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Date : 20210427


Dossier : IMM-3710-20

Référence : 2021 CF 366

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 avril 2021

En présence de madame la juge McVeigh

ENTRE :

RIDVAN ADEMI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] Le demandeur, Ridvan Ademi, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision datée du 1er août 2020 par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a confirmé la décision du 7 juin 2019 par laquelle la Section de la protection des réfugiés [la SPR] a conclu que M. Ademi n’avait pas qualité de réfugié ni celle de personne à protéger parce qu’il n’avait pas établi qu’il ne pourrait pas obtenir une protection adéquate de l’État dans son pays d’origine, le Kosovo.

[2] Pour les motifs qui suivent, j’accueillerai la présente demande.

II. Contexte

[3] M. Ademi, qui est d’origine albanaise, est citoyen du Kosovo et n’a la citoyenneté d’aucun autre pays. Il est musulman, mais non-pratiquant, et vient d’une famille modérément religieuse. Il a une femme et trois enfants qui demeurent au Kosovo.

[4] Dans son formulaire Fondement de la demande d’asile, M. Ademi a indiqué qu’il avait peur des extrémistes musulmans dans son pays d’origine. Il a affirmé qu’il avait été menacé par des personnes qui, selon lui, étaient associées à son cousin au troisième degré, un extrémiste qui a déjà été arrêté pour avoir radicalisé des jeunes dans le but de les faire combattre en Syrie.

[5] M. Ademi a expliqué que les menaces ont commencé lorsqu’il a posé des questions à des gens qui, d’après lui, essayaient de vandaliser ou de détruire l’église à côté de sa maison. Le matin du 22 décembre 2017, il quittait sa maison lorsqu’il a confronté deux individus suspects qui regardaient l’église en tenant un sac noir. Quand il s’est approché d’eux, les hommes l’ont frappé avant de prendre la fuite. Il a appelé la police. Un rapport de police a été rédigé et la police a indiqué qu’elle prenait l’incident au sérieux; toutefois, M. Ademi a déclaré qu’à sa connaissance, aucune enquête n’a abouti.

[6] En janvier 2018, le chien de M. Ademi est mort empoisonné, et les pneus de sa voiture ont été tailladés. Il a de nouveau signalé l’incident, et la police a pris sa déposition, sans résultat.

[7] À la fin de janvier 2018, son fils a déclaré avoir été suivi jusqu’à l’école par un homme qui lui a dit : [traduction] « Je ne voudrais pas te voir grandir sans ton père. » M. Ademi a appelé la police après cet incident, mais le policier n’a pas voulu prendre sa déposition officielle et lui a dit que [traduction] « la police ne [pouvait] pas vraiment [l]’aider à régler ce problème ». Il a donc fui temporairement le pays, mais pendant son absence, son cousin au troisième degré a posé des questions sur l’endroit où il se trouvait. Il a qualifié ces questions d’inhabituelles. De plus, durant son absence, plusieurs personnes, qui ressemblaient à des djihadistes selon ses collègues, ont posé des questions le concernant à son lieu de travail.

[8] Il n’a pas signalé à la police qu’il soupçonnait son cousin au troisième degré, Sabahudin Selimi, un imam qui avait été arrêté pour avoir radicalisé des jeunes dans le but de les faire combattre en Syrie, et son voisin, Blerim Syla, qui était aussi associé aux extrémistes, d’être les responsables de l’incident. Selon son témoignage, Blerim Syla [traduction] « […] est retourné au Kosovo après avoir combattu pour l’État islamique en Syrie il y a quelques années ». Le demandeur a indiqué qu’il avait peur de dire à la police qu’il soupçonnait ces hommes, car il craignait que la police ne garde pas ces renseignements confidentiels. Au total, M. Ademi a communiqué avec la police à trois reprises avant de fuir.

[9] Le 14 mars 2018, il est parti aux États-Unis et a rendu visite à sa sœur tout en planifiant d’aller au Canada. Le 24 mars 2018, il est entré au Canada.

