Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20041014

Dossier : IMM-5834-03

Référence : 2004 CF 1417

Toronto (Ontario), le 14 octobre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY                            

ENTRE :

                                                             MAKSIM VRANICI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                M. Maksim Vranici sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté, en date du 9 juillet 2003, sa demande visant la réouverture de sa demande d'asile. La question soumise à la Cour est celle de savoir si la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a conclu que la décision prononçant le désistement ne constituait pas un déni de justice naturelle. Pour les motifs ci-après énoncés, je ne peux trouver aucune erreur dans la décision de la Commission et je rejetterai la présente demande.


[2]                M. Vranici, citoyen de l'Albanie, est entré au Canada le 19 avril 2003 et il a demandé l'asile. Le même jour, on lui a remis un formulaire sur les renseignements personnels (FRP) pour qu'il le remplisse.

[3]                À compter de ce moment, M. Vranici avait 28 jours pour déposer à la Commission son FRP. Il avait en outre 10 jours pour fournir à la Commission ses coordonnées au Canada. Il n'a déposé son FRP, daté du 7 juin, que le 9 juin 2003, date à laquelle il a également fourni les coordonnées de son conseil. Il ressort du dossier que le conseil a été engagé le 2 juin.

[4]                Le 22 mai 2003, le commissaire F. Mortazavi a prononcé le désistement de la demande. Conformément au paragraphe 58(1) des Règles de la Section de la protection des réfugiés (les Règles de la SPR), aucune audience n'a été tenue puisque la Section n'avait pas à ce moment les coordonnées de M. Vranici ou de son conseil. La décision a été consignée dans un Rapport de désistement, signé par M. Mortazavi, dans lequel la case se trouvant à côté de la déclaration suivante avait été cochée :

Je prononce le désistement de la demande d'asile pour défaut du demandeur d'asile de transmettre à la CISR ses coordonnées et son FRP dûment rempli dans les délais prévus par les règles de la SPR et parce que ni le ministre ni le conseil du demandeur d'asile ne connaissent les coordonnées du demandeur d'asile (Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, par. 168(1); Règles de la Section de la protection des réfugiés, par. 58(1)a) et b)).

[5]                Le greffier de la Section de la protection des réfugiés a émis le 28 mai 2003 un avis de désistement. À ce moment, on ne savait pas qui était le conseil du demandeur et étant donné qu'on ne disposait pas d'une adresse pour le demandeur, il y a eu une dispense de signification. Même s'il y avait sur le formulaire un endroit où pouvait être inscrit le nom du commissaire qui avait rendu la décision, aucun nom n'était inscrit sur cet avis. Cet avis portait des initiales au nom du greffier.

[6]                Après que le conseil de M. Vranici eut envoyé le FRP à la Commission, plus de trois semaines en retard, le greffier lui a laissé un message le 12 juin lui expliquant qu'un désistement avait déjà été prononcé parce que le FRP n'avait pas été déposé à temps et qu'il y avait eu une dispense de signification parce que l'adresse du demandeur n'était pas connue.

[7]                Le 17 juin 2003, le greffier a modifié l'avis de désistement et l'a envoyé aux adresses dont il disposait maintenant. Cet avis modifié contenait le nom du commissaire qui avait rendu la décision prononçant le désistement le 28 mai.

[8]                M. Vranici n'a pas présenté une demande de contrôle judiciaire à l'égard de la décision prononçant le désistement. Plutôt, le 26 juin 2003, il a présenté au moyen d'un avis une requête en réouverture de sa demande d'asile.

[9]                Le 9 juillet 2003, le commissaire L. Leonoff a rejeté la requête en réouverture de la demande d'asile. La décision a été consignée par le greffier dans un Avis de décision - Demande de réouverture, daté du 11 juillet 2003, et a été communiquée à M. Vranici et à son conseil.


