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Date : 20210430


Dossier : T-787-20

Référence : 2021 CF 389

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 30 avril 2021

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

KEVIN BROWNE, BRADLEY LUNDEEN ET LA FÉDÉRATION DE LA POLICE NATIONALE

demandeurs

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Les demandeurs sont le gendarme Kevin Browne et le sergent Bradley Lundeen, tous deux membres de la Gendarmerie royale du Canada [la GRC], et la Fédération de la police nationale [la FPN], agent de négociation de la GRC. Ils introduisent la présente demande pour contester la manière dont le Conseil du Trésor interprète et applique certaines dispositions de la politique de la GRC sur la réinstallation relatives à la vente de la résidence principale des membres de la GRC lorsque les prix de l’immobilier ont baissé. Les demandeurs n’attaquent pas une quelconque décision appliquant ou interprétant la politique de réinstallation. Ils soutiennent plutôt que l’application et l’interprétation de cette politique constituent une ligne de conduite qui est préjudiciable aux demandeurs et aux autres membres de la GRC.

Contexte

[2] Depuis environ 1999, la réinstallation des membres de la GRC est régie par une politique. Plusieurs versions de celle‑ci ont été publiées au fil des ans, et toutes comprennent des dispositions portant garantie de remboursement des pertes immobilières. Les textes en cause dans la présente affaire sont le Programme de réinstallation intégré — Politique de réinstallation pour la Gendarmerie royale du Canada, entré en vigueur le 1er avril 2009 [le PRI 2009] et le document qui lui a succédé, à savoir la Directive sur la réinstallation de la Gendarmerie royale du Canada, entrée en vigueur le 1er avril 2017 [le PRI 2017]. Dans chacune de ces politiques, la section intitulée « Vente de la résidence principale » dispose que l’objectif de la section est d’aider les membres de la GRC qui sont mutés d’un lieu de travail à un autre à vendre leur résidence principale à leur ancien lieu de travail. Dans le PRI 2009, les dispositions en cause sont le Programme de garantie de remboursement des pertes immobilières [le PGRPI] et le Statut de marché déprimé [le SMD]. Le PRI 2017 contient des dispositions sur le remboursement des pertes immobilières [RPI], mais ne contient pas de disposition sur le SMD. Les dispositions relatives au PGRPI, au RPI et au SMD sont destinées à aider les membres de la GRC qui vendent à perte leur résidence principale à la suite d’une réinstallation.

[3] Dans le PRI 2009, l’article 3.09 est la disposition relative au PGRPI. Selon le paragraphe 3.09(2), le membre de la GRC qui vend sa résidence principale à un prix inférieur au prix d’achat initial (au moment de l’annonce initiale) peut obtenir un remboursement d’un montant équivalant à la différence (la valeur maximale de la résidence est de 300 000 $). Selon l’article 3.10, Statut de marché déprimé [la disposition SMD], le membre de la GRC qui veut se prévaloir de la disposition SMD devra, avec un courtier en immeubles, élaborer une analyse de rentabilisation pour le statut de marché déprimé, défini comme une collectivité où les prix de l’immobilier ont baissé de plus de 20 % depuis la date d’achat. L’élaboration de l’analyse consiste à présenter les documents requis au fournisseur de services de réinstallation [le FSR], qui les acheminera au CMN (le coordonnateur ministériel national) ou à son représentant afin que le responsable de projet du Secrétariat du Conseil du Trésor les approuve.

[4] L’article 4.16, Remboursement des pertes immobilières (RPI), du PRI 2017 permet aux membres de la GRC qui vendent leur résidence à un prix inférieur au prix d’achat initial d’obtenir un remboursement équivalant à 80 % de la différence, jusqu’à concurrence de 30 000 $ à partir du compte de base. Il n’y a pas de disposition SMD.

[5] Selon les demandeurs, le Conseil du Trésor considère à tort la disposition SMD du PRI 2009 comme assujettie à un plafond de 300 000 $ sur le prix d’achat de la résidence, et il se fonde injustement sur le PRI 2017 pour refuser le bénéfice de la disposition SMD au membre qui a acheté sa résidence quand le PRI 2009 était en vigueur. Les demandeurs prient la Cour de rendre des ordonnances portant : (1) que le PRI 2017 ne peut pas s’appliquer rétroactivement pour exclure du bénéfice de la disposition SMD les membres de la GRC qui ont acheté leur résidence quand le PRI 2009 était en vigueur; (2) que la disposition SMD du PRI 2009 s’applique aux membres de la GRC qui ont acheté leur résidence quand le PRI 2009 était en vigueur; et (3) que la disposition SMD du PRI 2009 ne s’applique pas uniquement aux résidences acquises à un prix égal ou inférieur à 300 000 $. Ils sollicitent aussi un jugement déclaratoire portant que le PRI 2017 est invalide et dépourvu d’effet, dans la mesure où il s’applique rétroactivement pour exclure du bénéfice de la disposition SMD les membres qui ont acheté leur résidence quand le PRI 2009 était en vigueur.

 

Dispositions des PRI

[6] Les dispositions pertinentes du PRI 2009 et du PRI 2017 [collectivement « les PRI »] sont reproduites à l’Annexe A des présents motifs.

Questions en litige

[7] En substance, les demandeurs présentent ainsi les questions en litige :

1. La manière dont le Conseil du Trésor applique et interprète le PRI 2009 et le PRI 2017 est-elle déraisonnable étant donné qu’elle a pour effet de nier le bénéfice de la disposition SMD, contenue dans le PRI 2009, aux membres qui ont acheté leur résidence quand le PRI 2009 était en vigueur et avant le 1er avril 2017, mais l’ont vendue après le 1er avril 2019, avec application du plafond de 300 000 $ à la disposition SMD?

2. La méthode appliquée par la GRC pour mettre en application le PRI 2017 était-elle équitable sur le plan procédural?

[8] Le défendeur soulève trois questions préliminaires :

1. La présente demande de contrôle judiciaire est-elle prématurée?

2. La FPN devrait-elle se voir reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public?

3. Les affidavits déposés à l’appui par les demandeurs devraient-ils être radiés, en totalité ou en partie?

[9] Subsidiairement, si la demande de contrôle judiciaire n’est pas prématurée, le défendeur affirme que le Conseil du Trésor a validement interprété et appliqué le PRI 2017 et l’a mis en application dans le respect de l’équité procédurale.

[10] Selon moi, les questions en litige peuvent être structurées et formulées comme suit :

  1. La Cour a-t-elle compétence pour instruire la présente demande?

  2. La demande est-elle prématurée?

  3. La FPN devrait-elle se voir reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public?

  4. Les affidavits des demandeurs devraient-ils être radiés, en totalité ou en partie?

  5. Si la Cour a compétence et la demande n’est pas prématurée, le PRI 2017 a-t-il été mis en application dans le respect de l’équité procédurale, et la manière dont le Conseil du Trésor a appliqué et interprété le PRI 2017 est-elle raisonnable?

Norme de contrôle

[11] Selon les demandeurs, la manière dont les PRI ont été interprétés et appliqués doit être contrôlée selon la norme de la décision raisonnable, et la manière dont le PRI 2017 a été mis en application est une question d’équité procédurale qui est assujettie à la norme de contrôle de la décision correcte.

[12] Selon le défendeur, une politique ne peut être attaquée qu’au regard de sa légalité, et la légalité d’une politique met en cause sa validité, et non son application. Comme les demandeurs n’ont pas établi que le PRI 2017 est illégal, il n’est pas susceptible de contrôle judiciaire. La question des normes de contrôle est donc hors de propos.

