acte criminel emportant une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 14 ans, ou l'infraction de voies de fait causant des lésions corporelles, soit un acte criminel emportant une peine pouvant atteindre dix ans.

La revendication du demandeur

[9]         La mesure d'expulsion était conditionnelle parce que, pendant l'été 1999, le demandeur avait revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention du fait de son orientation sexuelle. Le demandeur affirme avoir entretenu des relations homosexuelles avec la victime du meurtre, M. Petryk, depuis qu'ils allaient ensemble à l'école. Ils n'avaient pas fait connaître leurs relations, mais d'autres étudiants trouvaient leur comportement étrange; ils les insultaient et les menaçaient. Les parents de M. Petryk, lorsqu'ils ont été mis au courant de la relation, sont devenus fort hostiles. Le demandeur affirme avoir également fait face à des problèmes à son lieu de travail à cause de son orientation sexuelle. En 1997, M. Petryk et lui ont loué un logement ensemble, mais ils n'ont pas pu tolérer le harcèlement et les attaques des Skinheads, et ils sont tous deux retournés chez leurs parents respectifs. Le demandeur a alors décidé de venir au Canada, M. Petryk devant venir le joindre plus tard.


[10]            Dans son FRP, le demandeur a donné une autre version des événements qui s'étaient produits le 21 mai au soir et tôt le matin du 22 mai 1998. Le demandeur déclare qu'il devait partir pour le Canada le 23 mai et qu'il avait décidé avec M. Petryk de célébrer son départ en prenant un verre au « Night Rondevu » . Les deux hommes ont dansé ensemble, mais ils l'ont fait discrètement, de façon à éviter d'attirer l'attention. Pendant la soirée, trois Skinheads ont abordé le demandeur. Le demandeur n'a pas reconnu deux des Skinheads, mais il connaissait M. Khytryak à cause d'une attaque antérieure. Le demandeur, en remarquant que M. Khytryak avait un couteau dans sa manche, a résisté lorsque les trois hommes ont essayé de le traîner ainsi que M. Petryk à l'extérieur de la boîte de nuit. M. Khytryak allait frapper le demandeur, qui a rendu le coup fortement. M. Khytryak est immédiatement tombé à terre, à la suite de quoi ses deux amis se sont mis à battre gravement le demandeur. Les gardes de sécurité de la boîte de nuit sont ensuite intervenus et ont escorté les hommes à l'extérieur. Ils se sont en même temps montrés physiquement et verbalement violents envers le demandeur. Un groupe de Skinheads s'était rassemblé à l'extérieur de la boîte de nuit et a commencé à crier : [TRADUCTION] « Tue le gai. » Le demandeur et M. Petryk ont réussi à s'échapper et se sont rendus en courant jusqu'à un arrêt d'autobus, mais M. Petryk a décidé de retourner chercher sa voiture près de la boîte de nuit. Il a dit au demandeur qu'il reviendrait le chercher à l'arrêt d'autobus.


[11]            Le demandeur a attendu à l'arrêt d'autobus 20 à 30 minutes, mais M. Petryk n'est pas revenu. Le demandeur a par la suite vu la voiture de M. Petryk qui s'éloignait de lui; il a pris un taxi pour retourner chez lui. À l'audience, le demandeur a modifié son FRP en ajoutant qu'un autre de ses amis, Sergei Zaletsky, les avait accompagnés à la boîte de nuit et qu'il dormait dans la voiture à l'extérieur de la boîte au moment où l'événement s'est produit. Selon le demandeur, c'était M. Zaletsky qu'il avait vu au volant de la voiture pendant qu'il était à l'arrêt d'autobus. M. Zaletsky avait été informé que M. Petryk avait été poignardé et il amenait M. Petryk à l'hôpital, mais celui-ci est mort en cours de route. Lorsqu'on lui a demandé, à l'audience, pourquoi il n'était pas fait mention de M. Zaletsky dans le rapport du ministère public, le demandeur a répondu qu'il dormait pendant que l'on poignardait M. Petryk et qu'il n'a pas été témoin du meurtre.

[12]            Le lendemain matin, des policiers se sont présentés chez le demandeur; ils lui ont demandé de les accompagner au poste central de police. Au poste, le demandeur a été informé du meurtre de M. Petryk et on lui a demandé s'il en avait été témoin. Le demandeur a expliqué ce qui s'était passé et il a dit aux policiers que les hommes l'avaient attaqué et avaient attaqué M. Petryk parce qu'ils étaient gais. L'un des agents de police a frappé le demandeur dans le dos et a déclaré qu'il était responsable du meurtre de M. Petryk. Les policiers ont mis le demandeur en liberté plus tard ce jour-là, en lui disant qu'ils l'appelleraient s'ils avaient encore besoin de lui parler. Le demandeur, qui craignait d'être encore une fois persécuté par les Skinheads et qui croyait que la police ne voulait ou ne pouvait pas le protéger, a décidé de quitter l'Ukraine comme il s'était proposé de le faire. Il s'est d'abord rendu à Lvov, puis au Canada.

