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Date : 20210421


Dossier : T-2139-18

Référence : 2021 CF 325

Ottawa (Ontario), le 21 avril 2021

En présence de monsieur le juge Sébastien Grammond

ENTRE :

URSULA COPEAU

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

et

LE CONSEIL DES INNUS DE PESSAMIT

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Mme Copeau est membre de la Nation innue de Pessamit. En 2007, le Conseil des Innus de Pessamit lui a attribué un terrain au sein de la communauté afin d’y bâtir sa résidence. Elle cherche aujourd’hui à obtenir un certificat de possession selon l’article 20 de la Loi sur les Indiens, LRC 1985, c I-5 [la Loi], pour ce même terrain. Tant le Conseil que le ministère des Services aux Autochtones ont refusé de donner suite à sa demande. Elle sollicite maintenant le contrôle judiciaire de ce refus et demande à la Cour d’ordonner l’émission d’un certificat de possession.

[2] Je rejette la demande de Mme Copeau. Celle-ci confond les concepts de possession d’une terre de réserve, faisant l’objet d’un certificat selon l’article 20 de la Loi, et les divers types de droits, souvent appelés droits d’usage ou droits coutumiers, qu’une Première Nation peut attribuer à ses membres, selon ses propres règles de droit, politiques ou coutumes. La preuve qui m’a été présentée démontre que le Conseil n’a jamais eu l’intention de consentir à l’émission d’un certificat de possession en faveur de Mme Copeau, mais plutôt de lui octroyer un droit d’usage. Or, la jurisprudence établit clairement que l’exercice d’un droit d’usage ne donne pas droit à un certificat de possession.

I. Contexte

[3] Mme Copeau est membre de la Nation des Innus de Pessamit. Entre 1997 et 2014, elle a fait vie commune avec M. Paul-Émile Picard, lui aussi membre de la Nation.

[4] En 2007, Mme Copeau et M. Picard ont entrepris des démarches en vue de la construction d’une résidence sur le territoire de Pessamit. Ils ont sollicité du Conseil l’usage d’un lot ainsi qu’une aide financière. En avril 2007, le Conseil a acquiescé à cette demande. Il a attribué l’usage du lot R-482 soit à Mme Copeau seule, soit à Mme Copeau et à M. Picard conjointement. Étant donné que la résolution du Conseil octroyant le lot n’a pas été retrouvée, les parties ne s’entendent pas sur ce point. De plus, le Conseil a attribué une aide financière de 27 100 $ à Mme Copeau seulement, puisque M. Picard s’était déjà prévalu d’une telle aide dans le passé.

[5] En janvier 2014, Mme Copeau et M. Picard ont cessé de faire vie commune. Mme Copeau a quitté la résidence pour déménager à Sept-Îles.

[6] En septembre 2015, M. Picard est décédé. Il n’a pas laissé de testament. Cette situation a donné lieu à un désaccord entre Mme Copeau et les héritiers de M. Picard concernant l’usage de la résidence. Outre le fait que l’une des filles de M. Picard, issue d’une précédente union, a été nommée administratrice de la succession en vertu de la Loi, je dispose de peu de renseignements sur ce litige successoral.

[7] En 2018, Mme Copeau a demandé au Conseil d’effectuer les démarches nécessaires auprès du ministère des Affaires autochtones (remplacé depuis par le ministère des Services aux Autochtones) afin qu’un certificat de possession visant le lot R-482 lui soit émis en vertu de l’article 20 de la Loi. Le Conseil a refusé de donner suite à cette demande.

[8] Mme Copeau s’est ensuite adressée directement au ministère des Affaires autochtones pour demander l’émission d’un certificat de possession. Le 21 novembre 2018, le ministère a rejeté cette demande, puisqu’il n’avait reçu aucune demande d’allocation de la part du Conseil, comme l’exige la Loi.

