Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

                                                                                                                     Date : 20040218

                                                                                                        Dossier : IMM-5131-03

                                                                                                      Référence : 2004 CF 248

ENTRE :

                                                        AKASH RAHMAN

                                                                                                                               demandeur

                                                                       et

                   LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                 défendeur

                        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE MACTAVISH


[1]                Akash Rahman, un citoyen du Bangladesh, est membre du Parti Jatiya (PJ). Il prétend craindre avec raison d'être persécuté par le parti au pouvoir, la Ligue Awami (LA) en raison de ses opinions politiques. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande de M. Rahman, concluant qu'il n'avait pas fourni d'éléments de preuve crédibles établissant qu'il était soit un réfugié au sens de la Convention soit une personne à protéger. M. Rahman demande maintenant l'annulation de cette décision, alléguant que les conclusions de la Commission quant à la crédibilité sont manifestement déraisonnables.

CONTEXTE

[2]         Dans son témoignage, M. Rahman a déclaré qu'il avait commencé à s'intéresser à la politique au collège. Il suivait les pratiques et les politiques du général Ershad (le général). Bien qu'il n'ait jamais appuyé le général lorsqu'il était au pouvoir, M. Rahman approuvait les programmes qu'il défendait. En 1996, M. Rahman s'est joint au PJ. M. Rahman dit que son action pour la promotion du parti et de ses activités l'ont fait bien connaître dans sa communauté.

[3]                Après avoir terminé ses études, M. Rahman a commencé à travailler pour la Labbana Enterprise et, plus tard, il est allé travailler pour Welltrex Garments. Dans le cadre de ces emplois, il a eu l'occasion de fréquenter des gens de la classe ouvrière, en particulier avec des femmes de villages ruraux. Cette expérience a renforcé sa conviction quant au bien-fondé des politiques rurales du général.

[4]                Au début de l'année 2000, la LA a introduit la [traduction] « Loi sur la sécurité publique » . Le PJ était très opposé à cette loi et il a organisé des boycottages, des débrayages et une grève générale. M. Rahman participait activement au travail de publicité du parti et il a pris part à la grève.


[5]                En raison de ses activités, M. Rahman a été pris pour cible par la LA. En février 2000, M. Rahman a été menacé, et on lui a interdit de participer aux activités du PJ. Bien qu'il y ait eu des confrontations entre le PJ et la LA, M. Rahman n'a jamais subi d'agression physique. Le 16 décembre 2000, à l'aide de grenades à main et d'armes à feu, des hommes de main de la LA se sont attaqués au PJ lors d'une réunion de ce parti. M. Rahman, qui a joué un rôle-clé dans l'organisation de cette attaque, a été pris en chasse par les hommes de main de la LA. Il a toutefois réussi à leur échapper sain et sauf.

[6]                M. Rahman a décidé de ne pas retourner chez lui après cet incident. Il prétend qu'on lui a dit que la police était venue le chercher chez lui le lendemain relativement aux actes de violence commis lors de la réunion. M. Rahman a donc décidé de quitter le pays. Un agent a fourni à M. Rahman des faux documents et lui a fait prendre un avion pour le Canada. Il est arrivé au pays le 25 janvier 2001 et a soumis sa demande d'asile par la poste le 30 janvier 2001.

[7]                M. Rahman affirme que des membres de sa famille lui ont dit que depuis son départ du Bangladesh, les hommes de main de la LA et la police ont continué de harceler sa famille et d'aller chez lui et à son ancien lieu de travail dans l'espoir de le retrouver.

[8]                M. Rahman a aussi appris que la LA avait mis le général en prison. Le général n'a été libéré qu'après l'élection d'octobre 2001, à laquelle le Parti national du Bangladesh (le PNB) a remporté une victoire écrasante. La LA a toutefois rejeté les résultats des élections et a ordonné la tenue d'une nouvelle élection. Le PNB est toujours le parti au pouvoir au Bangladesh et le général a été envoyé en exil.