[10]            Le commissaire Leonoff a mentionné ce qui suit dans sa Fiche de demandes à la Partie C - Décision :

[TRADUCTION]

Il n'y a pas de déni de justice naturelle. Le demandeur d'asile est tenu d'informer la Commission de son adresse et de ses coordonnées. Il n'y a pas de nouveaux éléments de preuve dignes de foi ou suffisants quant aux raisons pour lesquelles cela n'a pas été fait. Le demandeur d'asile a reçu une signification et les instructions établissent clairement l'obligation de déposer dans les 28 jours.

[11]            Le demandeur prétend que la Commission n'avait pas compétence pour prononcer le désistement de la demande sans lui donner la possibilité d'être entendu. En outre, le demandeur prétend que la Commission n'a énoncé aucun motif pour justifier le désistement de la demande et que les motifs énoncés par le commissaire Leonoff pour justifier le refus de rouvrir la demande étaient insuffisants, de sorte qu'il a subi un déni de justice naturelle.

Le droit d'obtenir une audience sur le désistement


[12]            La voie que M. Vranici incite la Cour à suivre pour arriver à la conclusion que la Commission n'avait pas compétence pour prononcer le désistement de la demande est quelque peu alambiquée. Je devrais, pour y arriver, accepter que le Rapport de désistement du 22 mai ne constituait pas une décision et que l'avis de désistement émis le 28 mai est nul étant donné qu'il ne comporte pas le nom du commissaire qui a soi-disant prononcé le désistement. De plus, je devrais conclure que la décision par laquelle le désistement a été prononcé a en fait été rendue le 17 juin par l'émission de l'avis modifié.

[13]            L'article 58 des Règles de la SPR exige que la Commission donne au demandeur d'asile la possibilité d'expliquer pourquoi le désistement ne devrait pas être prononcé dans tous les cas sauf lorsque la Commission n'a pas reçu ses coordonnées et son FRP dans les 28 jours et que ni le ministre ni le conseil du demandeur d'asile, le cas échéant, ne connaissent ces coordonnées. Par conséquent, si j'accepte la prétention du demandeur selon laquelle la décision a été rendue le 17 juin, il avait à ce moment le droit d'obtenir une audience étant donné que le ministre disposait de ses coordonnées en date du 9 juin.

[14]               M. Vranici prétend que l'article 58 des Règles de la SPR doit être interprété de façon stricte. L'omission de lui avoir donné la possibilité de s'expliquer lors d'une audience constituait une violation aux règles et un manquement à la justice naturelle.

[15]            Le défendeur prétend qu'une demande devrait faire l'objet d'une réouverture que dans des circonstances très limitées, à savoir lorsqu'il y a eu un manquement à la justice naturelle dans le cadre d'une procédure concluant au désistement : voir la décision Wackowski c. MCI, 2004 CF 280, et la décision Ali c. MCI, 2004 CF 1153.


[16]            Le défendeur prétend que la décision prononçant le désistement a été rendue et signée le 22 mai. Il n'y a pas eu une nouvelle décision le 17 juin. La Commission était dessaisie de la question du désistement au moment où le FRP a été déposé : voir l'arrêt Tambwe-Lubemba c. MCI (2000), 264 N.R. 382, aux paragraphes 3 et 4, et l'arrêt Avci c. MCI, (2003) 313 N.R. 307, aux paragraphes 2 et 6.

[17]            L'avis de désistement modifié n'était pas un avis d'une décision modifiée, mais un avis modifié de la même décision prononçant le désistement. Les seuls changements étaient l'ajout du nom du décideur et une nouvelle date : voir la décision Koulkov c. MCI, [1999] A.C.F. no 426, et la décision Thurairajah c. MCI (1999), 12 Imm. L.R. (3d) 15.

[18]            Il appartenait toujours au demandeur de respecter les échéances et de prendre contact avec la SPR pour lui transmettre ses coordonnées. On ne peut pas s'attendre à ce que la SPR suive les allées et venues de tous les demandeurs d'asile : voir la décision Serrahina c. MCI, 2003 CFPI 477, au paragraphe 7, et la décision Wackowski, précitée, au paragraphe 14.