[13] Pour les motifs exposés ci-après, je me range à l’avis du défendeur pour conclure qu’en l’espèce la question des normes de contrôle est hors de propos. Toutefois, si la manière dont les PRI ont été appliqués et interprétés faisait l’objet d’un contrôle, c’est la norme de la décision raisonnable qui s’appliquerait (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65), et c’est la norme de la décision correcte qui s’appliquerait à la question de savoir si le PRI 2017 a été mis en application dans le respect de l’équité procédurale (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43; Établissement Mission c Khela, 2014 CSC 24 au para 79).

Question no 1 : La Cour a-t-elle compétence pour instruire la présente demande?

[14] Plus précisément, la Cour est-elle saisie d’un « objet » susceptible de contrôle au sens de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7 [la Loi sur les Cours fédérales]?

La position des demandeurs

[15] Selon les demandeurs, la manière dont le Conseil du Trésor applique et interprète les PRI constitue un « objet » visé au paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, et cette question est par conséquent susceptible de contrôle judiciaire. Ils affirment que, même si aucune décision ou ordonnance particulière du Conseil du Trésor n’est attaquée, leur demande est présentée pour que soit revue la manière dont le Conseil du Trésor interprète et applique les PRI, plus exactement au regard de la possibilité pour un membre de la GRC de se prévaloir de la disposition SMD du PRI 2009. Les demandeurs, se fondant sur un arrêt de la Cour d’appel fédérale, May c Radio-Canada/CBC, 2011 CAF 130 [May], prétendent que le mot « objet » au paragraphe 18.1(1) va au-delà d’une décision ou d’une ordonnance, pour englober toute question à l’égard de laquelle il est possible d’obtenir réparation, et que des politiques illégales peuvent toujours faire l’objet de recours.

[16] Les demandeurs soutiennent aussi que des politiques qui sont exécutoires peuvent être soumises à contrôle judiciaire si le contexte s’y prête, citant à l’appui la décision Ishaq c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 156 au para 42 [Ishaq]. Invoquant l’arrêt Greater Vancouver Transportation Authority c Fédération canadienne des étudiantes et étudiants — Section Colombie-Britannique, 2009 CSC 31 au para 64 [Fédération des étudiantes et étudiants], ils affirment que toute politique qui établit une norme d’application générale est une « règle de droit » ou est « de nature législative ». Selon eux, le PRI 2009 avait force de loi parce qu’il établissait des droits et obligations d’application générale plutôt que particulière. Les dispositions du PRI 2009 constituaient des modalités contractuelles ou quasi contractuelles que le Conseil du Trésor était légalement tenu de faire respecter comme si elles avaient force de loi. Les demandeurs affirment que le PRI 2009 énonçait des modalités sur lesquelles les membres sont en droit de compter et qui font naître des droits acquis liant les parties. Ils ajoutent que la disposition SMD du PRI 2009 est l’équivalent fonctionnel d’une police d’assurance, tenant lieu de cadre d’évaluation des droits des membres qui réclament le remboursement de frais de réinstallation.

[17] Selon les demandeurs, la GRC est d’avis que la disposition SMD est une question qui relève du Conseil du Trésor et qu’elle est étrangère à la gestion des affaires de la GRC. Les membres de la GRC n’auraient donc pas qualité pour attaquer, dans le cadre du processus interne de la GRC, les décisions ou actions du Conseil du Trésor portant sur cette disposition.

La position du défendeur

[18] Le défendeur soutient que la présente instance n’est pas un recours exercé contre une décision de la GRC ou du Conseil du Trésor appliquant une version donnée des PRI. Par ailleurs, comme les demandeurs tentent de faire prévaloir leur interprétation du PRI 2009, ils ne mettent pas en doute la légalité de ce PRI 2009. La demande de contrôle judiciaire ne concerne donc que la légalité du PRI 2017.

[19] Selon le défendeur, pour qu’un « objet » ressorte au paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, il doit être susceptible de contrôle judiciaire et le demandeur doit être directement touché par la politique ou l’« objet » en cause. Or, les moyens sur lesquels une politique peut être attaquée se limitent à sa légalité, c’est-à-dire à la question de savoir si elle est contraire à la loi ou à la Constitution. La sagesse ou le bien-fondé d’une politique gouvernementale ne peut être contesté par contrôle judiciaire. En outre, la légalité d’une politique porte sur sa validité plutôt que sur son application, et c’est la raison pour laquelle une politique illégale peut toujours être attaquée et pour laquelle, le cas échéant, un demandeur n’est pas tenu d’attendre qu’elle ait été appliquée à son cas particulier.

Analyse

[20] Le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales dispose :

Demande de contrôle judiciaire

18.1(1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

[21] Le mot « objet » au paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales comprend non seulement une décision ou une ordonnance, mais tout objet à l’égard duquel une mesure réparatrice peut être obtenue aux termes de l’article 18. Comme l’écrivait la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Air Canada c Administration portuaire de Toronto et al, 2011 CAF 347 [Air Canada] :

[24] Le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales énonce qu’une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est « directement touché par l’objet de la demande ». La question qui peut faire l’objet d’une demande de contrôle judiciaire ne comprend pas seulement une « décision ou ordonnance », mais tout objet susceptible de donner droit à une réparation aux termes de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales : Krause c. Canada, [1999] 2 C.F. 476 (C.A.). Le paragraphe 18.1(3) apporte d’autres précisions à ce sujet, indiquant que la Cour peut accorder une réparation à l’égard d’un « acte », de l’omission ou du refus d’accomplir un « acte », ou du retard mis à exécuter un « acte », une « décision », une « ordonnance » et une « procédure ». Enfin, les règles qui régissent les demandes de contrôle judiciaire s’appliquent aux « demandes de contrôle judiciaire de mesures administratives », et non pas aux seules demandes de contrôle judiciaire de « décisions ou ordonnances » : article 300 des Règles des Cours fédérales.

(Non souligné dans l’original)

[22] Selon les demandeurs, une politique peut être exécutoire et susceptible de contestation par contrôle judiciaire si le contexte s’y prête. Ils invoquent à l’appui la décision Ishaq de la Cour fédérale. Ce précédent concernait la constitutionnalité ou la légalité d’une politique obligeant les femmes portant le niqab à enlever celui-ci avant de prêter le serment de citoyenneté. Examinant l’argument de la prématurité, la Cour s’est exprimée ainsi :

[42] Il ressort de la jurisprudence que les politiques ne sont pas toutes égales et que certaines peuvent avoir valeur de règle de droit (voir : Thamotharem, au paragraphe 65; Greater Vancouver Transportation Authority c Fédération canadienne des étudiantes et étudiants — Section Colombie-Britannique, 2009 CSC 31, [2009] 2 RCS 295, aux paragraphes 58 à 65). Ainsi que l’a reconnu la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Thamotharem, au paragraphe 63 : « la validité même d’une règle ou d’une politique est parfois contestée indépendamment de son application dans la prise d’une décision particulière ». En fait, une partie de la raison pour laquelle on publie des politiques, c’est pour que les gens puissent les connaître et organiser leurs affaires en conséquence, et, en l’espèce, la Politique pourrait dissuader les femmes portant le niqab de même demander la citoyenneté. Dans de telles circonstances, il est approprié de contester directement la Politique.

[23] Finalement, la Cour a jugé dans la décision Ishaq que la politique en cause n’était pas valide. Elle était invalide parce qu’elle était de nature impérative et que son observation entrait en conflit avec les obligations du juge de la citoyenneté aux termes du Règlement sur la citoyenneté. Le juge de la citoyenneté ne pouvait se plier en même temps à la politique et au règlement. La Cour a jugé que le règlement avait préséance et que la politique était invalide.