[9] Mme Copeau sollicite maintenant le contrôle judiciaire de cette décision. Bien qu’elle cherche à obtenir diverses mesures de réparation, son recours s’apparente à une demande de mandamus. En substance, elle demande que la Cour ordonne au Conseil de présenter une demande d’émission de certificat de possession au ministère des Services aux Autochtones, et au ministère d’émettre le certificat.

II. Analyse

[10] Dans leurs représentations écrites et à l’audience, les parties ont fait valoir divers arguments quant à la nature des ordonnances recherchées par Mme Copeau, aux critères applicables à celles-ci et à la norme de contrôle. Le Conseil a également soulevé le fait qu’à son égard, la demande présentée par Mme Copeau était hors délai.

[11] J’estime qu’il est possible de trancher l’affaire de manière plus simple. L’ensemble de l’argumentaire de Mme Copeau se fonde sur la prémisse que le Conseil, en 2007, a eu l’intention de lui attribuer un certificat de possession. Or, la preuve démontre clairement que le Conseil n’a jamais eu cette intention. Tout au plus, le Conseil lui a conféré un droit d’usage, qui ne se traduit pas par l’émission d’un certificat de possession. Il s’ensuit que le ministère des Services aux Autochtones avait tout à fait raison de refuser d’émettre un tel certificat et que le Conseil n’était pas tenu de collaborer à une telle démarche.

[12] Pour en faire la démonstration, j’exposerai d’abord les principes relatifs à la possession individuelle des terres de réserve. J’analyserai ensuite la preuve versée au dossier afin de déterminer le type de droit que le Conseil a voulu octroyer à Mme Copeau.

A. La possession de terres de réserve

[13] Le présent litige nous oblige à examiner les fondements du régime des certificats de possession prévu aux articles 20 à 27 de la Loi. Je signale d’entrée de jeu que plusieurs des termes employés dans la Loi, comme « bande » et « réserve », reflètent la philosophie coloniale qui est à l’origine de la Loi. L’usage moderne y substitue des termes plus appropriés, comme « Première Nation » et « communauté » ou « territoire ». Cependant, comme le faisait le juge LaForme de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Tyendinaga Mohawk Council c Brant, 2014 ONCA 565 [Tyendinaga], j’emploierai tout de même le terme de « réserve » dans le sens technique que lui attribue la Loi, afin d’éviter toute confusion.

[14] Une réserve, selon l’article 2 de la Loi, est une « parcelle de terrain dont Sa Majesté est propriétaire et qu’elle a mise de côté à l’usage et au profit d’une bande », c’est-à-dire d’une collectivité d’individus autochtones. En principe, les droits relatifs à une réserve sont collectifs. Néanmoins, depuis le milieu du XIXe siècle, les lois relatives aux peuples autochtones ont favorisé, à certaines conditions, l’attribution de droits individuels. Cette possibilité s’inscrivait dans le cadre de la politique plus générale d’assimilation des peuples autochtones.

[15] Ainsi, dès 1869, la loi permettait au ministre d’accorder un « billet de location » à un membre d’une Première Nation, avec le consentement du conseil de celle-ci. Lors de la réforme de la loi en 1951, le régime des certificats de possession a remplacé celui des billets de location. Dans la Loi actuelle, la disposition centrale de ce régime se trouve à l’article 20, dont les deux premiers paragraphes se lisent ainsi :

20 (1) Un Indien n’est légalement en possession d’une terre dans une réserve que si, avec l’approbation du ministre, possession de la terre lui a été accordée par le conseil de la bande.

20 (1) No Indian is lawfully in possession of land in a reserve unless, with the approval of the Minister, possession of the land has been allotted to him by the council of the band.

(2) Le ministre peut délivrer à un Indien légalement en possession d’une terre dans une réserve un certificat, appelé certificat de possession, attestant son droit de posséder la terre y décrite.

(2) The Minister may issue to an Indian who is lawfully in possession of land in a reserve a certificate, to be called a Certificate of Possession, as evidence of his right to possession of the land described therein.

