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Date : 20040317

Dossier : IMM-1770-02

Référence : 2004 CF 412

ENTRE :

                                                                HAO BING WEN

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

Résumé

[1]                Il s'agit d'un demandeur de résidence permanente au Canada à qui on a accordé un (1) point d'appréciation de moins que les soixante-cinq points requis pour son acceptation. Le demandeur cherche à contester l'appréciation de l'agent des visas en ce qui a trait aux points d'appréciation accordés relativement à la « personnalité » ainsi que l'omission par l'agent des visas d'avoir exercé son pouvoir discrétionnaire d'acceptation pour ajuster les points d'appréciation déjà accordés.


Historique

[2]                Dans sa demande de contrôle judiciaire, Hao Bing Wen (Wen), demande l'annulation de la décision datée du 8 mars 2002 du deuxième secrétaire (Immigration) de l'ambassade du Canada à Beijing (l'agent des visas) qui a rejeté sa demande de résidence permanente. Il demande également une ordonnance enjoignant au défendeur de traiter la demande de résidence permanente en vertu de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, ou de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, selon ce qui lui serait le plus favorable.

[3]                Wen est un citoyen de la République populaire de Chine. Il a demandé le statut de résident permanent dans la catégorie des demandeurs indépendants (parent aidé) en tant que cuisinier.

[4]                Le demandeur détient un certificat de [traduction] « second de cuisine chinoise » et travaille comme cuisinier dans un restaurant à Kaiping depuis 1985.

[5]                Il a reçu une offre de travailler dans un restaurant chinois reconnu et prospère dans la région de Hamilton, au salaire de 700 $ par semaine, logé et nourri.

[6]                Le 28 février 2002, Wen et son épouse se sont présentés à l'ambassade pour son entrevue. L'entrevue est résumée dans le Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI), soit dans les notes prises par l'agent des visas. Ces notes font partie du dossier de la Cour.

[7]                On a posé à Wen un certain nombre de questions relativement à la personnalité, y compris des questions concernant sa motivation, sa débrouillardise, son esprit d'initiative, sa capacité d'adaptation, les sources de renseignements disponibles sur la vie et le travail au Canada et sa capacité de s'établir avec succès au Canada.

[8]                L'agent des visas a avisé Wen que ses réponses aux questions concernant Toronto et le Canada et concernant les mesures qu'il prendrait pour s'établir avec succès étaient générales et non réalistes. L'agent des visas a dit que relativement à la « personnalité » , Wen s'était vu attribuer cinq (5) des dix (10) points d'appréciation qu'il lui était possible d'obtenir.

[9]                L'agent des visas a ensuite demandé à Wen de fournir plus de renseignements afin d'expliquer pourquoi il considérait que les points d'appréciation ne reflétaient pas adéquatement sa capacité de s'établir avec succès au Canada. Cet examen a été fait en réponse à la demande faite à l'agent des visas d'exercer son pouvoir discrétionnaire d'acceptation puisque le nombre de points d'appréciation accordés se rapprochait beaucoup du nombre minimum de points d'appréciation requis, soit de soixante cinq (65) points.


[10]            Wen n'a fourni aucun renseignement permettant à l'agent des visas de conclure qu'il devait exercer son pouvoir discrétionnaire d'acceptation parce qu'il n'existait aucun élément nouveau ou différent à examiner.

[11]            Peu après, le représentant en immigration de Wen a une fois de plus demandé par écrit l'exercice par l'agent des visas de son pouvoir discrétionnaire d'acceptation, mais sans fournir d'élément nouveau et sans démontrer que les points d'appréciation accordés ne reflétaient pas de manière juste la capacité de Wen et de ses personnes à charge de s'établir avec succès au Canada.

[12]            Par conséquent, le résultat de cinq (5) points d'appréciation obtenu par Wen pour la personnalité a été maintenu; l'attribution totale de soixante-quatre (64) points d'appréciation n'a pas été modifiée et sa demande a été rejetée.

[13]            Wen a demandé le contrôle judiciaire de la décision de l'agent des visas. Le demandeur conteste à la fois l'appréciation de l'agent des visas et son refus d'exercer son pouvoir discrétionnaire d'acceptation.


Analyse

[14]            La contestation par le demandeur de l'appréciation de l'agent des visas, totalisant soixante-quatre (64) points d'appréciation, est fondée sur un seul des neuf facteurs qu'un agent des visas doit considérer, soit la « personnalité » . En fait, le demandeur prétend que l'agent des visas a omis d'accorder six (6) points d'appréciation pour ce facteur et en a plutôt accordé cinq (5).

