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Date : 20210420


Dossier : IMM‑7131‑19

Référence : 2021 CF 346

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 avril 2021

En présence de madame la juge Pallotta

ENTRE :

REBECCA NEKPEN OGIEMWONYI

AISOSA OGIEMWONYI

ODUWARE OGIEMWONYI

OTASOWIE OGIEMWONYI

OSAZEE LEXY OGIEMWONYI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La présente demande de contrôle judiciaire se rapporte à la décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés (la SAR) a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) selon laquelle les demandeurs n’ont pas qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR).

[2] Les demandeurs Rebecca Nekpen Ogiemwonyi, son époux Osazee Lexy Ogiemwonyi et leurs trois enfants mineurs sont des citoyens du Nigéria originaires de Benin City. Ils allèguent craindre d’être kidnappés, maltraités et tués par des criminels liés à la politique qui les confondent avec des parents d’un ancien politicien et ministre nigérian qui porte le même nom de famille qu’eux. Les demandeurs affirment qu’entre 2009 et 2014, leur maison a fait l’objet d’un vol, le père de Mme Ogiemwonyi a été attaqué par des voleurs armés et est décédé peu après, et M. Ogiemwonyi a été enlevé sous la menace d’une arme à feu par des assaillants qui l’ont traité comme s’il était le neveu de l’ancien ministre et ne l’ont libéré qu’après le versement d’une rançon. Les demandeurs soutiennent qu’ils ont reçu une série d’appels menaçants en 2017, certains appelants menaçant d’enlever les enfants, et ont donc décidé de quitter le Nigéria. Après leur départ du Nigéria, les ravisseurs auraient recherché M. Ogiemwonyi en septembre 2018 et agressé son frère.

[3] Les demandeurs sont entrés aux États‑Unis en 2017 munis de visas de visiteur, puis ils se sont rendus au Canada pour demander l’asile. La SPR a conclu qu’ils n’ont pas qualité de réfugiés au sens de la Convention ni de personnes à protéger parce qu’ils disposent de possibilités de refuge intérieur (PRI) à Lagos et à Abuja. Les demandeurs ont interjeté appel à la SAR, qui a rejeté l’appel. La SAR a examiné les questions en litige en appel au regard de l’article 97 de la LIPR, à savoir de la question de savoir s’ils risquaient d’être soumis à la torture ou de voir leur vie menacée ou de subir des peines cruelles et inusitées s’ils retournaient au Nigéria, et non de l’article 96. Elle a décidé d’axer l’examen sur l’article 97 parce qu’elle a conclu que les demandeurs n’ont pas établi de lien entre leur persécution et l’exigence prévue à l’article 96 que cette persécution soit fondée sur un motif prévu à la Convention, à savoir la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un groupe social ou des opinions politiques. La SAR était en désaccord avec l’affirmation des demandeurs selon laquelle ils seraient ciblés pour des raisons politiques. Se fondant sur la preuve, la SAR a conclu que les demandeurs étaient des victimes d’actes criminels, qu’ils étaient ciblés à cause d’une perception quant à leur richesse en raison de leur nom de famille et que la richesse ou la perception de richesse ne constituait pas une appartenance à un groupe social particulier au sens de l’article 96 de la LIPR. La SAR a ensuite examiné les arguments des demandeurs au sujet des PRI visées à l’article 97 et a conclu que les demandeurs n’avaient pas établi qu’ils seraient probablement exposés à une menace à leur vie, à la torture ou à des traitements ou peines cruels et inusités à Lagos ou à Abuja. De plus, la SAR a conclu qu’il ne serait pas déraisonnable qu’ils déménagent dans l’une ou l’autre ville.