[24] Citant l’arrêt Fédération des étudiantes et étudiants, les demandeurs font valoir que le PRI 2009 établissait des droits et obligations d’application générale et que ses dispositions constituaient des modalités contractuelles ou quasi contractuelles que le Conseil du Trésor était légalement tenu de faire respecter comme si elles avaient force de loi. Ce précédent concernait une contestation constitutionnelle. La Cour suprême du Canada a examiné la question de savoir si l’atteinte à la liberté d’expression des intimées était validée « par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables » au sens de l’article premier de la Charte. Elle a dans ce contexte analysé la différence entre des politiques qui sont de nature administrative et d’autres qui sont de nature législative, pour conclure que les politiques législatives peuvent être considérées comme des « règles de droit », ce qui n’est pas le cas des politiques administratives.

[25] Selon moi, les précédents Ishaq et Fédération des étudiantes et étudiants ne permettent pas d’affirmer que, du seul fait qu’une politique est exécutoire ou impérative, ou du seul fait qu’elle puisse être de nature législative, elle sera susceptible de contrôle judiciaire.

[26] La jurisprudence reconnaît plutôt que les moyens sur lesquels une politique peut être attaquée sont restreints. Pour qu’une politique soit un « objet » susceptible de contrôle judiciaire selon le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, sa légalité doit être en cause.

[27] Ainsi, dans l’arrêt Moresby Explorers Ltd c Canada (Procureur général), 2007 CAF 273 [Moresby], le procureur général a fait valoir qu’une simple politique, par opposition à une décision procédant d’une politique, n’est pas susceptible de contrôle judiciaire. La Cour d’appel fédérale n’a cependant pas souscrit à cet avis et a dit :

[24] Les motifs possibles de contestation d’une politique sont restreints. On fait habituellement preuve d’une grande retenue à l’égard des politiques; il n’est ainsi pas loisible de soumettre à examen judiciaire la sagesse ou le bien‑fondé d’une politique gouvernementale (Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7 et 8). La Cour peut toutefois statuer sur la légalité d’une politique donnée (Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735, aux pages 751 et 752; Roncarelli v. Duplessis, [1959] R.C.S. 121, à la page 140). Parce que l’illégalité a trait à la validité d’une politique plutôt qu’à son application, une politique illégale peut être contestée en tout temps; le demandeur n’a pas à attendre que la politique ait été appliquée à son cas particulier (Krause c. Canada, [1999] 2 C.F. 476 (C.A), au paragraphe 16).

(Non souligné dans l’original)

[28] Cette distinction est également mise en exergue dans l’arrêt May, invoqué par les demandeurs. Dans ce précédent, la demanderesse voulait faire annuler le Bulletin d’information de radiodiffusion 2011-218 [le Bulletin] du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes [le CRTC], qui obligeait le CRTC à publier, dans les quatre jours du déclenchement d’une élection, un ensemble de lignes directrices. Elle faisait valoir que le Bulletin était une décision ou une ordonnance d’un office fédéral au sens du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales et qu’il était impossible de présenter une demande de contrôle judiciaire contre la décision ou l’ordonnance avant que la décision ou l’ordonnance ne soit rendue. La Cour d’appel fédérale a exprimé ainsi son désaccord :

[10] À mon humble avis, cet argument est erroné. Même s’il est vrai que les demandes de contrôle judiciaire présentées devant la Cour sollicitent habituellement le contrôle de décisions prises par des organismes fédéraux, il est bien établi par la jurisprudence que le paragraphe 18.1(1) autorise la présentation d’une demande de contrôle judiciaire « par quiconque est directement touché par l’objet de la demande ». Le terme « objet » inclut plus qu’une simple décision ou une ordonnance d’un office fédéral : il s’applique à toute question à l’égard de laquelle il est possible d’obtenir une réparation : Krause c. Canada, [1999] 2 C.F. 476 (C.A.F.), à la page 491. Les politiques d’application courante qui sont illégales ou inconstitutionnelles peuvent être contestées à tout moment au moyen d’une demande de contrôle judiciaire dans laquelle le demandeur sollicite, par exemple, une réparation de la nature d’un jugement déclaratoire : Sweet c. Canada, [1999] A.C.F. no 1539 (QL) (C.A.F.).

(voir aussi la décision Fortune Dairy Products Limited c Canada (Procureur général), 2020 CF 540 aux para 80-83.)

[29] Il ressort donc clairement de la jurisprudence qu’une politique d’application courante qui est illégale ou inconstitutionnelle constitue un « objet » qui peut être contesté à tout moment aux termes du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales. Un justiciable peut contester de façon indépendante la légalité d’une politique, même en l’absence d’une décision appliquant ou interprétant cette politique. Autrement dit, contester la légalité d’une politique est une chose, contester une décision procédant de cette politique en est une autre.

[30] Dans leur avis de demande, les demandeurs affirment que la manière dont les PRI sont appliqués et interprétés constitue une ligne de conduite qui leur est préjudiciable, à eux-mêmes et aux autres membres de la GRC. L’idée maîtresse de leur argument est que le PRI 2017, qui ne contient pas de disposition SMD, ne peut s’appliquer rétroactivement pour priver du bénéfice de la disposition SMD le membre qui a acheté sa résidence pendant que la PRI 2009 était applicable.

[31] Dans leurs observations écrites, les demandeurs disent que la question est de savoir si la manière dont le Conseil du Trésor interprète et applique les PRI est déraisonnable ou contraire à l’équité procédurale et déclarent que, par la présente demande, ils [traduction] « contestent la ligne de conduite du Conseil du Trésor consistant à interpréter » le PRI 2009 comme excluant les réclamations des membres fondées sur la disposition SMD.

[32] Les demandeurs font valoir que, puisque, selon le Conseil du Trésor, le PRI 2017 s’applique à tout membre qui a acheté, mais n’a pas vendu, sa résidence avant avril 2017, le Conseil du Trésor [traduction] « a interprété et appliqué de façon déraisonnable » ce PRI. Ils ajoutent que [traduction] « rien n’indique que le législateur voulait que le Conseil du Trésor soit autorisé à interpréter et appliquer la politique en matière de paie et d’avantages sociaux comme si elle avait un effet rétroactif et, par conséquent, la manière dont l’employeur [le Conseil du Trésor] interprète et applique les PRI est déraisonnable ».

[33] Ainsi, dans leurs observations écrites, les demandeurs ne prétendent pas que les PRI sont illégaux. Plus précisément, sauf pour dire qu’une politique peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire, ils n’abordent pas directement la question de savoir si leur contestation des PRI relève ou non des tribunaux.

[34] Quand ils ont comparu devant moi, les demandeurs ont soutenu que le Conseil du Trésor n’est pas habilité en droit à interpréter le PRI 2017 d’une manière qui lui donne un effet rétroactif et que, par conséquent, cette politique est susceptible de contrôle judiciaire. Ils ajoutent qu’une interprétation raisonnable du PRI 2017 ne saurait produire un résultat illégal découlant de l’élimination rétroactive du bénéfice de la disposition SMD. Selon moi, ce que disent en réalité les demandeurs, c’est que l’interprétation du Conseil du Trésor des PRI est déraisonnable. Il ne s’agit pas ici d’un cas dans lequel la constitutionnalité ou la validité d’une politique est mise en doute, contrairement aux affaires Ishaq et Fédération des étudiantes et étudiants.

[35] Pour conclure sur ce point, ainsi que l’a jugé la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Moresby, comme l’illégalité d’une politique concerne sa validité plutôt que son application, une politique illégale peut être contestée à tout moment.