[15]            La position du demandeur se résume comme suit : l'agent des visas a correctement attribué les points d'appréciation pour huit (8) des neuf (9) facteurs, et il a correctement attribué les points d'appréciation pour le 9e facteur [traduction] « sauf » qu'il a omis d'attribuer un (1) point d'appréciation supplémentaire sur les dix (10) points d'appréciation possibles.

[16]            Avant d'examiner les erreurs reprochées à l'agent des visas, il est important de décider de la norme de contrôle applicable.

[17]            La Cour a déjà statué que les décisions discrétionnaires relatives au facteur de la personnalité sont soumises à la norme de contrôle de la décision manifestement déraisonnable, Kompanets c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 196 F.T.R. 61.

[18]            Le demandeur affirme que l'agent des visas a tenu compte de considérations non pertinentes, comme le coût de la vie pour une famille vivant à Toronto, le fait que le demandeur n'ait jamais eu à se chercher un emploi et les solutions de rechange qu'envisageait le demandeur ou les démarches qu'il entreprendrait s'il perdait son emploi.

[19]            Le demandeur dit que pour une personne habitant dans la région d'Hamilton, il n'est pas pertinent de s'arrêter au coût de la vie à Toronto; que le problème de la sécurité d'emploi ne devrait pas jouer contre lui; que la question de la perte d'emploi est sans importance étant donné que les cuisiniers chinois sont en grande demande.

[20]            Je ne puis conclure que ces questions n'ont aucune importance en ce qui a trait aux renseignements que possède Wen sur le coût de la vie au Canada (la question elle-même visait la région de Toronto), à sa compréhension du fait qu'une famille de trois (3) personnes vivant à Toronto avec un revenu de 15 000 $ éprouverait des difficultés, à son manque d'expérience dans la recherche d'un emploi ou à sa capacité de gérer la situation dans l'éventualité où il devait perdre son emploi.

[21]            Il existe un lien rationnel entre les questions posées et les critères à étudier. Il revient à l'agent des visas d'apprécier le poids de ces critères, et je ne puis conclure que ses gestes ou sa décision sont manifestement déraisonnables, Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 125.


[22]            Le demandeur prétend qu'en droit, l'agent des visas devrait permettre une application plus large du facteur de personnalité lorsqu'un demandeur a presque atteint les points d'appréciation requis (voir Maniruzzaman c.Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 612).

[23]            Je ne suis pas d'accord pour dire que l'arrêt Manirussaman, précité, soutient cet argument. Selon cet arrêt, un agent des visas commet une erreur lorsqu'il accorde trop d'importance à des facteurs pertinents mais non primordiaux. Ce n'est pas le cas ici. Hameed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 621, remet Maniruzzaman, précité, dans le contexte approprié et établit que la Cour doit s'assurer que l'agent des visas a tenu compte des facteurs pertinents et raisonnables et non que l'agent des visas penche dans une direction plutôt qu'une autre.

[24]            Il est important de tenir compte du fait que l'agent des visas a effectivement attribué cinq (5) points d'appréciation sur dix (10) à Wen. Je ne puis conclure qu'un résultat moyen est manifestement déraisonnable.


[25]            Le demandeur prétend de plus que l'agent des visas ne s'est arrêté aux questions du pouvoir discrétionnaire d'acceptation que pour la forme. Le contenu du dossier n'appuie pas cet argument. Les notes du STIDI, à la page 118 du dossier du demandeur, montrent que l'agent des visas a bien tenu compte de cette question ainsi que des prétentions de Wen :

[traduction] Montré examen de l'évaluation STIDI. Expliqué tous les points d'appréciation. Dit que les points d'appréciation insuffisants. Dit que satisfait que capacité de s'établir avec succès au Canada bien reflétée. Dit que son agent avait requis que sa demande soit étudiée pour l'exercice du pouvoir discrétionnaire d'acceptation. J'ai requis que le DRP fournisse des renseignements additionnels. Pour que je les étudie; j'ai demandé qu'il décrive pourquoi il considère que les points d'appréciation ne reflètent pas adéquatement sa capacité de s'établir avec succès au Canada.

Il dit : j'ai un emploi au Canada. J'étudie l'anglais.