[4] Les demandeurs affirment que la décision de la SAR est déraisonnable. Ils allèguent que la SAR a commis une erreur en concluant qu’il n’y avait aucun lien avec un motif prévu dans la Convention alors que l’enlèvement de M. Ogiemwonyi a été motivé par une appartenance familiale présumée et par une opinion politique présumée. De plus, la SAR a commis selon eux une erreur en n’acceptant que trois des vingt-quatre nouveaux éléments de preuve présentés en appel et en rejetant leur demande d’audience. Selon les demandeurs, la SAR a refusé à tort d’admettre des éléments de preuve au motif qu’ils étaient intéressés, qu’ils n’étaient pas nouveaux ou qu’ils avaient déjà été présentés en preuve devant la SPR. Les demandeurs font valoir que le refus d’admettre des éléments de preuve pertinents est à l’origine de la principale erreur, qui est, selon eux, l’analyse déraisonnable de la SAR de la question de savoir s’ils disposaient de PRI viables à Lagos et à Abuja. Ils soutiennent que l’analyse des PRI faite par la SAR est déraisonnable parce que cette dernière n’a pas dûment tenu compte de la preuve, n’a pas examiné la question de savoir si la protection de l’État pour la famille dans les PRI serait suffisante, et n’a pas tenu compte du fait que leur expulsion violerait l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R‑U), 1982, c 11 (la Charte), ainsi que le droit international en raison d’« un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives » au Nigéria, contrairement à l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants des Nations Unies (Convention contre la torture).

[5] Pour les motifs exposés ci‑dessous, les demandeurs n’ont pas démontré que la décision de la SAR est déraisonnable en raison des erreurs alléguées. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

II. Question en litige et norme de contrôle

[6] La question que soulève la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si la décision de la SAR est raisonnable et, plus précisément :

  1. La SAR a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les demandes d’asile n’ont pas de lien avec un motif prévu par la Convention?

  2. La SAR a‑t‑elle commis une erreur en rejetant les nouveaux éléments de preuve présentés en appel et en refusant la demande d’audience?

  3. La SAR a‑t‑elle commis une erreur dans son analyse des PRI en ne tenant pas dûment compte de la preuve de la menace pour la vie des demandeurs, de l’insuffisance de la protection de l’État au Nigéria ou d’une crise des droits de la personne au Nigéria?

[7] Selon la cadre d’analyse révisé énoncé dans l’arrêt de la Cour suprême du Canada Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable : (voir également Akinyemi‑Oguntunde c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 666 au para 15; Armando c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 94 au para 31; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 350 au para 17).

[8] Le caractère raisonnable est une forme de contrôle empreinte de déférence, mais rigoureuse : Vavilov, aux para 12, 13 et 85. La cour de révision doit déterminer si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité : Vavilov, au para 99. Une décision raisonnable est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, au para 85. Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable : Vavilov, au para 100.

III. Questions préliminaires

A. Objection du défendeur concernant la liste de décisions et d’articles de doctrine présentée par les demandeurs

[9] Le jour de l’audience, les demandeurs ont présenté une liste de 18 documents. Aucune copie de ces documents n’avait été fournie à la Cour ni à l’avocat de la partie adverse. Le défendeur s’est opposé à cette liste étant donné qu’aucun des documents énumérés n’était mentionné dans le mémoire des demandeurs.

[10] J’ai renvoyé les parties à l’avis aux parties et à la communauté juridique de la Cour concernant les cahiers de la jurisprudence et la doctrine. Selon cet avis, les cahiers de la jurisprudence et la doctrine devraient se limiter aux décisions et aux articles de doctrine cités dans le mémoire de la partie. Or, aucun des documents figurant sur la liste des demandeurs n’a été mentionné dans leur mémoire. De plus, la liste a été produite en retard, ne comprenait pas de références précises, et aucune copie des décisions et articles de doctrine n’a été fournie, ce qui a rendu la préparation très difficile pour l’avocat du défendeur. Les demandeurs n’ont pas expliqué le retard ou d’autres lacunes, affirmant que, dans la mesure où aucune nouvelle question n’est soulevée, la jurisprudence de la Cour devrait être recevable.

[11] J’ai mis en délibéré l’objection du défendeur quant à la prise en compte de la liste des documents étant donné les arguments présentés sur le fondement de la jurisprudence et des articles de doctrine et la question de savoir s’ils ont une incidence importante sur la capacité du défendeur de répondre à ces arguments.