[36] Les demandeurs ne peuvent obtenir gain de cause puisqu’ils n’ont pas contesté la légalité des PRI ni établi leur caractère illégal. Il ne s’agit pas d’affaire comme celles visées par les décisions Fisher c Canada (Procureur général), 2013 CF 1108 [Fisher] ou Association des sourds du Canada c Canada, 2006 CF 971, deux précédents qui portaient sur des contestations constitutionnelles. En l’espèce, les demandeurs prétendent plutôt que le Conseil du Trésor interprète et applique les PRI d’une manière déraisonnable — attribuant ainsi l’interprétation et l’application au Conseil du Trésor — mais sans faire état d’une quelconque décision ou action du Conseil du Trésor interprétant ou appliquant le PRI 2017.

[37] Cette compréhension de la situation se dégage de l’observation des demandeurs selon laquelle il existe une « ligne de conduite » qui donnerait ouverture au contrôle judiciaire de la manière dont le Conseil du Trésor interprète et applique le PRI 2017. Selon moi, les demandeurs confondent une ligne de conduite, qui en général a trait à des questions intéressant le délai de présentation d’une demande ou une situation où plus d’une décision est en cause, avec une politique illégale d’application constante.

[38] L’article 302 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, dispose que, sauf ordonnance contraire de la Cour, la demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule ordonnance pour laquelle une réparation est demandée. Cependant, la jurisprudence indique aussi que les circonstances peuvent justifier une exception à l’article 302 afin de permettre le contrôle de plus d’une ordonnance lorsque le demandeur conteste « une même série d’actes ou une ligne de conduite » (Fondation David Suzuki c Canada (Santé), 2018 CF 380 au para 164 [Suzuki]).

[39] Dans la décision Suzuki, la juge Kane a fait une recension de la jurisprudence concernant l’interaction du paragraphe 18.1(2) et de l’article 302, recension qu’elle a aussi résumée :

[173] […] Plus d’une décision peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire au moyen d’une seule demandeà titre d’exception à l’article 302 des Règles — et lorsqu’il s’agit d’un acte continu (Mahmood, Truehope) ou, comme on l’a qualifié dans la décision Khadr, une même série d’actes. Les facteurs à examiner pour déterminer s’il existe un acte continu ou une même série d’actes comprennent notamment la question de savoir si les décisions sont étroitement liées; la question de savoir s’il y a des similitudes ou des différences dans les faits, notamment le type de conclusions recherchées, les questions juridiques soulevées, le fondement de la décision et les organismes décisionnels; la question de savoir s’il est difficile de cerner une décision unique; et, en fonction des similitudes et des différences, la question de savoir si le fait de procéder à des contrôles judiciaires distincts entraînerait une perte de temps et d’énergie (Mahmood, Truehope).

(voir aussi la décision Potdar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 842 aux para 18‑19.)

[40] Toutefois, en l’espèce, les demandeurs ne contestent pas de décisions appliquant les PRI. Il ne s’agit donc pas d’un cas où au moins deux décisions sont en cause ni, le cas échéant, d’un cas posant la question de savoir si elles constituent une ligne de conduite.

[41] Quoi qu’il en soit, la preuve dont je dispose portant sur l’existence d’une ligne de conduite du Conseil du Trésor dans l’application ou l’interprétation des PRI est peu concluante.

[42] À l’appui de la présente demande, le sergent Lundeen a produit un affidavit souscrit le 8 juillet 2020 [l’affidavit de M. Lundeen]. Il y décrit sa situation lors de sa mutation à Fort McMurray en 2014, puis à Calgary en 2019. En raison de la crise profonde dont souffrait alors l’économie de Fort McMurray, il a dû essuyer une perte de 223 000 $ à la vente de sa maison. Il a été indemnisé en vertu du PRI 2017, mais sa perte effective restait d’environ 200 000 $. Il affirme avoir alors envoyé un courriel au service de réinstallation de la GRC pour savoir s’il pouvait se prévaloir de la disposition SMD qui était en vigueur lors de l’acquisition de son bien, mais il a reçu une réponse négative.

[43] J’observe que le courriel en question, daté du 21 juin 2019, est annexé à l’affidavit de M. Lundeen. Dans ce courriel, le sergent Lundeen demande s’il peut, en vertu du PRI 2009, se prévaloir de la disposition SMD. La GRC lui a répondu le 27 juin 2019 que la disposition SMD était un avantage conféré par le PRI 2009 et que, comme il a été muté aux termes du PRI 2017, il ne serait approuvé ou indemnisé qu’en vertu de la directive en vigueur. Dans son affidavit, le sergent Lundeen déclare qu’il a déposé un grief le 19 juillet 2019 contre l’impossibilité pour lui de se prévaloir de la disposition SMD, que le grief en est encore aux premières étapes de son règlement, et que, au bout d’un an, le système de règlement des griefs de la GRC n’a [traduction] « débouché sur aucun résultat ni aucune perspective de véritable assistance ». Il ajoute avoir l’impression, à la suite d’échanges avec d’autres membres de la GRC, que, selon la GRC, le PRI 2009 et le PRI 2017 relèvent du Conseil du Trésor et ne peuvent donc pas faire l’objet de griefs dans le cadre du système de la GRC.

[44] Je fais une parenthèse ici pour signaler que l’affidavit de M. Lundeen n’évoque nulle part une ligne de conduite du Conseil du Trésor ni la manière dont il interprète ou applique les PRI.

[45] Le dossier contient aussi l’affidavit du gendarme Browne, souscrit le 13 juillet 2020 [l’affidavit de M. Browne]. Le gendarme Browne y indique qu’il a acheté une maison à Fort McMurray en 2012 et qu’il voudrait maintenant obtenir une promotion et une mutation, mais que, de ce fait, il s’expose, à l’égard de sa résidence, à une perte qu’il estime à 300 000 $. Il écrit qu’il a demandé officiellement, le 10 février 2020, que la disposition SMD s’applique à la vente de sa résidence, mais on lui a répondu que le PRI 2009 ne s’appliquerait pas et que, de toute façon, il ne serait probablement pas indemnisé à cause du plafond de 300 000 $ tenant lieu de valeur maximale. Sa demande et la réponse reçue ne sont pas annexées à son affidavit.

[46] Le gendarme Browne relate ensuite ce qu’il dit être les expériences vécues par d’autres membres de la GRC. Il dit que « bon nombre » d’entre eux ont déposé des griefs concernant la non-application de la disposition SMD, et il évoque les cas d’autres membres.

[47] Cependant, les membres concernés n’ont pas produit d’affidavit à l’appui de la présente demande de contrôle judiciaire, et le récit que fait de leur cas le gendarme Browne constitue du ouï-dire. Les demandeurs ne signalent pas non plus, ni n’invoquent, de décisions défavorables de la GRC sur des griefs, ou de décisions concluant à l’irrecevabilité de tels griefs. Qui plus est, sur cet aspect de l’analyse, l’affidavit de M. Browne ne fait pas état d’une ligne de conduite du Conseil du Trésor.

[48] Cela dit, l’un des cas relatés par le gendarme Brown concerne ce qu’il croit être la situation de la caporale Kristen Green et de son conjoint, le gendarme Kyle Green. Lorsqu’il ont comparu devant moi, les demandeurs ont relevé une décision récente de la Cour, Green c Procureur général du Canada, 2021 CF 178 [Green], qui intéresse les deux membres susnommés de la GRC. Dans cette affaire, le juge Pentney examinait une lettre de décision du Conseil du Trésor qui refusait au couple Green le bénéfice de la disposition SMD. Contrairement à la présente affaire, c’est donc une véritable décision qui était contrôlée, et non d’une ligne de conduite dénoncée.

[49] La question posée dans l’affaire Green était celle de savoir si le Conseil du Trésor avait eu raison de refuser au couple Green le bénéfice de la disposition SMD en application de l’article 3.10 du PRI 2009. Les Green avaient été mutés avant 2017 et c’est donc le PRI 2009 qui s’appliquait. Ils ont fait valoir que le Conseil du Trésor avait à tort confondu le bénéfice du PGRPI offert aux membres en vertu de l’article 3.09 et le bénéfice du SMD prévu par l’article 3.10.