[16] Dans l’arrêt Tyendinaga, au paragraphe 77, le juge LaForme résume ainsi le régime des certificats de possession :

[traduction] Au Canada, l’intérêt autochtone relatif aux terres n’est rien d’autre que le droit d’en faire usage et de les occuper; il ne s’agit pas d’un droit de propriété en fief simple. Les droits fonciers sont collectifs, mais peuvent être divisés en parcelles, comme en font foi les certificats de possession. Le droit autochtone de possession de terres de réserve ne peut être transféré, vendu ou cédé qu’à une bande indienne ou à un Indien, pourvu que le gouvernement du Canada y ait consenti. Puisque les terres de réserve sont des terres de la Couronne, elles ne peuvent être aliénées à des tiers que si la Couronne y consent.

[17] On a affirmé qu’il était « extrêmement difficile » de déterminer avec précision la nature juridique du droit conféré par un certificat de possession : Pronovost c Ministre des Affaires indiennes, [1985] 1 CF 517 (CA) à la p 523 [Pronovost]. Néanmoins, il est généralement admis qu’un certificat de possession confère des droits fort semblables à la propriété privée, sous réserve des restrictions à l’aliénation qui découlent de la Loi et du fait que le titre sous-jacent appartient à l’État : Brick Cartage Ltd c La Reine, [1965] R C de l’É 102 aux pp 106 et 107. Ce qui est certain, c’est que l’émission d’un certificat de possession restreint considérablement les pouvoirs de gestion de la Première Nation à l’égard de la parcelle de terre visée.

[18] La formulation de l’article 20 pourrait laisser croire que la « possession » est le seul type de droit individuel qui puisse exister à l’égard des terres d’une réserve. Il est néanmoins bien connu que de nombreuses Premières Nations attribuent des terres à leurs membres en marge du processus prévu à l’article 20 de la Loi : Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, volume 3 : Vers un ressourcement, Ottawa, 1996, p 441. Dans l’affaire Many Guns c Siksika Nation Tribal Administration, 2003 ABPC 164, le juge Leonard S. Mandamin, siégeant alors à la Cour provinciale de l’Alberta, a affirmé que la capacité inhérente d’une Première Nation de prendre des décisions concernant l’utilisation de son territoire pouvait se traduire par l’octroi de droits dits « coutumiers ». Il a décrit cette réalité ainsi, au paragraphe 83 :

[traduction] L’exemple le plus commun d’intérêt coutumier relatif aux terres de réserve est l’occupation de terres de réserve par un membre d’une Première Nation conformément à la coutume de la Première Nation. Dans de tels cas, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien ne donne pas son autorisation par le biais d’un certificat de possession émis en vertu de la Loi sur les Indiens. Cette occupation coutumière signifie habituellement qu’un individu occupe certaines terres de réserve et en fait usage, à l’exclusion des autres membres de la Première Nation. L’intérêt coutumier du membre individuel est reconnu par l’ensemble des membres de la Première Nation. Telle est la situation sur la réserve Siksika. Les membres occupent diverses parties de la réserve selon la coutume de la Première Nation plutôt qu’en vertu de certificats de possession délivrés en vertu de la Loi sur les Indiens ou d’autres formes d’attribution prévues par cette loi.

[19] De même, dans l’affaire Crowchild c Nation Tsuu T’ina, 2017 CF 861, au paragraphe 4 [Crowchild], mon collègue le juge William F. Pentney observe que :

Tsuu T’ina ne délivre pas de certificats de possession en application de l’article 20 de la Loi sur les Indiens et n’a pas adopté de politiques, de procédures ou de règlements internes écrits sur l’attribution des terres de réserve. Elle suit plutôt ses propres coutumes et traditions pour attribuer et réattribuer des terres de réserve.