[12] Au cours de la plaidoirie, les demandeurs ont fait référence à des passages des documents figurant sur la liste, sans les lier aux motifs de la SAR ou aux faits de l’espèce. Ils n’ont pas expliqué en quoi les principes énoncés dans ces documents sont importants pour la présente demande de contrôle judiciaire. J’ai examiné les passages qui ont été mentionnés dans la plaidoirie et, à mon avis, ils ne sont pas importants puisqu’ils se rapportent à des principes qui ne s’appliquent pas en l’espèce ou qui visent des faits différents de ceux de la présente affaire. Je reconnais que la façon de fournir la liste des documents était inéquitable pour le défendeur (et qu’elle était également inutile pour la Cour); toutefois, il n’est pas nécessaire que la Cour demande des observations supplémentaires au défendeur.

B. La demande d’autorisation a été présentée en retard

[13] Le défendeur soutient que la demande d’autorisation a été déposée en retard et qu’il n’y a pas d’ordonnance accordant expressément une prorogation de délai. Le défendeur reconnaît que les demandeurs ont demandé une prolongation et que la demande n’a pas été contestée, car elle ne respectait pas la date limite. Par conséquent, le défendeur ne fait pas d’observations pour s’opposer à une prorogation de délai, mais il soutient plutôt que la question devrait être laissée à la discrétion de la Cour.

[14] J’ai examiné l’avis de demande d’autorisation et de contrôle judiciaire (DACJ). Comme les demandeurs l’ont souligné à juste titre et – le défendeur le concède –, les demandeurs ont clairement demandé une prorogation de délai. Comme je l’ai souligné ci‑dessus, le défendeur ne s’y est pas opposé. À mon avis, il est implicite dans l’ordonnance de la Cour accordant l’autorisation que la prorogation de délai a également été accordée. Si je fais fausse route à cet égard, j’estime que le critère énoncé dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Hennelly, 1999 CanLII 8190 (CAF), [1999] ACF no 846 (CAF), est respecté, et j’accorderais une prorogation du délai pour déposer la DACJ, maintenant pour alors.

IV. Analyse

A. La SAR a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les demandes n’ont pas de lien avec un motif prévu par la Convention?

[15] Dans leur mémoire des faits et du droit présenté en appel devant la SAR, les demandeurs ont fait valoir qu’ils étaient ciblés par des groupes criminels au Nigéria pour des raisons politiques et non pour des raisons de perception de richesse. La SAR n’a pas souscrit à l’avis des demandeurs selon lequel ils seraient ciblés pour des raisons politiques, mais a plutôt conclu que M. Ogiemwonyi avait été kidnappé parce que les ravisseurs croyaient qu’il pouvait payer une rançon. La SAR a souligné que l’épreuve de M. Ogiemwonyi a pris fin après le paiement d’une rançon. Elle a renvoyé à la documentation sur le pays, qui fait état d’un taux de criminalité élevé au Nigéria, et a estimé, en se fondant sur les éléments de preuve sur la situation dans le pays, que « les criminels ne ciblent généralement pas les gens en se fondant sur leurs opinions politiques, qu’elles soient réelles ou sous‑entendues, mais sur leur situation dans la société et leur capacité de verser une rançon perçues ».

[16] Bien qu’ils ne participent pas à des activités politiques, les demandeurs allèguent qu’ils ont été ciblés en raison de liens politiques ou familiaux perçus avec l’ancien ministre à cause de leur nom de famille commun, et que cet ancien ministre avait des ennemis parce qu’il avait changé de parti politique. Ils font valoir qu’en raison de leur situation, ils sont visés par la définition de réfugié au sens de la Convention et que la SAR a commis une erreur en appliquant une approche étroite et littérale à la définition au regard de l’article 96 de la LIPR. Je ne suis pas d’accord. M. Ogiemwonyi prétend que, lorsqu’il a été enlevé, les ravisseurs lui ont demandé s’il était le neveu du politicien. La SAR en a tenu compte pour arriver à sa conclusion, et elle a également tenu compte de la documentation objective sur le pays. Les demandeurs ne citent aucun élément de preuve négligé par la SAR qui indiquerait que M. Ogiemwonyi a été enlevé en raison de ses opinions politiques réelles ou perçues. La question posée par les ravisseurs n’établit pas que leurs motifs étaient politiques et, à mon avis, il était loisible à la SAR de conclure que les criminels ciblaient les demandeurs en raison de leur perception quant à la richesse et capacité de payer une rançon de ces derniers.