[10] La SPR a jugé que M. Ademi n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger parce qu’il n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État. En d’autres termes, la SPR a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve à l’appui de l’idée que le Kosovo ne pouvait pas protéger M. Ademi des personnes qui le menaçaient.

[11] Il convient de souligner qu’aucune question de crédibilité n’est soulevée dans la présente affaire.

[12] La SAR a confirmé que la décision de la SPR était correcte.

[13] M. Ademi a présenté de nouveaux éléments de preuve en appel, qui ont été admis par la SAR. Il s’agissait d’une lettre de son épouse signalant qu’elle avait reçu un appel téléphonique menaçant le 30 mai 2020 et d’un rapport de police concernant la menace. La SAR a admis les nouveaux éléments de preuve au titre du paragraphe 110(4) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[14] La décision de la SAR a mis l’accent sur le fait que, lorsque la police n’a pas aidé M. Ademi, il n’a « pas cherché à obtenir une protection de façon assidue par les voies appropriées ». Lorsqu’on lui a demandé à l’audience de la SPR pourquoi il n’avait pas sollicité l’aide de la police, il a indiqué qu’il croyait que la police ne l’aiderait pas, qu’il avait peur et qu’il n’avait pas pensé à s’adresser à quelqu’un à un échelon supérieur.

[15] La SAR a confirmé la décision de la SPR et a conclu que M. Ademi n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger, car « il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve selon lesquels l’État serait incapable de le protéger ou ne serait pas disposé à le faire ».

III. Questions en litige

[16] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. La SAR a-t-elle énoncé incorrectement la norme de contrôle à appliquer?

  2. La commissaire de la SAR a-t-elle effectué une analyse indépendante de la décision de la SPR?

  3. La décision de la SAR était-elle raisonnable?

IV. Norme de contrôle

[17] M. Ademi affirme que la norme de la décision correcte et la norme de la décision raisonnable s’appliquent en l’espèce. Selon lui, la norme de la décision correcte s’applique à la question de savoir si la SAR a énoncé incorrectement la norme d’intervention, puisque c’est une question de droit, et celle de la décision raisonnable s’applique aux autres questions.

[18] Je ne suis pas d’accord. Selon l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la norme de la décision correcte s’applique lorsque la primauté du droit l’exige, comme l’affirme M. Ademi. Toutefois, les catégories énoncées dans l’arrêt Vavilov sont : les questions constitutionnelles, les questions de droit générales d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble, et les questions liées aux délimitations des compétences respectives d’organismes administratifs (Vavilov, au para 53).

[19] M. Ademi n’a pas démontré que la question qui se pose ici comporte des éléments constitutionnels ou liés à la compétence, et il semble donc soutenir qu’il y a une question de droit générale d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble. Comme les juges majoritaires l’ont affirmé dans l’arrêt Vavilov, cette catégorie s’applique aux questions qui doivent être tranchées « “de manière uniforme et cohérente étant donné [leurs] répercussions sur l’administration de la justice dans son ensemble” [et qui sont] susceptibles d’avoir des répercussions juridiques significatives sur le système de justice dans son ensemble » (Vavilov, au para 59).

[20] Dans l’arrêt Vavilov, les juges majoritaires ont donné des exemples de telles questions de droit générales, notamment lorsqu’une procédure administrative est prescrite par l’application de la doctrine de l’autorité de la chose jugée, la portée de l’obligation de neutralité religieuse de l’État, le bien‑fondé des limites du secret professionnel de l’avocat et la portée du privilège parlementaire (Vavilov, au para 60). L’élément d’intérêt public général ne suffit pas (Vavilov, au para 61).

[21] Le fait qu’une commissaire de la SAR aurait énoncé incorrectement la norme de contrôle qui s’applique aux décisions rendues au palier inférieur est loin d’avoir une telle portée. Cette question ne transcende même pas la présente affaire et se résume au libellé que la commissaire de la SAR a utilisé dans sa décision.

[22] La norme de contrôle applicable à toutes les questions en l’espèce est celle de la décision raisonnable.

