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Date : 20210416


Dossier : T‑816‑19

Référence : 2021 CF 327

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 16 avril 2021

En présence de monsieur le juge Pamel

ENTRE :

HESAMEDDIN ABBASPOUR TAZEHKAND

demandeur

et

BANQUE DU CANADA

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I. APERÇU

[1] Le demandeur, M. Hesameddin Abbaspour Tazehkand [M. Tazehkand], a déposé une requête par écrit [la requête en réexamen] en vertu des articles 369 et 397 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles], demandant que je réexamine mon ordonnance du 26 février 2021 [l’ordonnance] autorisant la défenderesse, la Banque du Canada [la Banque], à déposer une demande de bref de saisie‑exécution [la requête pour la délivrance d’un bref de saisie‑exécution] de biens appartenant à M. Tazehkand, à titre de paiement des dépens accordés en faveur de la Banque dans une décision de la Cour datée du 30 décembre 2020.

[2] La requête en réexamen comprend une demande portant que la Cour proroge le délai de dépôt et de signification.

[3] Après le dépôt du dossier de requête de la Banque, en réponse à la requête en réexamen, et de la réplique de M. Tazehkand, celui‑ci a signifié et déposé une deuxième requête demandant l’autorisation de déposer un affidavit en réplique [la requête en autorisation].

[4] Pour les motifs qui suivent, j’accueillerai en partie la requête en réexamen et rejetterai purement et simplement la requête en autorisation.

II. FAITS ET ANALYSE

[5] Le 30 décembre 2020, le juge Brown de la Cour a rejeté la demande de contrôle judiciaire de M. Tazehkand [le jugement] d’une décision de la Commission canadienne des droits de la personne qui avait rejeté la plainte de M. Tazehkand, lequel reprochait à la Banque d’avoir commis un acte discriminatoire, fondé sur sa race, ou sur son origine nationale ou ethnique, en refusant de le convoquer en entrevue. Le jugement comprenait le versement de dépens de 2 500 $, tout compris, à la Banque [les dépens adjugés].

[6] Le 7 janvier 2021, la Banque, par l’entremise de ses avocats, a envoyé une lettre par courriel à M. Tazehkand, demandant le paiement des dépens adjugés le 29 janvier 2021 au plus tard. N’ayant reçu aucune réponse de M. Tazehkand, la Banque a de nouveau envoyé un courriel à M. Tazehkand le 18 janvier 2021, lui demandant de confirmer la réception de son courriel antérieur du 7 janvier 2021 et d’indiquer quand la Banque pourrait s’attendre à recevoir le paiement des dépens adjugés.

[7] Le 19 janvier 2021, M. Tazehkand a confirmé la réception des courriels envoyés au nom de la Banque, et a indiqué que, [traduction] « [s]elon le greffe, je dispose de 30 jours, le 8 janvier étant le premier jour, plutôt que le 31 décembre. Je vous informerai avant la fin de cette période (fin des heures de bureau le lundi 8 février) au sujet de cette question ».

[8] N’ayant pas reçu une réponse satisfaisante, la Banque a envoyé, le 1er février 2021, un courriel à M. Tazehkand, joignant une proposition de requête en exécution forcée du paiement des dépens adjugés et l’avisant qu’elle avait l’intention de déposer la requête si elle ne recevait pas de M. Tazehkand le paiement des dépens adjugés avant le 3 février 2021.

[9] N’ayant reçu aucune réponse, le 5 février 2021, la Banque a signifié et déposé à la Cour la requête pour la délivrance d’un bref de saisie‑exécution. M. Tazehkand a confirmé sa réception le 8 février 2021.

[10] J’ai été saisi de l’examen de l’affaire. Ayant pris note du courriel de M. Tazehkand daté du 19 janvier 2021, j’ai demandé au greffe de communiquer avec les avocats de la Banque pour savoir si M. Tazehkand avait fait un suivi auprès d’eux après le 8 février 2021. Le 26 février 2021, les avocats de la Banque ont répondu que, à part le fait que M. Tazehkand avait confirmé la réception de l’avis de requête le 8 février 2021, ils [traduction] « n’av[aient] reçu aucune réponse substantielle à [leur] demande de paiement des dépens adjugés […] ».

[11] Le 26 février 2021, j’ai rendu l’ordonnance.

[12] Ce même après‑midi, le greffe a reçu un document intitulé [traduction] « Prétentions du demandeur », dans lequel M. Tazehkand renvoyait à l’ordonnance rendue [traduction] « plus tôt aujourd’hui » et me demandait de réexaminer mon ordonnance, au motif qu’il avait déposé un avis d’appel du jugement le 8 février 2021 et qu’il n’avait pas jugé nécessaire de répondre par écrit à la requête pour la délivrance d’un bref de saisie‑exécution, puisqu’il [traduction] « avai[t] pris pour acquis qu’il y aurait une audience », et qu’il [traduction] « prévoyai[t] demander à la Cour de rejeter la requête lors de cette audience, au motif de l’appel en cours ».