DÉCISION DE LA COMMISSION

[9]         La Commission a conclu que M. Rahman ne s'était pas acquitté de son fardeau de preuve, soit de fournir une preuve crédible et digne de foi à l'appui de sa demande. En fait, la Commission a indiqué clairement que le témoignage de M. Rahman manquait particulièrement de cohérence et de crédibilité. La Commission a donc conclu que M. Rahman n'était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

[10]            La Commission a tiré dix conclusions relativement à la crédibilité de M. Rahman :

1.          Il y avait contradiction entre le Formulaire de renseignements personnels de M. Rahman (le FRP) et son témoignage en ce qui a trait à la question de savoir si les hommes de main de la LA étaient allés chez lui et/ou à son lieu de travail dans l'espoir de le retrouver.


2.          Il y avait une contradiction dans le témoignage de M. Rahman quant à savoir si la LA constituait pour lui un danger après son départ du pays.

3.          La preuve était contradictoire quant à savoir à quel moment les policiers étaient passés pour la dernière fois chez M. Rahman dans l'espoir de le retrouver. M. Rahman aurait dit tout d'abord que la police y était allée tout récemment, soit quelques jours auparavant, mais il aurait dit par la suite que leur dernière visite remontait à quelques mois.

4.          M. Rahman n'était pas crédible sur la question de savoir si la police s'intéressait toujours à lui, vu qu'il avait quitté le Bangladesh depuis plus de deux ans.

5.          Il y avait une contradiction dans le témoignage de M. Rahman quant à la façon dont la police avait appris qu'il avait quitté le pays, et quant à savoir si elle savait qu'il était au Canada.


6.          Il y avait une contradiction entre le témoignage de M. Rahman suivant lequel il avait reçu le même appui politique à l'usine de vêtements où il travaillait et dans sa division électorale, et une lettre du chef du parti politique suivant laquelle il avait reçu un plus grand appui politique des travailleurs de l'usine. La Commission a jugé qu'il n'était pas crédible que le parti politique n'ait pas été au courant de la source de l'appui de M. Rahman.

7.          La Commission a conclu que l'omission de M. Rahman de faire mention de sa crainte du PNB dans son FRP était déraisonnable. M. Rahman a témoigné que ce n'est qu'après l'accession au pouvoir du PNB, soit après qu'il eut rempli son FRP, qu'il a commencé à avoir peur du PNB.

8.          La Commission a trouvé des contradictions en ce qui touche l'appellation du poste occupé par M. Rahman et les dates de son emploi.

9.          La preuve de M. Rahman quant aux motifs pour lesquels le général avait été libéré est contradictoire. Dans son FRP, M. Rahman a dit que le général avait été envoyé en exil, mais, dans son témoignage, il a dit que le général avait quitté le pays pour des raisons médicales.


10.        Enfin, la Commission a conclu que le fait que M. Rahman ait attendu cinq jours après son arrivée au Canada avant de présenter sa demande d'asile était un facteur pertinent.

QUESTIONS EN LITIGE

[11]       La seule question soumise à la Cour est de savoir si la Commission a commis une erreur de droit en tirant des conclusions quant à la crédibilité qui ne s'appuyaient pas sur la preuve dont elle était saisie.

NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE

[12]       La Commission de l'immigration et du statut de réfugié a une expertise bien établie lorsqu'il s'agit de trancher des questions de fait, et notamment d'évaluer la crédibilité des demandeurs d'asile. En fait, l'appréciation des faits est au coeur même de la compétence de la Commission. En tant que juge des faits, la Commission est autorisée à tirer des conclusions raisonnables quant à la crédibilité du récit du demandeur en se fondant sur le manque de vraisemblance, le bon sens et la raison. En conséquence, pour que la Cour puisse annuler une conclusion de fait de la Commission, il faut démontrer que cette conclusion est manifestement déraisonnable : Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, au paragraphe 40, et Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.).