V. Analyse

A. La SAR a-t-elle énoncé incorrectement la norme de contrôle à appliquer?

[23] À mon avis, la SAR n’a pas énoncé incorrectement la norme de contrôle à appliquer. Selon l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93 [Huruglica], la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte (Huruglica, au para 103). La commissaire de la SAR a indiqué que son travail était de s’assurer que la décision de la SPR était correcte. Je ne vois pas comment M. Ademi est arrivé à la conclusion que cela voulait dire que la SAR effectuait un contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

[24] Dans ses observations, M. Ademi a invoqué la décision Allen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 994 [Allen], et reproduit le paragraphe 14, qui traite de la question de savoir si la SAR a effectué une analyse indépendante. Ce raisonnement est pertinent pour la deuxième question, et j’y reviendrai dans ce contexte.

B. La commissaire de la SAR a-t-elle effectué une analyse indépendante de la décision de la SPR?

[25] Le défendeur a présenté plusieurs exemples de passages, dans les motifs de la SAR, qui démontrent que celle-ci a effectué une analyse indépendante. Je suis d’accord.

[26] Un appel devant la SAR ne constitue pas un véritable processus de novo« le décideur repart à zéro, c’est-à-dire que la juridiction d’appel ne reçoit pas le dossier de l’instance inférieure et ne prend en compte aucun aspect de la décision initiale » (Huruglica, au para 79). Même s’il y a de toute évidence beaucoup de renvois à la décision de la SPR, c’est normal dans le cadre d’un appel sans audience, surtout lorsqu’il convient de faire preuve de retenue à l’égard de certaines questions (telles que la crédibilité) abordées dans la procédure antérieure.

[27] Comme le souligne le défendeur, les motifs comportent une analyse détaillée des raisons pour lesquelles la SAR souscrit aux conclusions de la SPR. La SAR n’a pas souscrit aux conclusions parce qu’elle faisait preuve de retenue à leur égard, mais parce qu’elle a jugé que l’analyse était correcte à la lumière de la preuve. Elle a consulté le dossier dont disposait le décideur, y compris les cartables nationaux de documentation. Il n’est pas ici question de retenue; il n’y a pas de retenue, seulement une approbation.

[28] Le simple fait que la SAR souscrit aux conclusions de la SPR ne signifie pas qu’aucune analyse indépendante n’a été effectuée. Une physicienne peut souscrire à la théorie de la relativité d’Einstein pour les mêmes raisons, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’a pas aussi effectué les calculs nécessaires. Il y a suffisamment d’éléments dans les motifs fournis par la commissaire de la SAR pour conclure qu’une analyse indépendante a été effectuée. Cela satisfait aux exigences énoncées par le juge Diner dans la décision Allen, c’est-à-dire qu’il est évident qu’une analyse indépendante a été effectuée compte tenu des motifs de la SAR (Allen, au para 18).

C. La décision de la SAR était-elle raisonnable?

[29] Pour réfuter la présomption de la protection adéquate de l’État, un demandeur doit, selon la prépondérance des probabilités, présenter une preuve claire et convaincante de l’insuffisance ou de l’inexistence de la protection (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Flores Carrillo, 2008 CAF 94 au para 38). D’ailleurs, plus l’État est démocratique, plus le demandeur doit chercher à épuiser les recours qui s’offrent à lui (Kadenko c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] ACF no 1376 (CAF)). Ce faisant, il doit prouver qu’il a épuisé tous les recours raisonnables pour obtenir la protection de l’État (Hinzman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 171 au para 46). Une décision raisonnable, sur le fondement de la protection de l’État, doit être justifiée, transparente et intelligible.

[30] En l’espèce, la question est celle de savoir s’il était raisonnable que la SAR conclue que M. Ademi avait épuisé tous les recours raisonnables qui s’offraient à lui pour obtenir la protection de l’État. Il importe ici de garder à l’esprit qu’aucune question de crédibilité n’a été soulevée et que les nouveaux éléments de preuve ont été admis.