[50] Le juge Pentney a conclu que la décision du Conseil du Trésor était fautive parce qu’elle n’expliquait pas le fondement de son interprétation selon laquelle le bénéfice de la disposition SMD était subordonné aux critères financiers d’admissibilité fixés dans le PGRPI. Après analyse du libellé des dispositions en cause, de leur contexte et de leur objet, il n’a pu déceler aucun fondement validant l’interprétation du Conseil du Trésor selon laquelle le plafond d’admissibilité de 300 000 $ applicable au PGRPI l’autorisait à refuser au couple Green le bénéfice de la disposition SMD.

[51] Le deuxième volet de la décision du Conseil du Trésor était son affirmation selon laquelle, en décidant d’éliminer rétroactivement (pour une année) le plafond de 300 000 $ applicable au PGRPI, il n’éliminait le plafond que pour les avantages « de base » indiqués à l’article 3.09, et non pour le bénéfice conféré par la disposition SMD prévue à l’article 3.10 du PRI 2009. Selon le couple Green, la raison en était simple — le plafond de 300 000 $ ne s’appliquait jamais au bénéfice de la disposition SMD. Les Green ont aussi relevé l’incongruité de la position du Conseil du Trésor : selon le Conseil du Trésor, même si le PRI ne le dit pas expressément, la disposition SMD doit être interprétée comme s’il s’agissait d’un sous-ensemble des avantages du PGRPI, et par conséquent le plafond d’admissibilité de 300 000 $ vaut pour le SMD et les Green se verraient refuser l’avantage de la disposition SMD. Cependant, lorsque ce même plafond d’admissibilité de 300 000 $ est supprimé rétroactivement du PGRPI, le lien implicite est d’une certaine manière rompu — et les Green se voient donc à nouveau refuser l’avantage. Selon eux, cette analyse était déraisonnable, et le juge Pentney leur a donné raison :

[45] L’approche suivie par le défendeur entraîne comme résultat qu’un avantage financier très important est refusé aux demandeurs en raison de ce plafond d’admissibilité, lequel continuerait d’exister uniquement pour l’application de l’avantage au titre du statut de marché déprimé. De l’avis du défendeur, la GRC et le Conseil du Trésor ont décidé d’éliminer le plafond de 300 000 $, parce qu’il privait trop de membres des avantages du PRGPI, compte tenu de la hausse généralisée des prix des habitations. Cependant, quand le Conseil du Trésor a décidé de rendre cette mesure rétroactive pour une période d’un an en raison du fait que le traitement de la présentation ayant donné lieu à cette modification avait pris beaucoup de temps, cette décision n’aurait visé que les avantages de base et ne serait pas appliquée à l’avantage au titre du statut de marché déprimé. Concrètement, il découle de cette interprétation que les demandeurs ont reçu l’avantage moindre prévu par le PGRPI et qu’ils se sont vu refuser l’avantage beaucoup plus important assorti au statut de marché déprimé en raison d’une décision qui ne figure dans aucun document officiel du dossier outre les assertions formulées dans la lettre de décision et l’affidavit du fonctionnaire du Conseil du Trésor qui a pris la décision.

[46] Cela est aussi déraisonnable. Si la lettre de décision reflète avec exactitude la décision du Conseil du Trésor, rien dans la preuve ne permet de conclure que cette décision a été communiquée à la GRC ou à ses membres à quelque moment que ce soit avant que la décision en litige ne soit prise en l’espèce. Je ne suis saisi d’aucun autre document susceptible de confirmer qu’il s’agit bien de ce que le Conseil du Trésor a décidé. Le fonctionnaire qui a pris la décision se contente simplement d’affirmer que c’est le cas.

[52] Estimant déraisonnable la manière dont le Conseil du Trésor avait interprété le PRI 2009, le juge Pentney a annulé la décision et l’a renvoyée au Conseil du Trésor pour nouvel examen. Dans son ordonnance, il a enjoint au Conseil du Trésor d’examiner « la demande des demandeurs relative à un avantage au titre du statut de marché déprimé sans tenir compte du plafond de 300 000 $ applicable aux avantages du PGRPI ».

[53] La décision Green montre que le Conseil du Trésor a déjà pris au moins une décision dans laquelle il concluait de façon déraisonnable que le plafond de 300 000 $ s’appliquait aussi à la disposition SMD du PRI 2009. En l’espèce cependant, les demandeurs contestent l’application et l’interprétation du PRI 2017 en faisant valoir que le Conseil du Trésor interprète et applique rétroactivement cette politique pour priver les membres de la GRC du bénéfice de la disposition SMD du PRI 2009, ce qui, selon eux, constitue une ligne de conduite.

[54] À l’appui de cet argument, les demandeurs se sont aussi référés devant moi à l’affidavit souscrit le 28 octobre 2020 par Leslie Jones, analyste principal des politiques et des programmes, Conditions d’emploi et Relations de travail, Bureau du dirigeant principal des ressources humaines, au Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada [l’affidavit de M. Jones], déposé par le défendeur dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire. Plus précisément, le paragraphe 12 de cet affidavit est ainsi formulé :

[traduction]

Je crois savoir que, selon la nouvelle version de la politique de la GRC en matière de réinstallation, le montant de base qui peut être remboursé aux membres de la GRC qui perdent de l’argent dans la vente de leur résidence au moment d’une affectation est passé de 15 000 $ à 30 000 $ et que la disposition relative au statut de marché déprimé a été éliminée. Les membres autorisés à se réinstaller après le 1er avril 2017 sont assujettis à la nouvelle version des dispositions.

[55] Selon les demandeurs, c’est la preuve que le Conseil du Trésor a pris la décision d’éliminer l’application du PRI 2009 à l’égard des membres qui ont acheté leur résidence sous le régime du PRI 2009, mais ne l’ont pas vendue avant le 1er avril 2017. Ils disent que cette preuve par affidavit confirme que c’est ainsi que la politique sera appliquée, ce qui fait de cette politique une ligne de conduite susceptible de contrôle judiciaire.

[56] La difficulté que soulève l’argument des demandeurs est que, dans le meilleur des cas, il concerne une ligne de conduite anticipée ou possible. Il ne démontre pas l’existence d’une ligne de conduite effective ni d’une pratique établie confirmée par des décisions ou actions du Conseil du Trésor.

[57] La situation qui nous occupe se distingue donc d’affaires comme celle visée par la décision Société Radio-Canada (Canadian Broadcasting Corporation) c Canada (Procureur général) 2016 CF 933 [SRC]. Dans cette affaire, le procureur général plaidait que la demande de contrôle judiciaire avait été présentée en dehors du délai de 30 jours prescrit au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales. La juge Roussel ne l’a pas suivi :

[26] La SRC conteste le refus continu de l’ACM de fournir des copies non expurgées des décisions des cours martiales faisant l’objet d’une interdiction de publication. La demande de contrôle judiciaire ne découle pas d’une seule décision de l’ACM. La SRC a plutôt demandé, à différents moments, un certain nombre de décisions visées par une interdiction de publication et, à chaque occasion, l’ACM a informé la SRC qu’elle devait, conformément à l’interdiction de publication, supprimer tout renseignement qui pourrait divulguer l’identité du plaignant ou d’un témoin dans l’affaire. À mon avis, c’est la pratique continue de l’ACM d’expurger les décisions des cours martiales faisant l’objet d’une interdiction de publication qui est présumée illégitime et visée par le contrôle judiciaire.