ANALYSE

À l'audition de la présente demande, M. Rahman a reconnu l'existence d'une contradiction dans sa preuve en ce qui touche la question de savoir si les hommes de main de la LA étaient allés chez lui ou à son lieu de travail dans l'espoir de le retrouver. M. Rahman concède donc que la première conclusion de la Commission s'appuie sur la preuve.

[13]            De même, le défendeur a reconnu qu'il n'y avait aucune contradiction dans le témoignage de M. Rahman quant à savoir si la LA constituait toujours pour lui un danger après son départ du pays. Le défendeur a concédé que la deuxième conclusion de la Commission ne s'appuyait pas sur la preuve.

[14]            Pour ce qui est des autres conclusions de la Commission, M. Rahman soutient que la Commission devrait se garder de montrer trop d'empressement à mettre en doute la crédibilité d'un demandeur d'asile, en particulier lorsque celui-ci a témoigné avec l'aide d'un interprète. La Commission ne peut tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité en ne tenant aucun compte des éléments de preuve soumis par le demandeur, lorsque ceux-ci expliquent les contradictions apparentes.

[15]            Un examen des motifs de la Commission indique que celle-ci a analysé la preuve avec soin. Elle a comparé le témoignage que M. Rahman a produit à l'audience aux renseignements qu'il avait déjà fournis. La Commission a souligné que le témoignage de M. Rahman était entaché de contradictions, de scénarios implausibles et d'explications insatisfaisantes, et elle a fondé ses conclusions sur l'ensemble de la preuve dont elle était saisie. Ayant examiné la transcription, ainsi que le FRP de M. Rahman, je peux dire que je n'aurais peut-être pas tiré les mêmes conclusions que la Commission sur certains des points relevés par M. Rahman, mais je ne peux toutefois pas affirmer que les conclusions de fait de la Commission étaient manifestement déraisonnables.

[16]            En bout de ligne, il semble que la Commission a tiré une conclusion erronée, soit la conclusion suivant laquelle il y avait une contradiction dans le témoignage de M. Rahman quant à savoir si la LA constituait pour lui un danger après son départ du Bangladesh. Il s'agit donc de déterminer si la Commission aurait rendu une décision différente sur la demande de M. Rahman si elle avait correctement interprété la preuve sur ce point : Owusu c. Canada (Commission de l'emploi et de l'immigration), [1988] A.C.F. 434. Il ressort de l'examen des motifs de la Commission que la conclusion de la Commission sur ce point ne constituait pas un élément essentiel de la décision. Vu tous les autres problèmes de la preuve de M. Rahman, je ne suis pas convaincue que cette erreur soit suffisamment importante pour justifier l'intervention de la Cour. En conséquence, la demande est rejetée.


CERTIFICATION

[17]       Ni l'une ni l'autre des parties n'a soulevé une question à certifier.

                                                     O R D O N N A N C E

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Aucune question sérieuse de portée générale n'est certifiée.

« Anne L. Mactavish »

Juge

OTTAWA

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                      COUR FÉDÉRALE

Date : 20040218

Dossier : IMM-5131-03

ENTRE :

                       AKASH RAHMAN

                                                            demandeur

                                      et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                      

MOTIFS DE L'ORDONNANCE et

ORDONNANCE

                                                                      


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-5131-03

INTITULÉ :                                                    AKASH RAHMAN

c.

MCI     

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 12 FÉVRIER 2004

ORDONNANCE ET MOTIFS

DE L'ORDONNANCE :                                LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :                                   LE 18 FÉVRIER 2004

COMPARUTIONS :

Lorne Waldman                                                 POUR LE DEMANDEUR

Greg George                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lorne Waldman                                                 POUR LE DEMANDEUR                               

Avocat

Toronto (Ontario)

Ministère de la Justice                            POUR LE DÉFENDEUR

Toronto (Ontario)


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.