[19]            Peu importe la façon stricte selon laquelle l'article 58 des Règles de la SPR est interprété, je ne peux pas omettre de tenir compte du fait qu'au moment où la décision a été rendue, il s'était écoulé plus de 28 jours depuis que M. Vranici avait reçu le FRP et du fait qu'à la fin de cette période la Commission et le ministre ne connaissaient pas ses coordonnées. En fait, son conseil ne les connaissait apparemment pas non plus étant donné qu'il n'avait pas encore été engagé. Il s'agit précisément de la situation prévue par le paragraphe 58(1) des Règles de la SPR.

[20]            Je n'accepte pas la prétention de M. Vranici selon laquelle la décision est en fait incluse dans l'avis de décision et celle selon laquelle étant donné que la décision a été modifiée le 17 juin, cette date est la véritable date de la décision. L'hypothèse à cet égard ne tient pas compte de l'alinéa 65b) et du paragraphe 61(1) des Règles de la SPR. L'alinéa 65b) des Règles de la SPR prévoit qu'une décision prononçant le désistement d'une demande d'asile prend effet au moment où le commissaire de la Section de la protection des réfugiés signe et date les motifs de la décision. Le paragraphe 61(1) des Règles de la SPR énonce que lorsqu'elle rend une décision, autre qu'interlocutoire, la Section transmet par écrit un avis de décision au demandeur d'asile et au ministre. L'avis de décision n'est manifestement pas la décision elle-même.

[21]            Le document signé et daté par le commissaire Mortazavi le 22 mai constituait la décision prononçant le désistement dans la présente affaire et, à cette date, la Commission ne connaissait aucunement les coordonnés de M. Vranici et elle n'était pas, par conséquent, tenue suivant l'article 58 des Règles de la SPR de lui donner la possibilité de s'expliquer lors d'une audience.

Le caractère suffisant des motifs écrits


[22]            M. Vranici prétend que le Rapport de désistement du commissaire Mortavazi, daté du 22 mai, ne peut pas être considéré comme une décision ou des motifs de décision parce que c'est un document interne de la Commission. Suivant l'article 169 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), deux documents distincts sont envisagés - un avis de décision et des motifs écrits de la décision - et les deux documents doivent être transmis au demandeur d'asile. Si les motifs sont inclus dans le rapport du commissaire, ils n'ont jamais été envoyés au demandeur. Seuls des avis de décision ont été transmis.

[23]            Par conséquent, il n'y a pas eu une décision appropriée ou des motifs énoncés à l'égard du désistement. Il s'agit d'un manquement à la justice naturelle et la Commission aurait dû par conséquent rouvrir l'audience. Suivant le même raisonnement, M. Vranici prétend qu'aucun motif n'a été énoncé pour justifier le rejet de la demande de réouverture et que la décision de ne pas rouvrir constituait donc également un manquement à la justice naturelle.

[24]            Le défendeur prétend que la décision rendue à l'égard de la réouverture est la seule décision faisant l'objet d'un contrôle. La prétention du demandeur à l'égard du document du 22 mai n'a pas été soulevée dans le contexte de la demande de réouverture et elle ne devrait pas être examinée : voir les articles 302 et 2 des Règles de la Cour fédérale (1998) et le paragraphe 72(1) et l'alinéa 72(2)b) de la LIPR. La réponse du demandeur est que jusqu'à ce que le dossier certifié du tribunal ait été fourni après que l'autorisation eut été accordée, il n'avait aucune façon de savoir ce qu'était le document du 22 mai, puisqu'il ne pouvait pas présenter une demande d'accès étant donné que le document ne lui avait jamais été signifié.


