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Date : 20210422


Dossier : T‑227‑17

Référence : 2021 CF 357

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 22 avril 2021

En présence de monsieur le juge Fothergill

ENTRE :

DTECHS EPM LTD

demanderesse/

défenderesse reconventionnelle

et

BRITISH COLUMBIA HYDRO AND POWER AUTHORITY ET AWESENSE WIRELESS INC.

défenderesses/

demanderesses reconventionnelles

ORDONNANCE ET MOTIFS

(DÉPENS)

I. Aperçu

[1] La présente ordonnance porte sur les dépens et débours que dTechs epm Ltd [dTechs] doit verser à British Columbia Hydro and Power Authority [BC Hydro] et à Awesense Wireless Inc. [Awesense] par suite du jugement de notre Cour dans l’affaire dTechs epm Ltd c British Columbia Hydro and Power Authority, 2021CF 190 [dTechs].

[2] Dans dTechs, la Cour a statué que le brevet canadien 2 549 087 [brevet 087], intitulé « Système de contrôle de profil électrique pour détecter une consommation anormale », n’est contrefait ni par BC Hydro ni par Awesense, ni par ces deux sociétés, et qu’il est invalide pour cause d’antériorité et d’évidence. La Cour a rejeté l’allégation de contrefaçon de dTechs, et a accueilli les demandes reconventionnelles d’invalidité de BC Hydro et d’Awesense.

[3] Pour les motifs exposés ci‑après, BC Hydro et Awesense se voient attribuer des dépens, y compris des débours raisonnables, conformément à l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif B des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles]. La taxation des dépens comprendra le doublement des valeurs tarifaires, mais non des débours, après les dates des offres de règlement respectives des défenderesses. Les intérêts après jugement seront calculés selon un taux annuel de 2,5 %.

II. Positions des parties

A. BC Hydro

[4] BC Hydro affirme avoir déboursé 1 597 994,75 $ en honoraires d’avocat et 232 686,71 $ en débours (taxes comprises dans les deux cas) pour se défendre contre l’action de dTechs et pour présenter sa demande reconventionnelle. BC Hydro demande l’adjudication d’une somme globale de 881 061,98 $, calculée de la façon suivante :

a) 325 272,47 $ pour les honoraires d’avocat jusqu’au 30 octobre 2020 inclusivement, soit un remboursement de 33,3 % des frais réels engagés à ce titre;

b) 318 102,80 $ pour les honoraires d’avocat du 31 octobre 2020 jusqu’à la facture finale, soit un remboursement de 66,7 % des frais réels engagés à ce titre;

b) 232 686,71 $ pour les débours, soit leur remboursement en totalité;

d) 5 000 $ pour les questions après jugement, y compris l’examen de la décision et les observations relatives aux dépens, soit un remboursement de 33,3 % des frais engagés à ce titre.

[5] BC Hydro affirme qu’une somme globale représentant au moins le tiers des honoraires réels payés est justifiée en raison de la complexité de l’action et le fait que BC Hydro a eu gain de cause sur toutes les questions. L’instance a nécessité dix jours de procès, six jours d’interrogatoire préalable, de multiples séries de rapports d’experts (totalisant plus de 300 pages pour l’expert de BC Hydro à lui seul) et des témoignages au procès de neuf témoins des faits et de trois témoins experts.

[6] BC Hydro soutient que le tarif B ne prévoit pas une indemnisation adéquate pour les frais engagés par un plaideur dans un litige complexe relatif à un brevet, et que la Cour a adopté une approche d’indemnisation partielle qui accorde une somme globale correspondant à un pourcentage des frais réels engagés (citant Dow Chemical Co c Nova Chemicals Corp, 2016 CF 91; Sport Maska Inc c Bauer Hockey Ltd, 2019 CAF 204; Allergan Inc c Sandoz Canada Inc, 2021CF 186 [Allergan] et Packers Plus Energy Services Inc c Essential Energy Services Ltd, 2020 CF 68). La Cour d’appel fédérale a récemment confirmé que les sommes globales se situant entre le quart et le tiers des frais réels sont la norme (Apotex Inc c Shire LLC, 2021CAF 54 [Shire] au para 22).