[31] À mon avis, la commissaire de la SAR n’a pas abordé correctement le principal facteur de l’argument fondé sur la protection de l’État de M. Ademi, soit qu’il est allé voir la police à trois reprises avant de fuir, et que son épouse est allée une autre fois après qu’il est parti. Même après tous ces signalements à la police, rien n’a été fait pour mettre fin à la menace à laquelle M. Adami était exposé et, en fait, la police lui a dit qu’elle ne pouvait pas l’aider.

[32] On pouvait également aborder cet argument, comme l’a fait le demandeur, en indiquant qu’il était déraisonnable d’examiner les anciens et les nouveaux éléments de preuve en vase clos. Je constate également que la SAR a conclu dans sa décision que la SPR avait vu juste, point à la ligne. Ensuite, la SAR a apparemment évalué les nouveaux éléments de preuve individuellement au lieu d’évaluer l’ensemble des éléments de preuve à sa disposition, anciens et nouveaux. Sur ce point, la preuve aurait dû être examinée dans son ensemble.

[33] Dans la décision de la SAR, la commissaire a essayé d’aborder la question liée aux tentatives du demandeur d’obtenir la protection de l’État, mais, selon moi, elle n’a pas « relié les points ». La commissaire a consacré beaucoup de temps aux statistiques sur les services de police au Kosovo, ce qui ne tient pas compte du fait non contesté qu’à trois (ou quatre) reprises, M. Ademi ou sa femme ont demandé de l’aide mais n’en ont pas obtenu. La commissaire a tenté de traiter de l’expérience personnelle de M. Ademi avec la police au paragraphe 25 de sa décision. Cependant, en réponse aux observations de M. Ademi, la commissaire a simplement mentionné les statistiques concernant le degré de confiance de la population envers la police, ce qui, encore une fois, ne tient pas compte du fait que M. Ademi n’a reçu aucune aide de la police.

[34] La SAR affirme également que la police est l’institution la plus digne de confiance qui respecte la primauté du droit (décision de la SAR, au para 24), ce qui, toutefois, ne démontre pas que M. Ademi fait partie des gens qui ont une telle confiance, surtout étant donné qu’il est membre d’une minorité religieuse.

[35] La SAR a accordé beaucoup de poids à la situation dans le pays, au degré de confiance envers la police et à la compétence de celle-ci, mais il n’en demeure pas moins qu’après quatre visites à la police (y compris celle de son épouse), la police n’a pris aucune mesure concrète pour mettre fin au harcèlement.

[36] La SAR a affirmé que la SPR avait traité du fait que M. Ademi aurait dû exercer d’autres recours. À mon avis, cette affirmation suppose que la personne moyenne a les connaissances et les ressources pour comprendre les processus techniques et la structure interne de la force de police du pays. La plupart des gens considéreraient qu’une personne qui s’est adressée à la police à trois (ou quatre) reprises a tenté du mieux qu’elle pouvait de faire cesser les menaces, et que la fuite pourrait être la seule option lorsque ces tentatives ont échoué. C’est d’autant plus vrai dans le cas où la police a dit qu’elle ne pouvait rien faire.

[37] La décision de la SAR mentionne que les Kosovars sont au courant des divers recours qui s’offrent à eux s’ils estiment que la police ne s’acquitte pas de son mandat (décision de la SAR, aux para 28-29). Cependant, selon mon interprétation des statistiques en question, moins de 30 % de la population est au courant des recours qui s’offrent à eux, et rien ne donne à penser que M. Ademi faisait partie de ce groupe. Cela ne démontre pas qu’il était raisonnable d’exiger de lui qu’il signale une inconduite policière tout en faisant personnellement l’objet de menaces.

[38] Dans la décision Nugzarishvili c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 459 [Nugzarishvili], le juge Ahmed s’est prononcé sur un cas semblable. Dans cette affaire, la preuve dont disposait la SPR donnait à penser que les demandeurs auraient dû s’adresser au Bureau du défenseur public. Le juge Ahmed a indiqué ce qui suit :

[traduction] [L]e défenseur public est habilité à demander aux organismes d’enquête compétents d’engager une enquête ou une poursuite au criminel si, après avoir examiné le dossier, il en vient à la conclusion qu’il y a des éléments constitutifs d’un crime dans l’affaire; cependant, il s’agit seulement d’une recommandation qui n’a aucun effet exécutoire.