[17] La Cour a toujours jugé que le fait qu’une personne soit considérée comme nantie n’en fait pas, en l’absence d’autres éléments, une personne appartenant à un groupe social : Navaneethan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 664 au para 53. De plus, comme le défendeur le fait remarquer à juste titre, les victimes d’activités criminelles ne sont pas visées par la définition de réfugié au sens de la Convention : Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689 [Ward]; Étienne c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 64 aux para 15‑17; et Cius c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1 aux para 17‑20. Par conséquent, la conclusion de la SAR selon laquelle les demandeurs craignent un préjudice de nature criminelle, sans lien entre leurs demandes d’asile et un motif fondé sur la Convention, est raisonnable.

B. La SAR a‑t‑elle commis une erreur en rejetant les nouveaux éléments de preuve présentés en appel et en refusant la demande de tenir une audience?

[18] Sur les vingt-quatre éléments de preuve présentés en appel, la SAR a admis deux articles, l’un daté du 21 mars 2019 et l’autre du 21 avril 2019, ainsi qu’un rapport de psychothérapeute daté du 22 mars 2019. Les trois portaient une date postérieure à la décision de la SPR. La SAR a refusé d’admettre les autres éléments de preuve au motif que la plupart d’entre eux ne respectaient pas les critères prévus au paragraphe 110(4) de la LIPR, et que l’un d’eux n’était pas pertinent.

[19] Les demandeurs soutiennent que la SPR a commis une erreur. Ils affirment que la plupart des éléments de preuve n’existaient pas au moment de l’audience de la SPR et que les motifs de la SAR ne respectent pas le « gros bon sens ». Ils soutiennent que les éléments de preuve répondent aux doutes que la SPR a soulevés au sujet de leur crédibilité. À leur avis, la SAR a rejeté injustement de nouveaux éléments de preuve provenant de membres de la famille au Nigéria uniquement parce qu’ils provenaient de personnes qui les connaissaient. Ils invoquent la décision Gonzalez Perea c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 432, où la Cour a conclu au paragraphe 7que l’agent avait agi inéquitablement en n’accordant aucune valeur aux éléments de preuve provenant d’une partie intéressée. Les demandeurs soutiennent également que la SAR a attaqué leur crédibilité et commis une erreur en ne tenant pas compte d’éléments de preuve très probants en raison du moment où les nouveaux éléments de preuve ont été déposés.

[20] Les demandeurs ont concédé lors de la plaidoirie que la SAR n’a pas, en fait, refusé d’admettre sept documents dont la SPR était saisie. La SAR a conclu qu’elle n’avait pas à se demander s’il convenait d’admettre ces sept documents parce qu’ils faisaient déjà partie du dossier de la SPR. De plus, comme le défendeur le fait remarquer à bon droit, la SAR n’a rejeté aucun nouvel élément de preuve au motif qu’il était « intéressé », et les demandeurs n’ont relevé aucun élément de preuve qui aurait été rejeté pour ce motif. En outre, l’argument des demandeurs selon lequel la SAR a attaqué leur crédibilité et commis une erreur en ne tenant pas compte d’éléments de preuve très probants n’est pas fondé.

[21] Parmi les autres documents que les demandeurs ont cherché à présenter comme nouveaux éléments de preuve en appel, un élément postérieur à la décision de la SPR a été raisonnablement rejeté au motif qu’il n’était pas pertinent pour l’appel (voir l’alinéa 29(4)a) des Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012‑257) et les autres éléments ont été refusés à juste titre parce qu’ils ne respectaient pas les exigences mentionnées au paragraphe 110(4) de la LIPR : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Singh, 2016 CAF 96, [2016] 4 RCF 230. Selon le paragraphe 110(4) de la LIPR, la SAR ne pouvait accepter que de nouveaux éléments de preuve a) survenus depuis le rejet de la demande d’asile par la SPR, b) qui n’étaient pas normalement accessibles au moment du rejet de la SPR, ou, s’ils l’étaient, c) que les demandeurs n’auraient pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet de la SPR.

