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Date : 20050525

Dossier : IMM-5405-04

Référence : 2005 CF 742

Ottawa (Ontario), le 25 mai 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

JASKARAN SINGH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l'article 72 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi) à l'égard d'une décision datée du 13 mai 2004 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a statué que M. Jaskaran Singh (le demandeur) n'était pas un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi.

[2]                Le demandeur, citoyen de l'Inde, soutient être une personne à protéger.

[3]                Voici les faits qu'il invoque à l'appui de sa demande.

[4]                Les problèmes du demandeur ont commencé pendant ses vacances dans le Jammu-et-Cachemire, en 2002, où il a rencontré un homme appelé Jahid. Le demandeur et Jahid ont décidé de créer une entreprise de vente d'articles en laine. Pendant le mois de décembre 2002, la police s'est présentée à la maison du demandeur et y a trouvé un sac appartenant à Jahid; ce sac contenait des vêtements de laine, mais aussi des explosifs. Le demandeur soutient que la police l'a alors arrêté, l'a amené au poste de police et l'a torturé; il aurait été relâché trois jours plus tard grâce à un pot-de-vin versé par les membres du conseil de son village.

[5]                Le 20 février 2003, la police a de nouveau perquisitionné dans la maison du demandeur et a arrêté et a torturé ce dernier sous prétexte qu'il refusait de transmettre des renseignements sur les allées et venues de Jahid. La police a ensuite menacé de tuer le demandeur si ce dernier ne fournissait pas de renseignements sur Jahid et son groupe au plus tard le 1er avril 2003.

[6]                Le 15 mars 2003, le père du demandeur a rencontré un agent afin d'organiser sa sortie de l'Inde en toute sécurité. Avec l'aide de l'agent, le demandeur a été inscrit au University College of the Cariboo à Kamloops (Colombie-Britannique) et il a pu entrer au Canada le 1er mai 2004 muni d'un visa d'étudiant.

[7]                Peu après le début des cours, le demandeur a abandonné ses études afin de renvoyer le montant des frais d'inscription en Inde dans le but d'aider sa famille. Son visa d'étudiant a par la suite été invalidé, mais il désire maintenant demeurer au Canada à titre de réfugié au sens de la Convention.

[8]                La Commission a estimé que le demandeur n'était pas crédible. La Commission a jugé que la version des faits elle-même du demandeur n'était pas plausible, qu'elle était incohérente et qu'elle contenait des omissions et des contradictions. Le demandeur n'a pas réussi à clarifier ces problèmes au moment où la Commission lui a donné l'occasion de le faire.

[9]                La norme de contrôle judiciaire concernant une décision sur la crédibilité, fondée principalement sur des questions de fait, est la norme de la décision manifestement déraisonnable : Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. n ° 732 (C.A.) (QL); N'Sungani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. n ° 2142 (C.F.) (QL).

[10]            Le demandeur soutient que le tribunal ne peut se prononcer sur sa crédibilité à partir d'un examen poussé et [traduction] « microscopique » de questions n'ayant pas de liens ou n'ayant qu'un lien ténu avec l'affaire. Malgré cela, de nombreux motifs ont été mentionnés à l'appui de la conclusion selon laquelle le demandeur n'avait pas de crédibilité, et aucun d'entre eux ne semble dépourvu de liens ou n'avoir qu'un lien ténu avec l'espèce.

[11]            Premièrement, au cours de son entrevue le 26 août 2003, le demandeur a omis de mentionner des mauvais traitements qu'il aurait subis de la part de la police en Inde, même si l'une des questions visait à obtenir des détails sur les arrestations ou les détentions par la police ou l'armée dans son pays d'origine. Cependant, dans son FRP et son témoignage oral, le demandeur a soutenu qu'il avait été arrêté et détenu à deux occasions différentes et qu'il avait simplement omis de mentionner ces faits dans sa demande. Ces incohérences dans la relation des événements faite par le demandeur ont un lien bien réel avec sa demande ou ce lien est loin d'être ténu.

[12]            Deuxièmement, en ce qui concerne la contradiction touchant l'explication de l'origine des problèmes du demandeur, je ne crois pas qu'il était déraisonnable que la Commission tire une conclusion négative à partir de la réponse donnée à la question 17 des notes de l'entrevue. En effet, on a interrogé le demandeur afin de déterminer s'il pourrait être accepté comme réfugié à cause des tortures qu'il aurait subies en Inde. En réponse à une question lui demandant de fournir des détails sur sa détention aux mains des autorités indiennes, le demandeur a simplement déclaré qu'il avait été arrêté deux fois par la police. De plus, comme l'a souligné la Commission, le demandeur a eu l'occasion de revoir les notes prises pendant l'entrevue et de signaler tout problème avant le début de l'audience.