[7] Le 30 octobre 2020, soit 17 jours avant le procès, BC Hydro a présenté à dTechs une offre de règlement de l’action que dTechs pouvait accepter jusqu’à une minute après le début du procès. BC Hydro soutient qu’en vertu de l’article 420 des Règles, toute somme globale adjugée pour les honoraires d’avocat engagés après la date de son offre de règlement devrait être doublée.

[8] BC Hydro demande donc que son indemnisation pour les honoraires d’avocat du 31 octobre 2020 jusqu’à la date du jugement représente 66,7 % des frais réels engagés à ce titre. Pour la période allant jusqu’au 30 octobre 2020 inclusivement, BC Hydro demande que le montant adjugé représente 33,3 % des frais réels (rajustés pour tenir compte des montants ayant fait l’objet des ordonnances antérieures du tribunal).

[9] BC Hydro affirme que ses honoraires d’avocat et ses débours réels étaient justifiés et appropriés pour présenter une défense pleine et entière dans le cadre de l’action. BC Hydro affirme également que dTechs a augmenté inutilement les honoraires d’avocat de BC Hydro.

[10] À titre subsidiaire, si les dépens doivent être déterminés conformément au tarif B, BC Hydro demande qu’ils soient adjugés en fonction de l’échelon supérieur de la colonne V et que l’évaluation comprenne le doublement des dépens après la date de l’offre de règlement. BC Hydro a préparé un projet de mémoire de dépens comprenant des honoraires d’avocat de 488 131,48 $ et des débours de 232 686,71 $. L’indemnité totale serait donc de 720 818,19 $, ce qui comprend les frais, les débours et les taxes.

[11] BC Hydro affirme avoir droit à un remboursement de 100 % des débours engagés pour sa défense dans la cadre de l’action. Il s’agit selon elle d’une somme raisonnable compte tenu des questions soulevées et au regard d’autres actions en contrefaçon de brevet (citant Betser‑Zilevitch c Petrochina Canada Ltd, 2021 CF 151; Camso Inc c Soucy International Inc, 2019 CF 816; et Apotex Inc c Shire LLC, 2018 CF 1106).

[12] BC Hydro demande des intérêts après jugement sur tous les frais et débours, du 1er mars 2021 jusqu’au paiement, et soutient qu’un taux de 2,5 % est raisonnable à la lumière des récentes indications de la Cour dans Seedlings Life Science Ventures, LLC c Pfizer Canada SRI, 2020 CF 505 [Seedlings].

B. Awesense

[13] Awesense demande que lui soit octroyés 434 103 $, montant calculé selon l’échelon supérieur de la colonne V du tarif B et comprenant 392 112 $ en honoraires d’avocat et 41 991 $ en débours. Le projet de mémoire de dépens d’Awesense prévoit le double des dépens à partir du 24 avril 2020, date à laquelle Awesense a fait une offre de règlement, conformément à l’article 420 des Règles.

[14] Awesense soutient que les facteurs suivants militent en faveur d’une adjudication de dépens majorés :

a) Awesense a eu entièrement gain de cause dans sa défense et sa demande reconventionnelle, et la Cour n’a laissé aucun doute sur le fait que la théorie de contrefaçon de dTechs contre Awesense était profondément viciée;

b) Awesense a proposé que dTechs et Awesense mettent fin à leur demande et à leur demande reconventionnelle respectives, sans dépens, et qu’Awesense verse un montant de 10 000 $ à dTechs. L’offre de règlement d’Awesense n’a pas été retirée avant le début du procès et était conforme à l’article 420 des Règles;

c) la défense dans le cadre de l’action de dTechs nécessitait l’examen de questions juridiques et techniques complexes;

d) en dépit d’une étroite collaboration avec BC Hydro, Awesense a dû consacrer des ressources importantes pour se défendre contre les allégations de dTechs;

e) dTechs a persisté dans sa réclamation injustifiée contre Awesense, et a en fait élargi la réclamation en décembre 2019 pour affirmer qu’Awesense a incité BC Hydro à contrefaire le brevet 087 et a agi de concert avec BC Hydro.

[15] Dans la mesure où dTechs invoque sa petite taille et ses moyens limités pour s’opposer à une adjudication de dépens importants, Awesense fait remarquer qu’elle est également une petite entreprise en démarrage qui dispose de ressources limitées.