[20] La jurisprudence donne parfois des illustrations de droits conférés indépendamment de la Loi. Ainsi, dans l’affaire MacMillan c Augustine, 2004 NBBR 160 [MacMillan], le conseil de la Première Nation a attribué une maison à l’un de ses membres, sans l’aval du ministre. Dans Gamblin c Bande de la Nation Crie de Norway House, [2001] 2 CNLR 57 (CF, 1re inst), au paragraphe 41, confirmé par 2002 CAF 385, et dans Cottrell c Première nation des Chippewas de Rama Mnjikaning, 2009 CF 261, aux paragraphes 81 et 82, notre Cour a affirmé qu’une Première Nation pouvait conférer des droits d’occupation à l’un de ses membres au moyen d’un bail ou d’un contrat de droit privé; voir aussi Vollant c Innu Takuaikan Uashat mak Mani-Utenam, JE 95-936 (CSQ). Le juge Marceau de la Cour d’appel fédérale semble avoir envisagé cette possibilité dans l’arrêt Pronovost, à la p 524.

[21] La reconnaissance éventuelle de tels droits par les tribunaux soulève des questions délicates. Sur la foi de décisions telles Joe c Findlay (1981), 122 DLR (3d) 377 (CACB), Cooper c Tsartlip Indian Band (1996), 199 NR 126, [1997] 1 CNLR 45 (CAF) [Cooper], et Penticton Indian Band v Jack, 2015 BCCA 337, on affirme souvent que de tels droits n’ont aucune valeur. Dans la décision Sayers c Première nation de Batchewana, 2013 CF 825, aux paragraphes 25 et 26, le juge Donald Rennie, alors membre de notre Cour, a suggéré qu’il s’agissait d’intérêts, mais non de droits. L’adoption de la Loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux, LC 2013, c 20, pourrait avoir changé la donne. La définition de « droit ou intérêt » qui figure à l’article 2 de cette loi n’est pas limitée aux certificats de possession. De la même manière, le paragraphe 16(4) de la Loi sur la gestion des terres des premières nations, LC 1999, c 24, prévoit une certaine forme de reconnaissance des « droits ou des intérêts […] qui découlent […] de la coutume de la première nation ». À titre d’exemple, dans l’affaire Crowchild, aux paragraphes 32 à 34, le juge Pentney a reconnu que même en l’absence de certificat de possession, un membre de la Première Nation concernée pouvait détenir un intérêt suffisant pour déclencher l’application des règles de l’équité procédurale. En l’absence de preuve détaillée à ce sujet et étant donné la manière dont l’affaire m’est présentée, il n’est pas nécessaire que je me prononce quant à la nature de tels droits et aux modalités de leur reconnaissance éventuelle.

[22] Cependant, ce qui est fermement établi est que l’on ne saurait se fonder sur l’usage ou la simple occupation d’une terre de réserve afin de réclamer un certificat de possession. Un droit « coutumier » ne peut se transmuter en possession visée par l’article 20 de la Loi. Par exemple, dans l’arrêt Cooper, au paragraphe 11, la Cour d’appel fédérale affirme que : « Il est possible qu’un membre de la bande acquière un droit de possession et d’usage exclusifs sur certaines parcelles des terres de la réserve, mais cette acquisition est strictement régie par la Loi sur les Indiens. » Voir aussi Lower Nicola Indian Band c Trans-Canada Displays Ltd, 2000 BCSC 1209, aux paragraphes 151 à 155 et 162; MacMillan, aux paragraphes 35, 36 et 47; Paul c Cooper, 2009 BCSC 515, aux paragraphes 41 à 44; Bradfield c Canada (Affaires autochtones et Nord), 2018 CF 682, aux paragraphes 44 et 45; Pelletier c Delorme, 2019 CF 1487, au paragraphe 119.

[23] En d’autres termes, il y a une nette distinction entre le régime des certificats de possession, prévu aux articles 20 à 27 de la Loi, et celui des droits ou intérêts conférés par une Première Nation selon ses propres règles de droit, auxquels on réfère parfois comme étant des « droits coutumiers » ou des « droits d’usage ». Le maintien de cette distinction maximise l’autonomie des Premières Nations en ce qui a trait à la gestion de leur territoire.