J'ai dit qu'on a déjà tenu compte de l'emploi réservé et que le DRP s'est vu attribuer les points d'appréciation sur la base de cet emploi et du fait qu'il avait un parent au Canada.

DRP : Je ne puis obtenir de points d'appréciation pour l'anglais, mais je travaille déjà fort sur cet aspect. Vous pouvez constater que je suis en train d'apprendre l'anglais. Vous voyez ces photos. DRP dit en anglais : je suis un cuisinier. Voici un pigeon. J'apprends l'anglais. Mon nom est Wen Hao Bing. J'apprends l'anglais. Par l'entremise de l'interprète : j'espère que vous approuverez ma demande. Ce plat, c'est de l'oie bouillie en...sauce.

J'ai dit que selon moi, cinq (5) points d'appréciation reflètent bien sa capacité de s'établir au Canada. J'ai dit ne pas être convaincu que l'exercice du pouvoir discrétionnaire d'acceptation s'impose dans son cas.

[26]            Le représentant en immigration de Wen a également demandé l'exercice du pouvoir discrétionnaire d'acceptation mais n'a pas fourni de renseignements pouvant être utiles sur cette question.

[27]            L'exercice par l'agent des visas de son pouvoir discrétionnaire d'acceptation n'est pas illimité et n'a pas pour objet de passer outre au calcul des points d'appréciation sur la base d'une quelconque évaluation subjective de l'ensemble des résultats de l'appréciation.

[28]            Pour que ce pouvoir soit exercé, il faut vraiment conclure à l'existence d'un problème qui démontre que les points d'appréciation attribués ne reflètent pas la capacité de la personne de s'établir avec succès au Canada.

[29]            Le paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 énonce, en partie :


L'agent des visas peut

a) délivrer un visa d'immigrant à un immigrant qui n'obtient pas le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10 ou qui ne satisfait pas aux exigences des paragraphes (1) ou (2), ou

A visa officer may

(a) issue an immigrant visa to an immigrant who is not awarded the number of units of assessment required by section 9 or 10 or who does not meet the requirements of subsection (1) or (2), or

b) refuser un visa d'immigrant à un immigrant qui obtient le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10,

(b) refuse to issue an immigrant visa to an immigrant who is awarded the number of units of assessment required by section 9 or 10,

s'il est d'avis qu'il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa charge de réussir leur installation au Canada et que ces raisons ont été soumises par écrit à un agent d'immigration supérieur et ont reçu l'approbation de ce dernier.

if, in his opinion, there are good reasons why the number of units of assessment awarded do not reflect the chances of the particular immigrant and his dependants of becoming successfully established in Canada and those reasons have been submitted in writing to, and approved by, a senior immigration officer.


[30]            Ni Wen ni son représentant n'ont pu fournir à l'agent des visas ces « bonnes raisons de croire [...] » .


[31]            Il s'agit toujours d'une question délicate lorsqu'une personne n'obtient pas, de justesse, la note de passage exigée; que ce soit une note à l'école ou un point d'appréciation dans un dossier d'immigration. Des personnes raisonnables peuvent ne pas s'entendre sur la note ou sur le point à accorder. Toutefois, à moins qu'un agent des visas n'ait agi d'une manière manifestement déraisonnable, il n'appartient pas à la Cour de substituer ses opinions à celle de l'agent des visas, que le législateur a investi de la responsabilité d'apprécier les demandeurs.

[32]            L'agent des visas n'a pas agi d'une manière manifestement déraisonnable en n'exerçant pas son pouvoir discrétionnaire d'acceptation.

[33]            Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[34]            Avant qu'une ordonnance ne soit rendue, les parties disposeront de sept (7) jours à partir de la date des présents motifs pour déposer des observations relativement à la certification d'une question.

                                                                           « Michael L. Phelan »          

                                                                                                     Juge                       

Toronto (Ontario)

Le 17 mars 2004

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                       IMM-1770-02

INTITULÉ :                      HAO BING WEN

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                           

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 26 FÉVRIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :             LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :     LE 17 MARS 2004

COMPARUTIONS :

Randolph K. Hahn               POUR LE DEMANDEUR

Jeremiah A. Eastman           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Guberman, Garson              POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)                                             

Morris Rosenberg                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)                                             


             COUR FÉDÉRALE

                             

Date : 20040317

Dossier : IMM-1770-02

ENTRE :

HAO BING WEN

                                                           

                                          demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                           défendeur

                                                                                    

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                               


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