[16] Awesense fait valoir que ses honoraires d’avocat réels sont considérablement inférieurs à ceux habituellement engagés dans les procédures en matière de brevet d’une complexité et d’une ampleur semblables. Elle s’est efforcée de rationaliser ses moyens de défense, malgré le risque de litige qui en découlait, et affirme qu’elle devrait être généreusement indemnisée pour la manière efficace dont elle a assuré sa défense.

C. dTechs

[17] dTechs soutient que les demandes de dépens des défenderesses devraient être entièrement rejetées. Elle demande à la Cour de tenir compte de la triple finalité de l’adjudication des dépens, à savoir l’indemnisation, l’incitation à parvenir à un règlement et la dissuasion de comportements abusifs.

[18] dTechs fait valoir que BC Hydro ne cherche pas à être indemnisée, mais plutôt à punir. Elle fait remarquer qu’elle ne s’est pas opposée à la disjonction des procédures en étapes distinctes pour les questions de responsabilité et de réparation, réduisant ainsi les dépens de toutes les parties. Compte tenu de l’importance et de la complexité des questions en litige et du déséquilibre entre les parties, dTechs maintient que chaque partie devrait assumer ses propres dépens. À titre subsidiaire, dTechs affirme que tous les dépens devraient être évalués conformément à la colonne inférieure du tarif B.

[19] dTechs affirme qu’il n’y a pas eu de véritable offre de règlement fondée objectivement sur le dossier de preuve. Avant le procès, il ne pouvait y avoir d’évaluation de la preuve principale, exception faite de la preuve limitée présentée à l’interrogatoire préalable. Il n’était pas non plus possible de prédire avant le procès comment les questions juridiques seraient en fin de compte tranchées.

[20] dTechs maintient qu’elle a donné suite à son action en contrefaçon aussi efficacement que possible. En revanche, les défenderesses ont présenté toutes les défenses et les demandes reconventionnelles imaginables, que cela soit nécessaire ou utile ou pas, et ont pris toutes les mesures possibles pour accroître le travail de dTechs.

[21] dTechs rappelle que l’intérêt public est un facteur important à prendre en considération et que l’adjudication des dépens ne devrait pas empêcher l’accès à la justice.

[22] dTechs souligne également que les défenses et les demandes reconventionnelles des deux défenderesses ne divergeaient pas, sauf à l’égard d’aspects mineurs qui reflétaient leurs systèmes respectifs. Dans la mesure où Awesense peut avoir droit à des dépens, dTechs affirme qu’elle ne devrait recevoir des dépens qu’en ce qui concerne les aspects particuliers de sa défense.

[23] Si des dépens doivent être adjugés aux défenderesses, dTechs demande que l’affaire soit renvoyée à un officier taxateur pour que dTechs ait pleinement l’occasion de présenter une réponse.

III. Analyse

[24] L’adjudication de dépens, y compris la détermination du montant de ceux‑ci, est une question qui relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour (paragraphe 400(1) des Règles; Canada (Procureur général) c Rapiscan Systems Inc, 2015 CAF 97 au para 10).

A. Des dépens sous forme de somme globale devraient‑ils être adjugés?

[25] L’adjudication d’une somme globale est expressément envisagée au paragraphe 400(4) des Règles et elle peut servir à promouvoir l’objectif de ces règles d’apporter une « solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible » (article 3 des Règles; Nova Chemicals Corporation c Dow Chemical Company, 2017 CAF 25 [Nova] au para 11). L’adjudication d’une somme globale peut être une solution particulièrement appropriée dans une affaire complexe où le calcul précis des dépens serait une tâche inutilement laborieuse et onéreuse. Cela dit, il incombe à la partie qui demande l’adjudication de dépens majorés de démontrer en quoi ses circonstances le justifient (Nova, au para 12 et 13).

[26] Les parties au présent litige ne sont pas des parties commerciales avisées comparables aux parties dans l’affaire Nova. dTechs et Awesense sont de petites entreprises en démarrage qui disposent de ressources limitées. BC Hydro est quant à elle une société financée par les deniers publics qui ne prend pas part à des litiges en matière de brevets dans le cadre normal de ses activités.

