Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040811

Dossier : T-1885-03

Référence : 2004 CF 1112

EDMONTON (ALBERTA), LE 11 AOÛT 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN

ENTRE :

                                                            JEWLIE MILLIGAN

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée aux termes des articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, et ses modifications, à l'égard d'une décision du tribunal d'appel des anciens combattants (révision et appel) (le tribunal), datée du 14 août 2003, qui confirmait, après nouvel examen, ses décisions datées du 5 novembre et du 9 août 2002 dans lesquelles il rejetait la demande de pension présentée par la demanderesse concernant son genou droit conformément au paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions, L.R.C. 1985, ch. P-6.


LE CONTEXTE

[2]                La demanderesse a servi dans les Forces canadiennes, forces régulières du 21 février 1991 au 7 janvier 2004.

[3]                Le 12 février 2001, la demanderesse a présenté une demande de pension d'invalidité concernant :

(i)          une ostéoarthrose du genou droit (apparemment reliée à un accident de ski survenu en 1995);

(ii)         une ostéoarthrose du genou gauche (apparemment aggravée à la suite d'un accident de ski survenu en 1992);

(iii)        un syndrome de la coiffe des rotateurs dans l'épaule droite (apparemment relié à l'entraînement de base de la demanderesse suivi en 1997).

Le ministre des Anciens combattants a rejeté la demande à l'égard de tous les chefs de la réclamation pour le motif que ces blessures n'étaient pas consécutives ou rattachées directement au service en temps de paix qu'avait fait la demanderesse dans la force régulière.


[4]                Dans une décision datée du 9 août 2002, un comité de révision du tribunal a décidé que la blessure que la demanderesse avait subie au genou gauche était reliée au service et a accordé un droit à 4/5 de pension pour la blessure au genou gauche[1]. Le comité de révision a décidé que la blessure au genou droit ne pouvait découler d'une activité reliée au service et a donc refusé d'accorder un droit à une pension pour la blessure au genou droit[2]. Le comité de révision a également refusé d'accorder un droit à une pension pour la blessure à l'épaule droite.


[5]                La demanderesse a interjeté appel de la décision du comité de révision concernant son genou droit devant un comité d'appel du tribunal. Le 5 novembre 2002, le comité d'appel a confirmé la décision du comité de révision et jugé que la blessure que la demanderesse avait subie au genou droit ne découlait pas de son service en temps de paix dans les forces régulières et qu'elle n'y était pas non plus directement rattachée. Le tribunal a noté que, si la demanderesse avait peut-être été membre du Club de ski de la BFC Chilliwack[3], elle n'avait pas fourni d'éléments établissant qu'elle avait participé à un événement sportif organisé ou autorisé par l'armée à l'époque où elle a subi une blessure au genou droit en 1995.

[6]                Le 17 mars 2003, la demanderesse a présenté d'autres documents et demandé la révision de la décision du comité d'appel.

[7]                Le comité d'appel a refusé de réviser sa décision du 5 novembre 2002, étant donné qu'il n'avait constaté aucune erreur de fait ou de droit. En outre, le comité d'appel a jugé que les documents supplémentaires présentés par la demanderesse ne se rapportaient pas directement à l'affaire, dans la mesure où ils ne portaient pas sur la question en litige déterminante dans cette affaire -- c'est-à-dire, les nouveaux documents ne démontraient pas que la demanderesse avait participé à un événement sportif autorisé et organisé par l'armée au moment où elle avait subi une blessure au genou droit.

LA QUESTION EN LITIGE

[8]                Le tribunal a-t-il commis une erreur susceptible d'être révisée lorsqu'il a décidé le 14 août 2003 de ne pas réexaminer ses décisions antérieures relatives au droit à une pension de la demanderesse?


LA NORME DE CONTRÔLE

[9]                Il est bien établi que la norme de contrôle applicable aux décisions du tribunal est celle du caractère manifestement déraisonnable : MacDonald c. Canada (Procureur général) (1999), 164 F.T.R. 42 (1re inst.); Elliot c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 298.

ANALYSE

[10]            Voici les dispositions législatives pertinentes :

Loi sur le tribunal d'appel des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18 et ses modifications :


3. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s'interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l'égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.

s.3. The provisions of the Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their county so well and to their dependants may be fulfilled.