[13] En toute équité, M. Tazehkand est un plaideur qui agit pour son propre compte et qui ne connaît peut‑être pas autant les Règles; de toute évidence, il a également assumé à tort qu’un appel sans ordonnance de sursis du jugement suspendait son obligation de payer les dépens adjugés.

[14] Il ne semble pas non plus que M. Tazehkand ait signifié l’avis d’appel à la Banque au moment de son dépôt, ayant réalisé qu’il avait 10 jours pour le faire, aux termes du paragraphe 339(1) des Règles. Comme il a été mentionné, M. Tazehkand n’a pas demandé la suspension du jugement.

[15] Le 8 mars 2021, M. Tazehkand a tenté de déposer une requête en réexamen de l’ordonnance, mais celle‑ci a été rejetée par le greffe pour des motifs de non‑conformité avec les Règles. À ce moment‑là, M. Tazehkand était en droit de le faire, car le délai prévu au paragraphe 397(1) des Règles n’avait pas expiré.

[16] Le 11 mars 2021, après avoir rectifié les parties non conformes de sa requête et bien qu’il ait alors dépassé le délai prévu au paragraphe 397(1) des Règles, M. Tazehkand a déposé la présente requête en réexamen dans laquelle il sollicite : (1) une prorogation du délai pour déposer la requête; (2) le réexamen de l’ordonnance; (3) le rejet de la requête de la Banque pour la délivrance d’un bref de saisie‑exécution, aux motifs que :

  • a) le jugement était daté du 30 décembre 2020, tandis que l’ordonnance indiquait que le calcul des intérêts commencerait à compter du 20 décembre 2020;

  • b) la requête pour la délivrance d’un bref de saisie‑exécution était prématurée, puisqu’elle avait été déposée avant l’expiration du délai autorisé pour le dépôt d’un appel du jugement, qu’un avis d’appel avait été déposé et qu’aux termes de l’article 339 des Règles, M. Tazehkand disposait de 10 jours pour signifier l’avis d’appel;

  • c) le 19 janvier 2021, en réponse à la demande des avocats de la Banque concernant le moment où M. Tazehkand s’attendait à payer les dépens adjugés, il a indiqué qu’il le ferait d’ici la fin de la journée du 8 février 2021;

  • d) l’avis d’appel du jugement a été déposé le 8 février 2021;

  • e) l’ordre d’urgence de « rester à la maison » visant l’ensemble de la province était en vigueur.

[17] Le 22 mars 2021, la Banque a déposé son dossier de réponse. En plus d’énoncer les faits, la Banque fait valoir que la demande de M. Tazehkand visant à proroger le délai prévu pour déposer sa requête en réexamen devrait être rejetée et, subsidiairement, que la requête devrait être rejetée, principalement parce que les critères énoncés à l’article 397 des Règles n’ont pas été satisfaits.

[18] Le 25 mars 2021, M. Tazehkand a déposé deux autres actes de procédure. Il a d’abord déposé sa réplique aux documents de réponse de la Banque. M. Tazehkand a également déposé la requête en autorisation. La Banque a déposé son dossier de réponse à la requête en autorisation.

[19] Dans sa réplique, M. Tazehkand fait valoir que le délai prévu pour le paiement d’une dette résultant d’un jugement, les dépens adjugés en l’espèce, est assujetti au paragraphe 27(2) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, qui prévoit que les appels doivent être interjetés dans les 30 jours suivant la délivrance de l’ordonnance dont appel est interjeté, et au paragraphe 339(1) des Règles, qui prévoit que l’avis d’appel doit être signifié dans les 10 jours suivant la délivrance. M. Tazehkand n’a fourni aucune jurisprudence à l’appui de son affirmation, mais il fait valoir qu’il serait injuste d’autoriser l’exécution d’un jugement avant l’expiration des délais d’appel.

[20] Comme je l’ai déjà indiqué, M. Tazehkand semble croire à tort que l’ordonnance, en particulier l’obligation de payer les dépens adjugés, est en quelque sorte suspendue pendant la période d’appel. C’est peut‑être le cas dans certaines provinces, mais ce n’est pas le cas devant la Cour (Almecon Industries Ltd c Anchortek Ltd, 2003 CFPI 127 aux para 7‑9).

[21] M. Tazehkand fait également valoir que la Banque a fait une fausse déclaration quant aux faits, en particulier qu’il n’a pas répondu aux courriels de la Banque qui insistaient sur le paiement. Toutefois, la question de savoir si M. Tazehkand a suffisamment abordé la question du paiement des dépens adjugés dans ses échanges avec la Banque n’a aucune incidence. Il reste que les dépens adjugés doivent être payés même pendant la période d’appel du jugement, et malgré tout appel. Quoi qu’il en soit, ces échanges semblaient être fondés, de la part de M. Tazehkand, sur une hypothèse inappropriée concernant l’obligation de payer immédiatement les dépens adjugés.

