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     Date : 19991104

     Dossier : IMM-6024-98


ENTRE :

     VIRGILLIA BURDZIAK

     demanderesse

     - et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE SHARLOW


[1]      La demanderesse Virgillia Burdziak a demandé la résidence permanente au Canada à titre d'entrepreneur. Elle a été convoquée en entrevue par une agente des visas à Bonn le 15 octobre 1998. L'agente des visas a rejeté sa demande pour des motifs énoncés dans une lettre datée du 23 octobre 1998. Mme Burdziak demande le contrôle judiciaire de cette décision.

Requête préliminaire - Dépôt tardif de l'affidavit de l'agent des visas

[2]      La présente demande a été intentée le 24 novembre 1998. Le dossier déposé au nom de Mme Burdziak le 22 mars 1999 renferme son affidavit et un certain nombre de pièces jointes. L'avocat du ministre n'a pas contre-interrogé Mme Burdziak au sujet de son affidavit. Aucun affidavit ni dossier n'a été déposé au nom du ministre dans le délai prescrit par les Règles.

[3]      L'avocat du ministre a demandé le 28 octobre 1999, soit une semaine avant la date prévue pour l'audition de la présente demande, l'autorisation de faire proroger le délai pour signifier et déposer un affidavit de l'agente des visas ainsi qu'un mémoire des faits et du droit. Avec une franchise admirable, il a reconnu que c'est à cause d'un oubli de sa part que ces documents n'ont pas été déposés. Toutefois, il a fait valoir que Mme Burdziak ne subira aucun préjudice du fait du dépôt tardif de l'affidavit de l'agente des visas si l'audience est ajournée pour permettre le contre-interrogatoire de l'agente des visas.

[4]      L'avocat de Mme Burdziak a consenti au dépôt tardif d'un mémoire des faits et du droit, et j'ai autorisé ce dépôt. Toutefois, il s'est opposé au dépôt de l'affidavit de l'agente des visas. Il a fait valoir que plusieurs mesures ont été prises dans cette affaire depuis qu'elle a été intentée il y a près d'un an, et que ces mesures auraient dû attirer l'attention de l'avocat du ministre sur ce dossier. Il prétend qu'il est injuste à cette étape de mettre Mme Burdziak devant le choix de renoncer au contre-interrogatoire de l'agente des visas au sujet de son affidavit ou de retarder le règlement de sa demande.

[5]      Je suis d'accord avec les observations de l'avocat de Mme Burdziak sur ce point. Je ne suis pas convaincue que l'omission de l'avocat du ministre de déposer les documents à l'intérieur du délai permis par les Règles puisse se justifier d'une quelconque façon. Pour cette raison, je n'ai pas autorisé l'avocat du ministre à déposer l'affidavit de l'agente des visas.


Examen de la décision de l'agente des visas

[6]      Mme Burdziak est citoyenne allemande, au même titre que son mari. Ils vivent en Belgique et ils souhaitent tous deux venir s'installer au Canada. M. Burdziak était professeur, mais il est maintenant à la retraite, bien qu'il n'ait pas encore 60 ans. Son revenu de retraite est d'environ 4 000 $ par mois.

[7]      Mme Burdziak ne travaillait pas au moment de sa demande en 1997, ni au moment de son entrevue. Sa principale expérience de travail a été le poste de directrice bénévole d'une division de la boutique du Tiers monde (Weltladen) en Belgique qu'elle a occupé pendant près de dix ans.

[8]      La boutique du Tiers monde est apparemment un organisme caritatif qui vend des articles fabriqués par des coopératives du Tiers monde. Mme Burdziak et son mari ont ouvert ce magasin en 1985 et l'ont exploité pendant dix ans. Elle prétend avoir eu la responsabilité principale de la gestion quotidienne, y compris celle des achats, de la comptabilité et de la coordination des bénévoles. Elle affirme que son rôle dans la gestion de la boutique du Tiers monde l'occupait de 17 à 20 heures par semaine pendant cette période de dix ans, soit de 1985 à 1995. Elle s'appuie en partie sur son expérience acquise à la boutique du Tiers monde comme preuve de sa capacité et de son intention d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou d'y investir une somme importante.

[9]      Mme Burdziak s'appuie également sur la preuve selon laquelle son mari et elle-même ont des moyens suffisants pour investir jusqu'à concurrence de 100 000 $ dans une entreprise canadienne. Dans la préparation de sa demande, son mari et elle-même ont participé à un séminaire donné par le ministère du Développement économique et du Commerce de l'Ontario, au cours duquel certains conseils lui ont été donnés sur la façon de présenter sa demande pour être admise au Canada à titre d'entrepreneur. En se fiant à ces avis, d'après ce qu'elle déclare, elle n'a pas essayé de préparer un plan d'affaires formel pour l'agente des visas, mais elle lui a plutôt présenté des éléments de preuve attestant qu'elle envisageait trois options différentes.

[10]      La première option, et celle qui a été le plus élaborée, était d'ouvrir une boutique où elle vendrait différents articles, notamment des chocolats et de l'artisanat. La deuxième option était d'acheter une franchise de nettoyage à sec. À cet égard, elle a indiqué dans les documents qu'elle a remis à l'agente des visas qu'elle avait eu des entretiens avec une personne au Canada qui avait certaines connaissances dans le domaine des franchises de nettoyage à sec et qui lui avait indiqué que le coût d'achat d'une franchise était dans ses moyens. La troisième idée était d'ouvrir un casse-croûte.