32. (1) Par dérogation à l'article 31, le comité d'appel peut, de son propre chef, réexaminer une décision rendue en vertu du paragraphe 29(1) ou du présent article et soit la confirmer, soit l'annuler ou la modifier s'il constate que les conclusions sur les faits ou l'interprétation du droit étaient erronées; il peut aussi le faire sur demande si l'auteur de la demande allègue que les conclusions sur les faits ou l'interprétation du droit étaient erronées ou si de nouveaux éléments de preuve lui sont présentés.

s. 32. (1) Notwithstanding section 31, an appeal panel may, on its own motion, reconsider a decision made by it under subsection 29(1) or this section and may either confirm the decision or amend or rescind the decision if it determines that an error was made with respect to any finding of fact or the interpretation of any law, or may do so on application if the person making the application alleges that an error was made with respect to any finding of fact or the interpretation of any law or if new evidence is presented to the appeal panel.39. Le Tribunal applique, à l'égard du demandeur ou de l'appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence;

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande

s. 39. In all proceedings under this Act, the Board shall (a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant; (b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and (c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.

Loi sur les pensions, L.R.C. 1985, ch. P-6

2. Les dispositions de la présente loi s'interprètent d'une façon libérale afin de donner effet à l'obligation reconnue du peuple canadien et du gouvernement du Canada d'indemniser les membres des forces qui sont devenus invalides ou sont décédés par suite de leur service militaire, ainsi que les personnes à leur charge.

Pension Act, R.S.C. 1985, c. P-6:

s. 2. The provisions of this Act shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to provide compensation to those members of the forces who have been disabled or have died as a result of military service, and to their dependants, may be fulfilled.

21(2) En ce qui concerne le service militaire accompli dans la milice active non permanente ou dans l'armée de réserve pendant la Seconde Guerre mondiale ou le service militaire en temps de paix :

s. 21 (2) In respect of military service rendered in the non-permanent active militia or in the reserve army during World War II and in respect of military service in peace time,

a) des pensions sont, sur demande, accordées aux membres des forces ou à leur égard, conformément aux taux prévus à l'annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, en cas d'invalidité causée par une blessure ou maladie -- ou son aggravation -- consécutive ou rattachée directement au service militaire;

......

(a) where a member of the forces suffers disability resulting from an injury or disease or an aggravation thereof that arose out of or was directly connected with such military service, a pension shall, on application, be awarded to or in respect of the member in accordance with the rates for basic and additional pension set out in Schedule I;

.....


(2.1) En cas d'invalidité résultant de l'aggravation d'une blessure ou maladie, seule la fraction -- calculée en cinquièmes -- du degré total d'invalidité qui représente l'aggravation peut donner droit à une pension.

(2.1) Where a pension is awarded in respect of a disability resulting from the aggravation of an injury or disease, only that fraction of the total disability, measured in fifths, that represents the extent to which the injury or disease was aggravated is pensionable.(3) Pour l'application du paragraphe (2), une blessure ou maladie -- ou son aggravation -- est réputée, sauf preuve contraire, être consécutive ou rattachée directement au service militaire visé par ce paragraphe si elle est survenue au cours :

(3) For the purposes of subsection (2), an injury or disease, or the aggravation of an injury or disease, shall be presumed, in the absence of evidence to the contrary, to have arisen out of or to have been directly connected with military service of the kind described in that subsection if the injury or disease or the aggravation thereof was incurred in the course of

a) d'exercices d'éducation physique ou d'une activité sportive auxquels le membre des forces participait, lorsqu'ils étaient autorisés ou organisés par une autorité militaire, ou exécutés dans l'intérêt du service quoique non autorisés ni organisés par une autorité militaire;

(a) any physical training or any sports activity in which the member was participating that was authorized or organized by a military authority, or performed in the interests of the service although not authorized or organized by a military authority;

......


[11]            La décision du tribunal repose sur ses conclusions relatives aux preuves indiquant que la demanderesse n'a pas présenté suffisamment de preuves établissant que l'arthrose dont elle souffre au genou droit a été causée par une blessure rattachée à son service qu'elle a subie au cours d'une sortie du club de ski de la BFC de Chilliwack en 1995. Étant donné qu'il s'agit là d'une question de fait, il y a lieu de faire preuve de retenue à l'égard de la décision du tribunal, à moins qu'il ne soit établi que la décision du tribunal est manifestement déraisonnable.

[12]            Il incombe à la demanderesse d'établir que l'arthrose dont elle souffre au genou droit est consécutive ou directement rattachée à son service, c'est-à-dire, la demanderesse doit établir un lien de causalité : Hall c. Canada (1998), 152 F.T.R. 58 (1re inst.), confirmé par (1999) 250 N.R. 93 (C.A.F.).

[13]            La demanderesse a présenté les preuves suivantes dans sa demande de réexamen :

a)          le squash et le raquetball étaient des activités de loisir approuvées à Chilliwack pendant le temps qu'y a passé la demanderesse;


b)          une photographie de l'équipe de squash de la base en 1993 dont faisait partie l'appelante;

c)          un courriel émanant d'un officier de la comptabilité de la solde confirmant le fait que la demanderesse participait à des activités de squash en 1993. Il n'y a pas de rapport d'accident, ni de déclaration de témoin comme l'exige le tribunal.