[13]            L'audience tenue par la Commission au sujet de la revendication du demandeur a duré quatre jours, entre le 10 mai 2001 et le 5 avril 2002. À l'audience, le demandeur a présenté plusieurs documents pour corroborer sa revendication, y compris des rapports médicaux donnant des détails au sujet des blessures qu'il avait subies au cours d'attaques antérieures et un article de journal dans lequel on disait que l'agression, au « Night Rondevu » , était attribuable à l'homophobie. Le demandeur a également témoigné qu'il craignait de retourner en Ukraine parce que M. Osidak était maintenant agent de police. Lorsqu'il a été interrogé au sujet du mandat d'arrestation dont M. Osidak faisait l'objet, le demandeur a déclaré que le père de celui-ci était un agent haut placé du KGB et que M. Osidak travaillait probablement sous un nom différent.

La décision de la Commission


[14]       La Commission a rejeté la revendication dans une décision rendue le 17 juillet 2002. Trois raisons ont été données à l'appui du rejet. La principale raison se rapportait à la conclusion selon laquelle le demandeur n'était pas crédible au sujet de son orientation sexuelle. Le tribunal a noté qu'il n'existait aucun élément de preuve personnel de la relation que le demandeur entretenait avec M. Petryk et que le demandeur n'avait mentionné son homosexualité qu'au moment où l'Immigration avait mené une enquête. Le demandeur n'avait pas présenté de revendication lorsqu'il était initialement arrivé au Canada, il n'avait pas mentionné l'événement qui s'était produit à Ternopil devant les responsables de l'Immigration à son arrivée et, dans son FRP, il avait omis des parties cruciales de son histoire. La Commission n'a accordé aucune importance aux rapports médicaux soumis par le demandeur parce qu'ils n'étaient pas datés et qu'ils ne manifestaient pas le degré de professionnalisme auquel on s'attendrait d'établissements médicaux. La Commission a communiqué avec des représentants du journal qui avait censément publié l'article dans lequel était relatée l'agression des 21 et 22 mai. On a informé la Commission qu'il n'y avait aucune mention de l'article en question et que le journal, un hebdomadaire, n'avait pas été publié à la date pertinente.

[15]            Le tribunal a également conclu que l'histoire du demandeur était invraisemblable. La Commission a dit qu'il n'était pas raisonnable de croire que M. Zaletsky dormait dans une voiture garée juste à l'extérieur d'une boîte de nuit bruyante. Même si cela pouvait être accepté, la Commission a jugé qu'il était invraisemblable que ni le demandeur ni M. Petryk ne soient montés dans la voiture en quittant la boîte de nuit ou que M. Petryk retournerait chercher sa voiture après s'être enfui de la foule. Le tribunal estimait qu'il était déraisonnable qu'une personne qui affirme que la police se livre à des actes de violence à l'endroit des gais fournisse volontairement des renseignements au sujet de son orientation sexuelle sans qu'on le lui demande, et il a noté que les deux autres hommes qui étaient mêlés à l'événement avaient également été accusés par la police même s'ils n'étaient pas gais.


[16]            La deuxième raison que la Commission a donnée pour rejeter la revendication se rapportait au fait que la crainte du demandeur était fondée sur des poursuites plutôt que sur la persécution. La Commission, qui avait conclu que le demandeur n'était pas un homosexuel, a rejeté l'allégation selon laquelle les accusations étaient fondées sur l'orientation sexuelle de celui-ci. Étant donné que les mesures prises contre le demandeur se rapportaient à l'application d'une loi ordinaire d'application générale, le gouvernement entamerait des poursuites plutôt que de se livrer à des actes de persécution.

[17]            La dernière raison que la Commission a donnée pour rejeter la revendication était que le demandeur était exclu de la définition du réfugié au sens de la Convention en raison de la section 1(F)b) de l'article premier de la Convention. Le tribunal a examiné la documentation; il a conclu que l'on cherchait le demandeur en Ukraine pour des actes de vandalisme et pour un meurtre. Le tribunal était d'avis que le meurtre intentionnel était visé par la section 1Fb), de l'article premier, qui est ainsi libellée :


Article premier. -- Définition du terme « réfugié »

F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

b) Qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiés;


Article 1. Definition of the term "refugee"

F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that :

b) He has committed a serious non-political crime outside the country of refuge prior to his admission to that country as a refugee;



ANALYSE

[18]            Le demandeur conteste la conclusion de la Commission selon laquelle on le cherche pour un meurtre intentionnel en Ukraine; il conteste également la conclusion que le tribunal a tirée au sujet de la crédibilité. Quant à la décision que la Commission a rendue au sujet de la section 1Fb) de l'article premier, le demandeur affirme que la preuve montre clairement que l'on cherche uniquement M. Osidak en Ukraine pour un meurtre intentionnel. Il affirme que cette erreur est si essentielle à la décision du tribunal qu'elle démontre une mauvaise appréciation fondamentale de la preuve présentée à l'audience et qu'elle a également servi à influencer d'une façon indue le tribunal lorsqu'il s'est agi de conclure que le demandeur n'était pas crédible.