B. La nature du droit attribué à Mme Copeau

[24] La preuve au dossier ne démontre pas que le Conseil a eu l’intention de recommander au ministre l’octroi d’un certificat de possession en faveur de Mme Copeau. Au contraire, tout indique que le Conseil a voulu attribuer un droit d’usage qui ne relève pas de la Loi, mais plutôt de son propre droit ou de sa propre coutume.

[25] En effet, même si certaines terres de la communauté de Pessamit font l’objet d’un certificat de possession, de tels certificats sont rares et ont tous été attribués il y a plusieurs décennies. Les témoins s’entendent pour dire que la politique du Conseil, depuis au moins les années 1980, est de ne pas consentir à l’émission de tels certificats, afin de favoriser la gestion collective du territoire. En particulier, M. Jean-Marie Vollant, qui était secrétaire-greffier du Conseil en 2007 et qui a souscrit un affidavit en faveur de Mme Copeau, a affirmé qu’aucun certificat de possession n’avait été émis pendant qu’il occupait cette fonction, entre 2003 et 2016. En contre-interrogatoire, M. René Simon, qui était alors chef, a affirmé que cette politique se justifiait par la pensée autochtone collectiviste.

[26] Quelle est alors la nature du droit conféré aux membres de la Nation innue de Pessamit qui souhaitent obtenir un terrain afin de se construire une maison? Dans son affidavit, M. Jean-Claude Vollant, directeur général du Conseil, affirme que cette attribution « n’est qu’un droit d’usage du lot à des fins résidentielles, le Conseil étant toujours détenteur du lot en question ». En contre-interrogatoire, M. Jean-Marie Vollant a confirmé qu’il s’agit d’un droit d’usage :

Q- […] Euh … donc, on peut construire sur ce lot-là une résidence; c’est exact?

R- Oui, oui, oui.

Q- C’est ça?

R- C’est une résidence.

Q- Mais par contre, le ... le Conseil demeure toujours propriétaire du … du fond ou du terrain?

R- Du fond de terre.

Q- Du terrain ou du fond, O.K., parfait. En fait, c’est un droit d’usage qu’on donne ...

R- C’est ça, exactement.

Q- O.K., très bien.

R- S’il y a du pétrole, il n’a pas droit à ça.

Q- Ou une mine en dessous, on ne sait pas.

R- Oui, c’est ça.

[27] Examinons maintenant les documents invoqués par Mme Copeau au soutien de ses prétentions. Mme Copeau n’a pas produit la résolution du Conseil qui lui octroie un droit sur le terrain en cause. Pour des motifs inexpliqués, le Conseil ne possède plus de copie de cette résolution. Néanmoins, Mme Copeau a produit une lettre que M. Jean-Marie Vollant lui a adressée, ainsi qu’à M. Picard, le 18 avril 2007. Les extraits pertinents de cette lettre se lisent comme suit :

Le Conseil des Innus de Pessamit vous a accordé le lot R-482, lors de la réunion du 16 avril 2007. […]

Cette attribution de terrain pour vous construire une maison est assortie de trois conditions. Le terrain vous est accordé pour une construction résidentielle seulement et non à d’autres fins. Vous avez douze (12) mois pour exécuter la construction ou d’entreprendre les démarches pour réaliser votre projet. Il s’agira d’informer le secteur de l’habitation et les services publics de l’état de votre projet avant la fin de la période de douze mois. Advenant le cas où le délai n’est pas respecté pour l’une ou l’autre des démarches, le terrain reviendra au Conseil.

[28] Rien dans cette lettre ne témoigne d’une intention de consentir à l’émission d’un certificat de possession en faveur de Mme Copeau. Si le Conseil avait voulu déroger à sa politique bien établie, la lettre aurait été beaucoup plus explicite. De toute manière, les restrictions dont l’octroi est assorti sont incompatibles avec la nature des droits conférés par un certificat de possession. La possession, selon l’article 20 de la Loi, n’est pas limitée à un usage particulier et n’est pas conditionnelle à l’accomplissement de travaux dans un délai déterminé.