[27] De plus, le recours demandé par la SRC dans son avis de demande de contrôle judiciaire confirme également que c’est une série d’actes qui est en cause : le recours demandé inclut une déclaration selon laquelle la Loi sur la protection des renseignements personnels ne s’applique pas aux dossiers des cours martiales, ainsi qu’une ordonnance de mandamus pour que l’ACM remette à la SRC des copies non expurgées des décisions demandées. Même si je reconnais que la SRC demande également une ordonnance annulant la décision de l’ACM de refuser de communiquer des copies non expurgées des quatorze (14) décisions en cour martiale, je ne crois pas que ce recours en particulier s’éloigne de la conclusion selon laquelle c’est une série d’actes qui est en cause. Fondamentalement, la SRC conteste la pratique adoptée par l’ACM d’expurger les décisions de la cour martiale qui font l’objet d’une interdiction de publication.

[58] La juge Roussel considérait le délai imparti pour déposer la demande dont elle était saisie, mais il est manifeste que, dans cette affaire, c’était une pratique continue et établie qui était en cause, contrairement à la présente espèce.

[59] En résumé, ni l’affidavit de M. Lundeen ni l’affidavit de M. Browne ne démontrent que le Conseil du Trésor a pris une décision ou accompli une action. La décision Green concernait le contrôle judiciaire d’une décision précise du Conseil du Trésor portant sur l’application et l’interprétation du PRI 2009 et, en tout état de cause, Green vise une unique décision du Conseil du Trésor et ne permet pas de conclure à une ligne de conduite. L’affidavit de M. Jones n’établit pas une ligne de conduite effective. Je n’ai pas non plus la preuve que des demandes d’application de la disposition SMD ont été refusées par le Conseil du Trésor postérieurement à la décision Green.

[60] Par conséquent, au vu de la preuve, je ne suis pas convaincue que les demandeurs ont établi l’existence d’une ligne de conduite pouvant — et je ne tire aucune conclusion à cet égard — constituer un « objet » au sens du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, ce qui rendrait la Cour compétente pour instruire la demande.

[61] En conclusion, je suis d’avis que les demandeurs ont correctement exposé le fond de leur recours en affirmant qu’il était déraisonnable de la part le Conseil du Trésor d’interpréter le PRI 2017 d’une manière qui, disent-ils, est contraire à la présomption de non‑rétroactivité. Il n’est pas question ici de l’illégalité de ce PRI. Il est plutôt question de la manière de l’interpréter et de l’appliquer, et la question est alors de savoir si une décision contestée est raisonnable ou non, ou si des décisions connexes contestées, dans le cas d’une ligne de conduite, sont raisonnables ou non. Ainsi, bien que les demandeurs puissent exprimer des préoccupations valables, elles sont liées aux questions d’application et d’interprétation qu’ils soulèvent, et non à la légalité des PRI.

Question no 2 : La demande est-elle prématurée?

[62] Ma conclusion selon laquelle la présente demande de contrôle judiciaire n’est pas un objet relevant du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales permet de trancher la demande. Cependant, même si ce n’était pas le cas, la demande est également prématurée, pour les motifs qui suivent.

La position des demandeurs

[63] Dans leurs observations écrites, les demandeurs n’abordent pas directement cette question. Ils soutiennent toutefois que leur demande est d’autant plus nécessaire que le paragraphe 31(1) de la Loi sur la GRC, LRC 1985, c R-10, qui donne aux membres le droit de présenter des griefs, a été interprété d’une manière qui soustrait les décisions et actions du Conseil du Trésor à la gestion des affaires de la GRC, et donc à sa procédure de règlement des griefs. Selon les demandeurs, la GRC est d’avis que le SMD est un concept qui relève du Conseil du Trésor et que les membres de la GRC ne sont pas habilités à le mettre en cause dans le cadre du mécanisme de règlement des griefs de la GRC. C’est pourquoi des membres de la GRC s’adressent maintenant à la Cour.

La position du défendeur

[64] S’appuyant sur l’arrêt Canada (Agence des services frontaliers) c C.B. Powell Limited, 2010 CAF 61 [CB Powell], le défendeur affirme qu’une demande ne peut être portée devant la justice qu’après épuisement de toutes les procédures administratives existantes. Sur ce point, l’article 3.10 du PRI 2009 énonce le processus que doit suivre le membre qui veut se prévaloir de la disposition SMD. Si les demandeurs avaient soumis à l’approbation de la GRC un dossier justifiant l’application de la disposition SMD, et si la GRC avait refusé de transmettre le dossier au Conseil du Trésor au motif que la disposition n’était plus en vigueur, la décision de la GRC aurait alors pu faire l’objet d’un grief selon le mécanisme de règlement des griefs de la GRC. En dernier ressort, les demandeurs auraient pu solliciter le contrôle judiciaire de la décision négative rendue par la GRC à l’issue du grief. En outre, si le dossier du membre de la GRC a été transmis au Conseil du Trésor, mais a été repoussé, le membre pourra présenter une demande de contrôle judiciaire de cette décision du Conseil du Trésor. Selon le défendeur, les demandeurs attendent en fait que la Cour annule des décisions qui n’ont pas encore été prises. Il vaudrait mieux pour le membre de la GRC, si sa demande est rejetée par la GRC ou par le Conseil du Trésor, qu’il épuise d’abord ses recours internes, pour ensuite présenter une demande de contrôle judiciaire en s’appuyant sur un dossier complet et motivé.

Analyse

[65] Dans l’arrêt CB Powell, le juge Stratas s’exprimait ainsi :

[30] En principe, une personne ne peut s’adresser aux tribunaux qu’après avoir épuisé toutes les voies de recours utiles qui lui sont ouvertes en vertu du processus administratif. L’importance de ce principe en droit administratif canadien est bien illustrée par le grand nombre d’arrêts rendus par la Cour suprême du Canada sur ce point : […] [renvois omis].

[31] La doctrine et la jurisprudence en droit administratif utilisent diverses appellations pour désigner ce principe : la doctrine de l’épuisement des recours, la doctrine des autres voies de recours adéquates, la doctrine interdisant le fractionnement ou la division des procédures administratives, le principe interdisant le contrôle judiciaire interlocutoire et l’objection contre le contrôle judiciaire prématuré. Toutes ces formules expriment la même idée : à défaut de circonstances exceptionnelles, les parties ne peuvent s’adresser aux tribunaux tant que le processus administratif suit son cours. Il s’ensuit qu’à défaut de circonstances exceptionnelles, ceux qui sont insatisfaits de quelque aspect du déroulement de la procédure administrative doivent exercer tous les recours efficaces qui leur sont ouverts dans le cadre de cette procédure. Ce n’est que lorsque le processus administratif a atteint son terme ou que le processus administratif n’ouvre aucun recours efficace qu’il est possible de soumettre l’affaire aux tribunaux. En d’autres termes, à défaut de circonstances exceptionnelles, les tribunaux ne peuvent intervenir dans un processus administratif tant que celui‑ci n’a pas été mené à terme ou tant que les recours efficaces qui sont ouverts ne sont pas épuisés.

[66] Plus tard, dans l’arrêt Strickland c Canada (Procureur général), 2015 CSC 37, la Cour suprême du Canada écrivait, quant à elle :

[43] […] Bref, la question ne consiste pas simplement à décider si quelque autre recours est adéquat, mais également s’il convient de recourir au contrôle judiciaire. En définitive, cela requiert une analyse du type de la prépondérance des inconvénients : Khosa, par. 36; TeleZone, par. 56. Comme l’a dit le juge en chef Dickson au nom de la Cour : « Se demander si l’autre recours disponible est approprié équivaut à examiner l’opportunité d’exercer le pouvoir discrétionnaire d’accorder le contrôle judiciaire recherché. C’est aux tribunaux qu’il appartient d’identifier et de mettre en équilibre les facteurs applicables […] » (Canada (Vérificateur général), p. 96).