[27] La plainte de dTechs selon laquelle les défenderesses, en particulier BC Hydro, ont présenté toutes les défenses et toutes les demandes reconventionnelles imaginables, que cela soit nécessaire ou utile ou pas, a un certain fondement. En plus de se défendre contre l’allégation de contrefaçon de dTechs, BC Hydro a avancé dans sa demande reconventionnelle que le brevet 087 était invalide pour cause (i) d’anticipation, (ii) d’évidence, (iii) d’insuffisance, (iv) d’inutilité, (v) de portée excessive et (vi) d’objet non brevetable.

[28] BC Hydro a également fait valoir que dTechs n’avait pas qualité pour invoquer la contrefaçon ou défendre la validité du brevet 087 parce que l’inventeur, Roger Morrison, a mis au point sa méthode dans le cadre de son emploi au Service de police de Calgary. Awesense a appuyé la contestation de la propriété légitime du brevet 087 par dTechs.

[29] De plus, BC Hydro a invoqué une défense [traduction] d’« utilisateur antérieur » fondée sur l’article 56 de la Loi sur les brevets, même si la version modifiée de cette disposition est entrée en vigueur seulement en octobre 2018, soit plusieurs mois après le début de l’action intentée en février 2017. BC Hydro a également invoqué une défense d’autorisation législative, affirmant qu’elle ne pouvait pas contrefaire le brevet 087 parce que l’établissement, l’approvisionnement et l’utilisation des dispositifs de comptage de son réseau de distribution étaient autorisés par la législation de la Colombie‑Britannique.

[30] Compte tenu de toutes ces considérations, il ne s’agit pas d’un cas approprié pour l’adjudication d’une somme globale comprenant un pourcentage des honoraires d’avocat réellement payés par les défenderesses. Je remarque que seule BC Hydro a demandé une somme globale. Awesense demande que les dépens soient évalués conformément au tarif.

B. Des dépens devraient‑ils être adjugés en vertu du tarif?

[31] Une partie ayant eu gain de cause et qui a eu à engager des frais liés au procès a le droit d’être indemnisée dans les limites prescrites par les Règles. Le manque de ressources nécessaires d’une partie n’est pas un facteur pertinent en matière de taxation des dépens (Leuthold c Société Radio‑Canada, 2014 CAF 174 au para 12).

[32] Pour adjuger les dépens, la Cour tient compte des facteurs énumérés au paragraphe 400(3) des Règles. Voici les principaux facteurs qui orientent la taxation des dépens dans la présente instance :

a) le résultat de l’instance;

b) l’importance et la complexité des questions en litige;

c) toute offre écrite de règlement;

d) la charge de travail;

e) la conduite d’une partie qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement la durée de l’instance.

[33] BC Hydro et Awesense ont toutes deux eu entièrement gain de cause dans leurs défenses dans le cadre des actions et dans leurs demandes reconventionnelles. Les deux défenderesses ont droit aux dépens.

[34] Bien qu’elles aient une importance publique limitée, les questions et leur complexité justifiaient que les deux défenderesses consacrent des ressources appropriées à ces questions et cette complexité pour défendre leurs intérêts respectifs.

[35] BC Hydro cite un certain nombre d’affaires où la Cour a adjugé des dépens selon l’échelon supérieur de la colonne V dans des litiges complexes relatifs à des brevets. Toutefois, l’essence de la présente affaire était moins complexe que de nombreux différends en matière de propriété intellectuelle. Une grande partie de la complexité de la présente procédure découle de la myriade de questions soulevées par BC Hydro dans sa défense et sa demande reconventionnelle. Awesense a bénéficié de l’approche globale de BC Hydro à l’égard du litige, en adoptant les positions de BC Hydro ou en présentant ses propres positions, selon ce qu’elle jugeait le plus avantageux.