(Nugzarishvili, au para 45)

[39] Dans cette affaire, les demandeurs avaient fourni à la police le nom du persécuteur soupçonné, contrairement à l’espèce, mais je ne crois pas que cela permet d’établir une distinction entre les parties pertinentes des faits. Dans les deux cas, la police a manifestement omis d’agir afin d’obtenir justice pour le demandeur, et je dirais que, en l’espèce, le fait que la police a omis d’agir à quatre reprises affaiblit l’argument selon lequel M. Ademi aurait dû envisager d’autres démarches.

[40] De plus, le fait que M. Ademi n’ait pas mentionné à la police qu’il avait des soupçons sur son cousin au troisième degré et son voisin ne démontre pas que la police voulait ou pouvait l’aider, mais simplement qu’il hésitait à [traduction] « donner des noms » parce qu’il n’était pas convaincu que les renseignements demeureraient confidentiels (voir le paragraphe 8 ci-dessus)

[41] Je conclus que la décision de la SAR était déraisonnable. Je suis d’avis d’accueillir la demande de contrôle judiciaire et de renvoyer l’affaire à un autre décideur.

D. Question à certifier

[42] Le demandeur a présenté la question suivante aux fins de certification :

[traduction]

Quel est le rôle de la SAR lorsque de nouveaux éléments de preuve substantiels sont admis au dossier et quel est le degré de retenue dont elle doit faire preuve à l’égard de la décision de la SPR? Autrement dit, après avoir reçu les nouveaux éléments de preuve substantiels, la SAR continue-t-elle de jouer un rôle de supervision, consistant à corriger les erreurs de la SPR, ou a-t-elle pour rôle de procéder à une audience de novo, comme c’est le cas dans les situations visées au paragraphe 110(6) de la LIPR?

[43] Le défendeur s’oppose à la certification parce que la question n’est pas déterminante quant à la question en litige dans la présente demande. Il soutient que la question déterminante est celle de savoir si la SAR a effectué une analyse indépendante en appliquant de manière raisonnable la norme de la décision correcte, et que la question de savoir si le rôle de la SAR change lorsque de nouveaux éléments de preuve sont admis n’a pas d’incidence sur le contrôle judiciaire. Le défendeur affirme qu’aucune nouvelle question n’est soulevée, car le rôle de la SAR est bien établi dans la jurisprudence. En effet, la loi prévoit des circonstances précises pour ce qui est de l’admission de nouveaux éléments de preuve, et, comme les audiences de la SAR sont des audiences de novo, son rôle ne change pas après le dépôt de nouveaux éléments de preuve. À l’appui de cette affirmation, le défendeur cite l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96 [Singh], qui indique que « [d]ans l’hypothèse où la SAR estime que toute la preuve devrait être réentendue pour prendre une décision éclairée, elle devra renvoyer l’affaire à la SPR » (Singh, au para 51).

[44] Je suis d’accord avec le défendeur et je ne certifierai pas la question, car elle n’est pas déterminante en l’espèce. La décision de la SAR est déraisonnable, avec ou sans les nouveaux éléments de preuve, et peu importe si elle tient ou non une véritable audience do novo après le dépôt de nouveaux éléments de preuve.


JUGEMENT dans le dossier IMM-3710-20

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande est accueillie.

  2. La décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre décideur pour nouvelle décision.

  3. Aucune question n’est certifiée.

« Glennys L. McVeigh »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Blain McIntosh


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3710-20

 

INTITULÉ :

RIDVAN ADEMI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE) ET calgary (alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 AVRIL 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCVEIGH

 

DATE DES MOTIFS :

LE 27 AVRIL 2021

 

COMPARUTIONS :

Bjorn Harsanyi

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Boris Kozulin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Sharma Harsanyi

Avocats

Calgary (Alberta)

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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