[22] Ces autres éléments n’étaient pas nouveaux en ce sens qu’ils n’ont pas été soulevés depuis la décision de la SPR rendue le 12 février 2019, et qu’ils se rapportaient à des événements antérieurs à la décision de la SPR, comme l’enlèvement de M. Ogiemwonyi et l’agression que son frère a subie en 2018. Par exemple, une déclaration de Mme Ogiemwonyi, qui ne contenait aucun renseignement nouveau et postérieur à la décision de la SPR, a été raisonnablement rejetée. D’autres documents étaient des documents sur la situation dans le pays accessibles au public qui dataient d’avant la décision de la SPR, ou qui faisaient déjà partie des cartables nationaux de documentation sur le Nigéria. En ce qui concerne la question de savoir si les documents n’étaient pas normalement accessibles ou s’ils n’auraient pas pu être présentés avant la décision de la SPR, les demandeurs ont soutenu devant la SAR qu’on ne leur avait jamais demandé d’autres éléments de preuve et que personne n’avait clairement expliqué quel genre de preuve était attendue. La SAR a examiné ces arguments et a conclu qu’ils n’étaient pas convaincants. Elle a souligné que les demandeurs avaient été représentés par un conseil devant la SPR et qu’ils avaient produit une longue liste de documents devant la SPR, indiquant qu’ils savaient que des documents corroborants aideraient à établir le bien-fondé de leurs demandes d’asile. Il était loisible à la SAR de parvenir aux conclusions qu’elle a tirées. Les demandeurs n’ont pas démontré que la décision de la SAR d’admettre seulement trois des vingt-quatre documents présentés est déraisonnable.

[23] La SAR a rejeté la demande d’audience présentée par les demandeurs au motif qu’aucun des documents nouvellement admis ne soulevait une question importante quant à leur crédibilité. Les demandeurs n’ont présenté aucun fondement à l’appui de leur argument selon lequel la SAR a commis une erreur en refusant de tenir une audience. La SAR a dûment examiné la question de savoir si les éléments de preuve nouvellement admis soulevaient une question importante en ce qui concerne la crédibilité des demandeurs, et elle a raisonnablement conclu que non. Quant aux deux articles datés respectivement du 21 mars 2019 et du 21 avril 2019, présentés comme preuve des taux élevés de criminalité et d’enlèvement et admis en appel, la SAR a souligné que les taux de criminalité et le grand nombre d’enlèvements au Nigéria n’étaient pas contestés. En ce qui concerne le rapport du psychothérapeute daté du 22 mars 2019, la SAR n’a pas vu la pertinence de l’évaluation psychologique qui se soldait par diagnostic de trouble de l’humeur postnatale à l’égard de Mme Ogiemwonyi, et a souligné que les demandeurs n’ont pas expliqué la pertinence de ce document. Les demandeurs n’ont pas démontré que la SAR a commis une erreur en refusant de tenir une audience.

C. La SAR a‑t‑elle commis une erreur dans son analyse des PRI?

[24] Comme je l’ai mentionné précédemment, les demandeurs soutiennent que l’analyse de la SAR concernant les PRI est déraisonnable parce qu’elle n’a pas dûment tenu compte de la preuve relative à la menace pour la vie des demandeurs, n’a pas examiné si la protection de l’État pour la famille dans les PRI était suffisante et n’a pas examiné si leur expulsion violerait la Charte et le droit international en raison « d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives » en contravention à l’article 3 de la Convention contre la torture.

[25] Les demandeurs soutiennent que la SAR n’a pas dûment tenu compte des éléments de preuve :

  • (1) en remettant en question la crédibilité du récit des demandeurs parce qu’ils ne savent pas exactement qui les menace;

  • (2) en n’accordant pas de poids aux éléments de preuve qui corroborent effectivement les allégations de risque en raison du nom de famille, à savoir que les criminels liés à la politique croient que M. Ogiemwonyi est lié à un ancien ministre fédéral et que M. Ogiemwonyi a été ciblé dans un conflit politique;

  • (3) en prenant des décisions arbitraires et abusives sans tenir compte du fait que le gangstérisme politique est courant en Afrique de l’Ouest;

  • (4) en doutant du témoignage de M. Ogiemwonyi en raison d’incertitudes au sujet de l’attaque contre son frère;

  • (5) en omettant de tenir compte de la situation objective dans l’État d’Edo et en rejetant des éléments de preuve très pertinents concernant la situation objective dans l’État d’Edo et le danger auquel sont exposés les demandeurs;

  • (6) en remettant en question la crédibilité des demandeurs sans fournir de motifs justifiés;

