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Date : 20040216

Dossier : T-23-04

Référence : 2004 CF 240

ENTRE :

                                              THE MORESBY EXPLORERS LTD.

et DOUGLAS GOULD

                                                                                                                                          demandeurs

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

[1]                 Les présents motifs concernent une partie d'une requête que les demandeurs ont présentée en vue d'obtenir l'audition accélérée de leur demande de contrôle judiciaire.

[2]                 Les demandeurs exploitent une entreprise de services touristiques à délai d'exécution critique dans les îles de la Reine-Charlotte et demandent un contrôle accéléré en se fondant sur leur permis d'exploitation relatif à l'année 2004.


[3]                 Le contrôle judiciaire est une procédure sommaire visant à assurer la révision des décisions dans un délai raisonnable. La question de savoir ce qu'est un délai raisonnable dépend des circonstances propres à chaque cas. Assez souvent, le délai prescrit dans les Règles est approprié; cependant, dans certains cas, il se peut que le délai normal n'assure pas une participation en bonne et due forme ou un règlement du différend dans un laps de temps raisonnable ou encore, comme c'est le cas en l'espèce, empêche d'obtenir une réparation significative. Ce problème se pose particulièrement dans le cas d'un permis annuel qui, si la demande de contrôle judiciaire est traitée à l'intérieur du délai prescrit dans les Règles, eu égard à la période d'attente normale précédant la date d'audition, aura expiré depuis longtemps, de sorte que la partie demanderesse aura perdu les possibilités d'exploitation qu'il représente et sera aux prises avec la même tâche ingrate l'année suivante. C'est effectivement ce qui s'est produit en l'espèce.

[4]                 Plusieurs années plus tôt, les demandeurs ont présenté une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale au sujet de leur permis de 1999. Cette demande, qui ne concernait pas une décision permanente, a été entendue tardivement et, étant donné qu'aucune prorogation n'a été accordée, est également devenue sans objet, de sorte que la Cour fédérale a refusé de l'entendre. Elle a toutefois précisé que, si les délais prescrits dans les Règles étaient trop courts, une demande d'audition accélérée pourrait être présentée. Après avoir fait une nouvelle tentative relativement à leur permis de 2001, les demandeurs se sont vu refuser une audition accélérée et la décision favorable de la Cour fédérale a été reçue trop tard pendant l'été pour avoir la moindre utilité.


[5]                 Les demandeurs sollicitent aujourd'hui une audition accélérée de la présente demande, qui est fondée sur une décision concernant leur permis pour l'année 2004, une nouvelle attribution des quotas et un argument lié à la Charte. Je souligne ici que l'avocat a déjà produit un avis de question constitutionnelle. L'avocat des demandeurs précise que, étant donné que la procédure administrative a été fixée dans le dernier litige dont la décision a été favorable pour ses clients, mais rendue trop tard, la présente demande pourrait être entendue en un jour.

[6]                 Dans Edwin Pearson c. La Reine, T-290-99, décision non publiée du 23 février 2000, le juge O'Keefe a souligné que la partie qui présente une demande d'audition accélérée devrait, « soit démontrer qu'il y a une certaine urgence, soit invoquer toute autre raison justifiant une telle ordonnance » , citant Prince Edward Island (Potato Bd) c. Canada (Ministre de l'Agriculture), (1992) 56 F.T.R. 150 (C.F. 1re inst.).

[7]                Dans Apotex Inc. et Novopharm Ltd. c. Wellcome Foundation Ltd., (1998) 228 N.R. 355, la Cour d'appel fédérale a été plus explicite et a examiné la question de l'audition accélérée sous deux aspects différents en se demandant si une question sérieuse se pose au sujet d'un préjudice irréparable et si la partie qui s'oppose à l'audition accélérée subira un préjudice.


[8]                 Même si l'avocat du défendeur soutient que l'affaire ne soulève pas de questions de droit administratif simples et directes que la Cour peut trancher rapidement, il n'y a pas non plus d'allégation de préjudice. J'accorde ici une certaine importance à l'affirmation de l'avocat fondée sur l'affidavit du demandeur Gouglas Gould, selon laquelle les questions de nature administrative ont été réglées dans l'instance précédente, de sorte que l'affaire peut être entendue en une journée : l'avocat a de l'expérience. J'examine maintenant l'aspect de l'urgence.

[9]                 Le premier point que l'avocat du défendeur soulève au sujet de l'urgence est le fait que le permis d'exploitation relatif à l'année 2004 a été délivré vers le 8 décembre 2003; pourtant, le présent avis de demande n'a été délivré et signifié que le 7 janvier 2004, un mois plus tard. Ce délai me préoccupe jusqu'à un certain point, mais il faut se rappeler qu'il est souvent difficile d'organiser et d'engager un litige pendant la période de Noël : je souligne en passant que M. Gould, qui est président de la société demanderesse, habite dans les îles de la Reine-Charlotte. J'accorde donc peu d'importance à ce premier délai.

[10]            Il est indéniable que les demandeurs soulèvent une question sérieuse.

[11]            La preuve présentée au sujet de l'urgence de la nécessité d'obtenir une forme de rajustement de permis pour tenir compte d'un accroissement prévu de la capacité commerciale est contradictoire. Dans l'ensemble, en dépit du fait que la perte anticipée de clients serait une perte de revenus qui ne pourrait nullement être recouvrée, la preuve des demandeurs n'établit pas un degré de certitude suffisant pour permettre de conclure à un préjudice irréparable sur cet aspect.


[12]            Le déni d'une audition en temps opportun devant la Cour causerait cependant un préjudice irréparable. Les demandeurs ont vu leur première tentative devant la Cour échouer en 2000 en partie parce que la question était devenue théorique, aspect que le juge Pelletier a longuement commenté. La deuxième demande a donné lieu à une victoire coûteuse en temps et en argent et inutile en bout de ligne, parce que la décision a été rendue trop tard.

[13]            Si les demandeurs devaient s'en tenir aux délais prescrits par les Règles et attendre ensuite une date d'audience, il est probable qu'ils ne pourraient présenter leur cause en temps opportun en ce qui concerne le permis de cette année. Ce serait là un préjudice irréparable qu'il est possible d'empêcher uniquement au moyen d'une audition accélérée.

[14]            La présente demande de contrôle judiciaire sera donc traitée selon un échéancier menant à une audition accélérée.

(S.) « John A. Hargrave »

Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique)

16 février 2004

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.


                                                                                  COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS LA COMPARUTION DES PARTIES

DOSSIER :                                                     T-23-04

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         The Moresby Explorers Ltd. et al. c. Le procureur général du Canada

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               le protonotaire Hargrave

DATE DES MOTIFS :                                   le 16 février 2004

OBSERVATIONS ÉCRITES:         

Christopher Harvey, c.r.                                    POUR LES DEMANDEURS

Sean Gaudet                                                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MacKenzie Fujisawa                                         POUR LES DEMANDEURS

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

Morris A. Rosenberg                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Vancouver (Colombie-Britannique)


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