[67] En l’espèce, je suis convaincue qu’il y a d’autres recours adéquats que les demandeurs sont à même d’exercer.

[68] Les demandeurs affirment qu’ils n’ont pas accès au processus interne de règlement des griefs de la GRC et qu’ils doivent donc s’adresser à la Cour.

[69] Cependant, l’unique preuve avancée par les demandeurs pour soutenir que, selon la GRC, le SMD est une question qui relève du Conseil du Trésor et que les membres de la GRC ne sont pas habilités à soumettre cette question au processus interne de la GRC, est l’affidavit de Michelle Boutin, l’une des vice-présidents de la FPN, souscrit le 9 juillet 2020. On peut y lire que [traduction] « de nombreux membres ont déposé des griefs après s’être vu opposer un refus d’application de la disposition SMD, mais je crois comprendre que, selon la GRC, le SMD relève du Conseil du Trésor et que les membres ne sont pas habilités à le mettre en cause dans le cadre du processus de règlement des griefs de la GRC ».

[70] Le défendeur soutient qu’il s’agit de ouï-dire, et je partage son avis. Mme Boutin ne fait qu’une déclaration générale et ne précise pas le fondement ni la source de son appréciation de la situation, ni même ne dit si elle la croit fondée.

[71] En outre, le sergent Lundeen écrit dans son affidavit qu’il a déposé un grief le 19 juillet 2019, après s’être vu refuser le bénéfice de la disposition SMD. Il explique aussi que le grief en est aux premières étapes de son règlement et que, au bout d’un an, il n’a pas progressé, mais il ne dit pas que le grief a été rejeté pour cause d’absence de qualité pour agir ou pour un autre motif. Il déclare plutôt que son grief suit son cours, encore que lentement. Dans la mesure où il affirme croire, après des échanges avec d’autres membres de la GRC, que la GRC est maintenant d’opinion que le PRI 2009 et le PRI 2017 relèvent de la responsabilité du Conseil du Trésor et ne peuvent donc être l’objet de griefs dans le cadre du processus interne de la GRC, il s’agit de ouï-dire. Les demandeurs n’appuient cette affirmation par aucune preuve par affidavit qui émanerait de membres de la GRC qui auraient eu cette expérience.

[72] C’est également le cas des situations d’autres membres de la GRC relatées dans l’affidavit de M. Browne.

[73] La preuve que je n’ai pas est celle d’un refus — quelle qu’en soit la forme — de la GRC d’instruire un grief portant sur les PRI pour cause d’absence de qualité pour agir ou pour un autre motif.

[74] Compte tenu de la preuve dont je dispose, je ne suis pas convaincue que les membres de la GRC sont empêchés, pour cause d’absence de qualité pour agir ou pour un autre motif, de recourir au processus interne de règlement des griefs de la GRC afin de contester un refus qui leur serait opposé de se prévaloir de la disposition SMD.

[75] D’ailleurs, les membres peuvent faire contrôler judiciairement les décisions du Conseil du Trésor qui leur refusent ou leur restreignent le bénéfice de la disposition SMD. C’est précisément ce que les demandeurs ont fait dans l’affaire Green. La décision Green est la preuve qu’un membre de la GRC peut faire contrôler judiciairement la manière dont le Conseil du Trésor interprète et applique les PRI dans un cas donné.

[76] Cela dit, dans l’affaire Green, les membres de la GRC avaient vendu leur résidence en août 2017 et attendu environ trois ans la décision du Conseil du Trésor, sans que ce délai leur soit expliqué. Ce précédent montre aussi que l’argument des demandeurs n’est pas dépourvu de bien-fondé quand ils affirment que l’interprétation du Conseil du Trésor est déraisonnable, du moins pour ce qui concerne la transposition, dans l’article 3.10, du plafond d’admissibilité de l’article 3.09 pour l’interprétation du PRI 2009. En l’espèce, les demandeurs s’interrogent aussi sur le caractère raisonnable de l’interprétation des PRI attribuée au Conseil du Trésor qui avait pour résultat de priver du bénéfice de la disposition SMD des membres, qui avaient été mutés et avaient acheté leur résidence quand le PRI 2009 était en vigueur, lorsqu’ils ont été mutés et ont vendu leur résidence après le 1er avril 2017. Ils soulèvent aussi des préoccupations quant à l’équité procédurale du changement de politique. En priant la Cour de rendre un jugement déclaratoire sur l’interprétation et l’application des politiques de réinstallation, les demandeurs espèrent échapper à ce qui pourrait se traduire par de multiples et fastidieux processus décisionnels internes. Ce réflexe est compréhensible étant donné que les PRI concernent de nombreux membres de la GRC et que la possibilité ou non de se prévaloir de la disposition SMD a manifestement de très importantes répercussions financières sur eux et sur leurs familles lorsqu’ils doivent quitter des régions où le marché est déprimé.

[77] Cependant, cela ne dispense pas les demandeurs d’épuiser les recours internes qui sont à leur disposition avant de s’adresser à la Cour. D’ailleurs, une fois les recours internes épuisés, la Cour sera en bien meilleure position de dire si le Conseil du Trésor ou la GRC a eu raison d’interpréter et d’appliquer les PRI comme ils l’ont fait, puisqu’elle disposera alors d’un dossier complet, qui donnera le détail de la situation et exposera les motivations du décideur.

Dispositif

[78] Je suis arrivée à la conclusion que la présente demande de contrôle judiciaire ne se rapporte pas à un « objet » visé au paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales et qu’elle est prématurée. Comme ces questions préliminaires sont toutes deux déterminantes, je n’ai pas besoin d’examiner les autres questions préliminaires ni de statuer sur le fond de la demande.

Dépens

[79] Quand elles ont comparu devant moi, les parties m’ont informée qu’elles s’étaient entendues sur un juste montant des dépens, à savoir sur la somme de 2 000 $. Selon moi, et compte tenu du pouvoir discrétionnaire qui m’est conféré par l’article 400 des Règles des Cours fédérales, il s’agit d’un montant raisonnable. Puisque le défendeur a obtenu gain de cause, des dépens de cette somme lui seront adjugés.

 


JUGEMENT dans le dossier T-787-20

LA COUR :

  1. REJETTE la demande de contrôle judiciaire;

  2. ADJUGE les dépens au défendeur, dont le montant est fixé à la somme forfaitaire globale de 2 000 $.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


ANNEXE A

Programme de réinstallation intégré — Politique de réinstallation pour la Gendarmerie royale du Canada, PRI 2009

Principes généraux

Section 1

1.01. Date d’entrée en vigueur

1. Le Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) du Canada a approuvé le Programme de réinstallation intégré (PRI) de la GRC, qui entrera en vigueur le 1er avril 2009.

2. Chaque année, au 1er avril, le PRI de la GRC débute une nouvelle année en ce qui a trait à la politique directrice. Le PRI qui est en vigueur lorsque le membre est inscrit avec le fournisseur de services de réinstallation (FSR) est celui qui s’applique pendant la durée de cette réinstallation.