  • (7) en rejetant la preuve documentaire d’assassinats, d’enlèvements, de fausses affaires criminelles et de grande violence politique extrajudiciaire presque quotidiens au Nigéria, ce qui prouve que la famille était menacée [traduction] « d’agressions sérieuses » au Nigéria;

  • (8) en omettant d’expliquer pourquoi la SAR n’a pas tenu compte de certains documents appuyant les allégations des demandeurs, citant Bains c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] FCJ No. 497, 63 FTR 312, qui font valoir que le tribunal devrait fournir des motifs expliquant pourquoi des éléments de preuve pertinents sont rejetés;

  • (9) en se livrant à une recherche après coup de raisons de ne pas croire le témoignage des demandeurs, ce qui rend la décision inintelligible.

[26] Les divers arguments des demandeurs ne me convainquent pas que la SAR a commis une erreur en omettant de tenir convenablement compte de la preuve. La SAR a bel et bien le pouvoir discrétionnaire et l’expertise requis pour soupeser la preuve : Vavilov, aux para 83 à 87, 93, 125 et 126. Il incombe aux demandeurs de démontrer que la décision de la SAR souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence : Vavilov, au para 100. Ils ne l’ont pas fait. Les demandeurs n’acceptent pas les conclusions de la SAR, mais ils n’ont pas souligné des faits précis consignés au dossier ou des arguments présentés en appel qui ont été négligés ni démontré en quoi les motifs de la SAR sont déficients de la façon décrite ci‑dessus.

[27] La SAR a justifié sa conclusion en fournissant une analyse transparente et intelligible de la question de savoir si les demandeurs risqueraient de voir leur vie menacée ou de subir des traitements ou des peines cruels et inusités dans les PRI proposées, et si les endroits où se trouvaient les PRI étaient raisonnables.

[28] La SAR a évalué le risque posé par les ravisseurs qui ciblaient auparavant les demandeurs. Se fondant sur la preuve, elle a conclu que les ravisseurs n’auraient pas la motivation ou la capacité de retrouver les demandeurs dans une autre ville, souscrivant ainsi aux motifs fournis par la SPR à cet égard. La SAR a souligné que l’ancien ministre, qui porte le même nom de famille que les demandeurs, était à la retraite depuis huit ans, et les demandeurs n’ont pas expliqué comment les ravisseurs les trouveraient dans les PRI. La SAR s’est dite d’accord avec la SPR pour affirmer que l’incident de 2018, au cours duquel le frère de M. Ogiemwonyi aurait été attaqué par les ravisseurs qui cherchaient M. Ogiemwonyi, ne s’était pas produit, puisque ni le fondement de la demande d’asile des demandeurs ni l’affidavit du frère ne mentionnaient cet incident.

[29] En réponse aux arguments soulevés en appel, la SAR a également examiné et évalué le risque que posent de nouveaux ravisseurs ou des ravisseurs inconnus pour les demandeurs. La SAR a reconnu que les actes criminels et les enlèvements sont courants au Nigéria et a estimé que même si Lagos et Abuja ne sont pas à l’abri du risque de criminalité, ces villes sont de façon générale plus sécuritaires que d’autres régions du pays. La SAR a examiné les nouveaux éléments de preuve présentés par les demandeurs au sujet d’un avis aux voyageurs du gouvernement canadien et a conclu que la recommandation d’éviter de voyager dans un certain nombre d’États du nord et du centre du Nigéria excluait les villes d’Abuja, de Calabar et de Lagos, et que Lagos et Abuja faisaient l’objet d’un « avertissement […] de niveau 2, c’est‑à‑dire faible ou modéré ». La SAR a examiné le motif donné pour expliquer l’enlèvement à Benin City – un lien avec l’ancien ministre en raison du même nom de famille – et a conclu que les demandeurs n’ont présenté aucune preuve selon laquelle les criminels de Lagos ou d’Abuja connaissent un ancien ministre de Benin City. La SAR a également conclu qu’il n’y avait aucune preuve selon laquelle l’ancien ministre continuait de participer à la vie politique ou des criminels inconnus pris au hasard à Lagos ou à Abuja lieraient les demandeurs à ce ministre. À mon avis, il était loisible à la SAR de conclure, compte tenu de la situation particulière des demandeurs, qu’ils n’avaient pas établi qu’ils risqueraient de voir leur vie menacée ou de subir de la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités à Lagos ou à Abuja.