[36] L’arrêt Shire récemment rendu par la Cour d’appel fédérale et une décision récente de notre Cour, Allergan, sont deux précédents sur lesquels BC Hydro s’est fondée pour sa demande d’adjudication d’une somme globale. Bien que ces deux affaires aient donné lieu à l’adjudication de dépens sous forme d’une somme globale, dans l’arrêt Shire, le juge Donald Rennie a reconnu que l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif est couramment retenu dans les litiges en matière de propriété intellectuelle (au para 11, citant Leuthold c Société Radio‑Canada, 2012 CF 1257 au para 92, et Eurocopter c Bell HelicopterTextron Canada Limitée, 2012 CF 842 au para 22). Dans la décision Allergan, le juge en chef Paul Crampton a reconnu que, dans les cas de différends relatifs aux brevets (particulièrement dans le contexte pharmaceutique), l’échelon supérieur de la colonne IV est souvent considéré comme raisonnable et approprié (au para 26, citant Sanofi‑Aventis Canada Inc c Novopharm Limitée, 2009 CF 1139, conf par 2012 CAF 265; Novopharm Limited c Eli Lilly and Company, 2010 CF 1154; Apotex Inc c Sanofi‑Aventis, 2012 CF 318; et Comité des Règles de la Cour d’appel fédérale et de la Cour fédérale, Examen des règles relatives aux dépens : Document de travail, 5 octobre 2015, à la p 9).

[37] Pour les motifs expliqués précédemment, je considère que l’échelon supérieur de la colonne IV est approprié pour les dépens dans la présente affaire.

[38] Les offres de règlement présentées à dTechs par BC Hydro le 30 octobre 2020 et par Awesense le 24 avril 2020 étaient toutes deux conformes à l’article 420 des Règles. En vertu de l’article 420(2)b), chacune des défenderesses a droit aux dépens partie‑partie jusqu’à la date de signification de l’offre et, par la suite et jusqu’à la date du jugement, au double de ces dépens, mais non au double des débours.

[39] dTechs n’a pas contesté les projets de mémoire des dépens présentés par BC Hydro et Awesense, sauf en ce qui concerne la colonne applicable du tarif B. dTechs demande également que les dépens adjugés à Awesense soient limités aux points particuliers de sa défense.

[40] Les positions de BC Hydro et d’Awesense concordaient à bien des égards, mais il y avait un risque évident de conflit d’intérêts. Je ne reproche pas à Awesense d’avoir présenté sa défense et sa demande reconventionnelle de façon indépendante. De plus, la réclamation de dTechs contre Awesense a toujours été douteuse (voir dTechs aux para 177‑179). Ce n’est qu’au procès que dTechs a abandonné son allégation de contrefaçon directe contre Awesense.

[41] Chacune des défenderesses a donc droit à ses propres dépens, y compris les débours.

C. Quel devrait être le taux des intérêts après jugement?

[42] dTechs n’a pas répondu à la demande de BC Hydro relativement aux intérêts après jugement de 2,5 %. Dans la récente décision Seedlings, le juge Sébastien Grammond a fixé l’intérêt après jugement à 2,5 %, compte tenu du caractère compensatoire de l’intérêt, des taux commerciaux en vigueur, du taux qui aurait résulté de l’application de la loi provinciale sur l’intérêt, du taux d’intérêt après jugement de l’Ontario et de la tendance à la baisse des taux d’intérêt (aux para 39‑40).

[43] La cause d’action de dTechs est survenue en Colombie‑Britannique, et l’action a été introduite dans ce greffe. Le taux d’intérêt après jugement en Colombie‑Britannique est actuellement de 2,45 %. Je suis donc d’accord avec BC Hydro pour dire qu’un taux de 2,5 % pour les intérêts après jugement est raisonnable en l’espèce.

D. Broy Engineering devrait‑elle être solidairement responsable des dépens?

[44] BC Hydro affirme que Broy Engineering [Broy] a fourni du financement pour l’action de dTechs, à tout le moins un cautionnement pour les dépens, et qu’elle aurait bénéficié de toute décision favorable à l’issue du litige. Selon BC Hydro, cela fait de Broy un bailleur de fonds pour le litige. Awesense souscrit à la position de BC Hydro.

[45] BC Hydro soutient que la Cour a compétence, en vertu du paragraphe 400(1) des Règles, pour enjoindre à un tiers de payer des dépens dans certaines circonstances. Au paragraphe 10 de Bellegarde c Poitras, 2009 CF 1212 [Bellegarde], le juge Russel Zinn a conclu qu’un tiers payait les frais juridiques des défendeurs et aurait vraisemblablement bénéficié de dépens adjugés aux défendeurs. Le tiers a donc été tenu responsable des dépens adjugés à la demanderesse.