[13]            Troisièmement, la raison de son voyage au Canada semble très obscure. Même si le demandeur a soutenu avoir quitté l'Inde par crainte d'être torturé par la police, il n'a pas fait de demande d'asile à son arrivée au Canada. Même si on peut comprendre que le demandeur se soit servi d'un visa d'étudiant comme prétexte pour entrer au Canada facilement, une fois entré au pays, il a attendu plusieurs mois avant de présenter finalement sa demande d'asile. Même si le demandeur a expliqué qu'il n'avait pas cherché à présenter une demande d'asile à cause de problèmes financiers, il possédait suffisamment de fonds pour s'inscrire à l'université.

[14]            Néanmoins, la Commission n'a pas fondé ses conclusions sur le seul retard touchant la présentation de la demande d'asile. Elle a simplement considéré ce retard comme l'un des nombreux facteurs qui nuisaient à la crédibilité du demandeur.

[15]            En ce qui concerne la prétention du demandeur selon laquelle le fait de ne pas tenir compte du certificat médical était une erreur, il ne faut pas oublier que c'est la Commission qui est la mieux placée pour évaluer la preuve et lui accorder le poids voulu. Selon la décision de la Commission, peu de poids a été accordé aux rapports médicaux parce que ces derniers ne démontraient pas que le demandeur avait été arrêté et torturé.

[16]            Selon les deux certificats médicaux, le patient [traduction] « souffrait de blessures multiples avec ecchymoses et éraflures » et l'un des certificats précisait qu'il avait été blessé aux extrémités. Il était donc raisonnable que la Commission statue que ces certificats, tout en démontrant que le demandeur avait subi des blessures, ne fournissaient aucune indication sur la façon dont il les avait subies.

[17]            Donc, l'examen et l'évaluation de la preuve par la Commission n'étaient pas manifestement déraisonnables.

[18]            Le demandeur soutient aussi qu'il y a eu violation du principe audi alteram partem, soit le droit à un procès équitable. Il affirme avoir demandé que l'audience se déroule en anglais mais que, en fait, elle s'est déroulée en français. Il soutient qu'il a été interrompu à de nombreuses reprises au moment où il essayait de répondre à des questions et que le commissaire avait eu une attitude méprisante et agressive à son endroit. J'ai examiné la transcription et je ne tire pas cette conclusion. Je reconnais que le commissaire a répété souvent les questions posées, mais il me semble que c'était plus pour faire comprendre à M. Singh ce qui lui était demandé. Puisque je ne peux pas évaluer le ton de la voix et la façon dont les questions ont été posées et qu'aucune objection n'a été formulée au moment de l'audience, je ne peux décider, à partir de la transcription, si l'attitude du commissaire était méprisante.

[19]            De plus, le requérant a déclaré qu'il parlait un peu l'anglais, mais il ne s'est pas opposé à ce que l'audience se déroule en français. Il lui incombait, directement ou par l'intermédiaire de son conseil, de s'opposer au choix de la langue de l'audience dès qu'il en a eu l'occasion. Puisqu'aucune objection n'a été présentée à cet égard, on doit supposer que le demandeur a accepté la situation. Il est trop tard pour présenter une telle objection à ce stade-ci (voir Mohammadian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 4 C.F. 85, par. 19 (C.A.)).

[20]            Pour tous les motifs susmentionnés, je rejetterais la présente demande de contrôle judiciaire. La décision de la Commission n'était pas manifestement déraisonnable et ne contrevenait pas aux principes de l'équité procédurale.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

La demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

      « Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

Traduction certifiée conforme

Michèle Ali


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-5405-04

INTITULÉ :                                        JASKARAN SINGH

                                                            ET

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 18 MAI 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LA JUGE TREMBLAY-LAMER

DATE DES MOTIFS :                       LE 25 MAI 2005

COMPARUTIONS :

Stewart Istvanffy                                    POUR LE DEMANDEUR

Ian Demers                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Stewart Istvanffy

1061, rue Saint-Alexandre

Montréal (Québec)

H2Z 1P5                                               POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)                                POUR LE DÉFENDEUR

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