[30] Les demandeurs soutiennent que la décision de la SAR de considérer Lagos et Abuja comme des PRI viables est déraisonnable parce qu’elle n’a pas appliqué les critères appropriés relativement à la protection de l’État. Ils affirment qu’une bonne analyse doit tenir compte de la nature du risque et de la protection de l’État. Selon eux, le simple fait de déclarer que Lagos et Abuja présentent un risque plutôt faible comparativement à d’autres régions du Nigéria ne suffit pas à démontrer qu’ils ont des solutions de rechange sérieuses à la réinstallation, puisque la protection de l’État n’est pas [traduction] « un facteur sérieux lorsqu’il s’agit du Nigéria ». Le mémoire des demandeurs indique qu’ils [traduction] « ont l’intention d’approfondir ces idées » en réponse. Le défendeur souligne à juste titre que l’intention déclarée des demandeurs de présenter des arguments supplémentaires en réponse était inappropriée et dépassait la portée d’une réponse (voir les articles 10 et 11 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22; Zhou c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1060 au para 10).

[31] Les demandeurs n’ont pas déposé de mémoire en réponse. Au cours de leur plaidoirie, ils ont fait valoir que l’arrêt Sabaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] ACF no 901 [Sabaratnam] énonce, aux paragraphes 3 et 4, le principe selon lequel il n’y a pas de PRI proposée à moins qu’il n’y ait une protection adéquate de l’État, et que des décisions plus récentes de notre Cour, qui portent sur la question de savoir si les agents de persécution ont les moyens et la motivation de retrouver un demandeur dans une PRI proposée, sont erronées. Les demandeurs semblent être d’avis que la SAR était tenue d’effectuer une analyse de la protection de l’État dans le cadre de son analyse des PRI, même si la SAR a conclu que les demandeurs n’ont pas établi qu’ils risqueraient de voir leur vie menacée ou de subir des traitements ou peines cruels ou inusités à Lagos ou à Abuja.

[32] Le défendeur soutient que la SAR n’était pas tenue de mener une analyse distincte de la protection de l’État, car elle a conclu que les demandeurs ne sont pas exposés à un risque dans les emplacements des PRI proposées puisque les présumés agents de persécution n’ont pas la motivation ou la capacité de les poursuivre à ces endroits : Adams c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 524 au para 35.

[33] À mon avis, les demandeurs n’ont pas établi que la SAR a commis une erreur susceptible de contrôle en omettant de tirer des conclusions précises concernant le caractère adéquat de la protection de l’État à Lagos ou à Abuja.

[34] Je ne relève aucune analyse dans l’arrêt Sabaratnam au sujet de la protection de l’État, et je ne vois pas comment la décision de la Cour concernant la PRI dans cette affaire aide les demandeurs. Dans l’arrêt Sabaratnam, la Cour d’appel fédérale a infirmé la décision du tribunal relative à la PRI au motif que la PRI proposée se situait dans une zone de conflit pour les agents de persécution du demandeur, situation complètement différente de celle des demandeurs en l’espèce. Je remarque que les demandeurs ne relèvent pas les décisions de notre Cour qui, selon eux, sont erronées.

[35] Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la SAR n’était pas tenue d’effectuer une analyse distincte de la protection de l’État : Adams, au para 35. En l’espèce, l’analyse de la PRI se rapporte à l’article 97 de la LIPR, qui dispose qu’une personne à protéger est une personne dont le renvoi dans son pays dont elle a la nationalité l’exposerait personnellement à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités si, notamment, (i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut pas se réclamer de la protection de ce pays, et (ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas : sous-alinéas 97(1)(b)(i) et (ii) de la LIPR. Il incombe aux demandeurs de démontrer qu’ils sont exposés à un risque visé à l’article 97 dans les PRI proposées, ou encore qu’il serait déraisonnable, dans les circonstances, pour eux de s’y installer, selon le critère à deux volets établi dans les décisions Rasaratnam c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706 (CA) et Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1993 CanLII 3011 (CAF), [1994] 1 CF 589 [Thirunavukkarasu].