[19]            Le défendeur a concédé que la Commission avait commis une erreur au sujet de la décision relative à l'exclusion et que l'on ne cherche pas le demandeur pour meurtre en Ukraine. Toutefois, le défendeur affirme que compte tenu des autres conclusions tirées par le tribunal, l'erreur qui a été commise au sujet de la section 1Fb) de l'article premier n'est pas importante.


[20]        En l'espèce, la question déterminante est de savoir si la Commission a commis une erreur en concluant que le demandeur n'était pas crédible. La norme de contrôle qui s'applique aux conclusions de crédibilité de la Commission est celle de la décision manifestement déraisonnable : Chen c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), 2002 CFPI 1194, paragraphe 4, et Baran c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), 2003 CFPI 227, paragraphe 5.

[21]            La Cour a examiné la preuve de la décision de la Commission et elle conclut que la Commission a commis deux erreurs importantes qui vicient la décision dans son ensemble et qui ne peuvent pas être séparées en vue d'éviter d'avoir à procéder à une nouvelle audience. La conclusion que la Commission a tirée au sujet du fait que l'on cherche le demandeur pour meurtre en Ukraine et que le demandeur cherche à éviter des poursuites plutôt que la persécution influe naturellement sur l'appréciation de la Commission selon laquelle le demandeur n'est pas crédible étant donné qu'il nie avoir participé au meurtre.

[22]            La deuxième erreur se rapporte à la conclusion du tribunal selon laquelle il n'existe aucun élément de preuve montrant que le demandeur entretenait une relation homosexuelle. L'examen de la transcription et de la preuve documentaire montre que cette conclusion est manifestement déraisonnable. Il existe bon nombre d'éléments de preuve au sujet de l'homosexualité du demandeur. Par conséquent, le fondement de la conclusion du tribunal selon lequel le témoignage de l'intéressé n'était pas crédible pour ce qui est de son orientation sexuelle dépendait d'une conclusion manifestement fausse, à savoir que ce fait n'était pas établi.


[23]            Quant au fait que le demandeur avait tardé à revendiquer le statut de réfugié lorsqu'il était arrivé au Canada, il s'agit d'un fait que la Commission peut à juste titre apprécier compte tenu de la légitimité de la revendication. Il semble y avoir plusieurs raisons pour lesquelles il y a eu un retard, et la preuve semble clairement montrer que le demandeur a quitté l'Ukraine pour venir au Canada dans l'intention de revendiquer le statut de réfugié. Le demandeur a communiqué avec un conseiller en immigration au sujet de la revendication dans la semaine qui a suivi son arrivée au Canada, mais le conseiller en immigration est bien connu comme étant une personne incompétente qui commet des fraudes, ce qui explique en partie le retard. Le retard est un facteur, mais il ne s'agit pas du facteur décisif ou concluant et il ne porte pas un coup fatal à la décision lorsqu'il s'agit de savoir si le demandeur est un réfugié au sens de la Convention.

[24]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un autre tribunal de la Commission pour qu'une nouvelle décision soit rendue. Ni l'une ni l'autre partie n'a proposé la certification d'une question. Aucune question ne sera certifiée.


                                                              ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un autre tribunal de la Commission pour qu'une nouvelle décision soit rendue.

                         « Michael A. Kelen »                             

Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                   SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                    Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                                                  IMM-3986-02

INTITULÉ :                                                 VOLODYMYR VOLOSHCHAKEVYCH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                         TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                       LE MERCREDI 14 MAI 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                              MONSIEUR LE JUGE KELEN

DATE DES MOTIFS :                               LE VENDREDI 30 MAI 2003

COMPARUTIONS :

M. Arthur Yallen                                        POUR LE DEMANDEUR

M. Brad Gotkin                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Arthur Yallen                                           POUR LE DEMANDEUR

Yallen et associés

Avocats

204, rue St. George, 3e étage

Toronto (Ontario)

M5R 2N5

Morris Rosenberg                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


      COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    Date : 20020530

             Dossier : IMM-3986-02

ENTRE :

VOLODYMYR VOLOSHCHAKEVYCH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                               ______________      

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                           ______________          


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