[22] En ce qui concerne la requête en autorisation, M. Tazehkand ne m’a pas convaincu qu’un tel redressement exceptionnel serait justifié. Toute présumée fausse déclaration des faits par la Banque semble se rapporter à la façon dont la Banque a décrit les échanges avec M. Tazehkand. Comme je l’ai déclaré plus tôt, les questions de savoir comment et dans quelle mesure M. Tazehkand a répondu à la demande de la Banque pour le paiement des dépens adjugés n’ont aucune incidence sur le bien‑fondé de la requête en réexamen de M. Tazehkand. Il n’existe pas, en l’espèce, de « circonstances inhabituelles, où des considérations d’équité procédurale et le besoin de rendre une décision appropriée […] exigent » qu’un affidavit en réplique soit déposé (Black & White Merchandising Co Ltd c Deltrans International Shipping Corporation, 2019 CF 379 au para 28; Amgen Canada Inc c Apotex Inc, 2016 CAF 121).

[23] Bref, et à part pour souligner l’erreur de transcription dans la date à partir de laquelle les intérêts devaient courir (paragraphe 397(2) des Règles), M. Tazehkand n’a soulevé aucun argument pour laisser entendre que l’ordonnance ne concorde pas avec les motifs donnés, ou qu’une question qui aurait dû être traitée a été oubliée ou omise; une requête en réexamen n’est pas censée constituer un appel (Taker c Canada (Procureur général), 2012 CAF 83).

III. CONCLUSION

[24] En ce qui concerne la demande de M. Tazehkand visant à proroger le délai prévu pour déposer sa requête en réexamen, étant donné que sa première tentative infructueuse a été faite dans le délai prévu et qu’il est un plaideur qui agit pour son propre compte, j’exercerai mon pouvoir discrétionnaire en accueillant cette partie de sa requête. Je conclus que sa requête était également nécessaire pour corriger l’erreur de transcription dans mon ordonnance, bien que l’argument principal de M. Tazehkand, qui demandait le rejet de la requête de la Banque pour la délivrance d’un bref de saisie‑exécution, ne m’ait pas convaincu.

[25] En ce qui concerne la requête en autorisation de M. Tazehkand, elle sera rejetée.

[26] En ce qui concerne les dépens des deux requêtes dont je suis saisi, la requête en réexamen était utile dans la mesure où elle a souligné la nécessité de corriger l’erreur de transcription dans l’ordonnance. Toutefois, cette question aurait peut‑être pu être tranchée de façon beaucoup plus simple, et très probablement avec le consentement de la Banque. Le fait que M. Tazehkand ait soulevé, à tort, la question du caractère prématuré de la requête pour la délivrance d’un bref de saisie‑exécution et du fait qu’elle devrait être rejetée a obligé les avocats de la Banque à consacrer plus de temps que nécessaire à répondre à cet aspect de la requête de M. Tazehkand, qui a finalement échoué. Toutefois, je fais également remarquer que l’aspect plus détaillé de la réponse de la Banque concernait la contestation de la demande M. Tazehkand visant à proroger le délai prévu pour déposer sa requête en réexamen, un aspect à l’égard duquel M. Tazehkand a finalement eu gain de cause.

[27] La Banque a demandé des dépens de 1 500 $ à l’égard de la requête en réexamen. Étant donné que le principal aspect de ce que M. Tazehkand tentait de faire était d’annuler la requête de la Banque pour la délivrance d’un bref de saisie‑exécution — qui a finalement échoué —, je conclus qu’il faudrait accorder des dépens à la Banque, puisqu’elle a eu gain de cause à l’égard de cet aspect de la requête en question. J’accorderai à la Banque des dépens de 500 $.

[28] En ce qui concerne la requête en autorisation, la Banque a demandé des dépens de 500 $, et je ne vois aucune raison de ne pas lui accorder les dépens demandés, étant donné que la requête sera rejetée purement et simplement.

 


JUGEMENT dans le dossier T‑816‑19

LA COUR STATUE :

  1. En ce qui concerne la requête en réexamen :

  • a) la requête en réexamen du demandeur est accueillie en partie;

  • b) le délai pour la signification et le dépôt de la requête en réexamen du demandeur est prorogé jusqu’à la date où elle a été effectivement déposée auprès du greffe de la Cour;

  • c) l’ordonnance du 26 février 2021 est par les présentes modifiée, de façon à prévoir, à l’alinéa 2a) de l’ordonnance dispositive, que les intérêts après jugement doivent être calculés à partir du 30 décembre 2020, plutôt qu’à partir du 20 décembre 2020. Autrement, l’ordonnance demeure inchangée;

  • d) le demandeur paiera à la défenderesse des dépens de 500 $.

  1. En ce qui concerne la requête en autorisation visant à déposer un affidavit en réplique :

  • a) la requête est rejetée, avec des dépens de 500 $ payables par le demandeur à la défenderesse.

« Peter G. Pamel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑816‑19

 

INTITULÉ :

HESAMEDDIN ABBASPOUR TAZEHKAND c BANQUE DU CANADA

REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO), CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PAMEL

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

LE 16 AVRIL 2021

 

COMPARUTIONS :

Hesameddin Abbaspour Tazehkand

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Larissa Volinets Schieven

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Emond Harnden LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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