[46] Peter Roy, président et propriétaire de Broy, a été interrogé au sujet de la participation de son entreprise dans dTechs et dans le présent litige. M. Roy a reconnu que Broy s’est chargé de la fourniture du cautionnement pour les dépens, conformément à l’ordonnance de la protonotaire Mandy Aylen datée du 1er mai 2020, et qu’il a autorisé les lettres de crédit au nom de Broy. Il a également reconnu qu’il existe une entente écrite entre Broy et dTechs pour un [traduction] « rendement du capital investi », mais seulement à l’égard du cautionnement pour les dépens. Lorsque M. Roy s’est vu demander s’il s’agissait d’un [traduction] « rendement du capital investi dans le litige lui‑même », il a répondu par l’affirmative. Il ne s’est pas vu poser d’autres questions sur la nature de l’entente, sur la question de savoir si Broy avait financé le litige de quelque façon que ce soit au‑delà de la fourniture du cautionnement pour les dépens, ou sur ce que pourrait être le [traduction] « rendement du capital investi ».

[47] La demande de BC Hydro visant à ce que Broy soit tenue solidairement responsable de tous dépens adjugés contre dTechs n’a pas de fondement probatoire adéquat. De plus, pour des raisons d’équité procédurale, les tiers doivent être avisés de l’intention d’une partie de demander qu’ils soient condamnés au paiement de dépens (1318847 Ontario Limited c Laval Tool & Mould Ltd, 2017 ONCA 184 au para 79, citant St James’ Preservation Society c Toronto (City), 2007 ONCA 601 aux para 48‑55). Compte tenu du dossier de preuve inadéquat et de l’absence de préavis, la demande de BC Hydro et d’Awesense pour que Broy soit tenue solidairement responsable des dépens doit être rejetée.

IV. Conclusion

[48] BC Hydro et Awesense ont chacune droit à des dépens, y compris des débours raisonnables, conformément à l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif B des Règles. L’évaluation des dépens comprendra le doublement des valeurs tarifaires, mais non des débours, après les dates des offres de règlement respectives des défenderesses. Les intérêts après jugement seront calculés selon un taux annuel de 2,5 %.

[49] Si les parties sont incapables de s’entendre sur les dépens, y compris les débours, payables en vertu de la présente ordonnance et des présents motifs, l’affaire sera renvoyée à un officier taxateur pour décision.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1. Les dépens, y compris les débours, payables à la défenderesse British Columbia Hydro and Power Authority par la demanderesse dTechs epm Ltd seront taxés selon l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif B des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles]. Les dépens (mais pas les débours) seront calculés au double du taux tarifaire du 30 octobre 2020 au 1er mars 2021.

2. Les dépens, y compris les débours, payables à la défenderesse Awesense Wireless Inc par la demanderesse dTechs epm Ltd seront évalués selon l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif B des Règles. Les dépens (mais pas les débours) seront calculés au double du taux tarifaire du 24 avril 2020 au 1er mars 2021.

3. Si les parties sont incapables de s’entendre sur les dépens, y compris les débours, payables en vertu de la présente ordonnance, l’affaire sera renvoyée à un officier taxateur pour décision.

4. Les intérêts après jugement seront calculés selon un taux annuel de 2,5 % à compter de la date de la présente ordonnance.

« Simon Fothergill »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑227‑17

 

INTITULÉ :

DTECHS EPM LTD c BRITISH COLUMBIA HYDRO AND POWER AUTHORITY ET AWESENSE WIRELESS INC

 

OBSERVATIONS SUR LES DÉPENS EXAMINÉES À OTTAWA (ONTARIO) CONFORMÉMENT À LA DÉCISION RENDUE PAR LA COUR sous la référence 2021 CF 190

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE FOTHERGILL

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :

LE 22 AVRIL 2021

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Christian J. Popowich

 

POUR LA DEMANDERESSE/

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

Michael Crichton

Nelson Godfrey

Marc Crandall

Charlotte Dong

Vincent de Grandpré

Kenza Salah

POUR LA DÉFENDERESSE/

DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

British Columbia Hydro and Power Authority

POUR LA DÉFENDERESSE/

DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

Awesense Wireless Inc

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Code Hunter LLP

Calgary (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE/

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE


 

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Ottawa (Ontario)

Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE/

DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

British Columbia Hydro and Power Authority


POUR LA DÉFENDERESSE/

DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

Awesense Wireless Inc

 

 

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