1.02 Principes

1. Les principes suivants garantissent que l’ensemble des membres, des gestionnaires, des réviseurs des dossiers de réinstallation et des FSR respecteront, à l’échelle de la GRC, des pratiques de réinstallation équitables, raisonnables et modernes :

a) Confiance — accorder aux membres, aux gestionnaires, aux réviseurs des dossiers de réinstallation et aux FSR une discrétion et une latitude accrues afin qu’ils puissent agir de façon équitable et raisonnable.

b) Souplesse — créer un environnement où les décisions respectent l’obligation d’adaptation, répondent le mieux aux besoins et aux intérêts des membres et tiennent compte des exigences opérationnelles relativement à la détermination des mesures de réinstallation.

c) Respect — mettre en place un environnement et des processus de réinstallation adaptés et favorables qui respectent les besoins des membres.

d) Valorisation des personnes — considérer les membres de façon professionnelle tout en les soutenant, eux et leur famille, ainsi que leur santé et leur sécurité dans le contexte de la réinstallation.

e) Transparence — assurer l’application uniforme, juste et équitable de la politique et des pratiques connexes.

f) Pratiques modernes — mettre en œuvre des pratiques de gestion de la réinstallation qui soutiennent les principes et sont conformes aux tendances et aux réalités de l’industrie de la réinstallation; élaborer et mettre en œuvre une structure et un cadre adéquats de responsabilisation en matière de réinstallation.

1.03. Définitions

11. Un fournisseur de services de réinstallation (FSR) est un tiers fournisseur de services embauché par TPSGC et la GRC en vue de fournir des services spécialisés conformément au PRI à l’employé qui est réinstallé, auxquels il a droit au titre du Programme.

15. Une collectivité a un marché déprimé lorsque les prix du marché de l’habitation ont baissé de plus de 20 % depuis le moment de l’achat.

39. La réinstallation signifie le déménagement d’un membre, de son conjoint, des personnes à sa charge et de leurs articles et effets de ménage, depuis la résidence principale à l’ancien lieu de travail à la nouvelle résidence principale.

47. Une mutation est la réaffectation d’un membre d’un poste à un autre au sein de la GRC.

Vente de la résidence principale

Section 3

3.01. Objet

1. L’objet est d’aider les membres qui sont mutés d’un lieu de travail à un autre à vendre la résidence principale à leur ancien lieu de travail.

3.02. Aperçu du financement

1. Les avantages décrits dans la présente section sont financés à partir des enveloppes de base, sur mesure et personnalisée, de la façon suivante :

……

3.09. Plan de garantie de remboursement des pertes immobilières (PGRPI)

1. Toutes les demandes au titre du PGRPI doivent être préalablement approuvées par le CMN ou son représentant.

2. Le membre qui vend sa résidence à un prix inférieur au prix d’achat initial (au moment de l’annonce initiale) peut obtenir un remboursement d’un montant équivalent à la différence (la valeur maximale de la résidence est de 300 000 $).

a) Enveloppe de base

i) 80 % des pertes admissibles jusqu’à concurrence de 15 000 $

b) Enveloppes sur mesure et personnalisée

i) Les pertes admissibles restantes

……

3.10. Statut de marché déprimé

1. Le membre et le courtier en immeubles doivent élaborer une analyse de rentabilisation pour l’approbation du statut de marché déprimé (baisse de 20 % ou plus des prix sur le marché immobilier) en soumettant les documents qui suivent au FSR en vue de leur acheminement au CMN ou à son représentant afin que le responsable du projet au Secrétariat du Conseil du Trésor les approuve.

…….

Directive sur la réinstallation de la GRC, Directive sur la réinstallation de la Gendarmerie royale du Canada, DR GRC 2017, en vigueur le 1er avril 2017

Principes généraux

Section 1

1.01. Date d’entrée en vigueur

1. La présente directive entre en vigueur pour toutes les mutations émises à partir du 1er avril 2017.

2. À la fin de chaque article de la directive sur la réinstallation :

a) l’autorité du Conseil du Trésor est identifiée par la lettre « T »; et

b) l’autorité du commissaire est identifiée par la lettre « C ».

1.02 Principes

1. Les principes suivants garantissent que l’ensemble des membres, des gestionnaires et du personnel de réinstallation, pour atteindre des pratiques de réinstallation équitables, raisonnables et modernes au sein de la GRC :

a) Confiance — accorder aux membres, aux gestionnaires et au personnel de réinstallation une discrétion et une latitude accrues afin qu’ils puissent agir de façon équitable et raisonnable.

b) Souplesse — créer un environnement où les décisions respectent l’obligation d’adaptation, répondent le mieux aux besoins et aux intérêts des membres et tiennent compte des exigences opérationnelles relativement à la détermination des mesures de réinstallation.

c) Respect — mettre en place un environnement et des processus de réinstallation adaptés et favorables qui respectent les besoins des membres.

d) Valorisation des personnes — considérer les membres de façon professionnelle tout en les soutenant, eux et leurs familles, ainsi que leur santé et leur sécurité dans le contexte de la réinstallation.

e) Transparence — veiller à une application uniforme, juste et équitable de la politique et des pratiques connexes.

f) Pratiques modernes — mettre en œuvre des pratiques de gestion de la réinstallation qui soutiennent les principes et sont conformes aux tendances et aux réalités de l’industrie de la réinstallation; élaborer et mettre en œuvre une structure et cadre adéquats de responsabilisation en matière de réinstallation. (T)

1.03 Objet et portée

1. La GRC a pour objectif d’accroître la mobilité du membre en lui offrant son soutien dans le cadre du processus de réinstallation afin de :

a) réduire au minimum les répercussions sur les activités opérationnelles de la GRC;

b) réduire au minimum les répercussions négatives sur le membre et sa famille;

c) mener la réinstallation de façon efficace;

d) mener la réinstallation au coût le plus raisonnable possible pour l’État. (T)

4. La présente directive et les restrictions y figurant constituent non pas des lignes directrices facultatives, mais plutôt une politique. La discrétion, que ce soit celle des membre ou de la GRC, est réservée uniquement aux dispositions qui l’autorisent explicitement dans la directive. (T)

Vente de la résidence principale

Section 4

4.01. Objet

1. L’objectif est d’aider les membres qui sont mutés d’un lieu de travail à un autre à vendre la résidence principale à leur ancien lieu de travail. (T)

4.16. Remboursement des pertes immobilières (RPI)

1. Un membre qui vend sa résidence pour un prix inférieur au prix d’achat initial peut obtenir le remboursement d’un montant équivalant à 80 % de la différence, jusqu’à concurrence de 30 000 $ à partir du compte de base. (T)

a) Le RPI excédant 15 000 $ pourrait être considéré comme un avantage imposable par l’ARC et les retenues prescrites pourraient être déduites du paiement. (C)

2. Les pertes admissibles excédant les montants versés à partir du compte de base peuvent être remboursées à partir du compte de dépenses flexible. (C)

3. Le membre doit veiller à ce que tous les efforts possibles soient déployés afin de prévenir la nécessité de recourir au RPI. Si les pertes immobilières découlent directement de la négligence du membre, la réclamation de montants au titre du RPI peut être réduite ou refusée par le CMN. (C)

4. Toute diminution du prix de vente fondée sur l’entretien différé ne sera permise dans le calcul du remboursement de pertes immobilières. Par exemple : l’inspection de la résidence montre que le système de chauffage doit être remplacé. Si l’on réduit le prix demandé au lieu de remplacer le système de chauffage, la réduction sera exclue au titre du RPI. (C)

5. Toutes les demandes au titre du RPI doivent être approuvées au préalable par le CMN ou son représentant. (C)

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-787-20

 

INTITULÉ :

KEVIN BROWNE, BRADLEY LUNDEEN et FÉDÉRATION NATIONALE DE LA POLICE c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIdéoCONFÉRENCE sur la plate-forme Zoom

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 AVril 2021

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 30 AVril 2021

 

COMPARUTIONS :

 

John Phillips

Otto Phillips

 

POUR LES demandeurs

 

Laura Young

 

POUR LES demandeurs

 

James Elford

Sydney Pilek

 

POUR LE défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waddell Phillips

Calgary (Alberta)

 

POUR LES demandeurs

 

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES demandeurs

 

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Edmonton (Alberta)

 

pour le défendeur

 

 

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