[25]            Le défendeur prétend que le contrôle judiciaire d'une requête en réouverture ne peut pas être une attaque déguisée d'une décision prononçant le désistement : voir la décision Kononov c. MCI, [1999] A.C.F. no 1121. La question d'un manquement à la justice naturelle fondé sur l'absence de motifs n'a pas été invoquée dans le contexte de la demande de réouverture. La mention de l'instance à l'égard du désistement ne devrait être faite que pour établir si la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a conclu qu'il n'y a pas eu un manquement à la justice naturelle : voir la décision Wackowski, précitée, et la décision Ali, précitée, au paragraphe 26.

[26]            En supposant, sans rendre une décision à cet égard, qu'on devrait permettre au demandeur de soulever la question dans la présente instance, je suis d'avis que le Rapport de désistement du 22 mai contenait des motifs appropriés pour justifier la décision prononçant le désistement. Il y avait peu de choses à dire à l'exception que le demandeur n'avait pas respecté l'échéance. En outre, il était approprié qu'il n'y ait pas eu de signification à ce moment étant donné que la Commission ne savait pas où se trouvait le demandeur. Il appartenait au demandeur, lorsqu'on lui a par la suite signifié l'avis modifié, de demander les motifs de la décision avant de présenter sa demande de réouverture.

[27]            Quant aux motifs énoncés pour cette décision, l'article 169 de la LIPR prévoit que des motifs écrits sont nécessaires lorsque la décision est une décision définitive plutôt qu'une décision interlocutoire, lorsque la décision rejette une demande d'asile et lorsque le demandeur d'asile ou le ministre demande des motifs pour la décision (favorable) définitive. Les Règles de la SPR ne prévoient pas des motifs écrits pour les décisions interlocutoires : voir l'article 61.


[28]            Une requête en réouverture d'une décision est une question interlocutoire parce que si elle est accueillie, elle ouvre simplement la porte à une nouvelle décision à l'égard de la demande : voir M. le juge Evans dans la décision Faghihi c. MCI, [2000] 1 C.F. 249 (1re inst.), confirmée par 2001 CAF 163.

[29]            L'obligation de fournir des motifs prévue par la loi ne s'applique qu'à une demande d'asile. Une requête en réouverture ne traite pas du bien-fondé d'une demande (pas plus que ne le fait une audience sur le désistement). Dans la décision Ali, précitée, j'ai conclu qu'une règle de common law à l'égard de l'obligation d'agir avec équité exige qu'il y ait une certaine forme de motifs dans une décision rendue à l'égard de la réouverture, mais que l'exigence était satisfaite par une mention au dossier, lorsque nécessaire. De la même façon, je conclurais que l'exigence était satisfaite dans la présente affaire par la mention faite par le commissaire Leonoff dans la Fiche de demandes.

Question certifiée

[30]            Le demandeur a proposé que les deux questions suivantes soient certifiées :

1.         Un rapport d'un commissaire peut-il constituer des motifs valables de décision s'il s'agit d'un document interne de la Commission?

2.         Un avis de désistement peut-il être modifié pour inclure le nom d'un commissaire s'il a antérieurement été omis?

[31]            À mon avis, aucune des questions proposées ne va au-delà des intérêts immédiats des parties et ces questions ne seraient pas déterminantes lors d'un appel de la présente décision étant donné que cette décision se rapporte au contrôle judiciaire de la décision de ne pas rouvrir plutôt que de la décision prononçant le désistement elle-même. Par conséquent, je refuse de certifier l'une ou l'autre de ces questions.

                                        ORDONNANCE

PAR LA PRÉSENTE, LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

« Richard G. Mosley »

Juge

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-5834-03

INTITULÉ :                                        MAKSIM VRANICI

demandeur

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 12 OCTOBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :                       LE 14 OCTOBRE 2004

COMPARUTIONS :

Ronald Shacter                                      POUR LE DEMANDEUR

Amina Riaz                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ronald Shacter

Toronto (Ontario)                                              POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                   POUR LE DÉFENDEUR


                               COUR FÉDÉRALE

Date : 20041014

Dossier : IMM-5834-03

ENTRE :

MAKSIM VRANICI

                                                                              demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                                      

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                                       


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.