[11]      L'agente des visas a donné plusieurs raisons pour justifier son refus de la demande de Mme Burdziak. Elle a déclaré qu'elle n'était pas convaincue que l'expérience de travail de Mme Burdziak lui donnait la capacité de lancer une entreprise au Canada. Elle n'était pas non plus convaincue que Mme Burdziak avait l'intention requise, étant donné le caractère vague de ses plans et le manque de préparation sur certains détails précis, comme la connaissance du chiffre d'affaires auquel elle pouvait s'attendre si elle ouvrait une boutique. L'agente des visas a également conclu que Mme Burdziak n'avait pas établi que l'entreprise proposée se traduirait par un avantage important pour le Canada.

[12]      La décision d'un agent des visas concernant une demande de résidence permanente à titre d'entrepreneur est une décision discrétionnaire qui doit être prise en se fondant sur des critères réglementaires précis. La décision doit être maintenue si le pouvoir discrétionnaire prévu par la loi a été exercé de bonne foi, conformément aux principes de justice naturelle, et sans s'appuyer sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi : Maple Lodge Farms Limited c. Gouvernement du Canada et autres, [1982] 2 R.C.S. 2 ; To c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 696 (C.A.F.) (Q.L.).

[13]      Le principal argument soulevé par l'avocat de Mme Burdziak est que l'agente des visas est arrivée à l'entrevue avec une telle prédisposition négative à l'endroit de la demande de Mme Burdziak que cette attitude a injustement influencé son évaluation de la preuve et sa décision : Lun c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997) 41 Imm. L.R. 300 (C.F. 1re inst.). Essentiellement, l'argument fait valoir que l'agente des visas a manqué aux principes de justice naturelle.

[14]      L'avocat du ministre reconnaît que le dossier dénote de la part de l'agente des visas une attitude sceptique à l'égard de la capacité et de l'intention de Mme Burdziak de devenir un entrepreneur au Canada, mais il fait valoir que l'agente n'était pas sceptique au point d'avoir préjugé de l'affaire avant l'entrevue. Il reconnaît que l'agente des visas avait des doutes, fondés sur son examen des documents avant l'entrevue, quant à savoir si Mme Burdziak n'avait pas en fait l'intention de venir au Canada pour y prendre sa retraite, plutôt que pour établir ou acheter une entreprise au Canada ou y investir. Il prétend que ces doutes étaient valides, compte tenu de la situation de Mme Burdziak et de son mari. D'après les documents déposés, je suis disposée à croire que ces doutes étaient effectivement justifiés.

[15]      Toutefois, le dossier appuie l'argument de l'avocat de Mme Burdziak selon lequel les conclusions préliminaires de l'agente des visas l'ont amenée à ignorer ou à mal interpréter la preuve. À cet égard, il y a au moins une erreur qui, à mon avis, est importante. Dans les motifs de sa décision, l'agente des visas a déclaré que Mme Burdziak n'avait fourni aucune preuve qu'elle était responsable de l'achat et de la sélection des stocks pour la boutique du Tiers monde. En fait, Mme Burdziak a fourni trois lettres qui prouvent expressément ce fait. Ces lettres étaient au dossier dont était saisi l'agente des visas.

[16]      L'avocat du ministre reconnaît cette erreur, mais il prétend qu'elle n'est pas importante, parce que la décision de l'agente des visas peut être justifiée en s'appuyant sur le reste du dossier. Je ne suis pas d'accord. L'omission d'examiner ces trois lettres me semble une raison importante du fait que l'agente des visas n'a pas tenu compte de l'expérience de Mme Burdziak à la boutique du Tiers monde relativement à sa capacité présumée d'établir et de gérer une entreprise. Il est futile de spéculer sur la question de savoir si l'évaluation de l'expérience de travail de Mme Burdziak par l'agente des visas aurait été différente si elle avait tenu compte de ces lettres.

[17]      Pour ces raisons, la décision de l'agente des visas est infirmée et la demande de résidence permanente est renvoyée pour nouvel examen par un autre agent des visas.

[18]      À l'audience, j'ai indiqué que je reporterais la délivrance d'une ordonnance en attendant de recevoir les observations concernant la possibilité de certifier une question. Le mémoire de l'avocat du ministre doit être signifié et déposé au plus tard le 8 novembre 1999. La réponse de l'avocat de Mme Burdziak doit être signifiée et délivrée au plus tard le 12 novembre 1999.

                                 " Karen R. Sharlow "

                            

                                     Juge

Toronto (Ontario)

le 4 novembre 1999



Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, LL. L.



COUR FÉDÉRALE DU CANADA


Avocats et procureurs inscrits au dossier


No DU GREFFE :                      IMM-6024-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :              VIRGILLIA BURDZIAK

                             - et -

                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
                             ET DE L'IMMIGRATION
DATE DE L'AUDIENCE :                  LE MARDI 2 NOVEMBRE 1999
LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE PAR :                  LE JUGE SHARLOW

DATE :                          LE JEUDI 4 NOVEMBRE 1999


ONT COMPARU :                      David B. Cranton

                                     Pour la demanderesse

                             David Tyndale

                                     Pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AUX DOSSIERS :      David B. Cranton

                             Avocat et procureur

                             2-2277, rue Queen est

                             Toronto (Ontario)

                             M4E 1G5

                                     Pour la demanderesse

                             Morris Rosenberg

                             Sous-procureur général du Canada

                                     Pour le défendeur

COUR FÉDÉRALE DU CANADA


     Date : 19991104

     Dossier : IMM-6024-98


Entre :


VIRGILLIA BURDZIAK

     demanderesse


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

     défendeur




     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


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