[29] Mme Copeau invoque également un extrait du procès-verbal d’une réunion du Conseil tenue le 31 mai 2007. Lors de cette réunion, le Conseil a décidé d’accorder une subvention à Mme Copeau en vue de la construction de sa résidence. Le texte de cette résolution n’apporte aucun éclairage additionnel quant à la nature des droits qui lui ont été attribués. Le texte du préambule affirme simplement que « [l]e Conseil a octroyé à Ursula Copeau le lot R-482 ».

[30] À ce propos, l’emploi de verbes comme « accordé » ou « octroyé » ne signifie pas que Mme Copeau est titulaire d’un droit de possession visé à l’article 20 de la Loi. Ces termes sont compatibles avec l’octroi d’un droit d’usage qui n’est pas régi par la Loi.

[31] Bref, la preuve démontre que le Conseil n’a jamais voulu attribuer à Mme Copeau autre chose qu’un droit d’usage, selon ses propres politiques ou sa propre coutume. Le fait que cette coutume ou ces politiques ne soient pas écrites n’y change rien. Tant le Conseil que le ministère étaient donc justifiés à rejeter les demandes de Mme Copeau visant à l’émission d’un certificat de possession.

C. Autres questions

[32] Bien que Mme Copeau n’ait pas insisté sur cette question à l’audience, elle réclame, dans son mémoire, une ordonnance confirmant que le lot R-482 lui a été attribué en 2007. Il s’agit là, si je comprends bien, d’une demande de jugement déclaratoire. Deux motifs m’amènent à ne pas trancher cette question.

[33] D’une part, un jugement déclarant l’état des choses en 2007 est de peu d’utilité aujourd’hui. La véritable question est de savoir qui détient actuellement des droits sur le terrain en cause. Or, ces droits ont pu faire l’objet d’ententes entre M. Picard et Mme Copeau durant leur vie commune ou lors de leur séparation. Mme Copeau y a d’ailleurs fait allusion durant son contre-interrogatoire.

[34] D’autre part, un tel jugement affecterait inévitablement les droits de la succession de M. Picard, qui n’est pas partie à la présente instance. Il serait injuste que je tranche la question sans que la succession ait eu l’occasion de faire valoir ses prétentions. De plus, et bien que cette question n’ait pas été débattue, il est loin d’être certain qu’un différend entre Mme Copeau et la succession de M. Picard relève de la compétence de la Cour fédérale.

III. Conclusion

[35] Puisque Mme Copeau n’a pas démontré que le Conseil lui avait attribué un certificat de possession, son recours doit échouer. Sa demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

[36] La règle générale veut que la partie perdante paie les dépens de la partie gagnante. Je ne vois aucune raison de m’écarter de cette règle en l’espèce. Dans les circonstances, j’estime qu’une somme de 1000 $, payable à chacun des défendeurs, constitue un montant adéquat.

 


JUGEMENT dans le dossier T-2139-18

LA COUR STATUE que :

1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2. La demanderesse est condamnée à payer la somme de 1000 $ à chacun des défendeurs à titre de dépens, incluant les taxes et les débours.

« Sébastien Grammond »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

T-2139-18

INTITULÉ :

URSULA COPEAU c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET LE CONSEIL DES INNUS DE PESSAMIT

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE OTTAWA (ONTARIO) ET Québec (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 29 MARS 2021

JUGEMENT ET MOTIFS:

LE JUGE GRAMMOND

DATE DES MOTIFS :

LE 21 avril 2021

COMPARUTIONS :

Benoît Denis

Pour la demanderesse

 

Mélyne Félix

Pour le défendeur

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

Marie-Christine Gagnon

Pour le défendeur

LE CONSEIL DES INNUS DE PESSAMIT

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Neashish & Champoux s.e.n.c.

Wendake (Québec)

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

Marie-Christine Gagnon

Kahnawake (Québec)

Pour le défendeur

LE CONSEIL DES INNUS DE PESSAMIT

 

 

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