[36] Comme les demandeurs n’ont pas démontré qu’ils risqueraient de voir leur vie menacée ou de subir des traitements ou peines cruels ou inusités à Lagos ou à Abuja, ils n’ont pas satisfait à l’exigence du sous‑alinéa 97(1)b)(ii). Par conséquent, il n’était pas nécessaire que la SAR examine le caractère adéquat de la protection de l’État à l’égard d’un risque auquel les demandeurs n’avaient pas prouvé qu’ils seraient exposés dans ces villes. Quoi qu’il en soit, il incombait également aux demandeurs d’établir leur incapacité de se prévaloir de la protection de l’État conformément au sous‑alinéa 97(1)b)(i), ou de leur réticence à le faire. Un État est présumé capable de protéger ses citoyens en l’absence de preuve contraire : Ward, au para 57. Ils n’ont pas expliqué à la Cour en quoi les éléments de preuve présentés à la SAR (et à la SPR) démontrent qu’ils ne bénéficieraient pas de la protection de l’État à Lagos ou à Abuja, ou que la protection de l’État [TRADUCTION] « n’est pas un facteur sérieux en ce qui concerne le Nigéria ».

[37] Les demandeurs soutiennent que la SAR ne s’est pas livrée à une analyse visant à déterminer s’il serait raisonnable de s’installer à Lagos ou à Abuja, conformément au deuxième volet du critère de la PRI établi dans l’arrêt Thirunavukkarasu. Ils soutiennent que la SAR a simplement affirmé que Lagos et Abuja présentaient un risque plutôt faible comparativement à d’autres régions du Nigéria. Je ne suis pas d’accord. La SAR a raisonnablement conclu que les taux de criminalité à Lagos et à Abuja ne rendaient pas ces PRI déraisonnables, pour les motifs résumés ci‑dessus. La SAR a également examiné les arguments des demandeurs selon lesquels la SPR a commis une erreur dans le deuxième volet de l’analyse de la PRI en omettant de tenir compte de facteurs comme la religion et l’emploi, et elle n’y a pas souscrit. La SAR a confirmé que la SPR avait « examin[é] en profondeur les facteurs relatifs au caractère raisonnable » dans les endroits proposés comme PRI, et elle était d’accord avec les conclusions de la SPR sur le caractère raisonnable des endroits proposés comme PRI. La SPR avait examiné des facteurs comme les études, l’emploi, la religion, la langue et la capacité à trouver un logement, et la SAR a confirmé les conclusions tirées. Les demandeurs n’ont pas établi que la décision de la SAR (ou de la SPR) concernant le deuxième volet de l’analyse de la PRI était déraisonnable.

[38] Enfin, les demandeurs soutiennent que la SAR a commis une erreur en ne tenant pas compte de la situation des droits de la personne au Nigéria, et que leur expulsion violerait l’article 12 de la Charte et l’article 3 de la Convention contre la torture.

[39] La SAR ne traitait pas d’une question concernant le renvoi des demandeurs du Canada, et l’argument est prématuré : Biachi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 589 au para 23. Les demandeurs n’ont pas démontré que la SAR a commis une erreur susceptible de contrôle en omettant de déterminer si leur expulsion violerait l’article 12 de la Charte et l’article 3 de la Convention contre la torture.

[40] En résumé, la SAR a raisonnablement conclu que les demandeurs disposent de PRI viables à Lagos et à Abuja, compte tenu de leur situation personnelle et des documents sur la situation dans le pays. Le raisonnement de la SAR était justifié, transparent, et intelligible.

V. Conclusion

[41] Les demandeurs n’ont pas établi que la décision de la SAR était déraisonnable. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[42] Aucune question n’a été proposée aux fins de certification par l’une ou l’autre des parties, et la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑7131‑19

LE JUGEMENT DE LA COUR EST LE SUIVANT :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Christine M. Pallotta »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑7131‑19

 

INTITULÉ :

REBECCA NEKPEN OGIEMWONYI ET AUTRES c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO) ET MONTRÉAL (QUÉBEC), PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 1ER DÉCEMBRE 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

La juge PALLOTTA

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 20 AVRIL 2021

COMPARUTIONS :

Stewart Istvanffy

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Evan Liosis

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Étude Légale Stewart Istvanffy

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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