[14]            Dans sa décision antérieure, le tribunal avait déclaré qu'il acceptait le fait que la demanderesse était membre de la BFC de Chilliwack. Au cours du réexamen, le tribunal a conclu une nouvelle fois à l'absence de lien causal entre la blessure et un événement sportif autorisé ou organisé par l'armée. Les preuves nouvelles fournies dans le cadre du réexamen n'ont pas modifié ce fait.


[15]            Étant donné que la demanderesse soutient qu'elle a été blessée au genou au cours d'un accident de ski, il est difficile de voir comment le tribunal aurait pu en arriver à une autre conclusion. Il n'existe aucune preuve indiquant que l'activité de ski à l'origine de son accident faisait partie d'une activité autorisée ou approuvée par les autorités militaires. Selon sa propre admission (dossier du tribunal, page 145), elle ne sait pas à quel moment, ni dans quelles circonstances l'accident est survenu. Il existe également des preuves indiquant qu'elle s'est démis le genou pendant une partie de squash (dossier du tribunal, page 75) et que le fait de sauter d'un manège a sérieusement aggravé cette blessure (dossier du tribunal, page 78). Les deux mentions que l'on trouve dans les rapports médicaux sur les accidents de ski reliés à son genou droit (dossier du tribunal, pages 75 et 76) ne mentionnent aucune date et ne décrivent pas le cadre dans lequel s'exerçait l'activité de ski; c'est-à-dire, ski de loisir ou activité de ski organisée ou approuvée par les autorités militaires.

[16]            Le tribunal a admis que la demanderesse était membre du club de ski de la BFC de Chilliwack. Cependant, le seul fait d'être membre d'un club de ski ne prouve aucunement que l'accident de ski faisait partie d'une activité organisée ou autorisée par les autorités militaires.

[17]            Compte tenu de la faiblesse des preuves apportées, la décision prise par le tribunal à la suite du réexamen du dossier n'était pas manifestement déraisonnable. Même en appliquant très libéralement les présomptions contenues dans l'article 2 et dans le paragraphe 21(3) de la Loi sur les pensions, il est impossible d'en arriver à une autre conclusion. Il n'est donc pas possible de faire droit à la demande.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE le rejet de la présente demande.

                                                                                                          _ Konrad W. von Finckenstein _          

                                                                                                                                                     Juge                                 

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-1885-03

INTITULÉ :                                                    JEWLIE MILLIGAN c. PGC

LIEU DE L'AUDIENCE :                              EDMONTON (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 10 AOÛT 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE:                LE JUGE von FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :                                   LE 11 AOÛT 2004

COMPARUTIONS :

Jewlie Milligan                                                                           POUR LA DEMANDERESSE

Stacey Dej                                                                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

La demanderesse, pour son propre compte                                POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)



[1]Le comité de révision a jugé que [traduction] « La majeure partie de l'état de santé actuel de la demanderesse peut être due à un accident de ski survenu en 1992 qui est, d'après le comité, relié au service militaire de la demanderesse. _..._ Par conséquent, une indemnité d'aggravation des quatre cinquièmes pour cette partie de l'affection découlant du service militaire semble appropriée, un cinquième étant retenu étant donné qu'il n'a pas été établi par des preuves, par des souvenirs de la demanderesse ou par des documents que le problème initial concernant le genou gauche était relié au service. »

[2]Le comité de révision a conclu que [traduction] « à la différence de l'affection touchant le genou gauche, il n'y a pas de rapport d'accident, de déclaration générale de témoin ni de déclaration d'un officier supérieur permettant au comité de conclure que l'activité qu'exerçait la demanderesse au moment de l'accident était reliée à son service. _..._Il n'existe aucun élément factuel général qui indique que la demanderesse exerçait une activité autorisée, appuyée ou organisée par le Club de ski de la Base des Forces canadiennes de Chilliwack lorsque l'accident est survenu et sur ce point, la demanderesse était elle-même incapable de se souvenir de l'endroit de la Colombie-Britannique où s'était produit l'accident. »

[3]Pour établir sa qualité de membre, la demanderesse a présenté une lettre du major Robert T. Walker (l'ancien contrôleur de la base) datée du 3 octobre 2002, mentionnant que le club de ski de la Base des Forces canadiennes de Chilliwack offrait des activités sportives autorisées entre le 1er mai 1994 et le 31 août 1998 et une lettre de R.K. St.John, colonel (à la retraite), datée du 23 octobre 2002, qui mentionnait que le club de ski de la BFC de Chilliwack avait été agréé par lui en qualité de commandant de la base entre 1994 et 1998 et que la demanderesse était une membre active du club de ski pendant qu'il occupait ses fonctions de commandant de la base.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.